Les mains de la vampire sir mes épaules, je tentais quelque peu de résister. Je voulais rester. Je n’en avais pas fini ! Comment pouvait-elle imaginer que je puisse en avoir fini avec ma fille, ou du moins ce qu’il en restait ? Comment pouvait-elle-même l’appeler ma fille. Jamais je n’avais élevé tel monstre. Ma fille ne s’en serait jamais prise à quelconque personne ni animal. Ma fille respectait les hommes et les femmes, nos domestiques comme les visiteurs. Ma fille n’était pas cette créature. Elle était humaine, douce, affable et bonne. Et cet homme. Son « fiancé ». Nul doute qu’il était de mèche avec cela. Bien sûr. Puisqu’il m’avait aussi bien menti sur le sang que sur les « domestiques ». Chacun d’entre eux m’avaient menti ou caché la vérité, et c’était bien là une chose que je ne pouvais supporter. Et pourtant. Bien plus que la colère qui s’était nourrie des mots d’Elizabeth, ses tous derniers avaient mis un terme à toutes mes espérances, à ma rage, même. « Vous n’êtes rien de plus qu’un géniteur ». Dieu tout puissant… Que vous avais-je donc fait pour mériter pareille sentence ? Avais-je été si mauvais père ? Etais-je ainsi condamné à devoir oublier ma fille ou tout du moins devais-je donc désormais apprendre à vivre sans elle, en sachant qu’elle était là, si près de moi ? Les poings serrés, le cœur lourd, je cessai tout à fait de me faire conduire et quittai ainsi le manoir de ma fille aînée sans un mot. Je sentis à peine les mains de Katy quitter mes épaules, plongé dans mes pensées et dans la lourde conclusion que je venais de perdre en quelques mots, en quelques instants, mon unique princesse. Distraitement, j’entendis parler la vampire. Chauffeur… Remontant… J’hochai la tête, l’air accablé, les yeux fixés devant moi. Ce qu’elle voudrait. Il n’y aurait pas d’autres personnes au monde avec qui j’aurais pu vouloir être, de toutes les manières, à cet instant. Elle seule semblait désormais me relier à la réalité. Elle était là. Alors qu’il me semblait avoir tout perdu. Pour la seconde fois de mon existence. Oh sûrement était-ce égoïste de penser de la sorte. Après tout n’étais-je pas seul et sans but. Il me restait une fille, une meute, alors… Pourquoi me sentais-je si vide à cet instant ?
Le trajet en voiture se déroula sans le moindre mot. Perdu dans mes pensées, je fronçai les sourcils à imaginer ce pauvre homme, sûrement déjà mort, et un frisson me parcourut. Tué ma propre fille… Comment pouvait-elle avoir changer à ce point... C’est dans le même silence quasi religieux que je me fis mener jusqu’au salon. Je ne refis surface qu’une fois le verre entre mes mains alors que je l’observais comme si l’univers entier était contenu en lui. Les Assoiffés… Disait-elle.
- Pourquoi… Soufflai-je. Katyusha… Pourquoi ?... Je levai les yeux vers la jeune femme. Elizabeth… était une enfant joyeuse, douce, aimante… Elle était un rayon de soleil pour tout ceux qui la voyaient… Pourquoi ?...
Je me laissai tomber lourdement sur le canapé, les avants bras posés sur mes cuisses, l’air tout à fait accablé.
-Je n’ai jamais été un père exemplaire… Dis-je en secouant la tête, le regard toujours vissé sur le contenu du verre. Je n’ai jamais dit à mes enfants que je les aimais. Je ne les ai même jamais encouragés à quoique ce soit. Je laissais cela à leur gouvernante. Elle… Elle le faisait bien mieux que moi. Je fuyais chaque fête, même Noël. Je… Est-ce de ma faute ?
C’était peut-être là ce qui me faisait le plus peur, égoïstement. Etais-je responsable de ce qu’était devenu ma fille ? Peut-être ne serait-elle pas devenue ainsi si j’avais été plus présent ? Mais après tout… Qu’est-ce que cela aurait-il pu changer.
- Ce Vladimov. Grondai-je alors plus furieusement que jamais. Il en restera responsable. Je fronçai les sourcils en serrant les poings de sorte à ce que le verre lui-même dû craindre pour sa survie alors que je levai les yeux vers la vampire. Il a été le responsable de nos malheurs. Soufflai-je. De l’enlèvement de ma fille jusque ce que vous avez sous vos yeux. Dis-je en montrant mon propre visage. Et je n’ai pas pu la sauver.
A nouveau je grondai, plus fortement cette fois. La fois de trop, certainement, car je me levai alors brusquement pour jeter violemment le verre contre le mur en face de moi, tremblant de rage et les poings de nouveaux serrés.
- Je n’ai même pas pu être là pour elle quand elle avait besoin de moi… Ce fut une larme, une seule, qui mit un terme à ma colère foudroyante alors que je me relaissai tomber dans le canapé.
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Force était de constater que plus une personne nous était proche et précieuse, plus sa capacité à vous détruire était élevée. Et le père et la fille en avait fait une démonstration à la limite du zélée. Chacun avait envoyé à l'autre ses bottes secrète spéciale Armageddon. Cela allait loin, beaucoup trop loin pour la vampiresse, qui avait finalement décidé de sortir de sa retenue pour agir. Si au début elle n'avait pas laissé le choix au lycan, et l'avait littéralement poussé vers la sortie, elle n'eut rapidement plus besoin de le contraindre. Le retour se fit donc sans accroche ni accroc. Silencieuse, Katyusha observa le lycan discrètement. Le malheureux ne semblait plus être que l'ombre de lui-même. Et comment pouvait-il en être autrement ? Il venait de tomber des cimes.... Elle le guida dans le salon, respectant son silence jusque là, jusqu'à ce qu'elle lui serve ce verre et ne reprenne la parole. Dans un sens, elle fut soulagée de l'entendre sortir de sa torpeur. Mais elle savait que cela ne serait que pour réaliser que mieux l'horreur qu'il venait de vivre. Et cela ne manqua pas. Lâchant un soupir silencieux, la noble rousse vint s'installer à ses côtés, avant de lui répondre doucement.
Elizabeth a grandi Victor.... Et surtout, elle est devenue vampire. C'est là une expérience qui change à jamais une personne.... Une mort.... Qui amène une renaissance. Je n'ai jamais rencontré un seul infant de la nuit qui soit resté parfaitement égale à lui même après cela. Bien sûr, il y en a pour qui la transition demeure légère. Et d'autre pour qui elle est radicale....
Et en cet instant, l'impératrice déchue savait de quoi elle parlait. Ceux qui l'avaient connu humaine la trouverait méconnaissable aujourd'hui. Et ce qui l'avaient connu jeune vampire aussi d'ailleurs.... Elle avait tant changé en seulement deux cents ans.... Victor faisait le mea culpa du père absent qu'il déclarait avoir été. A l'entendre il avait littéralement fuit sa famille, ce qui expliquait les griefs de Lizzie. Lorsqu'il se demanda s'il était responsable de la situation présente, la vampiresse vint à poser sa main sur son épaule.
Victor.... La manière dont vous avez élevé votre fille n'a en rien influencé son destin. Aucune éducation n'aurait pu la protéger du vampire qui avait jeté son dévolu sur elle, et de la folie sans nom de ce dernier. Même si elle est votre fille, Elizabeth est aussi une personne à part entière. Elle a fait ses choix. Même si en ce qui concerne sa nature d'assoiffée, il est inéluctable que ce Dimitri a très largement influencé son orientation.... Les nouveaux-nés sont dépendant de ceux qui les transforment, et adoptent le plus souvent leur nature.
Une vérité qui sembla trouver échos chez le docteur, qui acquiesça le principe avant de s'emporter. Il confirma l'implication du pseudo Comte pour ce qui était de l'enlèvement, et donc de la torture, mais visiblement également pour les mutilations ardentes qui accablaient le visage du docteur. La vampiresse en laissa échapper un air choqué. Elle ravala de justesse la question à ses yeux légitime du "pourquoi est-il encore en vie ?", concluant que ce n'était pas le moment de mettre ce fait sur le tapis. Victor était déjà fébrile, non, il était à bout et craquait. Le verre en fit les frais, venant se briser contre le mur le plus proche.
~D'ordinaire, nous prenons au moins soin de les vider avant de les briser....~
La digression de son esprit quant à des vieilles traditions désuètes faite, elle se leva doucement à son tour, avant de voir son cœur se serrer douloureusement. Non seulement suite aux propos très durs et même un peu injustes avec lesquels il se flagellait. Mais aussi face à cette larme, qui ne pouvait même pas prétendre à une jumelle de part l'infirmité de l'homme. Elle observa l'homme choir de nouveau dans le canapé, en même temps que sa colère retombait. Le masque de retenue et de bienséance de l'éternelle demoiselle se fissura profondément, sa compassion s'alliant avec sa spontanéité pour submerger ce mur froid et inébranlable de rigueur. De simples mains qui se tendirent doucement vers le visage du loup. L'une vint essuyer la larme du père, tandis que l'autre vint caresser doucement la joue brûlée de l'homme. Alors qu'elle tenait sa tête entre ses mains fraîches et douces, elle guida le regard de Victor vers le sien. Avait-il déjà vu ces prunelles bleues dépossédées de cet aspect sauvage et félin ? En cet instant, il faisait la découverte d'un tout autre regard. Un regard qu'on ne lui avait pas vu depuis plus d'un siècle, un regard humain et bienveillant. Elle lui souffla alors d'une voix douce.
Victor.... Vous êtes un homme qui a fait ce qu'il croyait être le mieux. Peut-être vous êtes vous trompé. Peut-être avez-vous involontairement blessé vos enfants. Mais jamais vous n'avez agis par cruauté ou mépris. Jamais. Vos erreurs, vos maladresses et le regret que cela vous inspire, rappelle et prouve que peu importe les épreuves que vous avez endurées, vous êtes resté humain. Un humain qui avait pour volonté de bien faire. Et qui aujourd'hui a préservé le désir de rester bon et juste..... Aimant et compatissant. Non, Victor, vous n'avez rien fait pour mériter le sort tragique qui s'est abattu sur vous et votre famille. C'est là une fatalité propre à la cruauté et à l'injustice du monde dans lequel nous vivons. Un monde auquel chacun choisi de s'adapter comme il le peut et veut. Un monde où malgré tout, vous avez choisi de rester fidèle à l'humain que vous avez été.... Ne vous fustigez pas pour des faits pour lesquels vous ne pouviez rien. Non Victor, vous n'auriez rien pu faire contre cet homme, ni hier, ni aujourd'hui. Car vous êtes un homme profondément bon. Et que cet individu exhale une noirceur contre laquelle seule une autre noirceur peut faire face. Mais vous n'avez pas cédé à ces ténèbres. Vous avez résisté à cela. Et c'est là une victoire que peu peuvent se targuer d'avoir et qui est tout à votre honneur.
Les mots étaient sortis d'eux-mêmes, naturellement, ses mains continuant de caresser doucement et même délicatement le visage de ce père abattu. Comme si elle avait peur de le briser, de lui faire mal, ou même de l'embarrasser. Elle espérait que ses propos nourris par son expérience parviendraient à le toucher. Garder son humanité.... ou la perdre. Elle même à la mort de Tybalt avait embrassé de tout son être la voie de la violence et de la cruauté, engendrant sur six ans un carnage sans nom quasi quotidien. Elle s'était apaisée dans le sang et l'agonie de ses ennemis. Mais aujourd'hui, elle restait beaucoup plus sombre et fatale qu'a ses débuts. Elle n'avait plus d'hésitation à tuer. Elle était prête à torturer si cela lui était nécessaire. Elle prenait même plaisir à chasser certains types d'individus. On pouvait même se demander s'il restait quelque chose de son humanité. Et pourtant.... Aujourd'hui elle était là, à tenter de panser les plaies d'un être qui lui semblait pourtant inconsolable. Avant de finalement réaliser à son tour, au bout de quelques petites minutes, ce qu'elle était entrain de faire. ~.... Au nom du ciel, qu'est-ce qu'il me prend ?!!!~
Son cœur se mit soudainement à s'emballer, ses joues se colorer d'un rose qui tirait sur le rouge, et son assurance s'étiolait à vue d’œil. Et maintenant ? Qu'allait-elle faire ? Devait-elle retirer ses mains prestement comme si elle avait touché du fer porté à rouge ? Attendre qu'il le lui demande ? Les retirer progressivement ? Son esprit s'embrouillait à une vitesse folle, n'étant absolument pas habitué à ce genre de situation. Figée dans son mouvement, autant que son élan, elle baissa son regard troublé avant de bredouiller.
Je.... Je ne voulais pas vous embarrasser ou être irrespectueuse.... Je.... Veuillez m'excuser....
Tout en s'immolant intérieurement sur son laisser-aller qui la surprenait autant qu'elle ne parvenait pas à se l'expliquer, elle commença à amorcer le retrait de ses mains pour rendre à Victor sa liberté.
Attentivement, j’écoutai les dires de la vampire. Avait-elle tort ou raison ? Je n’arrivais réellement à le discerner. Ne disait-elle pas cela pour tenter de me calmer ? Ne disait-elle pas cela pour ne pas m’affliger davantage sans le penser le moins du monde ? Que devais-je répondre ? Acquiescer sans y croire ? Nier cela arguant ce que je pensais comme étant la vérité ? Me taire et ignorer, gardant ma colère et ma peine pour moi ? Pensant à Elizabeth, cela fut bien trop pour mes nerfs et le verre termina bien trop rapidement sa vie contre le mur. Un geste de colère, de fureur même, mais nécessaire. Je savais qu’il ne fallait pas laisser mes émotions me submerger. Je savais qu’il fallait garder le contrôle de moi-même, pour mon bien, oui, mais surtout celui de mon entourage et donc de Katyusha. Non. Je me devais de rester… Calme… Aussi calme que je le pouvais.
Alors assis dans le canapé, l’air accablé, je sentis, surpris, les mains de la jeune femme encadrer mon visage. Et si habituellement j’aurais bien rapidement dégagé ce dernier, mes cicatrices n’était pas des plus agréables à toucher, je laissai guider mon regard vers le sien tout en écoutant ses paroles. Ses mots se heurtaient à la tristesse qui m’étreignait alors et pourtant… Je l’écoutais sans discontinuer, sans même sourciller. Pensait-elle là ce qu’elle disait ? Cette question revint à mon esprit. Oui… Oui. Je devenais convaincu de cela. Pourquoi ? Comment ? Je ne savais pas l’expliquer mais son regard… Je fronçai doucement les sourcils. Je ne le lui avais encore jamais vu. Cette douceur… L’air accablé, je ne savais que dire, que faire. Et malgré la douleur qui ne semblait vouloir quitter mon cœur, il me semblait que ce dernier était un peu plus léger. Mais soudain, je sentis qu’une chose n’allait plus comme l’instant d’avant. Elle paniquait. Pourquoi ? Enfin… Il me fallut quelques longs instants pour me reconnecter à la réalité alors que déjà, je sentais ses mains quitter ma peau. Etrangement, il me sembla qu’elle laissait là une absence, comme un creux qui ne pourrait se résorbais qu’avec la douceur de ses gestes. Et à mesure que ses mains s’éloignaient de moi, j’avais l’impression que la douleur revenait de plus belle. Mon regard fixé sur elle, je ne bougeais néanmoins pas. Je ne savais pas comment. Et pourtant je le voulais.
