La voie de votre rédemptionDaniel Wakefield, pour vous servir.La présence de votre photo sur son bureau n’est jamais fortuite. Elle n’arrive que lorsqu’il y a un lien établi entre vous et la mort de quelqu’un d’autre. Les quelques autres cibles qu’il s’autorise lui-même sur son temps libre elles, n’ont pas cette particularité de se retrouver entre les feuillets d’un dossier classé dans un porte documents et scellé dans une armoire d’archives.
Non au contraire, cette photographie de celle aux cheveux à la teinture criarde qui se dévoilait être DJ, était arrivée là à cause d’une paire de chaussures ensanglantées retrouvée par le fond, assez proche d’un cadavre. Un cadavre sans tête, d’un vampire prêt à collaborer avec la Fédération. En voilà un qui aurait marché sur le sentier de la rédemption si cela était possible. Il aurait au moins pu être d’une quelconque utilité avant qu’on ne l’envoie par le fond dans une caisse métallique. Et la présence de la jeune femme à cet endroit confirmée par sa puce le soir du meurtre.
Mais toute cette affaire donnait au Chasseur une bonne excuse de faire une bonne affaire : tuer une vampire meurtrière l’ayant elle même débarrassé d’un de ses congénères. La conclusion de cette traque serait en tout points une réussite.
Elle n’avait jamais été ordonnée par la Fédération ni même validée par les Chasseurs. Daniel n’attendrait pas plus longtemps face à une telle occasion.
Mais, bien avant de se lancer dans le dernier acte de toute chasse, il avait besoin de renseignements.
Quelques jours d’observation, de son lieu de travail à son domicile. Chercher à comprendre ses habitudes, son rythme, pour frapper au moment opportun. Frapper au moment où les défenses sont les plus basses lorsqu’on affronte des créatures plus puissantes que soi, bien que celles-ci aient l’apparente douceur d’un agneau. Et bien sûr, toutes ces informations glanées presque sans sa présence. Une méticulosité qu’il impose et qu’il ordonne à presque tous les membres de son secteur placés sous sa responsabilités. Connaissez la bête, et vous triompherez de la bête. Bien qu’il réprimandait le premier d’entre eux qui qualifierait cette chasse là de « gâchis » en regardant la photo de leur cible. Une faiblesse chez eux qui avait poussé leur responsable à prendre les choses en mains.
Il ne comptait que sur lui pour être inflexible, quand bien même ils peuvent être jeunes, ou beaux.
Plus d’une semaine plus tard, Daniel toqua à la porte du N°11 de St Ann Street, à Tremé, à la nuit tombée. Présentant une carte de la Fédération face à l’œilleton de la porte d’entrée. Il savait qu’elle était là, aucun doute.
« Miss Hawthorne ? C’est la Fédération, nous aurions quelques questions à vous poser. »
Daniel s’éclaircit la gorge, tout en gardant son ton calme et bienveillant presque habituel devant des inconnus.
Cela faisait plusieurs mois que Grenat avait aidé à contre-coeur la vampire assassine à cacher son méfait. Les preuves, autant que la morale, avaient fini au fond de l’eau, au point que la jeune DJ n’avait pas été inquiétée. Le poids de la culpabilité était assez difficile à supporter mais elle ne pouvait pas se rendre sans risquer de se faire elle-même tuée. La vie avait donc suivi son cours et entre temps, Grenat avait rencontré des personnes qui lui avaient prouvé qu’on ne pouvait être toujours exemplaire. Elle faisait cependant tout pour se rattraper au mieux. Alors quand un inconnu frappa à la porte en prétendant travailler pour la Fédération, le sang de la vampire se glaça mais elle ignorait si sa venue avait un rapport avec son crime. Décidée à enterrer cette histoire et à ne pas attirer les soupçons, elle lui ouvrit la porte aussitôt. Heureusement pour l’homme, elle ne travaillait pas ce soir-là, était-ce de la chance ou était-il bien renseigné ? Cela était plus que louche. D’ailleurs, il n’était physiquement pas très rassurant…
“Bonsoir, oui bien sûr entrez...” Demanda-t-elle innocemment alors que son coeur battait rapidement.
Le loup maintenant entré dans la bergerie, Grenat gardait une certaine distance bien qu’elle ne se doutait de rien. Elle avait confiance en la Fédération mais elle craignait quand même avoir des problèmes. Il valait mieux donc rester calme et faire comme si de rien n'était. En hôtesse parfaite, la jeune femme alla même jusqu’à servir une tasse de café à l’homme brun qu’elle posa sur la table du coin cuisine avant de s’y asseoir.
“Alors je vous écoute, c’est à quel sujet ? Je suis une simple DJ, je ne suis donc pas sûre de pouvoir vous aider…”
Ce qui n’était pas tout à fait vrai puisque la vie de Grenat sortait des sentiers battus mais son but était d’aider les autres, pas de tuer impunément. En revanche, il était préférable de jouer la fille naïve plutôt que de tout déballer.
