Do it, or do not. There is no try

Les petites têtes rousses se trouvaient recroquevillées au sol, les genoux contre leur torse court ou les jambes traînant derrière eux. Ils changeaient de position à toutes les cinq minutes, se mettant même à plat ventre si la situation le demandait. Étonnamment, ils restaient au même endroit, ou presque. Ayant commencé leur aventure sur la table, leur aventure les avait mené jusque par terre, près de chaises qui l’entourait. Tom et Aaron, armés de crayons de cire qu’ils tenaient fermement dans leur poing, jonglant avec leur motricité fine en développement et leur créativité grandissante, crayonnaient un arsenal de couleurs sur de larges et épaisses feuilles qu’ils avaient rapidement éparpillées autour d’eux.

Hélas, dans cette guerre au nom de l’art, les jeunes frères n’étaient pas alliés, mais rivaux. Tous deux firent du même crayon leur plus grand désir et la Bataille de Bleu Ciel commença. L’un, arrachant le précieux des mains de son frère -qu’il insulta de “petite” frère- ne sut maîtriser sa prise sur le Bleu Ciel et le crayon vola dans les airs. Faisant la démonstration des lois de la physique et du hasard, la craie de cire termina sa route aérienne près d’un fauteuil moelleux. Une destination des plus banale si ça n’avait été de l’occupante dudit fauteuil, dont les yeux avaient suivis la scène avec curiosité et indulgence cette guerre d’enfants. Alors que Tom vint pour saisir le crayon bleu, Virgilia posa le bout de sa chausse sur celui-ci, en faisant son prisonnier.

“Vilya, le crayon !
- Le quoi ?
- Le crayon ! Ton pied est dessus !
- Ah !
- Faut lever le pied.
- Pardon ?
- S’il-te-plait Vilya, lève ton pied.”

Et lorsque Tom se souvint de la courtoisie, Virgilia leva son pied et laissa l’enfant récupérer le précieux, précieux Bleu Ciel. Il n’y eut plus d’altercation aussi passionnée que la Bataille de Bleu Ciel. La vampire, veillant sur l’activité créative des jeunes garçons, les supervisait avec retenue, n’intervenant que s’ils se montraient trop distraits ou lui demandait de l’attention. Ce qu’ils faisaient, de temps à autre, pour montrer à la dame leur progrès. Et Virgilia, ne désireuse de leur faire travailler bien plus que leurs mini mains maladroites, leur posait des questions sur le thème de leur dessin et les encourageait à s’exprimer, pratiquant leur locution.

Aaron qui, plutôt que de faire dix petits dessins sur son papier comme son frère, en dessina un seul, grand, qui prenait la majorité de l’espace de sa feuille blanche. Sautant sur ses pieds, attrapant son oeuvre d’art avec fierté, il trotta jusqu’à la vieille vampire pour lui montrer le résultat.

“Ai fini mon gâteau !
- C’est un très gros gâteau. Il est à quoi ?
- Chocolat, vanille, un autre chocolat, et carottes, ange, rouge, chocolat.
- Est-ce qu’il y a du crémage sur ce gâteau ?
- Oui ! De touuute les couleurs !
- Cela me semble être un gâteau délicieux. On dirait qu’Alyssa a un concurrent.”

Ses yeux clairs se mirent à briller alors que ses doigts se resserrèrent légèrement sur le papier. Il se rapprocha un peu, puis se retrouva rapidement dans l’espace personnel de la vampire. Sans gêne, il se mit à regarder l’écran de la tablette électronique que tenait Virgilia, curieux de voir ce qu’elle faisait. Voyant de longs et pénibles textes noirs sur un un fond blanc, il vint pour se désintéressé mais, au milieu de toute cette érudition ennuyante d’adulte, il vit une petite icône colorée. Aussi rapide qu’un chaton, il écrasa son doigt dessus et ouvrit une nouvelle page.

“C’est Lyssa !
- Oui, c’est Alyssa. Veux-tu lui montrer ta création ?
- Oh oui, oh oui !”

L’enfant se mit à sautiller d’excitation, Virgilia prise d’un sursaut inusité, posa une main ferme mais douce sur sa tête pour calmer son agitation. La vampire glissa ensuite sa paume contre son ventre proéminent, rassurant son locataire dont l’éclat de voix d’Aaron avait fait sursauter. Prenant ensuite sa tablette dans ses mains et faisant signe à l’enfant de reculer, Virgilia remarqua le regard du jumeau tourné vers eux.

“Veux-tu également montrer ton dessin à Alyssa, Tom ? Rapproche-toi, on va lui envoyer une photo.”

Tom, qui ne fut pas exclu, vint se poster aux côtés de son frère et tous deux tinrent leur oeuvre devant eux. Ils firent de grands sourires et Virgilia usa de sa tablette pour les prendre en photo et envoyer le résultat à la jeune Alyssa, accompagné d'un texto.

> Tom et Aaron ont faits de beaux dessins. Aaron a choisi ton prochain projet de dessert. Je crois que tu auras un assistant la prochaine fois que tu passeras.