Sur le moment, je mis cela sur ma race de lycan. J’étais devenu plus impulsif à la suite de ma transformation, mes émotions décuplées, j’imaginais que je ne faisais que répondre à une « pulsion » romantique ou même à la seule chose qui avait semblé me calmer tout à fait en cet instant. Aujourd’hui… Je sais que ce n’était là que l’Homme qui le désirait. Ainsi attrapai-je rapidement, peut être un peu brusquement les mains de la jeune femme en me levant. Le cœur battant, aussi douloureux que léger, je m’avançai vers elle, une main se posant dans le creux de ses reins pour l’attirer à moi. Et c’est dans un geste rapide, sans presqu’une hésitation que je vins l’embrasser. Quelques instants seulement, je pus goûter à une sérénité tant espérée après les moments difficiles que je venais de vivre. Quelques trop courts instants alors que la réalité me frappait alors. Me reculant vivement, l’air perdu et visiblement particulièrement gêné, j’observai autour de moi sans oser poser les yeux sur la vampire.
- Je…
Qu’avais-je fait là ? Oh je savais pertinemment ce que j’avais fait. Mais pourquoi si ce n’était que j’avais agis égoïstement, n’écoutant que la seule chose qui avait semblé m’apaiser : elle.
- Je…
Et maintenant ? Devais-je fuir, m’excusant de mon comportement pour ne plus jamais revenir ? Devais-je rester et faire comme si de rien n’était ? Ou alors là encore m’excuser mais demander à passer à autre chose ? Trop de choix pour un seul homme aussi perdu que moi. Et il me fallut de nouveau quelques minutes pour réagir, reculant de nouveau jusqu’à trébucher sur le canapé, me faisant tomber sur celui-ci.
- Je suis désolé. Je… Je n’aurais pas dû… Pardon. Je… Je vais peut-être devoir y aller… Je… Il vaut mieux que…
Que je ne vous revois plus après cette ignominie ? Mais en avais-je réellement l’envie alors même que je savais que partir d’ici me ferait redevenir seul face à l’accablement qui me prenait ?
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Alors qu'elle était gentiment en train de mourir de honte intérieurement, et qu'elle prévoyait de disparaître dans le trou de souris le plus proche, Victor réagit enfin. Et tout alla très vite. D'abord, ce furent ses mains qui se firent retenir vivement, lui faisant lâcher un petit hoquet de surprise. La noble rousse n'avait pas prévu ce geste, mais à vrai dire elle n'avait rien prévu de ce qui allait suivre. Surprise de cette contrainte, elle leva son regard vers le lycan, se demandant l'intention derrière ce geste. Elle sentit alors la main puissante de l'homme dans le creux de ses reins, qui la pressait contre lui. Elle n'eut guère le temps de le questionner sur ce qu'il faisait que les lèvres de Victor vinrent lui apporter la réponse à sa question. Katyusha se figea, son cœur loupant un battement alors que ses yeux s'écarquillaient sous l'audace. Elle eut l'impression d'avoir le visage en feu comme jamais auparavant, son cœur se mettant à battre à tout rompre presque douloureusement. Qu'est-ce.... Qui était en train de se passer ? Qu'est-ce qu'elle devait faire ? Était-il vraiment en train de l'embrasser ? Lui ? Elle ?
Ce fut son éducation qui s'exprima la première, s'insurgeant contre ces manières absolument scandaleuse ! Quelle audace ! Quelle insolence ! Où étaient donc les manières de ce Docteur, pourtant d'ordinaire si irréprochable et charmant ?! Non, vraiment, c'était inacceptable ! Intolérable ! Elle se devait de le repousser immédiatement, et peut-être même de le souffleter pour son effronterie ! Parfaitement. .... C'était maintenant ou jamais.... Elle devait réagir.... S'indigner.... Alors... Pourquoi n'avait-elle rien fait de plus que d'avoir posé ses mains sur son torse ? Même pas pour le repousser en plus ! Elle ne l'arrêta à aucun moment.... Ce fut lui qui rompit le baiser. Et le pire, ce fut que quelque part au fond d'elle.... Cela la navra. Encore sous le choc de ce baiser, elle porta doucement le bout de ses doigts sur ses lèvres, comme peinant à réaliser ce qu'il venait de se passer. Elle observa Victor se reculer jusqu'à ce qu'il ne se raccroche dans le canapé derrière lui et retombe dedans. Une maladresse qui finalement le caractérisait si bien, et faisait partie de son charme. Cela lui arracha un léger rire, bref, fugace, mais qui eut le mérite de retrousser ses lèvres. Elle l'observa alors se confondre en excuses et en bafouilles, et elle dut se pincer les lèvres pour ne pas éclater de rire.
D'ailleurs pourquoi riait-elle, alors qu'elle devait s'emporter et le gronder ?! A quel moment comptait-elle défendre son honneur et sa vertu ?! Visiblement pas tout de suite.... Sentant de nouveau son visage virer au cramoisie, elle se tourna pour cacher sa gêne.... et un large sourire qui ne voulait pas disparaître tout de suite. Curieux pourvoir qu'avait Victor, celui de changer cette vampiresse bicentenaire durcie par le malheur et l'accablement en une adolescente. Mais... Le doute la rattrapa rapidement. Peut-être regrettait-il son geste ? Peut-être qu'au fond de lui, il ne voulait pas ? Qu'il avait simplement céder à une pulsion de désespoir, une besoin intense de réconfort et qu'il n'avait fait que répondre à son trouble particulièrement puissant ? Étrangement, cette idée lui serra le cœur. Mais.... C'était tout à fait probable. D'ailleurs, n'avait-il pas envie de la fuir ? Elle retint un soupir ô combien douloureux, joignant ses mains, avant de répondre doucement.
Vous n'irez nul part Victor.
Elle se retourna, se permettant de le regarder puisqu'il fuyait son regard. C'était plus facile pour elle, car elle n'était pas sûre d'arriver à le soutenir s'il la regardait en face.
Vous n'êtes clairement pas en état de réfléchir clairement, et je ne suis pas sûre que vous soyez en état d'assumer d'autres actes que vous pourriez regretter, eux aussi....
C'était l'occasion de vérifier s'il regrettait son acte ou pas.... Sa réaction à ses propos serait lourde de sens. Même si elle se surprit de cette manœuvre. Qu'est-ce que cela pouvait lui faire de savoir s'il regrettait de l'avoir embrassé ou pas ? Qu'est-ce que cela changeait ?! Pourtant, cela semblait avoir une importance primordiale en cet instant.... Elle n'avait plus qu'à espérer qu'il lui offre une réponse claire, qu'il affirme ou infirme explicitement s'il regrettait ou non ce baiser. Qu'il réponde, et ne se contente pas de garder un silence qui serait aussi douloureux que frustrant.... Douloureux... Non ! Elle ne voulait pas souffrir.... Il n'y avait pas à souffrir car il n'y avait rien ! Il ne se passait rien ! Elle se répétait durement ces propos, comme si cela suffirait à s'en convaincre ou à étouffer quelque chose qu'elle avait peur d'assumer. Elle poursuivit, tentant de garder son assurance et son flegme. Elle vint poser le dos de sa main sur le front du lycan, ajoutant.
Je crois même que vous êtes fiévreux, vous êtes brûlant, docteur....
Elle se pinça les lèvres pour garder son sérieux. Oh bien sûr qu'il était bouillant, mais la maladie n'avait rien à voir avec cela, et elle le savait que trop bien ! Mais peut-être qu'un peu d'humour l'aiderait à faire taire l'ébullition secrète qui la tourmentait ? Voilà ! Elle allait l'enquiquiner ! Cela lui ferait penser à autre chose, et avec un peu de chance, cela aiderait aussi Victor à se détendre....
Je devrais peut-être appeler un médecin, et vous aliter dans une des chambres d'amis ?
En attendant, elle lui resservit un verre.... Et s'en servit un également, sentant que ça ne lui ferait pas mal !
Là, assis sur canapé, je n’osais plus regarder la vampire. Qu’avais-je donc fait ? Dans la détresse, j’avais osé une chose que jamais encore je n’avais fait. Je m’attendais d’ailleurs à la pire des réprimandes, goujat que je venais d’être. Et ainsi aurait-elle raison ! Dieu que j’étais devenu fou. Était-ce donc cela « perdre la raison » ? Avais-je donc perdu l’esprit du fait des derniers événements ? Alors même qu’il aurait été faux de dire que c’était la première épreuve à laquelle je faisais face. Alors n’était-ce pas que mensonge que de me rattraper à cela ?
Et un rire. Je dus avouer que j’en fus le premier surpris. Elle… Riait ? Où était le soufflet ? Pourquoi ne s’insurgeait-elle pas ? Sans même la regarder je tentais de reprendre une respiration régulière. Il fallait que je me calme. J’allais partir. C’était évident. Il fallait que je parte. Après telle folie, je ne pourrais ô grand jamais la regarder de nouveau en face. D’homme que j’espérais être respectable, je venais de passer à grossier. J’allais d’ailleurs me lever lorsque les mots de la vampires me frappèrent. Nulle part ? Comment pouvait-elle espérer que je reste ici, comment pouvait-elle-même accepter ma présence après tant d’effronterie de ma part ? Ne levant les yeux vers elle, mon mouvement alors avorté dans l’œuf, je fronçai les sourcils. Pourquoi ? Ses prochains mots me donnèrent la réponse et je levai les yeux, surpris, vers elle.
- Je…
Pensait-elle réellement ce qu’elle disait là ? D’autres actes que je pouvais regretter ? Mais… Je… Non ! Qu’allait-elle donc croire là ? Comment pouvait-elle croire que je regrettais un instant mon geste ? Enfin… Bien sûr. Si. Je le regrettais. En un sens. Dieu que j’avais été sot et irrespectueux. Mais au fond de moi… Fallait-il encore que je me décide à écouter l’une ou l’autre des parties de mon esprits qui tendaient alors à se battre frontalement. La raison me soufflait de ne dire mot sur cela afin de ne pas enfoncer le clou. Le reste de mon corps et plus profondément encore de mon cœur semblait me souffler d’assumer mes actes et d’assurer que je ne regrettais en rien ces derniers. Sans un mot, je l’observais tandis que sa main fraîche se posait sur mon front bouillant. Agréable. Plus même. Voilà ce qui me vint à l’esprit. J’étais fiévreux, il allait sans dire. Mais pas de telle chose. Non. Loin de là. Sans la quitter des yeux, ne trouvant pas les mots justes, je secouai alors la tête.
- Katyusha…
A nouveau, je me relevai. Fuir. Non. J’avais bien trop fui dans ma vie pour fuir de nouveau et pour telle raison absurde. Mais était-ce donc si absurde ? Mon éducation entière se rebellait contre ce que je venais de faire. Alors si j’assumais tout à fait ces derniers… Comment les accepter ? Je grondai légèrement contre moi-même. Non. Je ne pouvais revenir en arrière. Seulement… Rapidement, j’attrapai la main de la vampire, bien plus doucement cette fois.
- Je… Je fronçai les sourcils, fermant les yeux pour tenter de mieux me concentrer. Je suis désolé. Ce n’est pas dans mes habitudes je ne sais pas ce qu’il m’a pris mais je ne regrette rien. Absolument rien et j’ai même envie de recommen…
Alors que les mots avaient semblé jaillir d’eux même sans que je ne puisse les rattraper, je m’étais stoppé net dans mes mots. Mon regard fixé sur celui de l’éternelle jeune femme, je semblais alors presque apeuré de sa réaction. Le rejet. Voilà une chose que j’aurais bien du mal à supporter tandis qu’Elizabeth ne quittait mes pensées. Et pourtant, c’était là la chose la plus rationnelle que pourrait faire Katyusha pour me punir de mon insolence. Ma main libre caressa doucement la joue fraîche quoique rosée de la vampire. Pourquoi diable m’apaisait-elle autant dans des moments qui n’appelait alors à rien d’autre qu’au désespoir d’un père ayant perdu sa fille. Et pourtant… Sa seule présence me donnait envie de me battre. De me battre pour ma famille, pour ma fille et pour elle. Dans chacun de mes gestes, tandis que ma main continuait de serrer doucement celle de la jeune femme, l’on pouvait sentir l’hésitation qui me tenait alors.
- Je…
Il était évident que je semblai vouloir dire quelque chose. Une chose importante au vu de mon visage, une chose que même la plaisanterie de la vampire n’avait réussi à me faire oublier, mais une chose qui peinait à venir, comme si j’avais oublié les mots pour l’exprimer. Et peut-être, après tout, était-ce le cas…
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La situation n'était plus sous son contrôle. D'expérience, elle savait que rien n'était jamais totalement prévisible ou contrôlable. Elle s'assurait alors de maîtriser un maximum de facteurs et de prévoir plusieurs coups à l'avance chacune de ses entreprises pour optimiser ses chances de réussites. Mais ici.... En cet instant où tout avait basculé sans crier gare.... Plus rien n'était prévisible. Il n'y avait plus qu'à découvrir et à espérer, mais était-elle seulement sûr de ce qu'elle souhaitait ? Son éducation et sa culture lui scandaient le retrait immédiat de ce mufle ! Qu'il soit châtié ! Qu'il aille à confesse, avant de faire pénitence dans le presbytère le plus proche ! Mais son cœur.... Son cœur se révoltait à l'idée même qu'il quitte cette simple pièce. Malgré cela, ce n'était pas si simple. Qu'était-elle pour vouloir quoique ce soit ? Une "amie" ? Un vampire ? Un mort qui avait fait le caprice de revenir à la vie ? Et qui avait eu le bon goût de garder des traits charmant à l’œil ? Un corps froid qui renfermait un esprit encore plus froid et sombre ? Qu'avait-elle à lui offrir en dehors d'une plastique agréable ? Elle se sentait si peu de chose.... Si insignifiante.
Non.... Il était préférable qu'elle reste à sa place. Qu'elle ne se fasse pas de faux espoir. Après tout, les monstres n'étaient pas voués à..... Bref, ils étaient destinés à lutter envers et contre tout jusqu'à rencontrer leur ultime bataille qui aurait raison d'eux. Voilà son destin. Voilà ce pourquoi elle était faite. Voilà comment elle finirait, et elle avait plutôt intérêt à se faire une raison. Quelle folie avait-elle eu de lui parler d'acte regrettable. Cela lui avait fait naître un espoir, aussi insensé que puissant. Mais qui allait lui infligé une déception ô combien douloureuse et cruelle. Peut-être que cette souffrance lui ferait retenir la leçon, et qu'elle resterait définitivement à sa place après cela. Elle ne l'avait pas jeté dehors, elle ne l'avait pas repoussé, mais elle lui avait laissé suffisamment d'amplitude pour lui permettre de rétracter ses intentions proprement. Si son cœur continuait d'espérer secrètement un revirement, sa raison elle se montrait déjà implacable. Elle avait enchainé sur l'humour, une des meilleurs défenses qui existait. Rire, pour ne pas pleurer....
