La voix d’Evelyn résonna dans le bâtiment. C’était elle. Elle qui avait provoqué dans cette ruelle. Doucement, plus que furieux, je tournai le regard vers la louve, la fusillant du regard. Il était bien peu de dire qu’elle enchaînait les fautes graves à mes yeux. Et sûrement savait-elle que cela ne s’effacerait pas d’un simple pardon. Si ma confiance n’était pas des plus difficiles à avoir, une fois perdue, il était bien plus compliqué de la retrouver. Je plissai largement des yeux alors que la louve blanche en venait à se présenter. L’alpha du Cercle Barker. Ces loups enragés. Cela ne m’étonnait qu’à moitié, à vrai dire. Si je tenais en respects ces membres pour leur engagement envers leur race, je n’avais jamais approuvé leurs faits et gestes. Trop violents, trop vindicatifs. Ils étaient aux antipodes de ma manière de penser. Preuve en fut le morceau de placo volant en direction de mon infirmière que je stoppai net dans sa course, le regard particulièrement sévère.
- Etes vous des enfants à vous comporter de la sorte ? Grondai-je furieusement. Même mes propres enfants à des âges bien moins élevés n’ont jamais été aussi ridicules que vous ! Qu’est-ce que vous désirez ? Vous entretuer ?
La louve reprit parole alors que je grondai de nouveau.
- Reprenons vos termes. Puisque vous êtes alpha d’une meute, vous savez que la protection de nos meutes respectives importe plus que tout. De même que la préservation de notre race. Vous dites allez « sauver les fesses des créatures surnaturelles » ? Sachez que ce n’est pas en vous battant contre votre propre race que vous le ferez, mais je ne vous apprends rien. J’ai appris que vous aviez battu votre ancien alpha loyalement. Je vous félicite. Mais avez-vous au moins compris ce qu’était être alpha ?
Voilà une chose dont je n’étais pas convaincu au vu de son comportement impulsif et que je jugeais parfaitement immature.
- Je ne défendrais pas les actes d’Evelyn et je les déplore et les condamne tout autant que les vôtres. Pour autant, Miss Steinn, si nous refusons le combat ouvert contre la Fédération ou les Chasseurs pour préserver la paix, n’imaginez pas que votre meute est la seule à sauver les loups.
Un point où j’étais tout à fait catégorique. Nous étions, d’ailleurs, la meute la plus à même d’accueillir les jeunes loups en détresse, généralement envoyés par la Fédération. Pacifiste reconnus, nous pouvions leur apporter la paix, là où d’autres ne leur apportaient que la guerre. Une guerre inutile pour le moment, à mon sens.
- Quant à nos règles. Je n’ai aucun doute sur le fait que vous ne respecterez aucunement notre règlement. Pour autant, et pour le bien de notre race. Je pense qu’il serait bon ton de nous mettre d’accord sur la non-agression de nos meutes respectives. Un mot allant bien entendu directement à Evelyn aussi. Que vous maîtrisiez l’art du combat en centre-ville m’importe bien peu. Je refuse qu’un membre de ma meute participe à votre début de carnage ou à un effort de guerre contre les humains.
Ainsi serais-je, à vrai dire, rassuré, si un pacte de non-agression venait à être signé. Plus de combat, plus de sécurité pour ma meute comme pour celle de cette jeune femme, au vu de la tension qui s’étendait dans le bâtiment entre les deux louves. Si elle ne l’acceptait pas cependant… Je devais avouer que cela ne me plairait pas. Nous n’étions pas préparés à une guerre contre une meute et nous avions bien d’autres chats à fouetter à nous protéger des Chasseurs pour cela. Mais la décision tenait désormais dans les mains d’une louve impulsive et visiblement colérique…
“Make no mistake, the beast inside is sleeping, not dead.”
La prochaine fois, le prochain combat; dans un parc ou dans la forêt. Loin des regards, loin des interventions non désirées. C’était une source de contrariété pour la louve de savoir qu’elles n’allaient pas pouvoir conclure aujourd’hui; qu’il lui faudra attendre avant de pouvoir admirer le corps sans vie de Kaia. Et une source de contrariété supplémentaire d’apprendre que la louve blanche était l’Alpha du Cercle Barker. Et voilà donc que les deux Alphas des deux meutes de la Nouvelle-Orléans se faisaient face pour la première fois. Et quelle belle première rencontre!