L’après midi de cours a été longue. Déjà, parce que j’ai pas pu dormir autant que d’habitude et accuse le coup d’une journée trop courte. Levée à 13h, il a fallu que je me fasse mener en cours par Lucio (vive la voiture aux vitres anti UV), puis que j’assiste à deux heures d’hygiène pour apprendre à me laver les mains et une table, alors que d’habitude je dors à cette heure. Ensuite, parce que revenir sur les bancs de l’école me fait étrange. Ayant déjà fini le lycée, et l’école qui m’a finalement accepté étant à la base orientée pour des classes professionnelles, je vais passer deux mois avec diverses promotions, pour rattraper les bases qu’il me manque (principalement hygiène et pratique) sachant que j’ai déjà le reste. Ensuite j’enchaînerai sur un mi temps en entreprise, avec des jours de cours. Par contre là dessus, l’école fait bien les choses. Ils ont organisé un emploi du temps sur mesure, avec des cours à étudier à la maison, d’autres en présentiel, mais plutôt l’après midi. Et ils cherchent eux même les lieux de stages pour leurs étudiants, ce qui est plutôt bien. Il faut ‘juste’ que j’apprenne a dormir le matin et plus l’après midi.

Bref la période post-prandiale me voit bailler et cligner des yeux. Pour essayer de me concentrer entre deux moments d’activité, j’échange quelques SMS avec Virgilia, notamment au sujet d’un futur cours qu’il me faudra étudier seule. L’image des minimoys avec leurs dessins me fait glousser… et m’attire les foudres du professeur, m’obligeant à prêter plus d’attention au cours. Quand Célia vient me chercher, elle a dans la voiture avec elle, Annah, qui revient de son cours de dessin, et elle balaie ma gêne de l’obliger à venir me chercher d’un geste avant de me confier le volant. C’est donc moi qui conduit jusqu’à la ferme, sous l’oeil vigilant de Célia. Bon, en vérité, mes réflexes de conducteur commencent à s’améliorer, et j’espère pouvoir conduire bientôt seule ma petite voiture verte. Sitôt arrivées, nous sommes assaillies par 2 têtes rousses, lesquelles dans leur précipitation font tomber mon sac de livres dans l’entrée, lequel déverse son contenu dehors… Et au soleil.

« Merde ! »

Oui, je sais. On jure pas devant les enfants. Mais bon, c’est sorti du cœur. Heureusement Annah va braver pour moi l’astre du jour et me rend mon agenda.

« C’est un affront qui va se payer cher ! »

Les gamins savent pas ce que c’est un affront mais ça les empêche pas de hurler de rire (et un peu de peur pour Tom) tandis que je rentre en tenant à bras le corps un asticot sans lunettes tête en bas, suivi par Célia, chargée du second asticot qu’elle tiens façon sac de patates et Annah qui rit.

« O’scour Vilya ! Alede ! »

Bon, finalement, les deux terreurs sont libérés après une rude sanction de chatouilles. Et Annah y a droit un peu au passage ‘par équité’. Finalement, c’est autour d’un plateau de chocolat ou de sang (ou les 2 en même temps pour moi) qu’on finit par se calmer et faire le point des journées. Annah raconte son cours d’aquarelle, s’animant en décrivant son nouveau professeur. Célia parle de nouveaux livres à sa bibliothèque, tendant aux jumeaux et à moi-même des livres que nous avions empruntés, avant de repartir dans sa chambre avec les siens. Je raconte le cours d’hygiène, et tend mon carnet de texte à Virgilia. Demain et après demain, c’est études à domicile, autant dire que j’aurais à cotoyer les deux monstres. Et enfin, les jumeaux qui racontent leurs dessins à grand renforts de gestes. J’avoue, là je décroche un peu. Ils parlent toujours trop vite pour moi, j’ai du mal à suivre, et surtout j’ai comme un coup de barre là, avec le chocolat... Alors le

« Lyssa, on fait le gateau semb’e ! Avec du chocolat plein et vanille et encore chocolat et puis du rouge, du ange et de la crème miticor ! »

« Mais pas du sang c’est pas bon ! »

Je m’y attendais pas. Hein ? Mais si le sang c’est bon !Je regarde les minimoys comme une biche dans les phares d’une voiture, puis Virgilia. Autant je peux gérer Annah, plus calme, et me permettre de chahuter les petits, d’autant plus que je suis toujours très précautionneuse de doser ma force, autant des fois les comprendre, je galère. Rouge ? Ange ? Miticor ? Autant de chocolat, mais il veut devenir diabétique ?! Et le gamin qui me met le dessin sous le nez pour insister.

« Tu sais que ça fait beaucoup de choses, là pour un gâteau ? »

Et de re regarder Virgilia. Heeeeeeeelp ?