- Katyusha…
Dieu, comme le simple fait qu'il prononce son nom pouvait être à la fois grisant et accablant alors qu'elle s'imaginait le pire. Alors qu'il lui prenait doucement la main, elle déglutit en prenant silencieusement une profonde inspiration. Elle s'attendait à des excuses pour un comportement regrettable, et la promesse que cela ne se reproduirait plus.... Douloureuse promesse osait lui chuchoter son cœur, mais sa raison assassina sans ménagement ce commentaire déplacé.
-Je suis désolé. Ce n’est pas dans mes habitudes je ne sais pas ce qu’il m’a pris....
~Voilà.... Nous y sommes. Tâchons de rester digne et de faire bonne figure. Égale et pondérée.~
Le masque, son sacrosaint masque de bienséance, comme il allait lui être à la fois vital et insoutenable à porter. Mais....
-.... mais je ne regrette rien. Absolument rien et j’ai même envie de recommen…
Il n'avait pas fini son mot qu'elle se pinça presque violemment les lèvres pour ne pas sourire jusqu'aux oreilles ! En revanche cela ne l'empêcha pas de se retransformer en coquelicot. Son cœur explosa de joie et de bonheur, écrasant alors sans merci ni retenue la raison, qui n'avait dés lors plus voix au chapitre. En voyant l'air apeuré du lycan, la vampiresse resserra instinctivement sa main sur la sienne. Comme pour l'empêcher de fuir, comme pour l'encourager dans sa lancée. Son regard bleuté s'était animé d'une flamme et d'une intensité sans pareille, et à présent elle scrutait le docteur comme si elle voulait le faire prisonnier de ses yeux. Timidement, sa main libre vint recouvrir celle de Victor qui lui caressait la joue. Elle n'osait encore y croire.... Il ne regrettait rien.... Il avait vraiment voulu.... Et.... Il voulait encore.... C'était surréaliste, c'est impossible, et pourtant....
- Je…
Son cœur n'en pouvait plus de cette tension, il battait à tout rompre, presque douloureusement, et sa poitrine se soulevait et s'affaissait bien plus profondément que d'accoutumé. Il allait le dire.... Il fallait qu'il le dise.... Elle voulait qu'il le dise.... Elle voulait l'encourager, mais jamais elle ne pourrait faire le premier pas. Mais il peinait tant à continuer. Il avait peur.... Un éclair de lucidité la frappa.... Elizabeth venait de le rejeter. Évidemment qu'il craignait qu'elle aussi ne le rejette à son tour, surtout au vu des circonstances. Elle devait le rassurer, elle devait l'aider, l'encourager bref faire quelque chose ! Mais force était de constater qu'à ce genre de chose, elle n'avait jamais été douée.... Non.... Non pas cette fois.... Elle avait perdu Tybalt de n'avoir jamais osé l'encourager à venir vers elle. A avoir attendu qu'il fasse tout tout seul, et ce même si leur éducation les avait formaté en ce sens. Pas deux fois.... Pas cette fois.... Mais comment faire.... Que faire.... Ne contrôlant plus ses propres gestes, elle lui offrit un regard de biche implorant. Elle se rapprocha doucement de lui, réduisant la distance qui les séparait. Incapable de détacher son regard du sien, elle entrouvrit ses lèvres.
Prouvez-moi....
Elle soufflait ses mots dans un murmure, presque haletante, trahissant à quel point elle était elle-même fébrile en cet instant.
Prouvez-moi.... Que vous ne regrettez rien....
Elle ponctua ses mots en redressant instinctivement et très légèrement la tête. Elle n'avait pas l'audace d'initier elle-même le baiser qu'elle lui demandait implicitement. Mais elle pouvait l'y inviter de toute les manières possibles. En offrant ses lèvres.... En venant caresser, avec une légère hésitation mais sans le moindre embarras, cette joue brûlée. En tenant toujours serrée cette main avec laquelle il l'avait retenu. Elle était là, si proche, accessible, presque offerte à lui. Attendant à n'en plus pouvoir qu'il termine ce qu'il avait commencé. Qu'il fasse d'un doux et inespéré rêve une réalité.
Je ne sus pas ce qui me perturba le plus. Était-ce son teint plus proche des roses rouges ? A moins que cela ne fut-ce le fait qu’elle se rapproche alors même que j’avais à nouveau fauté en avouant que j’aimerais recommencer ce qui était, malgré tout, la pire chose que je puisse faire à une femme ? Je venais de l’embrasser sans le moindre consentement, et malgré la tendresse certaine qui avait mis en forme ce baiser, cela n’en restait pas moins qu’une infamie de ma part. Et pourtant elle ne semblait même pas m’en vouloir. Pire, ses mots, ses murmures, parvinrent à mes oreilles. Doux chant d’appel qu’elle me donnait là. Lui prouver. Je devais lui prouver que je ne regrettais rien. Mais comment ? L’embrasser de nouveau ? Le lui dire. Quelques instants, bien court, seulement je l’observai ; là, près de moi. Devais-je réellement le faire ? Cela faisait maintenant cent soixante treize ans que Ludovika avait poussé son dernier soupir. Cent soixante treize ans que je m’étais retrouvé seul et que je portais presque toujours le deuil. Bien sûr, la pensée de sa disparition n’était-elle plus aussi douloureuse qu’auparavant. Bien sûr, avais-je refait ma vie. Mais jamais je n’avais pu me résoudre à en aimer une autre qu’elle. Alors pourquoi maintenant, alors même qu’humain j’avais repoussé bon nombre de prétendante ; alors même que lycan je ne ressemblais plus qu’à une ombre à moitié brûlée, pourquoi cela se passait-il ainsi ? Pourquoi avais-je envie de regoûter aux lèvres que je venais de prendre un seul court instant ? Pourquoi diable le corps entier de cette femme ne m’appelait qu’à la serrer contre moi, enfouissant mon visage dans son cou ?
Il ne fallut pas plus de pensées pour que j’en vienne à pencher ma tête vers l’avant. L’avantage de la taille. Et mes lèvres, à nouveau, et bien qu’à moitié abîmée par le temps, vinrent rencontrée leurs douces jumelles. Ma main libre, à nouveau, se posa dans le dos de la jeune femme, me permettant de l’attirer d’autant à moi tandis que ma seconde serrait la sienne comme si je ne voulais plus la lâcher. Encore un peu. Juste un moment. Je ne désirais plus me séparer d’elle tandis que mes lèvres s’entrouvraient approfondissant le temps d’une demi seconde ce baiser tant désiré avant que je ne me recule doucement.
Nouveau. Tout cela était nouveau pour moi. Enfin… Nouveau dans cette vie-là, devrais-je dire. Avais-je réellement tourné la page de Ludovika et de ma vie humaine ? Avais-je oublié ma défunte épouse ? A cette pensée, une peur, légère, m’étreignit. Bien rapidement éteinte par ma raison. Non. Je n’oublierais certainement jamais la femme qui m’avait donné six merveilleux enfants. Mais Katyusha, elle, était une nouvelle page, comme un livre qui ne se fermait pas sur la mort mais continuait par un autre chapitre. Ma main, doucement, vint attraper celle posée sur ma joue marquée. Je ne disais mot. Que pouvais-je dire ? Tendrement, doucement, je glissai une main dans ses cheveux, le regard fixé dans le sien. Un instant, j’eus la désagréable idée que l’on pouvait penser que je ne faisais cela que par désir d’être aimé. Désormais rejeté par ma fille, comme s’il me fallait une ancre. Mais au fond de moi et pour y avoir malheureusement bien trop réfléchis de sorte à ce que je m’étais convaincu que rien ne serait jamais possible, je savais qu’il n’en était rien. La douleur du moment n’avait fait que précipiter ma perte de repère, me poussant à agir contre toute raison gardée. Et même si peinais toujours à réaliser ce que cette femme m’avait fait, m’avait donné et me permettait aujourd’hui, je savais ce qu’il en était. Ainsi repris-je parole me rassis-je sur le canapé, l’entraînant à ma suite, près de moi, sans jamais lâcher la main que je pouvais tenir dans la mienne.
- Je ne veux pas vous mentir, Katyusha. Soufflai-je. Ni même vous cacher mon passé. Les yeux baissés, je soupirai. Alors avant de vous dire ce que j’ai sur le cœur, j’aimerais seulement que vous m’écoutiez. J’ai perdu une fille aujourd’hui et même si je ne cesserai de me battre pour elle, je désire plus que tout que mon passé et mes sentiments soient connus car elle a malheureusement raison sur bien des points et je ne saurais vous les cacher.
Un instant, je m’arrêtai. Etais-je donc en train de me déclarer ? Sûrement. Mais après qu’elle ait l’occasion de me connaître, moi, entièrement. Pourquoi cette idée ? Parce que je peinais à imaginer qu’une fois cette histoire racontée, après six enfants, un abandon et cinq absence, je puisse, et si j’osai imaginer une quelconque affection de sa part, éveiller encore quelconque intérêt chez elle.
- J’aimerais que vous puissiez au moins savoir quel homme vient de vous voler ces baisers. Soufflai-je avant de reprendre, les yeux fixés à la table devant nous. Je suis donc né il y a deux cent un an, à Cardiff. D’une Highlander et d’un avocat anglais. J’esquissai un sourire. Ce qui explique largement le caractère d’Elizabeth, croyez-moi. Secouant doucement la tête, je repris plus sérieusement. Je suis devenu médecin à l’âge de vingt trois ans et j’ai commencé à voyager dans toute l’Europe. Un sourire nostalgique de cette époque éclaira mon visage. Je vis bien des choses. Mais une seule vaut la peine de vous être expliquée car c’est là que commence votre perte d’estime je suppose. Au cours de mes voyages j’ai été invité dans bien des cours et des familles nobles. Et notamment dans la famille royale de Bavière. C’est là que j’ai rencontré ma défunte épouse.
Un instant, je me stoppai. Était-ce réellement essentiel de parler de mon épouse à Katyusha ? Je soupirai. Oui. Oui, j’en étais convaincu. Il fallait qu’elle apprenne à me connaître, et Ludovika ainsi que chacun de mes enfants faisaient partis de moi. Tout comme ma lâcheté.
- Ludovika von Wittelsbach. J’esquissai un doux sourire. Elle avait à peine quinze ans. Elle était l’unique fille de Maximilian, mon hôte et un homme particulièrement cultivé. Je toussai de gêne face à cette révélation. Si cela ne vous dit rien, peut être que les noms de Louis et Othon Ier de Bavière vous parleront plus. Les frères de Ludovika. Enfin… J’ai enlevé Ludovika. Secouant la tête, je fronçai les sourcils. Du moins m’a-t-elle demandé de l’emmener avec moi alors que je retournais dans ma Cardiff natale. J’ai accepté. La privant, pour mon simple égoïsme, de tous ses biens et même si son titre ne lui a jamais été retiré, je sais la déception que cela fut pour ses parents.
Et voilà donc ma première faute. L’égoïsme. Dieu que je l’avais été… Mais cela n’était malheureusement pas tout, et je repris alors.
- Ludovika m’a donné cinq enfants. Gustav, Georges, Louis, Jonathan et notre petite Elizabeth. Et c’est au sixième qu’elle perdit la vie. Elle avait vingt et un ans. Adelaïde fut notre dernier enfant. Un enfant que je n’ai pu supporter de voir. Sur le coup… Très longtemps… J’ai eu dans l’idée qu’elle l’avait en quelque sorte tuée. Encore aujourd’hui, quand je la regarde, je peine à ne pas y penser… Mais je suis un homme lâche. J’ai abandonné sciemment cette enfant. Alors même qu’elle n’était âgée que de quelques minutes. Seul son nom lui fut donné, le nom désiré par sa mère.
Et je me tus. Ma plus grosse faute, la pire qu’il puisse être, à vrai dire. J’avais été faible, lâche et inhumain envers une simple enfant, un nourrisson à peine né. Mais je me devais de l’assumer devant celle que je voulais courtiser car nul ne devait cacher ses faiblesses et ses fautes. Et je ne voulais pas qu’elle se fasse d’illusion sur ma personne.
- Après le décès de mon épouse, malgré le bas âge de bien de mes enfants, je… Je fronçai les sourcils. Elizabeth a dit vrai. Je ne me suis pas intéressé à eux. Ou du moins ne le montrais-je pas. Je travaillais. Nuit et jour. Leur gouvernante les élevait et je ne m’occupais que des réceptions auxquelles nous étions conviés. Notre cottage était bien souvent morne et silencieux lorsque j’étais là, et il redevenait empli de cris d’enfants lorsque je me faisais oublier. Je relevai enfin la tête vers elle. Je n’étais pas un bon père. Je n’ai jamais été là pour aucun de mes enfants. Puis le Comte Vladimov est arrivé. Elizabeth avait vingt et un ans. L’âge de la mort de sa mère. Je n’ai pas tout de suite voulu la laisser partir. Ce comte n’était pas vraiment celui que j’espérais pour elle. Et la suite… Ses hommes de mains incendièrent notre cottage, tuant chaque domestique. Elizabeth fut enlevée et transformée par cet homme, pillant notre maigre fortune qui ne fut en grande partie protégée que par le contrat fait avec Ludovika et ses parents sur les titres et la fortune encore parfaitement inconnue de ma fille, et donc du Comte, et je ne dus la vie qu’à ma dernière fille qui nous avait retrouvé et qui m’a transformé, me laissant pourtant à moitié aveugle et abîmé. Je soupirai alors réellement. Voilà donc l’homme qui vous a poussé au vice, Katyusha. Un homme lâche, égoïste, faible et inhumain. Un homme qui en plus d’être absent n’a su protéger sa seule fille de l’ombre menaçante qu’était le Comte. Un homme qui n’a même pas pu protéger ses propres domestiques. Les sourcils froncés, je resserrais doucement ma main sur celle de la vampire. Elizabeth avait raison sur bien des points et je me refuse à vous les cacher. Pour autant… Si autant de franchise de ma part ne vous a pas tout à fait rebuté. Sachez que… Je… Je soupirai pour reprendre de manière plus décidée. Mes sentiments à votre égard son bien plus importants qu’une simple amitié pourrait laisser présager, Miss. Je ne veux en aucun cas forcer les vôtres ou me racheter, et je ne le ferais pas. Mais les faits étant. Je préfère l’honnêteté à toute autre chose et vous le dit ainsi. Je vous aime.
