Christian finissait tout juste un premier rapport quand le téléphone de son poste sonna. Il était à peine huit heures et quart.

« Dans mon bureau, Sauber. Tout de suite. »

Le ton habituellement sec du capitaine de la brigade ne l’interpella pas plus que d’ordinaire. La cinquantaine bien pesée affichée par sa chevelure grise coupée assez court en témoignait. Ça, plus les rides marquées sur son visage. L’effet que fait généralement une carrière entière au sein d’un service de police.
Le temps de réajuster sa cravate et le col de sa chemise, et Chris se leva de son bureau en verrouillant sa station avant de prendre la direction du bureau. Il toqua trois fois à la porte, puis passa l’entrée en saluant le capitaine. Ainsi que la demoiselle assise face à lui. Un peu particulière, sinon excentrique avec son bandeau sur les yeux. L’inspecteur marqua un temps de pause, prenant un instant pour la dévisager de haut en bas. Une robe noire, un bandeau de la même couleur sur les yeux. Le regard de l’inspecteur partit en direction de celui de son supérieur, avec une pointe d’interrogation impatiente. Impatiente de comprendre le lien entre cette femme et lui, puisqu’on l’avait convoqué à sa rencontre.

« Inspecteur Sauber voici Sofia Ashley, consultante à notre service. Puisque nous avons quelques petits soucis d’effectifs ces dernières semaines, vous serez amené à fréquemment travailler de pair avec elle. Vous prenez la prochaine affaire qui se pointe. Disposez. »

Le capitaine les invita à sortir de son bureau en pointant la porte avec le plat de la main, aussi sèchement que son ton pouvait le faire comprendre. Sans poser plus de questions, Christian garda la porte ouverte le temps que sa partenaire du jour passe puis la referma derrière eux avant de tendre la main vers elle.

« Christian. Enchanté, miss Ashley. »

La personne face à lui dégageait une certaine étrangeté à ses yeux. De son accoutrement à sa prestance calme et surtout particulièrement désinvolte. Il serra la main avec un sourire franc pour toute réponse. Après tout, les gens sont libres d’être et de ressembler comme ils l’entendent. Le plus important restaient les actes. Encore faudrait-il deviner que cette excentricité puisse s’avérer efficace en enquête. D’ailleurs, il espérait ne pas avoir à en ouvrir une autre dans la journée et se concentrer sur les dossiers encore en cours. Et elle pourrait peut-être apporter un œil nouveau, bien que dissimulé. Un espoir vite balayé par la voix du capitaine-adjoint de la brigade. Celui-ci tenait un combiné à son oreille.

« Homicide sur City Park, trois victimes ! Sauber ? »

-On prend.

-Parfait, la scientifique est déjà en route.

-J’ai eu le temps pour un seul café ce matin. Allons-y. »

Christian pencha la tête en soufflant, attrapa les clés de sa voiture dans le tiroir de son bureau et enfila son ceinturon d’équipement portant son arme et son matériel. Il l’accompagna le temps d’arriver au parking de la brigade, puis tourna la tête vers elle.

« Si vous avez quelque chose à récupérer, allez-y. Rejoignez-moi près de l’AMG quand vous serez prête. »

Il s’installa au volant de sa berline, puis attendit près du portail qu’elle arrive et prenne place à son tour. Un sabre japonais et une housse qu’elle utilisa pour recouvrir le siège passager, de quoi ajouter un peu plus de bizarrerie à la personne avec qui il partagerait sa journée. L’inspecteur laissa échapper un rire discret, qui, s’il n’était pas moqueur, était teinté de surprise. En enclenchant la sirène, il quitta le poste avant de prendre la route vers City Park en poussant un peu sur l’accélérateur. Autant pour le plaisir que pour l’urgence de la situation. Depuis qu’il a fait banaliser son véhicule personnel pour le service, il avait découvert le plaisir d’en faire rugir le V8 en plein centre-ville. Tout en restant modéré sur la vitesse, bien entendu.

« Vu qu’on passera la journée ensemble, autant commencer à se tutoyer de suite. Tu peux m’appeler Chris, aussi. »

 

Fade to Black

 

Feat. Christian Sauber

Je travaillais avec et pour la police, oui. Mais pour des raisons de santé, je ne pouvais plus continuer mon travail au sein du commissariat. Raison pour laquelle j'avais décidé de créer ma propre entreprise de consulting et d'enquête en privé. Mais la veille, je reçus un appel assez... particulier. Le commissaire m'avait appelé pour me demander, exceptionnellement, de prêter main forte au service de police. Ils étaient actuellement en sous-effectif et les affaires s'accumulaient. Même moi je n'arrivais plus à suivre, tant j'avais de dossier en attente. J'étais obligée, provisoirement, de fermer les demandes aux particuliers. Debout depuis deux heures déjà, je terminai de me préparer. Je m'installai à ma coiffeuse après ma douche pour me maquiller légèrement et me coiffer. J'enfilai ensuite ma tenue, une petite robe à fendue, très coquette. Des bas noirs, mon serre-tête et mon bandeau. Je regardai l'heure, il me restait encore un peu de temps, de quoi faire un peu de ménage chez moi. Bien, tout les préparatifs terminés, il ne me restait plus qu'à me rendre au commissariat. Je choisis, cette fois-ci, de m'y rendre avec ma Mustang. La Ferrari allait attendre un autre jour pour sortir du garage. Je garai ma voiture dans le parking réservé au personnel. Déjà que j'avais acceptée de venir les aider, je n'allais quand même pas prendre le risque de laisser ma voiture dehors. Un agent de police semblait m'attendre dans le hall.  