Les petits garçons étaient remplis d’excitation. L’activité de dessin ne pouvait les garder immobiles dans un coin pendant trop longtemps et, ayant terminé leurs oeuvres d’art, il fallait dorénavant les occuper autrement. Virgilia les écoute parler de leur dessin, des couleurs qu’ils ont utilisé et de ce qu’ils ont représenté avec leurs petites mains manquant encore un peu de motricité fine. Virgilia les encouragea néanmoins à créer davantage, à faire d’autres dessins en leur donnant des thèmes. Et si elle usait du mot thème dans son sens premier, les garçons comprisent plutôt défi. Et leur motivation avait ainsi grimpé en flèche. Rien ne les empêcherait de réussir ce défi.

Cependant, si Virgilia se plaisait à les écouter d’une oreille distraite tout en continuant à travailler sur sa tablette électronique, elle ne put les retenir lorsqu’ils entendirent dans le stationnement la voiture de Célia qui se garait avec, à son bord, les créatrices des gâteaux. La vampire remarqua aussitôt qu’ils sautèrent sur leurs pieds, prêt à débouler les escaliers et les interpela aussitôt d’un voix autoritaire -mais pas fort.

“Aaron, Tom. Rangez les papiers et les crayons avant de descendre.”

Ils se dandinèrent un moment, espérant que s’ils ignoraient les instructions de l’adulte, elle les oublierait, mais ce ne fut pas le cas. La femme se leva du fauteuil et trôna au-dessus d’eux avec sa grande taille. Avec peu d’engouement, ils ramassèrent les crayons éparpillés autour d’eux ainsi que les feuilles à colorier et suivirent le doigt de Virgilia qui pointait vers l’armoire où ces objets devaient être rangés.

“Vous avez oublié un crayon bleu, ici. Et un orange, là.”

Elle entendit un soupir qui lui arracha un sourire et regarda les petites têtes rousses ramassés les déserteurs pigmentés. Une fois libérés de ce fardeau qu’était ce ménage, cette torture imposée pas un régime d’adultes, ils regagnèrent leur énergie et se précipitèrent dans les escaliers, ignorant l’avertissement de Virgilia de ne pas courir.

Mais ils coururent. Ils s’élancèrent ! Aaron réussit à descendre chaque marche avec adresse mais Tom ne possédait pas cette dextérité et trébucher en roulant jusqu’au rez-de-chaussée s’annonçait être son fatal futur. Alors que son pied glissait d’un escalier pour s’abattre sur la seconde, hors de son contrôle et que ses fesses se rapprochaient dangereusement d’une marche pour s’y heurter à répétition jusqu’en bas, il fut miraculeusement rattrapé par le pantalon par Virgilia. L’empêchant de faire une entrée fracassante vers l’étage inférieur, la vampiresse maintint le garçonnet et le tira pour l’asseoir sur une marche.

“Ne cours pas.” Répète-t’elle à nouveau.

Comprenant mal ce qu’il venait d’arriver, il se tourna vers la tutrice et se mit à rire. Insouciant, innocent. Il finit par se lever et descendre plus calmement rejoindre son frère pour aller accueillir Alyssa. Cette péripétie, qui aurait pu s’avérer dangereuse, fut rapidement oubliée lorsqu’ils foncèrent tête première vers la jeune vampire et devinrent victime du courroux de celle-ci.

“O’scour Vilya ! Alede !
- Je vous ai prévenu de ne pas courir.”

Les plaintes se mélangèrent aux rires, les châtiments d’Alyssa n’étant pas si terribles que cela, en réalité. Virgilia se posta près du groupe pour écouter leur journée et hocher la tête à des moments clés pour montrer son attention face à ces récits. Un cahier d’étude termina sa course dans les mains de la tutrice et celle-ci le feuilleta rapidement pendant que les garçons parlaient de leurs dessins. Tout comme à la détresse de Tom qui fut suspendu par le pied l’espace d’un instant, Virgilia partagea très peu d’empathie face à la situation de la cuisinière en apprentissage.

La vieille vampire referma le livre de cuisine et jaugea rapidement la situation.

“Tom, Aaron, avez-vous demandé à Alyssa si elle était libre pour faire un gâteau ?
- ...Hm, non ? Mais elle est là !
- Peut être que Alyssa préfèrerait aller dormir.
- Oh noooon ! C’est pas l’heure de dormir !
- Mais c’est très difficile et très long de faire un gâteau aussi compliqué, Aaron.
- Hmm… euh… juste un étage ? Juste un chocolat c’est facile !
- Demande à Alyssa.”

Les jumeaux rapportèrent leurs grands yeux brillants vers la vampire et ils lui demandèrent d’une voix suppliante :

“Lyssa, veux-tu faire un gâteau ?!
- Aaron, on dirait qu’il manque des mots à ta demande.
- S’il-te-plait ! S’il-te-plait ! S’il-te-plaiiit !”

» Tu as changé [PV Alyssa et Lucio]
» Dead men tell no lies [PV Alyssa]
» Quand la souffrance amène à la réflexion [PV Alyssa]
» L'affaire Snow [PV: Alyssa]
» Let's go in the garden - feat Alyssa Snow