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Elle qui avait depuis trop longtemps appris à sangler ses émotions dans le silence, voyait aujourd'hui les liens se briser. Et pourtant le mutisme était toujours présent, car parmi les sentiments, il y avait également la peur qui s'attachait à la museler. Mais comme pour pallier un sens défaillant, son regard se faisait alors voix. Et en cet instant, ses yeux lui criaient son attente, son désir, et même l'appréhension de son silence bien trop pesant pour son cœur. l'Impératrice déchue avait ce don, de ne pas avoir besoin de mots pour faire comprendre à quelques privilégiés la nature et la profondeur de ses sentiments. Pour lui, le bleu de ses prunelles s'était mué en une mer d'espoirs..... Qu'il vint alors comblé par son second baiser. Elle eut l'impression qu'on lui insufflait un souffle de vie, comme respirer à nouveau après une éternité d'apnée. Ses mains ne quittèrent ni son visage, ni la main de Victor. Seul son corps était venu se déposer très doucement contre le sien. Hélas, il fallut une fin à ce moment qui semblait avoir stoppé la course du temps. Douce et cruelle illusion....
La main du lycan vint s'engouffrer dans la crinière flamboyante et soyeuse, laissant découvrir toute la douceur qu'on aurait pu lui prêter. Une douceur si peu éprouvée.... La noble rousse restait ancrée dans le silence, offrant simplement un sourire doux et radieux. Mais si les choses étaient rarement simple, il fallait croire qu'ici elles éprouvaient l'impertinent besoin d'être particulièrement compliqués. Ainsi vint-elle s'assoir à sa suite, se demandant ce qu'il lui prenait et surtout qu'est-ce qu'il pouvait bien avoir de si terrible sur la conscience pour se sentir dans l'obligation de lui confesser sa vie. Elle l'observa aussi attentive que légèrement décontenancée. Et à vrai dire elle n'était pas préparée à ce qui allait suivre. Tout. Victor lui révélait absolument tout de sa vie. La vampiresse l'observait avec des yeux surpris. Pourquoi un tel besoin, apparemment si puissant ? Elle écoutait ses paroles.... Et découvrit quelques surprises. Le nom de sa femme ne lui était bien évidement pas inconnu, et ce fut avec un léger sourire amusé qu'elle appris cette partie de son histoire. ~Ainsi c'était donc lui le "ravisseur de princesse" ? Cette histoire avait été un scandale sans nom à l'époque.... Mais elle avait également secrètement fait rêver bon nombre de jeunes filles.... Pauvre homme, s'il savait qu'après une princesse il trouve le moyen de s'enticher d'une ex Impératrice....~
Si cette partie de son histoire avait davantage quelque chose de mignon, la suite en revanche fut plus difficile à entendre et encore plus à croire. Un homme comme Victor ? Abandonner l'un de ses enfants ? Elle ne l'aurait pas entendu de sa bouche qu'elle aurait refusé d'y croire. Et pourtant.... Un péché bien lourd aux yeux de l'éternelle demoiselle, qui ne pouvait pas s'empêcher de faire le parallèle entre sa propre histoire et celle de cette Adélaïde. Sa mère aussi était morte en couche.... Mais son père, incapable de renier le seul enfant de la femme dont il avait été fou amoureux, avait préféré disparaître purement et simplement de la surface du monde..... Ne laissant que deux lettres, une pour chacun de ses frères, où il confessait son amour, la relation hors mariage, et l'enfant qui en été né et qu'il leur laissait. Mais il y avait une autre différence majeure.... Qui faisait toute la différence aux yeux de la vampiresse. Gardant toujours un silence presque pieu, elle laissa Victor continuer son histoire. Et elle eut alors tous les tenants et les aboutissants concernant ce fameux "Comte" Dimitri, et les atrocités sans nom qu'il avait fait subir à cette famille. Au final, elle eut en main tous les tourments et les regrets qui rongeaient l'homme face à elle. Ce qu'il appelait la lâcheté, l'impuissance et l'absence. Ce qu'elle voyait être des aspects de la faiblesse humaine. Ce long mea culpa fait, il en revint à la situation présente, et à eux.
Son regard sortit de son air songeur, s'animant de nouveau de cette intensité si particulière. Elle était plus qu'une amie.... Et enfin il les prononça, ces mots qu'elle n'attendait plus, qu'elle n'espérait plus, et qui lui gravèrent un sourire rayonnant en dépit de toute sa retenue. Elle resta quelques petites minutes silencieuse, ne lâchant pour rien au monde la main de Victor. Juste un petit temps pour organiser et ranger toutes les informations qu'il venait de lui livrer. Bien plus qu'elle ne se pensait capable d'en absorber. Et enfin, elle reprit parole, ancrant de nouveau son regard dans celui le plus cher à ses yeux.
Victor.... Est-ce qu'un homme homme égoïste aurait le souci de savoir sa fille heureuse et bien portante ? Est-ce qu'un homme égoïste s'inquièterait du consentement d'une femme ? D'être honnête vis-à-vis d'elle ? Un homme égoïste regrette t-il ses erreurs ? Est-ce que le lâche reconnait ses erreurs ? Est-ce qu'il ose les avouer à celle qu'il aime ? Au risque de la perde ? Est qu'un homme lâche et faible tente de réparer ses erreurs passées ? Est-ce qu'un être inhumain peut seulement connaître le poids du remord et de la culpabilité ?
Elle savait que c'était là une série de question particulièrement pointue et peut-être même douloureuse de part la mise en abîme qu'elle instaurait. Mais c'était aussi là le cheminement d'une argumentation implacable....
Vous êtes la personne la plus humaine qu'il m'ait été donné de rencontrer. Certes vous avez eu des moments de faiblesse et de doutes. Vous avez faits des erreurs. Mais vous les avez reconnus. Et plus important encore.... Vous essayez de les réparer et de ne pas les reproduire.
L'Impératrice déchue vint prendre doucement son visage entre ses mains, le caressant avec toute la délicatesse du monde, se voulant réconfortante.
Je laisse à Dieu le loisir de juger vos actes passés. Je n'ai pas ce droit, et je n'en ai pas la moindre volonté non plus. Mais pour votre âme, je le devine sans peine miséricordieux. Vous avez fait là preuve d'un courage et d'une honnêteté que je ne suis pas certaine de pouvoir égaler un jour. Nous avons tous nos secrets.... Tous nos erreurs et nos fautes. Et si je devais réellement être juge en ces lieux.... Ce n'est pas vous que je condamnerais.... Ma croix n'est pas plus légère ni plus pure que la vôtre. Si je devais suivre votre exemple.... Je pense même que je devrais m'interdire jusqu'au fait de vos adresser la parole.
Elle n'avait peut-être jamais été absente pour quiconque. Peut-être n'avait-elle jamais abandonnée personne. Et la lâcheté n'était peut-être pas forcément le tort le plus prédominant chez elle. Mais.... Elle avait tant de sang sur les mains. La manière dont elle avait exterminé ses ennemis durant la seconde guerre était suffisante pour faire frissonner d'effroi le diable lui-même. Et le pire.... C'était qu'elle n'avait aucun regret pour le carnage commis. Des deux, elle était définitivement la plus inhumaine. Et sur bien des plans. Ses mains quittèrent son visage pour venir chercher celles de Victor. Pour s'y agripper, comme pour se donner du courage. Une profonde inspiration, elle releva son regard devenu grave vers le sien.
Je doute être capable de pouvoir faire preuve d'autant d'honnêteté que vous. Et je ne suis pas sûre que vous soyez prêt à découvrir certains aspect de mon passé. Par où commencer.... J'ai été marié moi aussi. Malheureusement, ce n'était absolument pas un mariage heureux. Plutôt une affaire conclue entre famille, comme cela se faisait beaucoup autrefois. Mais.... Mon mari ne m'aimait pas. Et vint le jour où il décida qu'il lui serait plus agréable de se débarrasser de moi, pour jouir tranquillement de mon patrimoine avec sa maîtresse.... Il chargea d'ailleurs cette dernière de m'assassiner. Et elle réussit....
La vampiresse marqua une courte pause, son regard tombant machinalement sur son cœur, où la lame s'était enfoncée. Elle reprit ensuite.
J'aurais dû mourir cette nuit là, si mon mentor n'avait pas été là pour me transformer. Tybalt Allister.... Vous êtes la seconde personne à connaître ce nom.... Il fut mon professeur de musique depuis mon enfance. Il était devenu également mon seul ami et confident. Et enfin mon "père" vampirique....
Elle ravala quelques larmes, offrant un regard d'une tristesse profonde au loup, accompagné d'un sourire d'une tristesse poignante.
Vous vous pensez lâche ? Égoïste d'avoir offert à Ludowika la vie qu'elle avait souhaité ? Mais que pensez-vous d'un amour resté silencieux et inavoué pendant presque un siècle.... Des suites de décennies à taire une passion dévorante, en espérant sottement que l'élu de mon cœur ose se déclarer. Des sentiment que lui et moi partagions.... Mais que nous n'avions jamais osé déclarer, ni même vivre. Je ne sais pas si c'était de la pudeur, ou la peur de perdre cette curieuse et puissante alchimie qui nous liait. Mais.... La folie des hommes eut raison de nous. Lors de la Seconde Guerre Mondiale, Tybalt disparu lors d'un bombardement. Ce fut lors de cette guerre.... Que l'enseignement que Tybalt m'avait prodigué pour pouvoir me défendre me servit à bien d'autres fins. J'ai fondu le bouclier qu'il m'avait offert pour forger une épée destructrice qui a fait coulé le sang sur ces terres.... Jusqu'à ce que ces dernières, écœurées, ne puissent plus l'absorber.
La vampiresse ferma un instant les yeux.
Des années entières d'un massacre sans nom. Une boucherie sous le signe de la terreur et de l'horreur. Jusqu'à ce que la guerre ne finisse, ne me permettant plus de faire des champs de bataille des annexes du purgatoire. Une vengeance.... Qui bien évidemment ne me rendit guère mon aimé.... Et me laissa inéluctablement avec amertume et frustration.
Katyusha rouvrit lentement les yeux, bravant de nouveau le regard de Victor. Allait-elle y lire de la peur ? Du dégoût ? De la déception ? De toute manière c'était dit.
La guerre finit, j'ai passé 80 ans à chercher la dépouille de mon mentor.... En vain. J'ai longuement hésité à mettre un terme à une existence qui avait vu autant d'horreur qu'elle en avait répandu. Mais.... J'avais promis à Tybalt de toujours lutter. De me battre jusqu'au bout. Et cette pour cette promesse que jusqu'à présent, je m'efforçais d'exister.
La vampiresse s'installa de manière à s'adosser contre le dossier du canapé. Elle continuait d'observer le lycan comme s'il s'agissait de la huitième merveille du monde.
Vous qui parliez d'être inhumain, vous avez devant un monstre qui ne regrette pas les carnages qu'elle a commis. Et qui sait qu'elle recommencerait certainement cette vengeance insensée par amour.... Qui s'est satisfaite d'une existence solitaire et froide depuis cette guerre sordide. Enfin.... Jusqu'à ce qu'un curieux médecin ne vienne y semer les graines de l'imprévu.... Et me surprenne à faire battre un cœur que je croyais éteint à jamais.
Elle ferma de nouveau les yeux ajoutant.
Ce n'est là qu'une partie de mon histoire Victor.... Et elle est pourtant déjà si lourde. Je n'ai pas le coeur d'imposer ce passif à quelqu'un dont les mains guérissent, là où les miennes sont gorgées de sang et de mort. Vous êtes en droit d'être horrifié. Dégoûté. Peut-être même affreusement déçu. Vous avez le droit de quitter les lieux sans vous retourner et de m'oublier. Je ne vous jugerais pas. Je vous demanderais seulement de garder ce passé secret. J'ai à cœur qu'il repose avec ceux que j'ai aimé et qui m'ont quitté....
Elle n'avait pas pu lui avouer sa véritable identité. Elle se refusait catégoriquement de lui faire prendre ce risque ! Elle avait vu tout les siens périr pour ce sang impérial.... Elle ne voulait plus voir le sang couler pour lui. Elle scrutait à présent le docteur, s'en voulant secrètement de lui imposer un pareil dilemme alors qu'il venait de se déclarer et de lui parler à cœur ouvert. En un sens, elle avait fait la même chose.... Mais il était plus facile de pardonner des faiblesses humaines que des exterminations ineffables. Elle le savait, et c'était pour cela qu'elle lui offrait la possibilité de partir, de la manière la moins culpabilisante possible pour lui. Il avait à cœur l'honnêteté et la franchise. Elle avait pourtant l'impression de lui faire un cadeau empoisonné....
Si le poids de mon passé ne s’était pas envolé, venait alors désormais s’y ajouter le poids, le risque de voir la femme qui me faisait face s’envoler, dégoûtée par l’homme qui lui avait volé ces baisers. Le silence qu’elle imposait désormais me faisait craindre le pire alors même que ma main se trouvait encore dans la sienne. Combien de temps ? Combien de temps allait-il lui falloir pour lâcher le seul contact que nous ayons alors ? Je ne bougeais plus, comme suspendu aux mots qu’elle pourrait prononcer. Un instant, j’eus dans l’idée de partir, ne supportant que difficilement l’idée même de me faire rejeter une seconde fois en quelques heures seulement. Mais je n’en fis rien, et le regard de la vampire se tourna vers moi. Ses mots, ses questions, me firent baisser les yeux, alors même que je tentais d’y réfléchir. Peut être avait-elle raison, mais un homme qui n’était pas tout cela n’aurait jamais autant fauté que moi, il n’aurait jamais abandonné sa propre fille, ses filles, ses deux filles, même, à bien y réfléchir. L’une enfant, l’autre adulte et prise pour cible d’un vampire sanguinaire. J’allais d’ailleurs répondre lorsque la rousse continua. Humain… elle me trouvait donc… Humain. Le regard planté dans le sien, je sentis soudain ses mains entourer délicatement mon visage alors qu’une larme coulait de nouveau sur ma joue. Je me sentais, soudain, comme soulagé comme si le poids qui m’étreignait s’envolait et avec lui toutes mes craintes. Bien sûr la culpabilité me rongeait-elle encore, et sûrement celle-ci ne disparaîtrait pas avant des années. Mais… Elle n’était ainsi pas répugnée par la personne que j’étais.
- Jamais le Seigneur ne pourrait condamner un être tel que vous, Katyusha. Soufflai-je alors pour toute réponse. J’en suis convaincu. Vous êtes… Je fronçai quelques peu les sourcils. Vous m’avez aidé. Depuis notre première rencontre, vous m’avez aidé à surmonter bien des choses dont vous ne vous doutez pas. Vous m’avez rendu un sourire perdu depuis près de cent soixante dix ans. Attrapant sa main, je me mis à la serrer de nouveau. Vous ne connaissiez pas ma fille, et vous m’avez pourtant soutenu comme il vous était possible lorsqu’elle a disparue. Vous êtes toujours restée à mes côtés. Sans même me connaître réellement, en amie, en épaule. Alors je peux assurer que vous êtes sûrement la personne la plus exceptionnelle qui existe.