"Madame Ashley, le capitaine vous attend dans son bureau."

"Miss." Corrigeai-je.

Je le suivi sans rien ajouter de plus. Je venais d'ailleurs de réaliser que j'avais oublié mon katana dans le coffre de ma voiture. Cet objet faisait littéralement parti de moi. Je ne pouvais pas sortir sans lui. Une fois dans le bureau, le policier salua son capitaine avant de s'en aller pour le laisser seul avec moi.

"Ah, Miss Ashley ! Merci d'avoir accepté de nous aider. Le commissaire Stottlemeyer m'a conseillé de faire appel à vous."

"Bonjour, Capitaine." Fis-je, les mains jointes contre mon bas ventre.

J'attendis, avant d'être finalement invitée à m'asseoir. Je dépoussiérai rapidement la chaise puis m'installai.

"Vous allez travailler en binôme avec Christian Sauber. Même s'il peut sembler un peu solitaire, c'est quelqu'un de très efficace."

J'inspirai, pas franchement emballée par l'idée de travailler avec quelqu'un. J'avais l'habitude d'être seule, dans mes enquêtes. Devoir me traîner un boulet qui risquait de me ralentir... Mais bon, d'après le capitaine, c'était une personne efficace. J'entendais déjà ma psy, Cathy, me dire que c'était un très bon exercice de sociabilisation. Que ça allait me permettre de sortir l'immense manche à balai que j'avais coincé dans mon cul... Bref. Le capitaine récupéra ensuite son téléphone pour demander à "Chris" de venir dans son bureau dès que possible. Et ce fut très rapide, trois coups à la porte et un homme entra.

"Inspecteur Sauber voici Sofia Ashley, consultante à notre service. Puisque nous avons quelques petits soucis d’effectifs ces dernières semaines, vous serez amené à fréquemment travailler de pair avec elle. Vous prenez la prochaine affaire qui se pointe. Disposez"

Je sentis le regard de Christian se poser sur moi, l'air de juger. Bon, les présentations étant terminées, je me levai de la chaise pour suivre mon partenaire du jour qui avait, tout de même, pris soin de me tenir la porte.

"Christian. Enchanté, miss Ashley" Déclara-t-il.

Au moins j'avais droit au "miss". Il semblerait que le commissaire avait touché un mot au capitaine car j'étais avec un homme qui avait l'air un minimum civilisé. Je m'inclinai simplement en avant, à la japonaise, restant toujours silencieuse. En me redressant, je posai mon regard -l'air inquisiteur- sur lui. Inquisiteur oui, car je vis alors cette main tendue. Source d'angoisse pour moi. Voilà pourquoi le Japon me manquait. On ne se serrait pas la main là bas, on était pas des sauvages qui se mélangeaient nos germes. Merde. Bordel. "Civilisé", j'avais dit ? Je n'avais pas le choix, je devais serrer sa main. J'entendis une voix s'élever dans la brigade. L'attention de Chris étant détournée, je pouvais rapidement passer un coup de lingette sur mes mains pour me désinfecter. Un homicide, trois victime ? Ca commençait fort. Chris s'empressa d'accepter l'affaire. Ah, très bien. Au moins il avait dit "on". Il ne restait plus qu'à nous rendre à City Park, dans ce cas.

"J’ai eu le temps pour un seul café ce matin. Allons-y." Lança-t-il.

Nous nous dirigeâmes sur le parking. Naturellement, je voulus me rendre vers ma propre voiture, mais je fus stoppée par l'homme qui se tourna vers moi.

"Si vous avez quelque chose à récupérer, allez-y. Rejoignez-moi près de l’AMG quand vous serez prête"

Ah, il voulait rouler avec une seule voiture. J'inspirai, pas franchement à l'aise et hochai simplement la tête. Je repérai sa voiture et retournai vers la mienne pour récupérer mon katana et une housse de siège. Il était hors de question que je pose mes fesses sur un siège qui n'était pas nettoyé par mes soins. Encore moins dans une voiture de police. Elle devait être pleine de miettes, de poussière et de microbes. Equipée, je rejoignis la berline, enfilai la housse sur le siège. Je restai silencieuse sur le trajet, regardant simplement le paysage défiler sous mes yeux.

"Vu qu’on passera la journée ensemble, autant commencer à se tutoyer de suite. Tu peux m’appeler Chris, aussi. " Dit-il d'un air léger.

Il voulait certes briser la glace, mais je ne pus contenir un tic nerveux. Tutoyer ? Je n'aimais pas du tout ça. Vraiment pas. Embarrassée, j'essayais de reprendre un peu de contenance en me replaçant sur le siège.

"C'est noté, Chris. Vous pouvez m'appeler Miss Ashley. Mais... Tutoyer après un "miss" ça fait... C'est original. Il va falloir vous y faire, on dirait." Répondis-je, neutre.

Nous arrivâmes finalement sur les lieux, la zone était déjà quadrillée, des curieux, évidemment, s’agglutinaient autour. La police scientifique était également déjà là. Je descendis de la voiture, attachai mon katana à ma ceinture et, sans un mot, me dirigeai vers les lieux du crime. Des traces de sang, plusieurs victimes, des impactes de balles ça et là. Des blessures reconnaissables entre mille sur les corps des victimes. Je passai sous les bandes pour m'approcher des corps, ne perdant pas une seconde pour analyser et observer l'endroit. Plus vite je regardais, moins je prenais de risque de voir des traces disparaître. Mince, j'en avais oublié Chris, du coup. Je me redressai pour voir où il était. J'allais l'attendre, pour savoir ce qu'il voulait faire...

