C'est dans tes bras que je me réveille, frigorifié. Je cherche ta peau du bout de mes lèvres avant de rouler sur le côté, retournant à ma place. La couette est complètement vrillée autour de nous, nous emmêlant. Mon téléphone m'indique que la matinée a déjà commencé et je m'en veux de paresser au lit alors que nous sommes en pleine semaine.
Je m'assois sur le matelas, m'appuyant au mur. Mes mains viennent frictionner vigoureusement le visage, me mettant une bonne gifle mentale pour me réveiller plus vite. Et je sais que je dois pas le faire, mais je peux pas résister. J'ouvre le tiroir de la table de chevet et je m'en grille une. Une cigarette industrielle qui me défonce les poumons. J'essaye de pas excéder deux par jour, dans les moments où je me sens comme une merde notamment. Là, c'est juste de la faiblesse, je le sais. A cette pensée, la première latte me fait du bien, la deuxième me fait gerber. J'éteins cette sèche à moitié entamée et je la remet précieusement dans le paquet. J'ai arrêté la drogue et je me suis mis aux clopes. J'peux pas être totalement parfait, mais je fais des efforts.
Ma punition sera de m'éloigner de toi le temps que je ne sente plus le tabac. De ne pas t'embrasser avec cette haleine putride de cendrier cané.
Je me jette dans le canapé avec mon café, la lumière matinale inondant la pièce. Ca me fait un bien fou et je me rendormirai presque. Pour éviter ça, j'allume la télé au son quasi muet pour préserver ton sommeil Harp'. Ton sommeil que je respecte autant que toi.
Les nouvelles sont pas réjouissantes et je me rends compte que les habitants Humains, ou non, sont en colère. Dans la nuit, des barils ont été brûlés par des civils. Comme si ça arrangerait quoi que ce soit... tsss. Je comprends pas bien c't'affaire de puce, mais c'que j'en sais c'est qu'il vaut mieux pas trop s'emmêler. C'est vrai que, quelque part, je nous pense un peu intouchables avec toi H. mais je sais que nous ne le sommes pas. Nous avons fuit Londres et ses loup-garous pour nous retrouver au beau milieu des humains extrémistes. Quelle plaie !
Et j'veux tout sauf ça.
Aller motivé !
J'éteins le bordel, je siffle la fin du café et je me met un vieux short et un grand débardeur. A la fraîche !Un petit jogging matinal me fera le plus grand bien. J'oublie ni la bouteille d'eau, ni mon portable avec les écouteurs. Ca éliminera les deux lattes clopées de tout à l'heure et ça me fera commencer la journée sur une meilleure note. Par-fait.
Harper a loué... a acheté ? Je ne sais pas, bref ! Nous habitons sur Esplanade Avenue, juxtaposée à Bayou Road. Très typique Louisiane mais c'est un coin charmant. Très arboré, avec ombre sur la devanture et lumière sur l'extérieur. La résidence ne compte pas beaucoup d'appartement et par chance, nous sommes le dernier au troisième étage. Je m'étonne d'ailleurs du style architectural assez particuliers de ces lieux : on se croirait vraiment revenu à l'époque coloniale avec les voodoo et le Bayou ! Il y a des villes comme ça où j'ai l'impression que le temps s'est arrêté pour elles.
Pour mon footing, je remonte généralement jusqu'au musée de la Nouvelle-Orléans à City Park, pour redescendre. Ca me prends une heure environ et ça me décrasse bien.
D'ailleurs, cet énorme parc est magnifique et j'en apprécie l'esthétique en ce printemps timide mais présent. Je fais quelques étirements, pianote un peu sur mon portable, me balade dans les allées sinueuses. Je me rends compte que mon short est un peu petit. En ayant repris du poil de la bête, certains vêtements me vont dorénavant de justesse et celui-ci en fait partit. Le débardeur lui, baille aux corneilles. Heureusement que je ne suis pas pudique et que les autres non plus, sinon bonjour le malaise.
Désolé, je ne suis pas resté ce matin, j'avais besoin de sortir. A croire que je fais pas assez de sport ces derniers temps. Je me repose un peu et puis je rentre héhé...Je t'envoie mon message, associé à une photo de moi, pas sous mon meilleur jour, avec le musée en fond. Ouais, c'est sacrément joli. Et puis je met tout ça en silencieux, pour passer le reste de ma course dans le calme.
Pendant mon exploration des plantes du jardin extérieur, je me fais accoster par une femme. Un joli bout qui me paraît un peu perdue. Elle a un accent charmant et des yeux rieurs qui me font sourire. Elle me montre un plan de la ville, je lui indique des directions et elle me répond avec un ton plein de joie. Sentant quelque chose me piquer dans le bras, je me retourne vivement.
Je vois une espèce d'aiguille plantée sous ma peau. Attend... Quoi ? Ca arrive ça ?
Je lève les yeux et le visage du bonheur de l'inconnue est devenu celui du démon. Elle tire une langue beaucoup trop longue pour être humaine. Quand je jette un coup d'oeil aux alentours, pas grand monde, aucun témoin.
Mais j'ai pas le temps que je m'écroule dans ses bras sous l'effet de l'anesthésiant.
Je me réveille peut être un quart d'heure plus tard, pieds et poings liés. Autour de moi ça pleure, ça sanglote et ça marmonne. D'autres personnes saucissonnées. Où sommes nous... ? Une salle, un dépôt, une remise, mais quelque chose à ciel ouvert. Les murs sont hauts, la porte est solide et il y a un bourreau. Bien sûr que je vais me réveiller, évidemment ! Personne ne vit ça, c'est que dans des films d'action avec des acteurs de folie ! N'est ce pas ?
N'EST CE PAS ?
Je panique, je cherche de mes mains ce qu'il me reste sur moi : mon téléphone. Oh oui génial ! Le type patibulaire là pour nous surveiller, s'occupe sur son propre téléphone portable. J'essaye de faire toujours semblant de dormir, je ne bouge que mes doigts. Sauf que j'y vois rien. Je comprends pas trop pourquoi certains ont les liens détachés et moi je suis complètement encordé. Mais je remarque des enfants. Attends mais c'est quoi leur délire à ces mongols de première ?
Je me tourne, comme si je dormais réellement et paisiblement et que la position me plaisait pas trop. Je prends le parti de faire ce mouvement. J'entends alors le grognement du type et devant mon corps inanimé, l'entends repartir dans son occupation. Avec mon nez et une partie de ma joue, je navigue le plus discrètement possible jusqu'à Harper. Partager position... Message...
Help plz Dans un fracas assourdissant la porte s'ouvre et par réflexe je sursaute, envoyant mon portable a dash, en plein sous un tas de merdier indéfinissable. Nous sommes à même la terre meuble, comme dans un cabanon de jardin sans toit. C'est bizarre... Je comprends pas... On est encore à la Nouvelle-Orléans ?
On nous prends, on nous soulève, on nous fout des tartes sans pression bref, on prends grave cher. La vieille harpie qui m'a drogué est là. Je me sens mal quand on me met debout et sans surprise, je rends une bile acide au possible sur les pompes du gros dur qui en profite pour me malmener encore plus.
Apparemment on change d'endroit... Je change d'endroit... Et pas mon téléphone qui est perdu dans ce truc... Merde...
Harper... Harper viens me chercher je t'en... supplie.
Le sac sur la tête m'empêche alors de comprendre ce qui m'entoure et mon instinct me dicte de marcher silencieusement, comme tous les autres.
Merde et merde !