La voie de votre rédemptionDaniel WakefieldIl passa la porte en la remerciant d’un petit hochement de tête amical, tout en souriant. Et il attendit qu’elle s’avance dos à lui en partant vers la cuisine pour laisser ses yeux fureter sur tout l’intérieur de son logement. Il ne devait y avoir personne d’autre ce soir, mais mieux valait s’en assurer. Et si ça devait tourner au vinaigre, savoir par où fuir. Sinon, ce qu’elle pourrait utiliser comme arme contre lui. D’ailleurs, la cuisine était un mauvais point de départ en cas d’échauffourée. Prudence étant mère de sûreté, il accepta la tasse de café en haussant un sourcil. Et toujours sur son ton affable, il répondit à sa question.
« Oh, vous êtes DJ ? J’ai de la chance de tomber sur vous ce soir alors. Enfin j’espère ne pas vous retenir, si vous devez travailler plus tard. Oh, et merci pour le café. Il est un peu tard pour de la caféine, mais je ne repousserai pas votre hospitalité. »
Il en but une fine gorgée, avant de poser la tasse là où il l’avait trouvée. Il tira le pan droit de sa veste pour en sortir une photo : celle de la paire de chaussures retrouvée au fond de l’eau, à côté du cadavre décapité de l’autre vampire. L’eau en avait bien lavé la plupart des traces, mais il se devait de se montrer inquisiteur dès le début. Si Grenat lui montrait le moindre signe de stress à la vue de la photo, la moindre hésitation à la vue des chaussures, alors il n’aurait pas le moindre problème à se montrer violent. Il savait être magnanime avec ses victimes, bien qu’il les haïsse. Mais les meurtriers eux, méritent de mourir aussi brutalement qu’il se comportent.
« Est-ce que vous reconnaissez cette paire de chaussures ? En vous voyant, je me dis qu’elles vous iraient à ravir. Votre puce à borné dans le secteur où nous les avons retrouvées. »
Daniel se pencha en avant sur la table pour faire glisser le papier glacé vers Grenat en le pivotant pour la lui mettre sous les yeux, avant de ramener ses bras croisés devant lui. En la confondant face au fait accompli, il commençait à ressentir une petite pointe d’excitation, celle de la chasse. De la proie traquée et acculée, quelques secondes avant le premier coup de feu. Une chasse à la manière douce oui, il aurait très bien pu enfoncer la porte à coups de pieds et lui tirer dessus jusqu’à ce qu’elle ne bouge plus. Cependant, il l’avait assez observée pour se rendre compte qu’elle ne serait certainement pas une à tuer si facilement. Deux pistes s’ouvraient à lui dans ce cas : cette femme cache bien son jeu et est une vampire sanguinaire ; ou elle avait accompagné quelqu’un d’autre ce soir là dans son crime. Ce qui dans les deux cas, pour lui, restait passible de la peine capitale immédiate. Peut-être que Dieu se montrerait plus clément que lui.
« Comme je vous le dis, je ne vous accuse de rien. Mais j’aimerais savoir si vous avez vu ou remarqué quelque chose ce soir là. Un autre vampire, par exemple ? »
Daniel reprit sa tasse de café pour la siroter lentement, son regard s’affûtant légèrement pour se concentrer sur le mouvement de Grenat. Autant anticiper ses gestes si elle devient violente. Il a toujours son équipement et ses petites créations sur lui, si besoin.:copyright:? 2981 12289 0
Il y avait quelque chose qui clochait chez cet homme mais Grenat n’arrivait pas à mettre le doigt dessus. Il restait poli et aimable mais elle peinait à lui faire confiance. Etait-ce son radar à ennuis qui sonnait ? Il faut dire qu’elle était rodée désormais. Assis à table, l’inconnu but son café pendant que la vampire l’observait. Le stress l’envahissait mais elle essayait de rester naturelle. Soudain, il sortit une photo et pas n’importe laquelle, c’était celle d’une certaine paire de chaussures qui lui appartenait. Elle haussa les sourcils, surprise qu’elles aient été retrouvées.
“Ce sont les miennes oui, je les avais complètement oublié…” Ce qui était vrai.
Son interlocuteur lui mit ensuite la photo sous le nez et elle fit mine de réfléchir comme s’il ne s’était rien passé. La jeune femme avait eu raison de se méfier… On ne l’accusait pas directement mais elle avait compris que l’homme attendait des aveux et elle ne pouvait pas lui donner ce qu’il voulait au risque de finir en prison. C’était terrible, son coeur cognait dans sa poitrine et puis elle se rappela, ce n’est pas elle qui avait tué le vampire, elle n’avait rien fait de mal si ce n’est sauver sa propre vie.
“Je vais dans le port de temps en temps oui, j’aime me poser et regarder l’eau. Je n’étais pas très bien ce soir là à cause de problèmes personnels, mes chaussures me faisaient mal et je les ai jeté à l’eau dans un accès de rage, j’avais des chaussures de rechange sur moi et je suis partie…”
La DJ s’était exprimée en regardant ses mains posées sur la table, elle avait honte de travestir la vérité mais c’était pour son bien. Elle releva ensuite les yeux sur le brun qui lui demanda si elle avait vu quelqu’un d’autre, c’était l’occasion de se dédouaner.