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Christian haussa un sourcil en regardant Sofia du coin de l’œil. Il était quelque peu surpris de ce ton presque froid de la part de la jeune femme. Comme si elle tentait par tous les moyens de garder ses distances avec ceux qui l’entourent, au point de rejeter même le contact du cuir de leurs sièges de voiture. Un peu extrême même pour de la pudeur, pensa-t-il. Mais quoiqu’il en soit elle ne semblait absolument pas à l’aise dans la situation actuelle. Que ce soit pour discuter, que de partager son temps avec un total inconnu.

« Très bien, on va rester sur le vouvoiement. Aucun problème Miss Ashley. »

Les voitures qui s’écartaient sur le chemin de la sienne lui donnèrent l’occasion de pousser encore un peu plus sur l’accélérateur. Le moteur grondait comme s’il désirait s’exprimer un peu plus, comme un félin prêt à rugir et bondir sur sa proie. Mais c’est insatisfaite qu’elle s’arrêta juste derrière les badauds trop avides de morbide.
Le temps de descendre du véhicule que Sofia semblait déjà s’approcher de la scène de crime. Probablement plus à l’aise près d’un cadavre qu’un partenaire éphémère, mais l’inspecteur n’en prit pas mouche pour autant. Il était inutile de la jouer amicale pour une relation professionnelle qui s’arrêterait en même temps que la journée. Chris passa sous la bande en avant de se présenter aux hommes en présence.

On lui présenta rapidement la scène : trois victimes. Marques de blessures à l’arme contondante, puis blessures par balles. Les coups mortels ayant été tirés et portés une fois que les victimes étaient au sol, comme pouvait le déterminer l’angle de tir vers les organes vitaux. Il n’était pas trop difficile de s’imaginer que les coupables s’étaient un peu amusés avec leurs victimes, avant de les achever quand celles-ci ont tenté de prendre la fuite. Restait maintenant à déterminer si le crime était opportun, ou si ces malheureux avaient été ciblés à l’avance.

Les malheureux, justement. Un homme et une femme d’âge mûr, et un jeune adolescent. Chris se massa le menton, en regardant les corps avec attention. Il faudra que le médecin légiste donne plus de détails dans son rapport, bien que cela soit presque impossible, pour qu’il puisse déterminer l’ordre dans lequel les victimes ont été abattues. Un détail d’importance si celles-ci étaient effectivement visées. Et ça passera d’abord par une vérification de leur identité, et de leur passé récent -ou non. Il nota les identités des trois victimes, remercia l’agent de police scientifique et tourna les talons.

Christian tourna sa tête vers Sofia et s’en rapprocha en prenant soin de s’arrêter à plus d’un mètre. Juste ne pas lui donner l’impression qu’il empiète sur sa zone de confort, mais assez pour ne pas avoir à lever la voix pour lui parler.

« Bien, nous avons James, Samantha et David Baker. La famille au complet. On va devoir déterminer l’emploi des parents, et retracer leur journée. La personne qui a trouvé les corps ce matin ne nous a pas appris grand-chose, de son côté. » Chris soupira avant de regarder autour de lui. « On peut commencer par interroger les gens ici, voir qui les connaît. Oh, et ils ont été abattus avec du calibre 38, probablement. On a pas retrouvé de douilles sur la zone. »

Chris se passa la main sur les cheveux, en regardant autour de lui. S’il remarquait quoique ce soit dans la petite foule matinale qui s’agglutinait autour des rubans jaune et noir de la police. Orphelin de son deuxième ou troisième café à cette heure-ci, il donnait l’impression d’avoir la tête ailleurs. Faire le tour des passant pour interrogatoire express, une étape qu’il considérait obligatoire mais ô combien rébarbative.

« Hem… oui, aussi. Les corps ont été trouvés ce matin, mais on estime qu’ils ont été tués vers une heure, dans la nuit. C’est pour ça qu’ils n’ont pas été découverts avant ce matin. Donc, je vous laisse vous occuper des passants ici, je vais me renseigner auprès des commerçants du coin. »

Une stratégie loin d’être inefficace dans une petite ville comme celle-ci. Dans les quartiers, tout le monde se connaît plus ou moins. Avec un peu de chance, les Baker étaient du coin. Et le café au bout de la rue connaissait au moins un membre de la famille. Et si leur café, justement, n’est pas aussi infect que dans la plupart des snacks du genre.

« On se retrouve dès qu’on a du nouveau, d’accord ? »

Chris commença à marcher à reculons, avant de pivoter et de se baisser agilement pour repasser de l’autre côté du ruban.

 

Fade to Black

 

Feat. Christian Sauber

Je n'allais quand même pas le repousser violemment en lui directement que je ne voulais pas de "tu". Je comprenais tout à fait son approche et sa volonté de passer directement au tutoiement pour créer un lien moins rigide d'entrée de jeu. Mais... Non. Miss Ashley. Point barre. Ah papa... Quelle folle idée de m'avoir légué ce sang "British" Et... Merci maman-jap' pour cette rigueur d'éducation. Mais c'était comme ça, je ne regrettais en rien l'éducation de mes parents.  

"Très bien, on va rester sur le vouvoiement. Aucun problème Miss Ashley. " "Répondit l'inspecteur.