Ses insultes enflammèrent la louve blanche; pas bien difficile, il suffisait de l’insulter sur son physique et le tour était joué. Si Evelyn ne pouvait plus se battre, elle pouvait encore insulter; à ses risques et périls, oui. Kaia le lui fera-t-elle payer un jour? Peut-être, mais peu probable. Victor allait-il engueuler Evelyn comme du poisson pourri? Absolument, sans l’ombre d’un doute.
Victor intercepta l’objet que Kaia lança dans sa direction, puis les compara toutes deux à des enfants. Il n’y avait rien à répondre à cela. C’était un loup profondément pacifiste, alors évidemment pour lui toute cette scène était une pure imbécilité de deux être immatures. Ne pouvait-il donc pas comprendre le désir de deux personnes de s’entretuer?
- Qu’est-ce que vous désirez ? Vous entretuer ?
- Ce serait un bon début, répondit Evelyn. Tabasser Kaia, l’achever, lui creuser un joli trou, la donner aux crocodiles, abandonner son cadavre dans une benne à ordure ou la découper en petits morceaux et envoyer lesdits morceaux à sa meute.
- Il serait, tout de même bon, que vous appreniez à tenir vos loups ! Même si je vous l'accorde, vous n'avez pas de chance avec celle-ci, une faible et pathétique louve dans vos rangs.
- Tu peux bien parler, grogna Evelyn. Petite arrogante louve blanche. Faible et pathétique elle-même! Et si elle avait réussi à battre l’ancien Alpha, elle était alors la cheffe d’une meute de loups faibles et pathétiques comme elle.
Kaia était chanceuse que Victor se soit interposé entre elles. La louve prit silencieusement une grande respiration pour se calmer. Et pendant qu’Evelyn tentait de contrôler sa colère, Victor répliquait à Kaia. Je ne défendrais pas les actes d’Evelyn et je les déplore et les condamne tout autant que les vôtres, dit notamment Victor. Et Evelyn se demanda ce que serait sa condamnation pour avoir défié son Alpha, pour avoir déclaré une petite guerre à l’Alpha du Cercle Barker.
- Quant à nos règles. Je n’ai aucun doute sur le fait que vous ne respecterez aucunement notre règlement. Pour autant, et pour le bien de notre race. Je pense qu’il serait bon ton de nous mettre d’accord sur la non-agression de nos meutes respectives.
Un accord de non-agression. Evelyn tourna la tête vers Victor, peu surprise par de tels mots. À la base l’idée était bonne. Mais comment empêcher des loups de se bagarrer s’ils le désiraient? C'était inimaginable. La louve tourna la tête vers sa rivale. Aucune intervention de sa part n’était désirée à cet instant, seule la réponse de Kaia comptait. Et Evelyn la fixait avec intensité, avec une colère qui refusait de la quitter.
Face aux deux loups, Kaia était partagée en deux, elle avait une furieuse envie de terminer cette histoire avec la louve noire...mais de l'autre côté, il s'agissait de la première rencontre avec l'Alpha de la deuxième meute vivant dans cette ville. Elle les trouvait faible, certes, mais se battre avec lui ne serait pas forcément une bonne idée, elle en était consciente. Sa meute avait beaucoup trop à faire avec les chasseurs. Pourtant, la louve continuait dans ses provocations, même si elle répondait honnêtement à son propre Alpha, un bon point pour elle ! Même si sa réponse la fit rire, d'une façon un peu sarcastique.
- Ce serait effectivement un bon début.
Son regard se posa sur son ennemi depuis des années, un regard à la fois assassin et parfaitement jugeur. Pour elle, cette louve n'était qu'un parasite dont elle n'arrivait pas à se débarrasser.
- Cette histoire date de quelques années déjà, vous ne devriez même pas être concerné ! Et estimez vous heureux d'être celui ayant osé s'interposer.