Ma voix était certes douce, mais bien avant tout convaincue de ce que je pouvais avancer. Et sa deuxième main rejoint la première, alors que je fronçai doucement les sourcils. Pourquoi semblait-elle soudain si… Tendue ? J’allais bientôt le savoir, car Katyusha reprit alors parole. Et c’est avec toute l’attention du monde que je l’écoutai. Son regard plein de tristesse… Lâchant l’une de ses mains, je vins caresser lentement sa joue pour l’attirer doucement vers moi, dans un geste plus doux et plus tendre que jamais je n’avais pu avoir avec la moindre femme depuis bien longtemps. Mais c’est toujours sans un mot que je l’observai, plongeant mon regard dans le sien. Ainsi avait-elle… Non. Je peinais à y croire. Sanguinaire ? Elle était… Avait été sanguinaire ? Sans un geste, je l’observai continuer. Devais-je y croire ? Oui. Elle disait la vérité. Nul était besoin de me mentir, encore moins sur cela. Mais éternel pacifiste… Je ne pouvais que difficilement admettre cette façon de faire même si… Son histoire terminée, je me tus, les yeux légèrement baissés, je me mis à réfléchir. Oh. Je ne réfléchissais certainement pas au fait de rester ou de partir. Loin de là. Non. Je réfléchissais simplement à quoi dire. Pour la rassurer, lui indiquer que je comprenais, à défaut de l’admettre entièrement.
- N’est-ce pas seulement là être « humaine », Katyusha. Dis-je pour reprendre alors ses mots tandis que mon visage se levait de nouveau vers la vampire. Si vous êtes vampire, créature surnaturelle ô combien plus puissante que de simples humains. Ne pensez-vous donc pas que c’est là seulement vos sentiments humains qui vous ont poussé à cela ?
Et j’en étais bien plus que convaincu. Je ne voyais là qu’une femme qui avait souffert toute une vie durant, de bien des façons. Une femme qui s’était laissée consumée par la douleur et là où je n’avais vu que l’abandon de ma fille, « responsable » de la mort de sa mère, elle, avait poursuivi les « responsables » de celle de l’homme qu’elle aimait. Ni plus. Ni moins.
- Ne pensez-pas être moins vertueuse que moi, car je le suis alors tout autant. Mais n’imaginez encore moins que vos mains ne sont que gorgées de sang. J’esquissai soudain un sourire, léger, mais tendre à son encontre. Katy… Dis-je alors usant d’un surnom que je n’avais encore jamais utilisé jusque-là. Pensez-vous que des mains pleines de sang auraient pu m’aider, me sauver, en quelque sorte ? Vous n’avez fait que répondre à votre vengeance, comme vous l’avez dit, à la douleur que vous avez pu ressentir. Bien sûr… Je ne peux approuver cela. Mais je peux le comprendre. Ludovika ne m’a sûrement jamais aimé que pour la liberté que je lui avais offerte, et je l’ai toujours su. Oh je ne m’en plains pas. La famille que j’ai eue, je n’aurais pu l’avoir avec une autre. Mais est-ce là bien mieux que de ne rien dire ? J’ai toujours eu l’espoir de la voir m’aimer. En vain. Alors… Qui de nous deux est le mieux placé pour parler d’amour ?
Cette fois, ce fut un léger rire, animé d’une certaine mélancolie qui me prit alors tandis que je lui souris, doucement. Ma main bientôt de nouveau placée sur sa joue, je m’approchai de nouveau d’elle sans cesser de l’observer, avant déposer un court baiser sur ses lèvres. Ne m’éloignant que de quelques centimètres, mon nez frôlant le sien, je secouai la tête.
- Je ne quitterai ces lieux que lorsque vous m’aurez congédié. Soufflai-je avant, de nouveau, de capturer ses lèvres avec plus de ferveur. Une passion, malgré tout, contenue quoique bien plus présente alors.
Quelques instants, et je me séparai alors d’elle, le souffle légèrement plus court, le sourire aux lèvres.
- Et votre secret sera gardé, rassurez-vous, mais je vous demande d’en faire pareil pour le mien. Je doute que mes filles apprécient que l’histoire de notre famille soit connue. D’autant que… Je soupirai, me reculant contre le dossier. Elles ne sont pas au courant de qui est leur mère, imaginant qu’il ne s’agit que d’une simple paysanne allemande. Je baissai les yeux. Cela faisait partie du contrat, contre mon avis de respecter la mémoire de Ludovika. Je secouai la tête. C’est pour cela que je ne dois pas abandonner ma fille. Malgré son rejet. Malgré ses actes. Je dois me battre pour elle. Un nouveau sourire et je tournai de nouveau la tête vers la vampire. Comme je me battrais pour vous et votre sourire. Quoiqu’il arrive.
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L'instinct était une chose bien mystérieuse. Ainsi, cette froide Impératrice déchue n'avait-elle pas eu besoin de réfléchir, ou plutôt de se torturer l'esprit sur comment réagir face à cette larme. Son pouce était venue naturellement l'accueillir, pour délester la joue du lycan de cette triste humidité. Elle réprima un petit rire nerveux à son affirmation quant à la clémence de Dieu face à son âme torturé. Ho bien sûr elle avait souffert. Elle aurait même dû mourir en martyr à bien y penser, même si ce n'était pas sa foi qui lui aurait valu son trépas. Le simple fait d'exister avait été son crime. On avait voulu "remédier" à cela.... Et son crime s'était alors mué en une récidive éternelle.... Elle souriait doucement à son argumentaire. Sa capacité à pardonner était assez impressionnante, même si elle se doutait pertinemment que c'était surtout là la nature de ces sentiments qui parlait. Pour avoir appris l'exercice, il était bien difficile de rester partial lorsqu'il s'agissait de la personne que l'on aimait. Et ici, il était prêt à pardonner des exterminations de masse, pour l'avoir simplement soutenu ? Certes elle avait été là pour lui, et avait même agi dans l'ombre. Mais cela il ne pouvait pas le savoir. Certes elle l'avait accompagné jusqu'à aujourd'hui, dans ces retrouvailles catastrophiques. Et il était vrai qu'aucun de ses actes n'avait été intéressé.
Mais c'était là si peu de chose.... Certains auraient même appuyé le fait que c'était là un comportement normal. Que les amis servaient à cela, et qu'elle aurait été un monstre d'égoïsme si elle avait agi autrement. Dans un sourire léger, elle lui répondit doucement.
Je n'ai rien fait d'exceptionnel Victor.... Vous l'avez dit vous-même. Je n'ai agi qu'en amie. N'importe quel ami digne de ce nom en aurait fait de même, si ce n'est plus. Alors.... Dire que cela était si extraordinaire.... Je crois que vos sentiments me prêtent bien plus de vertus que je ne pourrais jamais en avoir.
Elle avait au moins l'honnêteté d'être lucide sur sa contribution. L'impératrice déchue savait être juge juste envers les autres, mais toujours beaucoup plus sévère envers elle-même. Elle avait dépeint le portrait de ses heures sombres sans alléger la moindre de ses exactions. Elle n'était pas entrée dans les détails par simple souci de ne pas sombrer dans des discours sordides et malaisants. Mais là où Victor voulait lui accorder la grâce de quelques circonstances atténuantes, la noble rousse ferma les yeux. Toujours un doux sourire aux lèvres, les tentatives du docteur d'alléger ses griefs la touchant néanmoins.
Il est vrai que ma fureur n'était pas gratuite.... Et qu'à mes yeux je ne faisais qu'accomplir justice. Mais.... Cela ne pardonne pas ma faiblesse face à mes sentiments et ma réflexion. Certes, sur l'instant ce furent mes émotions qui parlèrent. Mais... même à tête refroidie, j'en suis venue à la conclusion que, si je n'avais pas agi, je me serais condamnée encore bien plus sévèrement pour ma lâcheté et passivité.
Elle rouvrit alors les yeux, son regard semblant se perdre dans des souvenirs lointains.
De mon vivant, il ne m'était déjà pas permis de me montrer "humaine". Mon éducation m'avait formé pour être plus que cela, une perfection illusoire, figée dans un marbre égale et inébranlable. Je n'avais déjà pas le droit de céder à cela humaine. Alors céder à cela une fois devenue vampire..... Alors que j'avais déjà théoriquement acquis la sagesse de plus d'un siècle d'existence.... C'est d'autant plus intolérable. Vous n'aviez pas mon recul Victor. J'avais déjà vécu tant d'atrocités.... Là où cela aurait dû me servir d'expérience, il s'est avéré que ce fut l'infamie de trop.
Si la colère ravageuse à laquelle elle avait cédé n'était pas digne de son éducation d'Impératrice, la puissance destructrice de sa fureur sanglante, elle, était à la hauteur d'un courroux impérial ! Elle ne s'aventura pas plus sur ce sujet, craignant une indiscrétion qui aurait pu aiguiller Victor sur sa véritable identité. Les propos de ce dernier sur l'amour à sens unique qu'il avait vécu lui serrèrent le cœur. Fort heureusement, Ludovika ne l'avait jamais réellement aimé.... Et il en était conscient, s'y étant même accommodé. C'était là une situation bien triste, même si malheureusement banale à l'époque. Elle secoua doucement la tête à sa question, un sourire répondant à son léger rire. Elle était bien incapable de définir qui était le mieux placé des deux pour parler d'amour. Même si en son fort intérieur, elle se trouvait plus bête de ne pas avoir vécu son histoire, surtout pour une peur stupide, puisque Tybalt l'aimait également. Mais après tout, ce n'était pas la chose à la plus stupide qu'elle avait faite. Comme avouer tous ses crimes les plus horribles à un homme aussi intègre, par exemple ?
La main du lycan sur sa joue fut un soutien à la fois précieux et agréable pour l'aider à verbaliser ces évènements ô combien douloureux de sa vie. Aujourd'hui encore, ils lui laissaient un goût amer en bouche. Et cela pouvait même lui valoir de perdre Victor, comme si cela n'était pas assez pénible. Néanmoins, le court baiser qu'il lui offrit chassa ses craintes, qui finirent même éradiquées par ses propos rassurants. Propos qui lui arrachèrent malgré elle, et toute sa retenue, un sourire ravie, que l'embarras vint réhausser en colorant ses joues de quelques rougeurs qui allait finir par connaître par cœur. Une jolie couleur carmine qui vint s'intensifier alors qu'il vint lui offrir un baiser plus fiévreux bien que toujours contenu. Un baiser qu'elle lui rendait timidement, n'osant en demander plus, et ne souhaitant pas qu'il s'arrête. Néanmoins, il fallait bien respirer, et Victor lui rendit sa liberté pour s'entendre dire un léger avertissement.
Prenez garde qu'il ne me vienne pas l'idée d'oublier de vous congédier....
Le tout dans un sourire, même si son regard devint légèrement fuyant. Elle n'assumait pas encore l'audace de ses propos, bien qu'ils étaient encore très sages par rapport à la puissance de ses sentiments. Elle fut soulagée d'apprendre qu'il saurait taire les révélations qu'elle lui avait faites. Et elle eut d'ailleurs droit à d'autres révélations.... Elle lui adressa un sourire énigmatique avant de lui répondre sur le même ton.
Rassurez-vous je tairais votre secret. Je comprends la démarche de Ludovika. Il faut croire que c'est là la panache des royautés en cavale de cacher leur identité à leur entourage.
Elle acquiesça aux combats du père pour sa fille, trouvant sa résolution tout à fait noble, avant de se laisser aller à rire doucement lorsqu'il aborda les batailles la concernant.
Je crois que vous aurez déjà bien à faire avec votre fille pour vous lancer dans des batailles aussi périlleuse. Autant pour votre fille, je pourrais vous être utile. Mon expérience de la vie vampirique vous aidera.... Et j'ai de la témérité à revendre. Mais pour ce qui est de mon cas, il est perdu depuis longtemps docteur.
Lui qui se fustigeait d'être lâche, elle saurait l'encourager à ne pas fuir ou rebrousser chemin. Là où..... Avec beaucoup de chance, il parviendrait à l'empêcher de se mettre dans les pires ennuis à trop vouloir faire face. A ce moment précis, l'éternelle demoiselle se serait bien laissée aller à pousser un long soupir de soulagement. Son passé avait été beaucoup plus houleux que celui de Victor, et c'était là un des paris les plus fous qu'elle avait pu faire depuis les dernières décennies. Elle aurait pu perdre Victor à jamais.... Elle aurait pu se faire dévoiler au grand jour.... Quelle folie avait-elle commise là ? Ho oui.... quelle douce et enivrante folie.... Elle vint de nouveau prendre les mains de Victor dans les siennes, les serrant doucement, tendrement. Comme pour vérifier une fois encore qu'il était bel et bien là, bel et bien réel, et que cela n'était pas un songe. Et ses sens furent sans appel. Il était là, et réel. Voilà presque un siècle qu'elle ne s'était pas sentie réellement heureuse. Tout en gardant consciencieusement ses mains dans les siennes, et en les caressant délicatement de ses pouces, elle lui demanda.
Que comptez-vous faire à présent ?
Le moins qu'on puisse dire, c'était que le père et sa fille ne s'étaient pas quittés en bons termes. Est-ce qu'il allait veiller sur elle de loin ? Comme elle-même le faisait avec Gerald ? Est-ce qu'il comptait attendre avant de reprendre contact ? Comment faire en sorte que ces deux là s'excusent ? Surtout que connaissant la nature des assoiffées, Elizabeth avait de très forte chance pour refuser de s'excuser, même si son père venait en premier présenter les siennes. La bataille pour Lizzie s'annonçait compliquée....
Oh bien sûr avait-elle été amie, mais avant tout n’avait elle seulement rien laissé tomber. Bien des amis auraient fini par se lasser. Des semaines durant, chaque jour… Mais elle n’en avait rien fait, restant là pour me soutenir, quoi qu’il en soit. Et c’était bien cela dont je parlais. Et pourtant, Katyusha me semblait plus dure avec elle-même qu’avec mon passé et moi. Fronçant légèrement les sourcils, je secouai ainsi la tête négativement. Non. Je n’étais pas d’accord avec cela. Je parlais certes avec ce que je pouvais ressentir à son égard, mais j’avais toujours voulu à être objectif. Du moins un maximum. Evidement ne me targuerais-je pas de l’avoir toujours été. Je n’étais qu’un homme, après tout. Mais je m’efforçais, malgré tout à suivre cette ligne de conduite.
- Vous venez-vous-même de l’admettre comme vous me l’avez si bien fait remarquer, Katy. Soufflai-je. Il ne s’agissait là que d’une faiblesse, humaine, somme toute. Seulement couplée à la force brute d’une vampire. D’autant qu’il s’agissait là d’un fait dont vous n’aviez goûté déjà l’expérience. Vous n’auriez pu vous attendre à cela et une perte comme celle-ci est bien trop souvent plus brutale que tout ce qui peut nous arriver dans notre propre vie.
Et j’étais bien convaincu de cela. Bien sûr n’avais-je pas été dans de telles proportions. Bien sûr ne pouvais-je pas excuser des tueries de masse, quoique cela me semble bien loin de moi à cet instant. Mais à défaut de tout cela. Je pouvais pardonner à son passé. Je pouvais lui pardonner car c’était son passé qui m’avait amené cette jeune femme jusqu’à moi. Son passé qui avait fait d’elle celle qui se trouvait assise à mes côtés. Son passé. Et rien d’autre. D’ailleurs. Ne s’agissait-il pas là de passé, après tout ?