Parfait, un vrai gentleman cet homme. Il savait très bien se comporter en présence d'une miss, ne s'était pas vexé par mon refus... Des plus subtiles pour, justement, éviter de le froisser. Ce fut donc le cœur léger que je pus observer la scène de crime. Et, comme toujours, ce n'était pas très beau à voir. Un homme d'un certain âge et, juste à coté, une femme également âgée. Mariés, d'ailleurs, si j'en croyais les alliances aux doigts. Un peu plus loin, nous avions un adolescent. Du moins... Ca y ressemblait. Leur gosse, à n'en pas douter. Ils furent passé à tabac avant d'être... exécuté, purement et simplement. Des tirs précis dans le cœur et, pour l'enfant, pile entre les deux yeux. Les corps étaient déjà tout raides, ils étaient mort durant la nuit. Les bijoux, les porte-feuilles, le sac à main. Rien ne fut volés. Pourquoi l'ado' était si éloigné de ses parents ? Le père de famille était quasiment couché sur sa femme, il avait, semblait-il, pris des coups à sa place. Évidemment qu'il voulait la protéger. Les parents auraient probablement tout fait pour sauver leur enfant, s'interposer. Là, il était isolé. L'attaque fut donc rapide et c'était l'ado' qui était visé. Il est mort en premier. Je fus interrompue par l'arrivée de Chris, que j'attendais dans tous les cas. Il avait visiblement terminé de discuter avec ses collègues pour rassembler les informations.  

"Bien, nous avons James, Samantha et David Baker. La famille au complet. On va devoir déterminer l’emploi des parents, et retracer leur journée. La personne qui a trouvé les corps ce matin ne nous a pas appris grand-chose, de son côté." Déclara-t-il.

Je regardai la rue. C'était un endroit assez peuplé, d'ordinaire. Une rue commerçante, avec des cafés, des terrasses, des restaurants. Et, au vue des vêtements, de la montre de l'homme et de la marque du sac à main de son épouse, ils étaient assez fortunés. Je hochai la tête aux paroles de Chris, pour lui montrai que j'écoutai même si je paraissais ailleurs. J'enfilai des gants pour récupérer le porte-feuille de l'homme que je demandai à un policier. Je fouillai rapidement dedans, écoutant toujours mon collègue.

" On peut commencer par interroger les gens ici, voir qui les connaît. Oh, et ils ont été abattus avec du calibre 38, probablement. On a pas retrouvé de douilles sur la zone."

C'était tellement chiant, cette étape. Je n'avais pas très envie... Je parvins finalement à trouver un reçu, dans le porte-feuille. Un reçu de paiement par carte qui datait justement de cette nuit, dans un des restaurants du quartier. Mon partenaire m'informa ensuite que les victimes furent tués durant la nuit et qu'il fallait commencer à interroger les gens. Je me redressai en remettant le porte-feuille au policier et en donnant le reçu à Chris.

"On se retrouve dès qu’on a du nouveau, d’accord ?" Lança-t-il.

Je hochai la tête une fois, tandis qu'il partait à reculons avant de passer sous la bande. Voulant me montrer agréable, je voulus, dans un premier temps, faire comme lui et obéir, allez questionner les éventuels témoins. Mais en passant devant le corps de l'homme, je remarquai un détail assez curieux. je m'accroupis et soulevai délicatement sa manche pour voir un étrange tatouage au niveau de son poignet. Mais il y avait autre chose. Sur la-dite manche du costume, une très légère trace de poudre, à peine visible. Heureusement qu'une maniaque comme moi pouvait distinguer ce genre de détails. Je humai pour confirmer ce que je pensais : De la poudre. Il avait tiré avec une arme à feu, lui aussi. Je prélevai un échantillons. Mais pourquoi n'y avait-il pas son arme ? J'obtins rapidement ma réponse en regardant l'état de sa main. Les marques montraient qu'elle était cassée, on l'avait violemment désarmé. Je me relevai, intriguée.  

J'observai le sol, il y avait des traces que le temps commençait déjà à effacer. Là, juste ici... Quelqu'un avait pivoté sur la pointe des pieds. Cette personne avait couru vers l'endroit où se trouvait justement le corps du jeune. Mais elle semblait s'arrêter à mi-chemin... je m'approchai alors du corps de l'ado. Ses yeux vitreux montraient de la peur, il s'était même... pissé dessus. Il fut rué de coups, de l’acharnement. L'épaisseur des marques de contusions me firent penser à un pied de biche, ou quelque chose du genre. Il avait plusieurs os brisé, ses doigts tenaient à peine sur sa main. Il voulait se protéger le visage, instinctivement. Il fut frappé si violemment qu'il chuta au sol. L'agresseur avait ensuite broyée ses jambes, tant les coups furent puissants. Il ne pouvait plus marcher, il était foutu. Son visage était tourné vers ses parents. D'ailleurs, au niveau du cou... le même tatouage que son père.  

Ce dernier savait que son fils était foutu, voilà pourquoi il avait cessé sa course. Il voulait retourner auprès de sa femme pour essayer de prendre la fuite. Il avait sorti son arme à ce moment là, pour tirer un coup de feu. Je regardai le sol, au niveau des pieds de l'ado. Quelque chose était tombé ici, comme si un objet métallique avait percuté le sol. Puis des gouttes de sang, juste là. Pas des projections non. Ce sang ne provenait pas de la victime. l'orientation ne collait pas. Je prélevai un échantillon, commençant doucement à comprendre tout le bordel qu'il y avait eu ici. L'agresseur avait récupéré son pied de biche, mais il était blessé. Le père avait visiblement conscience de la dangerosité de la situation. Il fut ensuite désarmé, mais pas par la même personne. Ils étaient plusieurs. l'ado avait finit avec une balle dans la tête, comme pour en finir rapidement, comme pour dire que le jeu était terminé. Il fallait tuer à présent car il y avait la menace du père.