La menace était parfaitement claire. Un autre loup, elle l'aurait tué vite fait bien fait pour s'occuper de sa rivale. Et Kaia avait dans l'idée, qu'au vu du comportement de la louve, elle ne serait pas la seule à avoir une telle réaction. Il était, après tout, amusant de constater qu'elle avait osé défier son Alpha, bien qu'elle avait fini par se coucher à ses pieds. Faible louve.
- Sachez que celle-ci est la seule à mériter la mort. Le reste de votre meute, je m'en fiche royalement. Vivez votre vie pacifique, ça ne me regarde pas si vous n'avez pas la force de vous battre pour vos congénères. Nous, nous en sommes capables et nous le faisons. Je mènerais ma meute à la victoire et nous prendrons définitivement la tête de cette misérable ville. Voila ce qu'est être Alpha, protéger sa meute et l'amener à être la meilleure.
Pour ne jamais être détruit, tout simplement. Son raisonnement était là. Son regard revint ensuite vers Evelyn puisque son Alpha venait de la nommer. Un prénom. Mais cela ne changeait absolument rien à la situation ou à la haine qu'elles se vouaient mutuellement. Néanmoins, Victor reprit la parole et demande un accord de non-agression. Elle le fixa longuement, ne s'attendant nullement à cette proposition. Elle sauta de sa chaise improvisée et s'approcha du duo, même s'ils étaient clairement plus grand qu'elle.
- Et qu'avez-vous à donner pour faire une telle demande ? Bien que j'ai déjà une petite idée à cette question.
Elle tourna la tête vers Evelyn, juste pour voir sa réaction face à ce qu'elle désirait.
- Je la veux, elle. Laissez-moi lui donner la raclée qu'elle mérite, encore une fois, pour qu'elle comprenne qu'elle est faible, et je vous accorderais ce pacte de non-agression. C'est là, ma seule demande. Nous avons l'une pour l'autre, une haine farouche qui date depuis longtemps, je pensais en être débarrassé lorsque je l'ai vaincu la dernière fois. Vous comprendrez qu'un tel pacte ne pourrait être respecté tant que nous n'avons pas définitivement réglé cette histoire, n'est-ce pas Evelyn ? Je me ferais un plaisir de t'éliminer une fois pour toute. Tu es trop faible pour me vaincre, quand le comprendras-tu ?
Elle s'approcha de sa rivale et se planta devant elle, tout en sachant pertinemment que tout dans son attitude exprimait une envie de sang, une aura menaçante...entièrement dirigée vers Evelyn. Elle n'avait rien contre l'Alpha, elle ne voulait que la louve.
- Néanmoins, au vu de vos propos, j'imagine qu'un combat à mort ne serait pas pour vous arranger ? C'est pourtant ce que nous désirons. Elle et moi. Laissez-la moi et votre meute ne subira aucune conséquence du combat que poursuis la mienne.
Ce qui en soit était une belle promesse, une seule louve contre l'assurance que tous les autres seraient en sécurité, qu'aucun membre du cercle ne les agresserait sans en subir les conséquences. Bon, après, le pacte restait valable tant qu'elle restait Alpha, par la suite, l'accord pourrait varier selon les positions du suivant. Mais elle ne comptait pas laisser sa place. Et de toute façon, une telle demande ne lui demandait pas vraiment d'effort ou de sacrifices de sa part ou de celle de sa meute, mais elle en profitait pour obtenir ce qu'elle voulait. Tout simplement.
Je grondai quelque peu à la réflexion d’Evelyn. Un regard. Un seul, que je lui jetai pour lui intimer l’ordre de se taire. Car plus elle parlait, plus ma colère se faisait fureur et si elle ne savait pas encore où était sa place, j’allais très bientôt devoir le lui indiquer. Mais déjà, l’alpha des Barker réagissait à son tour. J’étais entourée de petites idiotes. Ne manquait plus qu’un bonnet d’âne pour les prendre pour des enfants. Me retournant vers la louve blanche, je fronçai alors les sourcils. Que pensait-elle là ? Que sa meute règnerait en maître sur la Nouvelle-Orléans. Secouant la tête, l’air atterré, je l’observai quelques instants en silence.