- Je n’avais pas votre recul. C’est un fait. Mais aujourd’hui j’ai un recul qui est tout autre. L’on ne peut revenir sur les faits du passé. Quand bien même vous auriez rasé un pays entier, cela resterait du passé et tout le monde a le droit au pardon. Je me mis doucement à rire, me moquant presque de moi-même. J’ai l’impression d’entendre un vieux prêcheur, et c’est pourtant ces principes que j’apprécie le plus. Je me souviens d’ailleurs que Jean a dit que « Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité. » Je me doute que peu de personnes doivent connaître la Bible, mais je traduis cela que vous savez qu’il s’agit là d’une chose que vous n’auriez pas dû faire. Du moins même si vous n’auriez pas fait autrement. Et en sachant cela, vous avez le droit au pardon. Mais pas du mien. Le mien est inutile. Je préfère me concentrer sur aujourd’hui et le futur plutôt qu’imaginer le passé.
Et je n’étais certainement pas Dieu pour pouvoir imaginer pouvoir pardonner une chose que je ne pouvais ni maîtriser ni même imaginer. De fait, il n’était pas de mon devoir de lui pardonner ou de la rejeter pour ses fautes, en fin de compte. Il était de mon devoir de l’accompagner, d’être présent pour elle dans le présent comme dans le futur. Du moins était-ce là mon souhait en me déclarant à elle.
Puis un nouveau baiser. Et un second. J’aimais ses lèvres. J’aimes à les sentir se presse contre les miennes, doucement d’abord, puis avec une ferveur toute en retenue. Et dès lors que mes lèvres se séparaient des siennes, j’avais envie de les capturer de nouveau, de la sentir près de moi. Oh bien entendu ne me serais-je jamais permis de plus. Non. C’était là une chose que je n’oserais pas. J’avais, d’ailleurs, déjà bien trop osé en ce jour. Sa voix, elle, me fit sourire. Un sourire apaisé alors même que mon cœur semblait plus léger quoique toujours endeuillé de ce que j’avais vécu plus tôt dans la nuit.
- Je vous remercie. Le secret, de toutes les manières, ne sera pas à garder éternellement. Au jour de son mariage, je lui transmettrais une lettre que ses grands-parents, sa mère et moi lui avons écrit. Il y en avait normalement une pour chacun de mes enfants. Elle sera malheureusement la seule à pouvoir la lire.
Un sourire plus triste au souvenir de mes fils disparus vint orner mon visage. Ils me manquaient. C’était indéniable, et cela resterait bien sûrement jusqu’à la fin de mes jours. Mais je ne devais faire avec le passé. Enfin… C’était une chose bien difficile à faire, une chose, d’ailleurs, que je ne savais pas faire mais que je me garderais bien de faire remarquer.
- Un médecin ne s’avoue jamais vaincu. Ou seulement lorsqu’il estime que tout espoir est perdu. Ce qui n’est pas mon cas. M’amusai-je.
Ses mains vinrent de nouveau prendre les miennes délicatement et, tandis que je les serrais doucement, je me mis à réfléchir. Que comptais-je faire ? A vrai dire, je ne savais pas. Je ne savais plus ; car alors que j’avais estimé agir pour le mieux, rien ne s’était passé « comme prévu ». Alors que faire ? Je soupirai. Il fallait que je trouve. Je ne laisserais ma fille tomber pour rien au monde.
- Je… Je fronçai les sourcils, les yeux rivés sur mes genoux, l’air particulièrement sérieux. J’imagine que le mieux est de laisser passer quelques jours. J’irais m’excuser. Ou lui téléphonerais. Je ne sais pas. Mais… Si je n’approuve pas et ne pourrais jamais approuver sa façon de vivre qui lui semble si normale, je peux au moins tenter de lui apporter une épaule bienveillante et loin de cet environnement délétère. Je ne suis certainement pas un saint. Soufflai-je. Mais cela vaudra mieux que rien. Je secouai néanmoins la tête. Je ne sais pas si j’arriverais à accepter de voir cela de mes propres yeux. Je ne pense pas cela possible. Mais quel sacrifice ne ferait pas un père pour sa fille aînée ? A nouveau je me mis à sourire, le regard perdu dans le vide, tendrement. Si vous saviez à quel point elle ressemble à sa mère… Elle n’a hérité que du vert de mes yeux mais le reste… Je reportais mon attention sur la vampire. Elizabeth est le portrait craché de Ludovika. Et elle l’était encore plus lorsqu’elle n’avait pas caché la rousseur de ses cheveux. Je me mis doucement à rire. Enfin… Je ne connais que mal la façon de faire des vampires, je dois avouer. Je sais les soigner, mais je ne sais que peu de choses sur leur façon d’agir. Et elle… Encore moins. Peut être devrais-je déjà apprendre à la comprendre, ne pensez-vous pas ?
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La vampiresse afficha un sourire curieux, à la fois songeur et mélancolique.
Je ne suis plus humaine depuis longtemps Victor.... Même si je sais encore faire la part des choses et traiter les humains qui le méritent avec respect, voilà longtemps que je ne parviens plus à m'identifier à eux.
L'espace d'un instant, la noble rousse se demanda si elle avait seulement été humaine un jour. Il lui semblait qu'en effet, elle l'avait été. Enfant, et jeune adulte. Elle constata avec amertume que son humanité avait rimé avec souffrance et solitude. Y avait-il réellement quelque chose à regretter dès lors ? Pas vraiment. L'âge d'or de son existence était apparu avec sa transformation en vampire. Renaissance avait pris une signification particulière pour elle. Elle était renée libre, entourée de Tybalt et de Gerald, jamais de son vivant elle n'avait eu droit à la présence d'un entourage qui l'aimait. Un âge d'or longtemps révolu.... Dont la fin avait précipité l'éternelle demoiselle dans une certaine radicalisation, et surtout la coupure définitive avec le monde des humains.
Mes capacités et mon expérience me mènent naturellement à m'estimer supérieure aux humains. Même s'il n'y a aucun mérite à cela lorsque l'on dispose d'une nature qui nous offre puissance et éternité. Mais.... Qu'ai-je fais de cette expérience, de cette puissance lorsque l'heure de vérité a sonné ? J'ai cédé.... La Sagesse continue de me reprocher cette faute. Je connaissais le genre humain. J'aurais dû prévoir ce drame. J'aurais dû garder en tête que Tybalt n'avait jamais été immortel, mais qu'il était éternel comme tout vampire. C'est la panaché des humains naïfs et innocents d'oublier qu'en ce monde, tout est mortel. Je n'ai aucune excuse pour l'avoir oublié. Pour ne pas m'être préparée, si tenté est que l'on puisse se préparer à ce genre de chose....
Quiconque avait déjà travaillé avec Katyusha pouvait témoigner de son exigence sans limite et de sa rigueur. Mais si la noble rousse était exigeante envers ses employés et collaborateur, envers elle, elle était intransigeante. Rien n'était pardonné sans une raison absolument irréfutable. Les circonstances atténuantes, la compassion, la souplesse.... C'était là un luxe réservé aux humains à ceux qui ne pouvaient pas prétendre à la perfection. Elle estimait avoir les moyens pour atteindre ladite perfection. Elle s'interdisait dès lors le droit à la moindre erreur, en dépit de toute l'injustice et de toute la cruauté envers elle-même que cela impliquait. Elle afficha de nouveau un sourire, plus léger, à la notion de pardon à laquelle Victor faisait allusion.
J'ai renoncé au pardon au moment même où je me suis drapée du sang de la vengeance. A vrai dire, je le conçois difficilement pour des exactions d'une telle envergure..... Mais.... Je vous accorde que cela remonte à une époque qui n'est plus. Sans me pardonner, aujourd'hui j'invoquerai la prescription. Je porterais le poids de mes souvenirs pour l'éternité..... Je n'ai pas besoin qu'une tierce personne m'accable davantage. Ce serait inutile.... Et à la limite du ridicule. Je n'aspire pas même à une acceptation de votre part, j'ai bien conscience que cela est beaucoup trop éloigné de vos convictions pour vous demandez cela. Mais vous m'avez déjà offert votre compréhension.... C'est tout ce que je pouvais espérer.
Il fallait bien ses baisers pour l'empêcher de sombrer dans la noirceur de certains épisode peu reluisant de sa non-vie. Même si elle tirait une certaine fierté de l'enseignement martial et médical qu'elle avait pu assimilé en cette courte période. Heureusement celle-ci était loin, et le présent avait maintenant un petit goût d'enchantement. Elle en vint presque à se fustiger de gâcher ce moment avec ses déboires sanglantes passés. Mais la vérité avait été dite, du moins partiellement. Elle vint doucement resserrer sa main sur celle de Victor, alors qu'il se désolait de ne pas pouvoir transmettre une partie de l'héritage convenu à ses fils. Son sourire s'accentua alors qu'il déclarait fièrement ne pas s'annoncer vaincu aussi aisément. Elle répliqua la malice au coin des lèvres.
Méfiez vous Docteur.... Cette patiente-là est particulièrement retorse. Elle pousse même les plus braves au pires extrémités....
Alors qu'elle était à l'écoute du lycan sur ses projets concernant sa fille, elle ne put réprimer un doux sourire attendri face à l'amour de ce père pour son enfant.... Et ce malgré la dispute déchirante qu'ils venaient d'avoir. Elle opina de la tête, acquiesçant les décisions qu'il venait de prendre.
Je pense que vous avez pris là, la plus sage décision possible. Et que essayer de comprendre sa position ne pourra être qu'un plus. Je ne suis pas une assoiffée moi-même, mon caractère me l'interdit, mais.... Je serais à même de répondre à toutes vos questions concernant la mentalité de mes pairs et leurs mœurs de manière générale. Cela sera certainement plus facile de l'entendre que de le constater de vos yeux.... Car si l'univers des vampires est déjà un domaine complexe, les assoiffés sont encore dans un monde à part.....
Et autant dire qu'elle s'attendait à ce que le choc des cultures soient particulièrement pénible pour le pauvre médecins ! Même elle avait du mal avec l'idée, hautement répugnante à ses yeux, de s'acharner sur une proie sans défense. Plus encore, c'était même là un aveux de faiblesse caractéristique. Car il n'y avait qu'un être faible pour se sentir puissant à écraser ce qui ne pouvait lui nuire.... A contrario, une personne puissante s'en trouverait honteuse. Car c'était indigne de sa puissance. C'était aussi pertinent que d'apprendre à manier une épée à deux mains pour couper une tranche de pain.... Ces considérations mises de côté, elle enchaîna.
Je pense qu'il serait en effet judicieux de commencer par reprendre contact par téléphone.... Mais si Elizabeth accepte ce premier pas, et que le dialogue se rétablit, je vous suggère de lui proposer un rendez-vous ultérieur pour vous excuser en personne. Cela peut paraître inutile et difficile.... Mais c'est une démarche généralement bien perçue. On accorde plus de valeur à des excuses faites les yeux dans les yeux, que des mots confiés à un micro.
Doucement, je secouai la tête négativement. A mon sens, et quoique puisse en dire cette jeune personne, nous étions tous humains, au moins en partie. Bien sûr avions-nous des races différents. Bien sûr étions-nous foncièrement différents sur bien des points. Pour autant, nous étions tous, au moins à notre naissance, humains. Mais aujourd’hui… Etions-nous supérieurs ? A vrai dire, les paroles de Katyusha me firent réfléchir quelque peu. Nous avions des capacités que les humains ne pouvaient avoir. Une force, une rapidité, une ténacité que beaucoup nous enviaient. Mais je ne me sentais et ne me sentirais sûrement jamais supérieur aux êtres humains. Je n’étais qu’un lycan. Mi-homme, mi-loup, pourrait-on dire pour résumé les choses. Un être entre la nature et l’humanité, quoique cette dernière fasse partie de la première. Les vampires ? Je n’estimais pas, non plus, qu’ils puissent être supérieurs. Différents. Oui. Mais pas supérieurs. Bien sûr étaient-ils au-dessus de toute la chaîne alimentaire. Bien sûr les humains étaient-ils alors des proies. Mais comme les humains n’étaient pas supérieurs aux animaux, les vampires n’étaient pas supérieurs aux hommes.
La prescription… A nouveau, je secouai négativement la tête. Cette femme était bien trop dure envers elle-même. Et je ne pouvais rien dire ou faire qui pouvait l’aider. C’était là un cheminement personnel et si mon désir de l’aider, de l’aider à se pardonner, plus qu’à voir d’autre la pardonner, était vif… Je ne pouvais en décider à sa place.
- Ne soyez pas si dure envers vous-même. Dis-je doucement. Vous ne méritez pas autant de violence envers vous-même. Bien au contraire.
Souriant, j’hochai la tête, bien convaincu de ce que j’avançais là avant de continuer, répondant à sa malice.
- Je pense vous avoir donné un aperçu de ce dont je peux être capable. Pensez-vous qu’une patiente aussi retorse soit elle pourrait m’arrêter ?
La réponse, bien sûr, était négative ; et notamment si cette patiente se voyait prendre les traits de la vampire dont je caressai lentement la main du pouce. Un instant, je me mis alors à réfléchir. Des questions… Oui. J’avais bien des questions. Mais voulais-je réellement entendre la réponse ? Ne préférai-je pas être lâche et omettre de façon tout à fait consciente ? Je soupirai intérieurement. Non. Non ce n’était pas là ce que je voulais. Quitte à admettre, à défaut d’accepter, mieux valait que je sois au courant de tout. Katyusha avait raison. Complètement raison.
- J’aurais une première question… Soufflai-je. Pourquoi font-ils cela ? Je sais que vous n’êtes pas Assoiffés, et Dieu m’en voit soulagé. Mais je peine à comprendre… N’y a-t-il pas d’autres solutions pour vous nourrir que s’en prendre à des humains innocents ? Comment trouvent-ils leurs… Je fronçai les sourcils. Leurs victimes ? N’y a-t-il pas moyen de les aider ? Leur faire parvenir de quoi combler tous leurs besoins, les soigner… Et pensez-vous que j’arriverais à convaincre Elizabeth et son… Je soupirai. Son fiancé de les ausculter ? Sont-ils beaucoup de vampires comme eux ? Je n’en ai pas vu beaucoup au manoir malgré mes quelques visites… Et que font-ils pour avoir autant d’argent ? J’avoue ne pas même savoir ce que font ma fille ou mon gendre… Et je ne suis pas vraiment très bon détective. Du moins n’ai-je pas essayé de savoir mais… Je soupirai. Je me pose bien trop de question désormais… Excusez-moi.