l'ado était mort à ce moment là. Je suivis les traces, les gouttes de sang tombaient de manière régulière. Aucun doute, l'homme a qui appartenait ce sang fut touché par la balle qui provenait de l'arme du père. Désarmé, face à au moins deux agresseurs, il chercha à protéger sa femme. Il prit plusieurs coups à sa place. Doucement, je tournai le corps pour regarder l'état de son dos. Mh, il fut frappé à nombreuses reprises ici. L'un des agresseurs avait récupéré l'arme pour s'en servir contre la femme. Une balle en plein cœur, rapide. Le père se pencha au dessus de sa femme, pour constater sa mort... Avant d'être frappé au visage. l'angle de cette marque de blessure, au niveau de la mâchoire, montrait bien que le coup venait d'en bas, un peu comme un swing de golf. Il fut tué à son tour. La cible, c'était l'enfant. Le père également, mais à moindre mesure. La femme, quant à elle, n'avait simplement pas de chance, à priori. Mauvais endroit, mauvais moment. Je pris le tatouage en photo et demandai à Aris de me trouver quelque chose de similaire, savait-on jamais. Il ne lui fallut que très peu de temps pour me sortir une banque d'images où ce tatouage était visible. C'était surtout un symbole d'appartenance à un gang. Mh... L'ado devait-il alors servir d'exemple ? Un acharnement pareil, abattre quelqu'un aussi froidement, c'était surtout pour faire passer un message.

Oh merde, avec tout ça, j'avais oublié d'aller interroger les gens ! Chris allait surement être un peu fâché... toute penaude, je m'approchai de lui. Timide, les mains jointes contre mon bas ventre, il semblait encore être occupé avec les passants. Je patientai, toute sage, non loin de lui, qu'il termine son travail. Au passage, il devait terriblement se faire chier... Écouter ces singes ne raconter que la même chose, avec leur ton débile et des yeux de merlan.. "Oh m'sieur v'savez moi j'passais par lô et j'vu c'corps lô sur l'sol..." ... "Oy oy oy c'terrible c'te ville didonc d'morts pôrtout ! j'ai entendu l'coup d'feu mais j'rien vu d'bin net c't'ait flou!". j'étouffai un rire en imaginant très bien l'inspecteur face à ces gens là. Finalement, il se tourna vers moi. je m'inclinai, pour m'excuser de l'interrompre.

"Monsieur Sauber, je pense avoir compris ce qu'il s'est passé ici."

Il semblait intrigué et son regard m'indiquait qu'il attendait la suite.

"C'est l'adolescent qui était pris pour cible. D'ailleurs, lui et son père faisaient parti d'un gang, ou quelque chose qui s'y rapproche."

Je lui montrai les images et les photos des tatouages, avant de reprendre.

"Je pense qu'on voulait tabasser à mort ce garçon, pour marquer le coup. L'acharnement qu'avait ses agresseurs envers lui me fait dire ça, en tout cas. Il est mort en premier, mais ... Les agresseurs ont tué le père car il était armé, lui aussi. J'ai remarqué des traces de poudre sur sa manche."

Je lui donnai l’échantillon prélevé, que j'avais pris soin d'identifié de ma plus belle écriture. Chaque lettre et numéro étaient parfaits. Un alignement impeccable. Je m'y étais reprise à plusieurs fois quand même. Je n'allais tout de même pas donner un torchon à l'inspecteur !

"Il a été désarmé, ce qui explique l'état de sa main. D'ailleurs, je pense que les agresseurs se sont d'abord amusé sur les victimes avec un pied de biche, ou un tige en métal. La femme est morte assez rapidement, avec une balle en plein cœur. Puis son mari, par balle également. Il faudra également faire analyser ce sang, je doute qu'il provient des victimes. Ce sang semble provenir d'une blessure par balle, la personne visée était débout. Ca ne coïncide pas avec les autres traces de sang qui, elles, de part l'orientation des projection, montre clairement la violence des coups."

Là aussi, je lui remis l’échantillon. je parlais comme si pour moi tout est logique et clair, mais peut-être que mon discours l'était moins. L’inspecteur n'avait qu'à demander des précisions, sinon. je retirai ensuite mes gants -que je lui tendis pour qu'il m'en débarrasse- avant de me désinfecter les mains avec une lingette. Deux. plutôt deux. Fiou, j'avais soif maintenant, avec tout ça ! Lui qui se plaignait de ne pas avoir bu assez de café, nous pourrions peut-être faire une petite pause pour aller en prendre un ? De toute façon, les morts n'allaient pas partir bien loin et je n'avais, personnellement, plus grand chose à faire ici.

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« Ouais, moi j’faisais que passer par là. J’ai vu les flics et les rubans j’suis venu voir quoi, mais je viens d’arriver j’ai rien vu moi. Les Baker ? Je les connaissais pas beaucoup mais mon fils connaissait un peu leur gamin de loin, il me disait qu’ils étaient pas très nets ces gens là. Après moi j’en sais rien quoi. »

Christian fit juste un petit geste de la main pour inviter le passant à passer son chemin, s’il n’avait rien de plus intéressant à dire. « Pas très nets » n’était pas  vraiment ce qu’on pouvait qualifier de début de piste. Encore moins d’informations utile. Il suffisait d’avoir une petite différence assumée et affichée pour qu’on vous qualifie de « pas très net » alors que tout un chacun à ses propres excentricités. L’inspecteur hoche négativement la tête en soupirant avant de tourner son attention vers sa partenaire du jour. Il suivit sa petite inclinaison de la tête, puis haussa un sourcil interrogateur.

« Un gang ? Ça expliquerait le charabia de l’autre mec, là...»