- Ainsi c’est donc là votre but. Ecrasez les autre pour régner ? Vous ne vaudriez donc pas mieux que les Chasseurs qui nous traquent pour nous éliminer afin que les humains soient en maître ici ? N’avez-vous donc pas compris que ce sont ces idées de grandeur qui vous mèneront, vous et votre meute, à la destruction ? Que seul l’équilibre des choses peut amener une société à survivre au temps ?
Le regard le plus sérieux du monde, j’observai alors la louve qui quittait son petit observatoire pour s’approcher de nous. Sans un geste, je l’observai alors. Ce que j’avais à donner ? Pour cet accord ? Se moquait-elle donc de moi ? Je tentais d’éviter une guerre de meute, de territoire, préservant la paix et donc notre force de frappe contre ceux qui le méritaient et elle… Elle venait à me demander ce que j’avais à lui offrir pour la voir accepter ? Mais je n’eus le temps de répondre qu’elle me donnait ainsi sa condition, tournée vers l’infirmière de notre meute. Cette fois, je grondai sérieusement, une sorte de mise en garde, en quelque sorte. Voilà bien une condition que je n’accepterais pour ainsi dire jamais.
- Je ne sais comment votre meute fonctionne et cela ne m’intéresse pas, Miss. Repris-je alors que la louve terminait sa tirade. Mais en tant qu’alpha, je n’accepterais qu’aucun de mes loups ne soient tués ou ne serait-ce blessé par quiconque. Je plissai alors les yeux en m’approchant des deux femmes, prêt à m’interposer de nouveau. Je vous conseille, par ailleurs, de mesurer vos propos. Votre chantage serait ainsi de préserver ma meute de votre combat aussi ridicule soit-il à la condition de vous offrir l’une des miennes. Si je résume, ainsi, vous n’hésiterez donc pas à vous en prendre à ma meute en cas de refus. Nerveusement, j’esquissai un sourire en secouant la tête. Dans les deux cas, je me vois dans l’obligation de refuser.
Cette fois, j’observai Evelyn. Elle ne me faisait aucunement confiance ni ne m’appréciait, et j’en étais particulièrement convaincu, mais malgré cela, mes mots étaient clairs et fermes.
- Je ne forcerais jamais des loups à se battre à la place de l’une des leur. Pour autant.... Sans quitter Evelyn des yeux, j’hochai doucement la tête. S’il arrive le moindre mal à un membre de la meute, sachez, Miss Stein, que nous n’hésiterons pas à venger cela. C’est là l’un des fondements d’une meute, n’est-ce pas ? Quant à mon avis personnel… Je redirigeai mon regard vers la petite louve, les sourcils froncés. Je ne permettrai aucunement que l’on s’en prenne à l’une des miennes. Quand bien même cette dernière désirerait un combat, je le refuse.
Prêt à me battre pour les miens, il n’y avait que très peu de doute sur le fait que je m’interposerais en cas de tentative de l’une ou l’autre des deux parties de recommencer un combat que je jugeais inutile et ridicule. Pour autant, je tentai, malgré tout, de garder une posture peu offensive, préférant ainsi la discussion à toute agressivité.
- Quant au fait de subir les conséquences de vos idées de grandeur. Je vous conseille, Miss, de revoir vos estimations à la baisse. Vous n’êtes pas de taille à cela. Non que vous n’en ayez les capacité, je ne jugerais pas cela. Mais votre orgueil ne fera que vous mener droit à la perte et je ne supporterais pas qu’aucun de mes loups ne tombent par votre faute. Si vous ne désirez pas de ce pacte de non-agression, nous nous préparerons inévitablement à la guerre. Vous comme moi le savez. Et je doute que vous ayez envie d’arriver à ces proportions navrantes.
L’idée même de provoquer une guerre ne me plaisait pas. Bien au contraire. Mais peut être était-ce le seul moyen de faire réagir cette louve, censée être Alpha. Elle protègerait sa meute, elle-même l’avait-elle dit. Alors… Peut être que cette perspective, sûrement meurtrière dans chacun de nos clans, suffirait-elle à calmer ses quelques « ardeurs sanguinaires ». Du moins je l’espérais.
“Make no mistake, the beast inside is sleeping, not dead.”