“J’ai croisé deux personnes oui, un homme et une femme qui discutaient mais je ne me suis pas arrêtée, est-ce qu’il y a eu un problème ?”
La voie de votre RédemptionDaniel WakefieldDaniel posa ses deux coudes sur la table de la cuisine et se pencha doucement en avant avec un petit sourire. Ses faux airs de jolie petite innocente aiguisaient ses envies de l’exposer au grand jour. Il savait cette femme loin d’être aussi blanche qu’elle pouvait bien le prétendre avec ses expressions. D’ailleurs, elle transpirait légèrement la nervosité bien qu’elle ne dut pas s’en rendre compte. Mais si Daniel adorerait la faire plier et avouer ses crimes, il s’assurerait de bien avoir pris les devants cas d’échauffourée. Des petits agneaux devenant loups, il avait déjà eu l’occasion d’en croiser par le passé.
La petite baignade prolongée dans l’eau de la paire de chaussures étayait ses dires. Les traces s’étaient très largement amenuisées, et il aurait été difficile de relier le reste des tâches à sa participation au crime. Avait-elle peut-être simplement marché dedans. Sur ce point il n’aurait pas pu argumenter bien plus longtemps. N’importe quel enquêteur aurait pu s’arrêter là, et ne garder simplement qu’un œil sur elle. Daniel lui, se doutait qu’elle n’avait pas agi seule. Alors il prévoyait seulement de lui faire vendre la mèche et balancer son complice, avant de la tuer sur place. Mais si finalement elle n’avait vraiment rien remarqué, autant gagner du temps et sauter les deux premières étapes de son plan. S’il était peu pertinent de dire que personne ne la regretterait, peu de gens s’offusqueraient de sa mort dans le grand public. À l’exception peut-être de cette association d’une bêtise sans nom.
Le chasseur ramena sa main contre le pan de sa veste pour la pincer entre ses doigts. En un geste il irait plonger sous le tissu pour se saisir de son arme, et tirer. Aussi vampire soit elle, quelques cartouches empoisonnées à la plante chauve-souris l’immobiliseraient juste assez pour porter un coup fatal ensuite.
Mais elle reprit parole juste avant que ses doigts ne se mettent en mouvement, provoquant un petit haussement de sourcil surpris. Déconcentré de sa tâche divine au dernier moment.
« Un homme et une femme, dites-vous ? Vous pouvez me dire à quoi ils ressemblaient, même vaguement ? »
Daniel plissa très légèrement les yeux à nouveau en souriant, en posant son menton dans sa main. Et il écoute attentivement sa réponse. À laquelle il répondit par une nouvelle question.
« Et vous les avez croisés avant, ou après avoir jeté vos belles chaussures ? Parce que, quelque chose m’intrigue, vous comprenez. »
Le chasseur se redressa en perdant son sourire, dévoilant alors une expression d’un fauve à l’affût. Comment aurait-elle pu croiser leur informateur après avoir avoir piétiné dans son sang ?:copyright:? 2981 12289 0
L’homme eut l’air de la croire un instant, ou du moins c’est ce que Grenat pensait. En dire plus sur les deux personnes qu’elle avait soit disant croisé pouvait peut-être éloigner les soupçons qui pesaient sur elle mais cette paire de chaussures était un réel problème. Elle regrettait amèrement de les avoir jeté… Elle fit mine de réfléchir, comme si elle essayait de chercher dans sa mémoire des informations supplémentaires sur l’agresseur et sa victime. Elle ne les avait pas oubliés mais le jeu d’actrice continuait.
“Le port était peu éclairé, je suis passée assez rapidement mais je crois que la femme était rousse.”
Des cheveux flamboyants étaient difficiles à rater et même si la jeune femme aurait souhaité en dire d’avantage sur la vampire qui avait commis le crime, elle ne pouvait le faire par peur des représailles. Elle espérait désormais que le brun la laisse tranquille mais ce dernier n’en avait pas fini avec elle. Grenat s’était grillée sans s’en rendre compte, il faut dire que ses souvenirs était un peu plus flous à cause du choc et elle ne savait plus vraiment ce qu’elle avait fait ou non. Du sang avait souillé le haut de ses chaussures mais elle ne se souvenait plus si elle avait marché dedans. Elle lança ensuite un regard apeuré vers son interlocuteur, son coeur commençait à cogner dans sa poitrine.
“Euh avant… Excusez-moi mais…” Elle se leva de sa chaise. “Je ne peux rien vous dire de plus, la police me convoquera si elle a besoin mais je leur dirais la même chose.” Dit-elle en essayant de rester ferme.
Il en savait plus qu’il ne voulait le faire croire et le fait qu’il reste silencieux sur les circonstances de l’incident prouvait qu’il attendait que la vampire se trahisse, ce qui était arrivé mais la preuve était trop légère. Elle était déjà coupable à ses yeux depuis le début et elle venait de le réaliser. Il fallait donc mettre fin à l’entrevue avant que les choses ne s'aggravent pour Grenat.
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