Christian tourna la tête pour tenter de le retrouver dans la foule, mais il avait disparu. Son attention se retourna de nouveau rapidement vers Sofia. L’image lui disait vaguement quelque chose, mais il ne prit pas le temps d’y réfléchir sur l’instant, préférant se focaliser sur les déductions de l’enquêtrice. Des déductions d’une logique assez criante, tant l’histoire tenait debout. Son déroulé des événements s’apparentait au sien bien que plus détaillé alors qu’elle avait pris un peu plus de temps pour s’y attarder. Au moins, les deux tiraient dans le même sens. Ce serait certainement de bon augure pour la suite. Ça éviterait de se tirer dans les pattes pour rien.

« Ça me semble tenir la route. On a donc deux choix : un affrontement entre bandes rivales, ou une lutte interne violente. Cependant, le fait que les trois victimes portent une marque de gang m’intrigue. Qui serait assez con pour emporter son fils dans ce genre de connerie ? Et quelle idée de se faire tatouer ça. C’est un appel à l’arrestation. Enfin, on aura tout le temps de le savoir, ça. »

Il pinça les deux gants tendus vers lui avant de simplement les jeter dans la première poubelle qu’il trouva sur son chemin. Les corps eux, étaient enfin en train de se faire lever de la scène de crime. L’oeil de Christian s’attarda sur le visage du plus jeune, avant qu’il ne disparaisse sous la fermeture du sac. Il soupira avant de faire signe silencieusement de la tête en souriant à Sofia pour l’inviter à le suivre. Tout en marchant le long de la rue jusqu’au café repéré plus tôt, il repassa les images de l’écran dans son esprit. C’était assez vague, comme souvenir. Mais ça lui rappelait bien quelque chose. Sa mémoire est capable, d’ordinaire, de stocker profondément toute information utile jusqu’à ce que celle-ci ne redevienne nécessaire. Pourtant là, il ne devait s’agir que d’un détail secondaire tiré d’une affaire ou d’un instant secondaire. Il siffla d’agacement avant de pousser la porte de l’échoppe, et de la maintenir ouverte pour que la demoiselle puisse entrer sans avoir à se servir de ses mains. Et il la laissa commander la première.

« Un café allongé, fort et avec un sucre pour moi. Merci. »

L’endroit était proche du salon de thé. Une ambiance un peu cosy, qui se mariait bien avec l’ambiance d’ordinaire détendue de City Park. Au moins on pouvait espérer que la qualité du café soit au rendez-vous. Et en une gorgé il fut conforté ; même dans les endroits les plus attrayants, les américains ne savent vraiment pas préparer de café. Elle aurait peut-être un peu plus de chance avec sa boisson, de son côté. Il pensa qu’il valait mieux finir la boisson chaude d’une traite, plutôt que d’insister à s’attacher ce sale goût en bouche. Il se tourna de nouveau vers le jeune barista avant de commander à nouveau. Plutôt simple, vu que la clientèle habituelle devait squatter le troittoir un peu plus bas pour assouvir sa curiosité morbide.

« Je vais prendre un jus d’orange en plus, s’il vous plaît. Plutôt calme ce matin, non ? Enfin, dans le café, je veux dire. Dehors c’est plus animé. 

-Oui, c’est vrai. Au moins je commence au calme ce matin. »

Il attrapa le verre d’orange pressée avant d’en boire une petite gorgée. Au moins il n’était pas trop acide, lui. Plutôt agréable même.

« Vous en avez de la chance, je peux pas prétendre de même. Dites, vous connaissiez les Baker ? Dit-il en tendant une photo des victimes.

- Les Baker ?… Ah, oui. Je connaissais pas le nom de famille, mais je les ai déjà vus. Enfin, le plus jeune. Il était ici y’a genre, deux jours. Le soir, avec un type, ça avait l’air sérieux, ça a fini par le gosse qui se faisait engueuler.

-Vraiment ? Il avait l’air de quoi, ce type ?

-Je sais pas trop… un peu grand, châtain clair presque blond, l’air débraillé, un tatouage sur le cou.. un peu comme un type qui se la joue grosse frappe. »

Chris hocha la tête, pour marquer sa compréhension. Une « putain d’aubaine », pensa-t-il. Comme quoi il valait toujours mieux poser quelques questions dès que la situation s’y prêtait. Il se tourna alors vers sa partenaire.

« Miss Ashley, pouvez-vous nous montrer à nouveau le tatouage que vous avez photographié, s’il vous plaît ? C’était ça, le tatouage de l’autre type ? »

Une concordance. Une identification qui aurait pu prendre plusieurs jours d’enquête, et une piste solide qui s’ouvrait dès la première heure de celle-ci. Christian leva les yeux au ciel avec un petit sourire, avant de se tourner vers Sofia.

« Envoyez moi cette photo, je vais la transmettre à un ami. Il pourra éventuellement dire ce que c’est. »

 

Fade to Black

 

Feat. Christian Sauber

L'inspecteur ne m'interrompis aucune fois. Finalement, il semblait parfaitement suivre tout ce raisonnement et, même, était plutôt d'accord. Ah, comme quoi, on pouvait être plutôt beau garçon et pas trop idiot. Enfin, n'importe qui avec un minimum de bon sens aurait pu deviner ce qu'il s'était passé ici. Avec les éléments que j'avais en ma possession, les traces, les indices... Je ne voyais aucun autre scenario possible. De plus, cette ville était réputée pour son taux de criminalité assez élevée à cause, en grande partie, par la présence de gang et autres groupes criminels. Pas vraiment une surprise, en soit. Mais parmi toutes les affaires qui je devais traiter, celles qui mettaient en causes des gangs étaient toujours mes préférés. Les victimes étaient rarement innocentes - à par cette pauvre femme dans ce cas - et mettre derrière les barreaux des membres d'un gang était plus excitant. Ça forgeait même une petite réputation, dans le milieu. J'avais déjà eu des cas où certains essayaient de se venger. Des visites incongrues pour essayer de mettre cette "salope d'enquêtrice", comme ils aimaient m'appeler, hors course. J'avais hâte de voir où cette affaire là allait nous mener.

