Comment expliquer à un enfant de sept ans la mort de son frère et de son père? Il n’y avait, selon Evelyn, aucune bonne manière de faire. Alors elle le fit, simplement, évitant les détails ignobles, et précisant qu’elle s’était occupée de punir les responsables. Lorsque, de nombreuses années plus tard, il prit la décision de voyager pour découvrir le monde, il laissa un vide difficile à combler dans la vie de la louve. Ils s’appelaient quelques fois, ou s’envoyaient des messages, et parfois il envoyait à la louve un colis. Elle savait qu’il parcourait actuellement le Canada, les territoires du Nord-Ouest. Il vivait librement, dans un environnement bien souvent sauvage, et cela le rendait heureux. Il n’était ni bon ni mauvais; agissait selon ses convictions et ses envies, et il n’avait jamais enlevé une vie sans considération. Il aimait sa condition de lycan, embrassait le loup en lui et ne courbait l’échine devant quiconque. Il était jeune, fougueux, souriant, tantôt bavard, tantôt solitaire. Ouvert d'esprit, il était un adepte du vivre et laisser vivre.

Give me again all that was there. Give me the sun that shone. Give me the eyes, give me the soul. Give me the lad that's gone. Il était implacable avec ses ennemies. N’avait aucun honneur; il pouvait aisément glisser une lame entre les côtes de celui qu’il avait précédemment considéré son ami, il pouvait apporter un fusil lors d’un combat à main nue, il pouvait apporter des amis à un combat contre un seul adversaire. Ce n’était pas de la lâcheté; il était calculateur et il se moquait bien de la manière dont il gagnait ses combats, il se moquait du jugement des autres. Il avait peu de respect pour la vie humaine; s’amusait à faucher de jeunes personnes dans la fleur de l’âge. Il partagea son plaisir de la tuerie et du festin avec la louve; et cela plut à la louve. Cela plut à la partie d’elle qui n’était que violence et douleur. À la partie d’elle qui était une bête sauvage. La louve aimait passer une main sur sa barbe, dans ses courts cheveux noirs, caresser ses épaules carrés, glisser sur les muscles de son torse, dénombrer ses nombreuses cicatrices, plonger les yeux dans ses hypnotiques yeux bleus et entendre ses histoires, partager avec lui ses propres histoires. Il n’était pas un grand romantique, avait toujours eu des difficultés à choisir la bonne fleur ou le bon cadeau et le bon moment pour l’offrir. 20 années en compagnie de cet homme. Il n’avait alors plus de secret pour la louve. Et elle n’avait aucun secret pour lui. Elle l’aimait, profondément, et ne croyait pas possible que la romance prenne fin un jour. Et lorsque ce jour vint, lorsque son mari fut tué avec un de leur fils, ce fut l’équivalent pour Evelyn d’avoir marché sur une mine.  

Leurs chemins se sont croisés dans la forêt du Parc National Jean Lafitte. Il se présenta sous le pseudo Hound, et elle sous celui de Grim. Une cause commune les unissait : trouver le connard qui avait posé des pièges dans la forêt et tué des lycans. (À suivre)

Victor. Ce nom lui brûlait la langue. Elle ressentait une antipathie naturelle pour cet homme; ne saurait dire exactement pourquoi, mais cela était probablement lié à la propension qu’avait l’homme d’agir de manière paternaliste. Ces sermons et sa sévérité, Victor pouvait les garder pour d’autres, Evelyn n’était pas intéressée. Par un terrible concours de circonstances, Victor devint l'Alpha. Et cela déplut aussitôt à Evelyn. Elle alla le confronter, et se retrouva confronté à son tour; Victor la nomma au poste de soignante de la meute. Elle aurait dû se sentir flattée, comprendre que c'était une marque de confiance, mais elle eut surtout l'impression de se faire imposer un choix.

Curieuse rencontre sur un toit lors d'un concert de Lindsey Stirling. Dis-moi, tu sais voler?, avait-elle dit, menaçant de jeter l'adolescente en bas de l'immeuble.  Une belle entrée en matière! L'amie de Kaia, apprit-elle. Une vampire végétarienne et une louve sanguinaire. Amusant. À une autre époque, la louve aurait tué Alyssa juste pour ennuyer sa rivale. Mais après le partage de whisky, d'un bâton de réglisse et d'une discussion sur la vie, elles partagèrent leur numéro de téléphone... et par la suite de nombreux messages, même après le départ d'Alyssa pour la France. Evelyn lui conseilla d'ailleurs quelques bonnes adresses.

Va jouer ailleurs, petite, ce territoire n’est pas le tiens, des paroles qui avaient faites s'enflammer la louve à la crinière blanche, qui l'attaqua alors sournoisement. Evelyn avait compris l’erreur qu’elle avait commise; elle avait tendu la joue, tourner le dos, il ne fallait pas s’étonner qu’une louve fourbe saisisse l’occasion qui se présentait. Une erreur, et elle avait appris la leçon. Nos ennemis nous rendent plus fort. Evelyn comprenait qu’avec Kaia il ne pouvait pas y avoir de combat noble. Il n’y avait aucune noblesse dans cette louve. Petite poupée fourbe et insolente, l'appela Evelyn, des années plus tard. Elle connaissait le talon d'Achille de Kaia; avait bien l'intention de tourner le couteau dans la plaie et désirait fortement écraser son poing dans le visage de la petite louve - mais elle était Alpha du Cercle Barker, et cela compliquait les choses. ...Puis Kaia ne fut plus Alpha et elle quitta la Nouvelle-Orléans pour aller conquérir la France. Vengeance devrait attendre; mais Evelyn ne vivait pas pour se venger, alors il n'y aurait aucune autre représailles entre les deux louves.

Evelyn ne connait pas son nom. Amicalement, elle la surnomme la cinglée. Celle qui a perdu la tête lors d'une désagréable soirée d’Halloween. La louve a échangé avec cette gentille personne quelques insultes. C’est ce qui arrive quand on ne sait pas consommer de la drogue, a-t-elle dit, une suggestion que l'autre n'a pas apprécier. Et elles se sont séparés, après qu'Evelyn ait empêcher l'hybride de tuer tout le monde.

Si tu aimes la saleté, tu vas m’aimer quand je vais me promener couverte de boue, avait-elle dit un jour à Sofia. Une plaisanterie, l’humaine détestait la saleté. Le camping, l’alcool et des jeux osés peuvent avoir le pouvoir de rapprocher les gens. Ça, et des massages. Ça, et de l’huile aphrodisiaque. Evelyn prenait plaisir à cuisiner avec l’humaine. Et elle pourrait y prendre goût; la cuisine, l’entraînement à deux, la présence de la femme. Elle aimait les yeux de l’humaine, un océan dans lequel elle avait envie de plonger. Evelyn était une femme curieuse, à la recherche d’aventure et de rebondissement même si elle disait le contraire depuis un temps. Et Sofia était intéressante, lui avait avoué son intérêt. Alors, Evelyn avait répondu et, une chose en entraînant une autre... Les voilà maintenant compagnes. À l’humaine, elle montrait son côté raisonnable et affectueux. Son côté bon enfant. Se montrait joueuse. Mais la louve avait également besoin d’indépendance, aimait sa solitude; une cape qu’elle revêtait trop souvent. Tout était à construire, les limites encore à fixer.