Lorsqu’elle reprit parole, je ne pus qu’acquiescer. Bien sûr, cela serait-il sûrement bien mieux reçu que de dire les choses en face à face, mais Elizabeth accepterait-elle de me voir ? Accepterait-elle de partager un « dîner », ou tout du moins une tasse de thé avec son père, si insultant envers elle ? M’en voulais-je ? Bien sûr. Jamais je n’aurais dû dire ces choses-là, et même la colère ne pouvait excuser un tel comportement. Je ne pouvais évidemment aller contre ma nature et mes convictions, chose qu’Elizabeth avait heurté de plein fouet et m’avouant sa nature. Mais… Je ne pouvais me résoudre à perdre ma seule et unique fille pouvant encore me rappeler feu mon épouse. Cela était au-dessus de mes forces. Et si je ne pouvais accepter ses actes. Peut-être pourrais-je, au moins, faire fi de ceux-là pour me concentrer sur elle et sa famille et uniquement cela. Peut-être…
- Ce n’est pas la difficulté qui m’effraie. Dis-je alors. Mais bien… Le risque de ne pas savoir quoi dire, d’être maladroit et d’aggraver les choses. Je soupirai. Voyez-vous… Je souhaite plus que tout être présent au mariage de mon enfant. C’est peut-être la seule chose que je pourrais lui donner en tant que père, moi qui n’aie pas été là auparavant. Je ne veux pas tout gâcher.
Un instant, je grimaçai. Qu’étais-je en train de faire ? Ne gâchai-je pas tout simplement le moment que nous venions de passer en m’attardant sur ce sujet-là ?
- Je m’excuse, Katyusha. Soufflai-je alors. Vous n’auriez pas dû être mêlée à tout cela et je vous ai égoïstement entraînée dans mon histoire familiale. Veuillez me pardonner.
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Katyusha ne put retenir un sourire en coin à la remarque de Victor. D’ordinaire, c’était elle qui lui faisait cette réflexion…. Mais pour l’heure, il était inconcevable qu’il puisse en être autrement.
Ho ce n’est guère là une réelle violence. Un simple revers de médaille à dire vrai. Je suis une vampire…. Si j’en ai les avantages, je me dois également d’être à la hauteur de ces derniers. Je considère plus cela comme un juste retour des choses. Avoir des capacités surnaturelles et la possibilité d’accéder à une certaine sagesse, mais persister à agir comme un humain en proie à ses faiblesses et sa mortalité.... Il y a une certaine indignité dans cette manière d’être.
Ou plus simplement, une vampiresse qui avait poussé l’intransigeance envers elle-même à son paroxysme, mais…. Paradoxalement c’était aussi là un travers propre à son éducation humaine. Mais peut-être qu’un témoin de cette même éducation pourrait-il l’aider à atténuer cette cruelle manie ? Tout était possible, encore fallait-il qu’il n’en soit pas lui-même prisonnier…. Et en parlant de manie auxquelles il était sujet, il y avait celle de tenir tête à sa patiente la plus infernale. Chose qui ravissait cette dernière qui ne saurait faire faux bond à sa réputation. Elle répliqua le regard brillant de malice et d’entrain.
Vous comprendrez que je me dois de vérifier les ressources d’un médecin qui clame de pareilles prétentions….
Tout était propice au jeu, surtout quand l’objectif de ce dernier promettait des moments plus agréables les uns que les autres. Mais avant de songer à des réjouissances, il fallait traiter les affaires courantes les plus urgentes. S’installant plus confortablement, la vampiresse prit soin d’écouter chacune des questions posées par son cher et tendre. Elle prit alors une profonde et discrète inspiration, sachant pertinemment que les réponses allaient être difficiles à entendre pour Victor. Mais il devait faire face…. Elle posa sa main sur celle de son aimé, soucieuse de le soutenir.
Ne vous excusez pas Victor, vous avez parfaitement raison de vouloir acquérir tous les tenants et aboutissant de cette affaire. Il faut concevoir que les assoiffés ont une vision très particulière des choses. Ils ont définitivement renié toute affiliation avec le genre humain, qu’ils ont pourtant partagé pendant leur mortalité. A présent, ils sont vampires, et se considèrent même comme les seuls vampires valables. Ils estiment qu’eux seuls sont dignes de respect et de considération. Quelques vampires neutres partageant leur point de vue trouvant grâce à leurs yeux, et encore. Mais de manière générale, les vampires végétariens sont tout simplement des aberrations plus ou moins vivantes, des « tares », sujet de moqueries et de dédains parfait. Quant aux autres vampires au mieux ils s’en moquent, mais souvent ils sont catalogués comme étant des couards ou des faibles.
Elle marqua une courte pause, le laissant assimiler ces points, avant d’étendre sa réflexion.
En étant aussi intransigeant envers leur propre race, vous imaginez bien que c’est encore pire pour les autres. Les lycans ne sont que des…. Bêtes qui les répugnent, et le reste…. Du bétail. Des sous-êtres qui n’ont pour simple utilité que de les nourrir et de leur servir d’esclave. Un vampire peut tout à fait survivre en ne se nourrissant que de sang animal mais…. Outre le fait que pour beaucoup le goût soit particulièrement atroce, cela s’avère très peut nourrissant pour un enfant de la nuit. Le sang animal nous permet de survivre mais nous condamne à une certaine faiblesse. Autant dire que pour un assoiffé, c’est une hérésie, ou une punition. Au mieux une extrémité déplorable à n’envisager qu’en cas de famine ou pour des questions de survie.
Ce passage là traité, elle entreprit d’aborder le suivant.
Sans que cela soit foncièrement impossible, je me dois d’être honnête et de vous dire que ce sera particulièrement difficile d’améliorer les conditions de vie des esclaves du manoir. On ne peut pas dire qu’ils considèrent les humains comme des meubles, car il y a réellement une notion puissante de mépris dans leur relation envers eux. Paradoxalement, cela ressemble un peu à un fonctionnement primitif. Les esclaves sont maltraités pour rappeler leur statut inférieur par rapport à celui des vampires. Aussi, en demandant à Elizabeth et à son fiancé, qui sont respectivement les chefs de cette famille, d’accorder des faveurs à leurs esclaves, vous remettez indirectement en cause un ordre établi…. Par eux-mêmes. Il faut voir les sociétés assoiffées comme des microcosmes qui ont leurs propres règles et leur propre culture. Le moindre relâchement peut être perçu comme un signe de faiblesse, et je doute avoir besoin de vous expliquer que cela n’est pas spécialement toléré…. Surtout venant des plus hautes instances.
Katyusha le laissa réfléchir sur la question, avant de poursuivre.
Les assoiffés présents, sont pareils à ceux des autres régions…. Généralement, ils s’organisent comme des clans ou des « familles » qui se partagent des villes. Tout dépend de la sphère d’influence des dirigeants et aussi du nombre de membres. Plus ils sont importants, plus il leur faut un vaste territoire. Ils effectuent généralement des rapts pour se fournir en esclave. Certains versent également dans le trafic d’êtres humains, plus discrets et plus pratiques pour s’approvisionner. Il est fréquent, avec leur mentalité extrémiste, qu’ils se retrouvent impliquer dans des affaires illégales où la moralité commune n’est plus qu’une lointaine rumeur. Même si ce n’est pas systématique. Certains affectionnent l’idée de construire leur propre empire financier et de le faire fructifier. Elizabeth est connue dans le milieu des affaires pour ses réussites. Je n’ai pas toutes les informations sur sa carrière, mais il me semble qu’elle ait monté son affaire de manière régulière. Je doute qu’elle ait besoin de tremper dans des affaires criminelles pour subvenir à ses besoins. D’autant plus que les esclaves fournissent une main d’œuvre plus que rentables.
Ses explications interminables données, la vampiresse pris soin de prendre quelques gorgées de sa tasse de sang. Victor n’avait pas fini de peiner, abordant à présent du cas de sa relation avec sa fille. La noble rousse secoua doucement la tête.
Bien que l’exercice soit particulièrement compliqué pour nous autre, le mieux est encore de lui parler à cœur ouvert. Dites-lui sincèrement à quel point vous tenez à elle, et que vous êtes conscient de vos erreurs. N’hésitez pas à lui dire que, même si vous avez peut-être encore du mal à concevoir à quel point votre absence a pu l’affecté, vous regrettez au plus profond de vous de lui avoir causé ce tort. Expliquez-lui que vous avez à cœur de ne pas laisser ce travers perdurer davantage. Mais que, comme vos dernières maladresses ont pu le prouver, vous aurez besoin de son aide pour cela. Qu’il lui faudra faire preuve de patience vis-à-vis de vos erreurs, et qu’elle vous laisse la chance de vous adapter. Vous ne pourrez certes jamais changer le passé. Mais que vous avez à cœur de lui offrir un meilleur présent. Et que, même si à présent elle est devenue une femme tout ce qu’il y a de plus libre et indépendante…. Vous souhaitez être toujours là pour elle, dès qu’elle le voudra.
Lizzie avait vécu bien trop d’année séparée de son père pour tolérer l’idée d’avoir besoin de lui un jour. Mais en tournant cela comme une faveur qu’elle lui accordait, la vampiresse se disait que Victor avait une chance de pouvoir se rapprocher d’elle. Après tout, cela restait factuel. Sa fille n’avait pas « besoin » de lui pour se débrouiller. Mais elle pouvait l’intégrer dans sa vie non pas par nécessité mais plus comme une grâce qu’elle lui accordait. Cela avait quelque chose de particulièrement prétentieux, mais après tout…. Les assoiffés ne brillaient pas pour leur modestie. Mais voilà que Victor s’excusait de nouveau, arrachant un petit rire à sa compagne, qui lui serra doucement la main.
Voyons Victor, pour le peu de temps où j’ai pu profiter de ma famille, s’il y a bien une chose que j’ai pu retenir c’est que l’on se retrouve très rapidement, et bien malgré nous entraîné dans ce genre d’affaire ! Il faut croire que, peu importe les époques, cela reste une variable définitivement indomptable. Une chance pour nous que nous n’ayons que votre famille à gérer, sans quoi je crains que nous n’aurions fini rongé par la folie !
Je secouai négativement la tête, peu convaincu par ses dires. Oui, bien sûr, pouvait-elle s’obliger à être plus sage, mais après tout avait-elle été humaine. Plus. La sagesse consistait aussi à connaître les limites humaines et à mon sens… A mon sens toutes les créatures gardaient une part d’humanité. Observant attentivement la vampire, je soupirai.
- Katy… Dis-je alors en caressant lentement le dos de sa main. Le jour où vous serez réellement indigne, sachez que je serais sûrement classé comme le pire des monstres de cette terre.
Une façon comme une autre de dire que jamais, quoi qu’elle fasse, même si elle n’atteignait pas cette perfection, cette image qui, à mes yeux, ne pouvait exister, jamais elle ne serait indigne. Non. Non, je ne l’imaginais certainement pas de la sorte, et Dieu que j’aurais voulu qu’elle puisse se voir par mes yeux à cet instant. Peut-être cela lui aurait-il permis d’accepter d’avantage tout cela. Mais c’était tout bonnement impossible. Ne restait donc plus qu’à la soulager par le poids des mots.
J’esquissai néanmoins un sourire à sa remarque, un sourire amusé alors que je me penchai doucement vers elle, l’air taquin.
- Et vous comprendrez que je ne peux tout vous montrer au risque de tout vous dévoiler sans pouvoir garder quelques ressources dissimulées en cas d’extrême.
J’appréciai pouvoir jouer, taquiner, la vampire. Une bouffée d’air frais dans un monde toxique. Voilà comment je pouvais voir nos petites joutes verbales. Mais l’heure n’était plus à la plaisanterie et je me doutais que les questions posées n’allaient pas obtenir d’agréables réponses. Bien au contraire. Silencieux, j’écoutais alors chaque mot prononcé par la vampire. Pour tout avouer, je me doutais de certaines réponses. Malheureusement. Un groupe raciste… A vrai dire… Même si je fronçai quelque peu les sourcils, la mine basse, lorsque vint la vision sur les lycans, je n’avais pas été assez aveugle pour ne pas le voir. Oui. J’avais bien compris cette aversion dès lors que j’avais retrouvé ma petite fille, tout comme lors de chacun de nos rendez-vous et ce même si cette dernière faisait, ou tout du moins tentait, de faire bonne figure.
- Je me suis douté de cela, je dois l’admettre. Mais je ne comprends pas… Pourquoi. Pourquoi voir leur semblable de telle sorte.
Parce que justement, ils n’étaient pas leurs « semblables » à leurs yeux. C’était évident. Mais dans ce cas… Pourquoi ne les voyait-il plus comme leurs semblables ? Pourquoi une telle vision des choses ? Pourquoi une telle envie de supériorité ?
- Je comprends pour ce qui est du sang animal… Et je comprends donc mon erreur… Mais… Il y a d’autres façons de se nourrir que de capturer de pauvres innocents !
Ma voix s’éleva légèrement. Je n’étais pas en colère. Loin de là. Affligé, peut-être. Mais bien loin d’être en colère, car seule l’incompréhension régnait en mon sein. Une totale incompréhension quant à leur façon de voir les choses… Car oui. Ils n’étaient plus humains à agir de la sorte. Tout comme les meurtriers n’étaient pas humains, quand bien même leur race, car ils n’étaient alors que cela. Des meurtriers. Et Elizabeth… Était l’une d’entre eux. Je serrai doucement le poing. Non. Sûrement y avait-il une raison pour laquelle ils agissaient de la sorte. Une raison valable, certaine, qui expliquerait cela. Une raison que nous ne connaissions pas, mais qui rendrait tout cela plus… Supportable. Le regard fixé en face de moi, sans même regarder ma compagne, je fronçai de nouveau doucement les sourcils pour continuer d’une voix neutre.
- Et si… Et si je me passais de leur consentement ? Demandai-je avant de secouer la tête plus franchement afin de me sortir de mes songes. Si je les aidais à couvert, sans qu’aucun vampire ne le sache. De la nourriture, des médicament, des vêtements, des distractions… Je ne peux certes pas leur rendre leur liberté, mais je peux les aider dans leur détention !
Une idée qui me paraissait parfaite et pour deux raisons. La première était que cela me donnait une raison, que cela donnait une raison à mon esprit si attaché à la bonté, pour retourner dans ce manoir. La seconde était que c’était la seule façon, à mon sens, de pouvoir les aider. Et je désirais les aider. Je soupirai néanmoins.
- Au moins réussit-elle dans la vi… Soudain, un arrêt. Si ces vampires trempaient dans les faits peu légaux… Si elle vivait dans la légalité… Peut-être que… Son fiancé. Articulai-je. Il faut que je sache ce que fait cet homme. Je ne pourrais la laisser avec un homme vivant dans l’illégalité ! Connaissez-vous cet Aedan Hale ?
Cela, de plus, me permettrait d’avoir une énième raison pour la retirer de cet environnement. Bien sûr avais-je peu d’espoir d’y arriver mais une simple once d’espérance me permettrait de ne rien laisser tomber.
Pour le reste… J’acquiesçai. Katyusha avait raison et était certainement le meilleur conseil que je puisse alors avoir. Un sourire étira même mes lèvres tandis que je l’observais enfin de nouveau. Doucement, ma main se tendit vers sa joue que je caressai doucement.
- Le Seigneur m’en soit témoin. Soufflai-je alors. Vous êtes ma chance et mon rayon de soleil.
Un nouveau sourire, et je baissai la tête, malgré moi quelque peu gêné par mes propos si directs et pourtant si vrais.
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Un sourire vint habiller les lèvres de la vampiresse qui ferma les yeux et secoua doucement la tête.