"Un gang ? Ça expliquerait le charabia de l’autre mec, là.." Fit mon partenaire.

Il tourna la tête, comme s'il essayer de chercher "l'autre mec". Un témoin qu'il avait questionné, peut-être. Comme il ne le trouvait plus, il reporta son attention sur moi, pour écouter la suite de mon discours et regarder les différentes images.

"Ça me semble tenir la route."

Évidemment. Pour qui me prenait-il ?

"On a donc deux choix : un affrontement entre bandes rivales, ou une lutte interne violente. " Enchaîna-t-il.

J'étais plus d'avis pour un affrontement entre bandes rivales. Les luttes internes se réglaient généralement... En interne, justement. Ca serait prendre trop de risque que de laisser des traces aussi violentes, sauf pour marquer le coup.  

"Qui serait assez con pour emporter son fils dans ce genre de connerie ?"

Il avait la réponse dans sa question. Et puis, ce genre de personne en avait un peu rien à foutre à l'idée de finir derrière les barreaux. C'était les risques du métier, en somme. Inutile de s'attarder sur ces questions.  

"Enfin, on aura tout le temps de le savoir, ça."

Je hochai la tête, une seule fois. Il récupéra mes gants usagés qu'il jeta dans une poubelle. Après avoir ouvert la marche. je le suivis, silencieuse, sans lui demandé où nous allions. Les corps se faisaient emballer, prêt à partir vers le labo pour se faire ouvrir et analyser par un leg'. Ils me foutaient toujours la trouille, ces types... Qui de sain d'esprit pouvait choisir ce métier ? Aimer découper des corps pour connaître la cause de leur mort... il fallait forcément avoir une case qui déconnait. Brrrr, rien que d'y pensait, j'en avais des frissons. Ca devait être des genres de fétichistes...Nous étions à présent le long d'une ruelle qui menait à un café, avec terrasse. Ah, évidemment, Chris' voulait un café. Il ne devait tourner qu'avec ça, à longueur de journée... Bonjour l'état des dents. Il poussa la porte et me laissa passer la première. Acte de galanterie ou moyen de mater mon cul, allez savoir...Mais au moins, je n'avais pas à me salir les mains, à devoir toucher une poignée sur laquelle tout le monde avait posé ses mains. Répugnant. J'entrai la première et regardai rapidement l'état des lieux. Ca semblait assez propre, peu de monde. Je m'installai au comptoir, sur l'un des tabourets libres.

"Votre infusion maison, s'il vous plait." Commandai-je.

Le serveur hocha la tête et regarder Chris, pour prendre sa commande.

"Un café allongé, fort et avec un sucre pour moi. Merci."

Je crois les bras sur le comptoir, attendant nos commandes. Ces dernières arrivèrent assez rapidement. J'avais une petite cuillère, que je laissai de côté pour prendre la mienne, que je gardais dans mon sac à main. C'était une infusion fruits rouges, asse classique en soit. Une gorgée, pour me faire rapidement une idée. Ce n'était pas mauvais mais celle que je préparais moi-même à la maison était nettement meilleur. Mon collègue ne semblait pas apprécier son café plus que ça, puisqu'il décida de le finir d'une traite avant de demander un jus d'orange.

"Plutôt calme ce matin, non ? Enfin, dans le café, je veux dire. Dehors c’est plus animé." Commenta Chris.

"Oui, c’est vrai. Au moins je commence au calme ce matin." Répondit le serveur.

Ca serait moins animé si nous étions pas constamment pollué par tout ces curieux et fouineurs qui voulaient toujours avoir leur dose d'événements morbides. De quoi faire la conversation aux autres le temps de 5 minutes.  

"Dites, vous connaissiez les Baker ?"

Je relevai le regard vers le serveur, pour écouter sa réponse.

"Les Baker ?… Ah, oui. Je connaissais pas le nom de famille, mais je les ai déjà vus. Enfin, le plus jeune. Il était ici y’a genre, deux jours. Le soir, avec un type, ça avait l’air sérieux, ça a fini par le gosse qui se faisait engueuler."

Intéressant, ça. Chris demanda de lui décrire la personne avec qui le jeune Baker était. Un grand châtain-blond, l’air débraillé, un tatouage sur le cou. Au moins, nous avions un signe distinctif. C'était toujours bon à prendre. La chance nous souriait, nous avions une piste assez solide assez rapidement. Chris se tourna vers moi. Je me redressai lentement pour le regarder.

"Miss Ashley, pouvez-vous nous montrer à nouveau le tatouage que vous avez photographié, s’il vous plaît ?"

demandé si gentiment... Je récupérai mon portable pour montrer la photo. Selon la réponse du serveur, s'il arrivait à identifier le tatouage, nous pourrions savoir s'il s'agissait en effet d'un règlement de compte interne ou non.

"Envoyez moi cette photo, je vais la transmettre à un ami. Il pourra éventuellement dire ce que c’est."