Kaia faisait bien de le mentionner : Victor n’était en effet aucunement concerné par l’histoire entre les deux louves. Il n’aurait jamais dû s’en mêler. Il aurait dû respecter leur combat. Evelyn aurait gagné, ou elle aurait perdu, mais l’histoire serait close; Evelyn serait morte, ou elle aurait enterré cette histoire en même temps que le cadavre de sa rivale.
La louve blanche dévoila brièvement son rêve de régner en maître sur la ville. Belle fabulation. Grande stupidité. Il y avait franchement de quoi en rire, mais Evelyn n’afficha même pas l’ombre d’un sourire. La petite louve s’avança ensuite, se rapprocha, ne craignant apparemment aucun danger. Sa rivale se croyait manifestement en pouvoir de marchander : Evelyn contre un accord de non-agression. Les traits de la louve se plissèrent de contrariété. Comme si elle allait se laisser battre aussi facilement! C’était elle, plutôt, qui allait avoir la tête de Kaia!
- C’est moi qui vais te donner une raclée, gronda Evelyn, retenant de justesse un sale petite idiote. Et de quel droit Kaia osait demander une chose semblable? Evelyn désirait continuer de se battre, évidemment, sans aucun doute; elle désirait que Victor s’éloigne et les laisse continuer ce qu’elles avaient si bien commencé. …Mais ça? Un conflit entre deux personnes, et Kaia osait mêler leur clan à cela? Elle osait proférer des menaces? Elle osait prétendre qu’il y aurait des conséquences pour sa meute si Victor n’acceptait pas sa demande? Les yeux d’Evelyn brillèrent brièvement d’ambre. Rarement dans sa vie avait-elle ressentit autant de haine pour une personne, ressentit à ce point l’envie de démembrer une autre personne. Elle serra les poings, ses ongles s’enfonçant dans les paumes de ses mains; retenant son envie de passer ses mains autour du cou de Kaia.
La louve n’appréciait pas beaucoup Victor; leur relation avait démarré sur de mauvaises bases, et après aujourd’hui ce n’était pas prêt de s’améliorer. Elle devait au moins lui concéder qu’il jouait présentement bien son rôle d’Alpha. C’était tout à son honneur de vouloir protéger les siens; le fondement d’une meute, en réalité.
Le cœur de la louve tambourinait. Son envie était puissante de se transformer et de décapiter sa rivale. Les conséquences d’un tel geste étaient la seule chose qui l’arrêtait. Elle contrôla sa respiration, prit de longues inspirations pendant que Victor répondait à Kaia.
- Quant au fait de subir les conséquences de vos idées de grandeur. Je vous conseille, Miss, de revoir vos estimations à la baisse. Vous n’êtes pas de taille à cela.
Oh! Victor se permettait un bien joli jeu de mot. Pas de taille, oui en effet ! Littéralement!
- Si vous ne désirez pas de ce pacte de non-agression, nous nous préparerons inévitablement à la guerre. Vous comme moi le savez. Et je doute que vous ayez envie d’arriver à ces proportions navrantes.
Perspective navrante, inutile et exagérée. Tout ceci allait trop loin. Evelyn ne désirait pas, n’avait jamais désiré, que qui que ce soit risque sa vie pour elle. De même qu’elle ne désirait pas de vengeance si elle devait mourir au cours d’un combat loyal. Et elle ne cherchait pas la guerre. En initiant ce combat, Evelyn avait seulement, simplement, désiré regarder les corbeaux se repaître de la carcasse de sa rivale. Elle avait pris pour acquis que la louve blanche était solitaire, comme à leur première rencontre. Et que ce soit le cas où non n’avait sur le coup pas eu d’importance dans l’esprit d’Evelyn. Parfois, bien souvent, elle agissait sans penser aux conséquences de ces actes. Les choses avaient ensuite pris une tournure pour le moins inattendue; l’arrivé de Victor et la découverte que Kaia était l’Alpha du Cercle. Et cela changeait tout.