Vous êtes beaucoup trop bon avec moi.... Mais.... Raison de plus pour me montrer, plus que jamais, digne de mon statut. Il est hors de question de vous réduire à l'état de monstre. Ce serait le pire des scandales et la dernière des aberrations. Et surtout.... Une injustice que je ne saurais tolérer....
Elle rouvrit les yeux, venant lui caresser avec tendresse et délicatesse le visage de sa main fraîche. Elle retint à rire à sa réplique suivante. Il avait tout à fait raison en un sens, et elle n'aurait pas dit mieux à sa place. Mais cela la frustrait autant que sa curiosité était attisée. Elle souffla malicieusement.
Prenez garde, je pourrais bien prendre cela comme un défi à relever.... Je doute avoir besoin de vous prouver mon audace et ma créativité en la matière.
Dès leur première rencontre, elle lui avait fait une démonstration inoubliable de ses talents, stimulée par les répliques et réactions du lycan. Victor était comme un vent puissant, un souffle sur les cendres froides qui recouvraient les braises ardentes de sa passion et de sa fougue. Il la sortait de sa léthargie, de cette existence passive de mort-vivante qu'elle s'imposait. Un vent de folie et d'audace, un vent de passion et de déraison.... Un vent de vie.... Qui réveillait inexorablement sa nature flamboyante. Celle qui avait toujours demandé à s'exprimer, celle que la vie lui avait si rudement muselée. Par son éducation, par ses diverses conditions. Des liens qui avaient fini par faire partie d'elle, et qui n'étaient plus possible d'arracher. Mais l'homme avait eu suffisamment de finesse et de délicatesse pour éviter cette erreur. Au contraire, il avait su composer avec ces dernières. Une force qu'il s'ignorait sûrement, lui qui ne voyait jamais que ses erreurs, et négligeait ses réussites, même les plus belles. D'ailleurs, il était entrain de combler ses lacunes sur les mœurs et fonctionnement des assoiffés.
Apprendre était une chose. Comprendre en était une autre.... Surtout lorsque la mentalité en question était diamétralement opposée à la sienne. Katyusha réprima un léger soupire avant de répondre.
Il n'y a pas de réponse particulière à cela.... Peut-être est-ce plus facile de supporter les contrecoups de notre éternité en se confortant dans l'idée d'une supériorité officielle. Peut-être est-ce là le résultat d'une ancienne réaction aux premières discriminations et chasses aux sorcières qu'il y a pu avoir contre les vampires. Un besoin de pallier le rejet, la dépendance au sang, l'intolérance au soleil, la quasi stérilité.... Un besoin de trouver un sens à toute cette puissance, et ces faiblesses. On pourrait presque dire que chaque assoiffé ou famille d'assoiffés a ses raisons.
La vampiresse ferma doucement les yeux en secouant la tête.
Il n'y en a pas réellement d'autres si l'on prend en considération le rôle et le statut qu'ils se sont attribués, et qu'ils revendiquent. Ils sont les prédateurs en haut de la chaîne alimentaire. Ils ne doivent de compte à personne, et assoir leur domination en agissant en dominateur. C'est presque autant un droit qu'un devoir. En agissant de manière plus respectueuse, ils diminueraient leur supériorité. Ce qui n'est pas concevable.
La vampiresse rouvrit les yeux à sa proposition, prenant silencieusement une profonde inspiration. Elle avait un peu le cœur gros de ne pouvoir encourager le lycan dans ses élans altruistes.... Mais elle voulait aussi lui éviter d'autres déboires.
Vous prendriez là des risques énormes. Car en agissant ainsi, vous mettriez à mal l'autorité même de Elizabeth et Aedan.... Qui sont pourtant les chefs de cette famille. Je ne donne guère longtemps avant que les assoiffés ne remarquent une amélioration des conditions de leurs esclaves. Je n'ose imaginer ce qu'ils leur feront subir en guise de représailles.... Et encore moins leur colère à votre égard. Lizzie pourrait ne jamais vous le pardonner.... Et Aedan réclamer vengeance.
Et justement il fut cas de ce dernier Victor s'inquiétant soudain de la probabilité qu'il tempe dans des affaires particulièrement louches. La vampiresse retint son souffle avant de répondre.
C'est une éventualité qui ne m'étonnerait guère. Je ne connais pas très bien cet homme mais je sais qu'il dispose lui aussi d'une entreprise bien portante. Est-ce qu'elle est réelle ou est-ce qu'elle sert de couverture en revanche.... Cela dit.... Si Aedan est versé dans l'univers du crime, je ne doute pas un seul instant que Elizabeth soit au courant, et qu'elle veuille l'épouser en tout état de cause. Ce n'est pas là quelque chose qui pose problèmes aux yeux des assoiffés.
La réalité était si dure, et l'Impératrice déchue se demandait si le lycan pourrait seulement un jour l'accepter. Cependant, il avait très bien accepter les sentiments qu'il avait pour elle, et qu'elle lui inspirait, la gratifiant d'un touchant compliment, qui la fit rougir et détourner le regard. Elle répondit un sourire gêné aux lèvres.
Ne dites donc pas de sottises.... Je ne fais que vous donner quelques petites pistes de réflexion, voilà tout.
Et pourtant, ses mains venaient serrer doucement leurs jumelles, attendrie bien malgré elle par ses propos....
Je secouai doucement la tête. Non. Je n’étais « trop bon », mais seulement, peut-être, juste. Et voilà, d’ailleurs, qu’elle semblait exagérer mes propos voulant la rassurer. Devrais-je dire que Katyusha était incorrigible ? Oui. Sûrement. Mais c’était peut-être aussi là ce qui m’amusait un tant soit peu. Quelques instants seulement, je profitai de la caresse offerte avec tant de douceur. Une douceur qui m’avait bien manqué durant toutes ces années. Une douceur qui, à vrai dire, m’était presqu’inconnue.
- Vous n’avez aucun besoin de me prouver votre créativité, c’est un fait. Mais j’espère malgré tout que vous prendrez cela pour un défi, il semblerait que cela puisse nous occuper quelques temps.
Rapidement, je me mis à rire, prouvant que j’étais bien loin d’être tout à fait sérieux. Non, je savais que ce genre de défi nous mènerait droit à la perte tant elle et moi étions entêtés. D’autant qu’elle ne pouvait que savoir que je gagnerais… Forcément. La suite, néanmoins, de notre conversation était bien plus sérieuse, plus macabre, presque, à entendre ce dont il était question. La famille de ma fille, cette famille se prenant pour plus grands qu’ils ne l’étaient, car jamais je ne pourrais accepter telle supériorité de leur part. J’aimais ma fille, plus que ma propre vie, mais je ne pouvais approuver cette idée et ses choix.
- Peut-être… Dis-je à mi-voix, plongé dans mes pensées. Je dirais que chaque assassin peut avoir des raisons qui lui semblent valables sans que celles-ci ne le soient réellement.
Assassin. Le mot était sorti, car c’était bien là ce qu’étaient ou voulaient être ce genre de personnage. Des assassins. Peut être pas sur un temps court, mais l’esclavage n’était rien d’autre que du meurtre à rallonge. Un instant, je pensai au jeune esclave qu’Elizabeth avait pris pour cible. Il devait déjà être mort à l’heure qu’il était… Un frisson parcouru mon épiderme alors que je serrai doucement les mains de la jeune femme.
- Être prédateur ne veut pas dire n’avoir aucun respect pour ceux qui nous entourent. Notai-je malgré tout. Quant aux risques pris…
Dans un silence quasi religieux, je me mis à réfléchir. Les risques étaient certains, autant pour les esclaves que pour moi, mais je ne voyais guère d’autres solutions. Enfin… Bien sûr y en avait-il. Je pourrais tout aussi bien tenter d’ignorer les choses, feindre que je ne m’en souciais pas, mais… Non. Non cela était tout à fait impossible. Je ne pourrais pas le faire. Toute cette famille, leurs agissements autant que leur façon de penser, était contraire à ce que je pouvais être et défendre. Il me serait impossible de rester passif si je désirais voir ma fille. Soupirant, j’hochai alors la tête.
- Je comprends. Dis-je doucement. Je comprends que cela est risqué, autant pour moi que pour eux. Mais je trouverais le moyen de les aider. Si je ne peux les sortir de là et si je désire retrouver malgré tout ma fille et surtout l’accompagner dans la vie dans l’espoir de la revoir comme auparavant… je dois le faire.
Ma voix était alors sûre, posée et ferme. Je n’aurais pas d’autres choix pour respecter ce que je pouvais être. Je grondai néanmoins quelque peu aux dires de la vampire. Cela ne l’étonnerait pas… A vrai dire, cela me suffisait pour me faire une idée, au risque de voir cela n’être qu’une fausse image bien trop rapide pour être vraie. Mais elle avait aussi raison sur un point. Nul doute qu’Elizabeth savait ce qu’elle faisait, l’épousant en tout état de cause…
- C’est là le triste choix d’un père. Soufflai-je. Dois-je accepter le choix de ma fille d’épouser, je l’espère par amour, un homme qui ne saurait être droit et bon. Ou dois-je me battre contre cela, au risque de la voir malheureuse un temps indéterminé, au risque, même, de la perdre ?
La question était toute posée et surtout irrésolvable. Les deux choix avaient leurs avantages… Et leurs inconvénients. Et je connaissais, de toutes les manières, la seule chose que je ne désirais pas : rendre ma fille malheureuse. Si elle était ainsi devenue, sûrement y avait-il des raisons propres à elle, des raisons psychologiques. Sûrement avait-elle été malheureuse, pour des raisons que j’ignorais alors, ne connaissant rien à son histoire. Alors… Non. Je ne pouvais décemment pas lui enlever un bonheur, même un bonheur espéré. Cela aurait été tout à fait indigne du père que j’étais. Malgré moi, j’esquissai un léger sourire, malgré, même, mon regard perdu, triste que je relevai sur elle tandis que mes pouces se mettaient à caresser les mains qui serraient les miennes.
- Ce sont bien loin d’être des sottise, Katy. Soufflai-je. Ce n’est là qu’une vérité que je ne pourrais nier.
Soupirant alors, je l’attirai doucement à moi, un bras passé derrière sa nuque dans une étreinte des plus douces.
- Je ferais ce qu’il me semble être bien pour tous. Soyez en certaine. Et faites-moi confiance.
Par là même, je lui annonçais prendre sur moi pour accepter ma fille et même mon gendre, oui, mais surtout pour sauvegarder les humains qui composaient le manoir. Décision avait été prise, et j’étais convaincu que cela serait la meilleure façon, pour moi, de vivre auprès d’eux.
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Elle ferma doucement les yeux, affichant toutefois un sourire complice. Elle savait qu’il n’était pas sérieux. Mais…. Allait-elle pour autant se priver de le mettre en boîte, et de lui faire croire qu’elle avait pris la chose au sérieux ? Tout le monde devinait déjà la réponse….
Ho je pense pouvoir vous promettre vous offrir de quoi vous occuper jusqu’à la fin de vos jours mon ami. J’espère juste que vous ne vous lasserez pas de moi…. Je doute déjà qu’il ne viendra pas un moment où vous perdrez patience et où vous vous fâcherez.
Elle se connaissait, elle savait ô combien elle pouvait être insupportable quand elle s’y mettait. Elle avait déjà réussi à faire sortir Gerald de ses gonds plus d’une fois, et Dieu seul savait à quel point il avait appris à se montrer endurant avec elle. Mais ici, avec un lycan amoureux, est-ce qu’il ne se montrerait plus patient ? Dan l’absolue, elle ne voulait pas non plus qu’il se fâche, mais ce genre de choses arrivait malheureusement bien plus vite qu’elle ne le souhaitait. Cela dit…. L’important était de faire croire à Victor qu’il venait de s’embarquer dans une galère qui allait lui faire redécouvrir le goût du sel. Mais était-il réellement nécessaire d’ajouter du sel à sa vie déjà tourmentée ?
Elle ne répondit guère à sa réflexion sur les assassins, alors qu’elle-même aurait pu témoigner en la matière. Tuer…. On pouvait y trouver toutes les raisons du monde. Vengeance, défense, justice, argent, profits, colère…. Mais quelque soit la raison, la noble rousse devinait qu’aucune ne conviendrait au docteur. Et d’ailleurs la suite de ses propos ne fit que la conforter dans son idée. On ne changeait pas quelqu’un de profondément bon et altruiste en un jour…. Elle retint un soupir en l’entendant vouloir persévérer dans l’idée d’aider les esclaves. C’était tout à son honneur d’un point de vue moral, mais d’un point de vue familiale…. C’était de la folie. Elle se pinça les lèvres pour retenir une vérité que Victor n’était pour l’heure pas prêt à entendre. Non…. Sa fille ne reviendrait jamais comme avant…. Jamais. Pas avec ce qu’elle avait vécu, pas après s’être autant battu pour en arriver là où elle était. Pas après avoir goûter à l’ivresse de la suprématie, même illusoire. Elle esquissa un sourire, avant de répondre.
Je crois pouvoir avancer que pour épouser un homme tel que Monsieur Hales, il faut être résolument amoureuse. Lizzie n’est plus une enfant. L’heure de la prévention n’est plus. Aujourd’hui, elle doit vivre ses propres expériences pour apprendre et comprendre ses propres limites et besoins. J’imagine à quel point cela est frustrant pour un père, mais à présent vous ne pouvez plus que vous proposer en oreille attentive, et offrir vos conseils si elle vous les demande.
La vampiresse pouffa légèrement en secouant la tête.
Et je vous affirme que vous êtes aveuglé par votre amour…. Mais je préfère vous voir aveugle et heureux.
Bien que rattrapée par sa timidité, l’éternelle demoiselle se laissa aller à cette tendre étreinte. Elle sentait ses joues rosirent et chauffer légèrement, mais…. Elle était également heureuse d’être contre lui, dans ses bras…. Elle avait tant à découvrir à ce sujet…. Et elle avait hâte. Savourant son bonheur, présent, elle n’en oublia pas les combats de son lycan, et lui souffla.
Quoiqu’il arrive…. Je serais là…. Derrière-vous…. Avec vous.
C’était une promesse. Celle de veiller sur lui, et de le protéger même dans ses plus folles entreprises…. Même si elle devait se retrouver à gérer des assoiffés en colère. La réelle difficulté était que cette fois, elle ne pourrait pas se contenter d'éradiquer purement et simplement les potentielles menaces. Mais.... Si les choses venaient à mal tourner, en aurait-elle seulement le choix ? Elle doutait fortement que Elizabeth puisse attenter à la vie de son propre -quoique, elle restait assoiffée-. Mais pour le reste du groupe.... Elle se connaissait. Si le danger devenait avéré, elle agirait. Par surprise.... Alors qu'aucun d'entre eux ne se douterait de rien.... Elle réprima un soupire. Elle était littéralement d'étreindre son bonheur qu'elle imaginait déjà le pire pour mieux s'en prévenir. Et si pour une fois.... Cela se passait bien ? Et si pour une fois, elle osait y croire ? D'ordinaire, elle ne s'autorisait aucun fol espoir mais.... Juste pour cette fois.... Oublier les soucis pour savourer l'instant.