Ce que je fis. Je demandai à Aris d'envoyer la photo sur l'appareil de Chris qui s’empressa à son tour de l'envoyer à son contact. Bon... Nous ne pouvions rien faire de plus pour le moment, à part attendre la réponse de cet ami. Je commandai un autre jus d'orange pour Chris, puis demandai l'addition. Je glissai un billet sur le comptoir et refusai la monnaie. je ne voulais pas m'encombrer avec des petites pièces, que tout le monde avait touché, en plus de ça. Quelle horreur. Je me tournai vers l'inspecteur, d'un air... pas franchement naturel. On allait pas se regarder dans le blanc des yeux, comme ça, à attendre une réponse... si ?  

"Voila... C'est bien, nous avons une bonne piste. Mh. "

Je regardai mon infusion, puis l'écran de mon téléphone. j'inspirai doucement... Je n'étais clairement pas à l'aise, quand il s'agissait de faire dans le social.

"Et en dehors du commissariat, je pourrais croiser quel genre de Chris ? Par exemple... Qu'est-ce qui est important pour vous, dans la vie ? "

A défaut de savoir faire la conversation, je savais écouter les autres... Donc autant lui poser cette question, comme ça je n'avais qu'à écouter. Pas besoin forcément de devoir relancer. C'était une bonne technique, oui.

Codage by Littleelda from     Never Utopia

La sonnerie de notification de son téléphone retentit dans la minute, et alors qu’il prenait une petite gorgée, du coin de l’œil il transférait l’image à son collègue de l’anti-gang. Du moins, un autre inspecteur comme lui mais qui aimait définir sa spécialité comme ça. En espérant que celui-ci soit assez matinal pour répondre rapidement. C’était une piste absolument solide de prime abord, et il voulait réellement qu’elle soit la clé de l’enquête. Histoire de ne pas se retrouver bloqué à devoir s’y atteler plusieurs jours durant. Cependant, si le tatouage pouvait indiquer où il devrait chercher, il ne lui dirait pas vraiment qui trouver. L’idée de choper le premier type portant ce dessin sur le cou serait pertinente, si bien sûr il arrivait à le faire parler. Et ça c’était pas gagné, avec les conventions et les pratiques très encadrées de la police. Sa lèvre supérieure se rehaussa doucement alors qu’il réprimait le souvenir de l’efficacité d’une séance d’interrogation plus musclée dans son groupe d’opération spéciales, chez les Marines.

« Une bonne piste pour le moment, oui. On est assez chanceux à ce niveau là, d’ailleurs. Oh, et merci pour la photo », dit-il en secouant son téléphone dans sa main avant de le ranger dans sa poche.

Ils avaient le Comment, manquait à bien établir le Pourquoi, et définir le Quand. Les trois axes de toute enquête. Les déchiffrer en établissant proprement leur concordance était le meilleur moyen de boucler une enquête.
Le Pourquoi ne serait pas définissable pour le moment. Ils ne connaissaient pas grand-chose sur les victimes, ni sur les pratiques du gang dont ils semblaient faire partie. Si ce n’est qu’il y avait du y avoir une brebis galeuse dans le tas, quelqu’un qui a dérogé au code du groupe et qui méritait punition.
Le Comment, lui, était simple. Une exécution sommaire au milieu de la rue, avec un peu tout et n’importe quoi sous la main. Des objets contondants, puis une arme à feu. Une préparation assez simple, voire inexistante. Ils étaient peut-être pressés. Dans ce cas…
Le Quand. S’ils étaient pressés, c’était peut-être parce qu’ils ne pouvaient pas attendre pour attaquer les Baker ? À ce moment là il faudrait voir s’ils n’avaient pas…
Sofia interrompit son fil de pensée, et il retourna son attention vers elle en haussant un sourcil. Avant de sourire en coin.

« Pourquoi me demander ça ? Vous voudriez me revoir en dehors du travail ? Je plaisante, rassurez-vous. »

Chris eut un petit rire mesquin, avant de reprendre une gorgée de son jus de fruits frais. Il avait au moins le mérite de le réhydrater un peu, bien que l’acidité de ce verre-là lui tira une petite grimace.

« Important… Je ne sais pas. Me maintenir en forme, la musique en live dans les bars de la ville. Entretenir mes compétences martiales, ça me plaît bien aussi. Et vous, vous faîtes quoi une fois que le service est bouclé ? »

Son téléphone retentit à nouveau, mais il prit le temps de laisser Sofia répondre en lui accordant son attention. Son doigt tapa trois fois sur sa cuisse, là où le portable reposait. Le prendre de suite le démangeait, mais il n’avait pas plus envie de montrer une quelconque impolitesse. Il sortit ensuite l’appareil de sa poche pour le consulter. Une note audio. Chris baissa le son du téléphone et le porta à son oreille pour éviter que le tout s’ébruite.


L’inspecteur haussa un sourcil. Il aurait du y penser plus tôt. C’est bien là qu’il avait vu le tatouage. Du moins il avait du l’apercevoir dans un dossier passé entre ses mains.
Il transféra la note audio en répondant à la photo envoyée par Sofia, au cas où elle aurait besoin de l’entendre elle aussi.

« Bien, nous savons quoi chercher maintenant. Mais ça risque d’être long pour identifier précisément ceux qu’on cherche. »

Puis son train de pensées interrompu un peu plus tôt se remit sur ses rails.

Le Quand. Pourquoi les Baker avaient été éliminés cette nuit ? Probablement parce que les tueurs n’avaient pas le temps d’attendre plus longtemps. Il allait se passer quelque chose rapidement, venant de la petite famille. En se savant en danger, ils n’auraient probablement pas opté pour une ballade nocturne comme si tout allait bien. Les Baker avaient prévu de fuir. C’était une bonne hypothèse.

« Venez, on doit retourner sur les lieux du crime. On doit vérifier les effets personnels des victimes. »