- Une guerre serait disproportionnée, et tu le sais très bien Kaia, dit-elle en écho aux dernières paroles de son Alpha. Le problème avec ta proposition, c’est que tu penses que tu vas me battre. Mais je n’ai pas l’intention de me laisser tuer sans réagir. C’est présomptueux de croire que tu peux connaître l’issu de ce combat. J’aimerais que Victor prenne les paris, ce serait intéressant, mais il semblerait que cela n’arrivera pas. Malheureusement et heureusement pour l’une d’entre nous.
Une partie d’Evelyn était déçue. La louve avait toujours aimé régler, ou enterrer, ses problèmes. Elle avait tant désiré ce combat; elle avait l’impression qu’on venait de lui retirer son jouet.
- Trente années d’attente avant aujourd’hui. Un jour, je me ferai un plaisir de festoyer sur ta tombe, que je sois ou non l’auteur de ta chute. Même si je dois attendre encore trente années pour cela. Mais je doute que cela soit aussi long, statistiquement parlant.
Et Evelyn trouvait que, compte tenu de la situation, elle pondérait bien ses propos.
- C’est entre toi et moi Kaia, ne mêle pas nos meutes à ça. Et elle répéta : C’est uniquement entre toi et moi. …Mais pour aujourd’hui, c’est terminé.
Victor semblait furieux bien qu'il se maîtrisait relativement bien, mais Kaia se demandait contre qui il était le plus énervé finalement. Contre Evelyn ou contre elle ? Mais elle n'irait pas poser la question, inutile de provoquer plus encore cet Alpha. A la réponse du loup, elle secoua aussitôt la tête.
- Non, écraser les autres ne nous intéressent pas. Même si effectivement, les loups sont supérieurs. D'une part, nous vaincrons les chasseurs et d'autres part, nous prendront la tête pour empêcher les humains de continuer leurs petites chasses ridicules contre les nôtres. Et par extension, contre toutes les races non-humaines. Estimez-vous heureux, vous avez la paix pendant qu'on prend tous les risques et on continuera ainsi, jusqu'à ce que les humains comprennent.
Parce que le cercle était composé des seuls loups capables de s'opposer à l'oppression humaines. Les autres se cachaient, soit seuls, soit dans la meute Mahiingan. Par la suite, en s'approchant des deux loups, aucun ne montra de signe d'agressivité ou ne se mit sur la défense, lui permettant ainsi de continuer et de donner son unique condition. Et ce fut là que Victor réagit, grondant. La menace était réelle, elle la comprenait parfaitement mais elle se contenta de le fixer, sans ciller.
- N'avez vous donc pas peur à l'idée de voir ma meute débarquer ? Ou tout simplement, les considérer comme des ennemis, au même niveau que les chasseurs ?
Ce qui reviendrait à des traques quotidiennes pour les éliminer un par un. Mais au fond, ce n'était que des mots. Kaia était consciente que sa meute avait déjà bien d'autres chats à fouetter et ne pouvait ainsi s'éparpiller. Elle avait joué sa carte, elle avait tenté et s'était pris un refus net. Victor lui prouvait, encore une fois, qu'il n'était pas aussi faible qu'elle le pensait, même s'ils ne s'étaient pas battus ensemble. Elle lui trouvait quelques qualités intéressantes. Jusqu'à l'entendre parler de sa taille. Elle laissa échapper un grondement furieux alors que ses yeux lançaient des éclairs. - Je suis parfaitement de taille à affronter n'importe quelle situation !
Ses poings se serraient en même temps qu'elle prononçait ces quelques mots. Elle avait une furieuse envie de sauter à la gorge de Victor et tout dans son attitude le montrait. Mais Evelyn fit une parfaite distraction en prenant réellement la parole depuis le début de tout cela. Elle braqua sur elle un regard qui n'était plus tout à fait gris, preuve que Victor avait bien failli déclencher une transformation inopinée. Elle avait horreur qu'on la traite de petite ! - N'oublies pas, Evelyn, que tu es celle qui est venue me chercher. Tu es celle qui m'a agressé à ce marché et qui a sacrifié MA nourriture pour ton histoire de vengeance. Je te croyais morte. La prochaine fois, je m'en assurerais avant de laisser ton corps. Ce ne sera pas aujourd'hui, en effet, peut-être pas demain et même surement pas dans l'année à venir, mais un jour, on se retrouvera, et cette fois-ci, ce sera la fin. Ta fin.
Elle avait parlé d'un ton glacial alors que la rage vibrait dans tout son être. Elle était comme la corde d'un arc, particulièrement raide.
- Et n'oublie pas, que c'est toujours toi qui mêle ta meute à nos histoires. La dernière fois, c'était déjà le cas et aujourd'hui...aujourd'hui ne fait pas exception.
Elle jeta un simple coup d’œil à Victor puis secoua la tête. Elle soupira longuement après cet échange de menace puis se planta de nouveau devant l'Alpha, reprenant d'une voix quelque peu glaciale mais pourtant, elle restait franche.
- J'accepte votre demande de pacte de non-agression. Nos meutes respectives ne devront pas s'agresser, je préviendrais les miens. Et je ne toucherais pas Evelyn, tant qu'elle fait partie de votre meute.
Qui étaient surement ceux qui risquaient le plus de se montrer violents de base, mais elle saurait s'assurer qu'ils ne fassent aucun mal aux loups de la meute Mahiingan. Et ne pas toucher Evelyn était une promesse en soit, et elle tenait toujours sa parole, enfin elle faisait toujours tout pour...mais ce serait temporaire. Car un jour, il y en avait bien une qui quitterait sa meute et là, les hostilités seraient à nouveau déclenchées. Pour l'instant, elle resterait loin de cette foutue louve. - Par contre, ne m'insultez plus. Ou il n'y aura plus de pacte de non-agression qui tienne.
Elle commença alors à s'éloigner, pour les laisser seuls et parce qu'elle devait rentrer. Sa meute allait l'attendre à force et elle avait beaucoup de travail. Elle jeta un dernier regard à Evelyn puis lui adressa quelques derniers mots :
- Je serais patiente.
Sur un ton grondant, pleins de menaces mais que Victoir soit rassuré, elle ne ferait rien pour le moment, elle l'avait promis. Elle quitta alors le bâtiment, se dirigeant vers l'usine par les petites ruelles pour éviter les axes principaux...alors qu'elle était totalement nue. Inutile d'attirer encore plus l'attention.
Evelyn dépassait les bornes, c’était un fait. Et je n’allais certainement pas laisser passer cela de la sorte. Bien loin de là, car si elle ne connaissait pas encore ma colère, cela n’allait vraisemblablement pas tarder. Je ne désirai néanmoins aucunement réagir face à l’alpha du Cercle Barker. Cela se réglerait au sein même de notre meute et non en compagnie d’une « invitée ».
- Jamais je ne considérerais un loup comme mon ennemi. Repris-je en observant Kaia. Et je ne risque pas d’être effrayé par la venue de votre meute. Si je prône le pacifisme, je refuse de voir mes loups baisser la tête devant une meute et surtout une alpha qui ne voit que par la violence et l’immaturité d’un combat futile qui l’emmènerait à provoquer une guerre entre nos clans.
J’arquai un sourcil en observant la louve. Son grondement ne m’avait évidemment pas échappé mais je devais avouer que je ne comprenais pas réellement le pourquoi du comment. J’étais néanmoins prêt à tout revirement de situation, revirement qui ne serait certainement pas bien accueilli, contre moi qui restais des plus calmes. Mais Evelyn, alors, sembla rattraper sa première phrase. Et j’approuvai alors chacun de ses mots, un bémol mis néanmoins sur le « aujourd’hui ». Enfin. Mieux valait ne pas rebondir pour le moment. Ne pas rebondir mais ne pas laisser cela s’installer malgré tout. Laissant échapper un grondement sourd, j’observai Kaia. Je n’allais certainement pas la laisser menacer ma louve de la sorte.
- Il suffit. Dis-je sévèrement avant de l’entendre reprendre parole.
Elle acceptait. C’était déjà cela. Le regard fixé sur elle, je l’observai quitter les lieux sans réagir aucunement, ne désirant réanimer la flamme qui semblait ne pas la quitter. Puis ce fut le silence. De longues minutes de silence où je n’observais même pas Evelyn, contenant ma colère. Lentement, je tournai mon visage vers la louve, un visage aux yeux ambrés, témoin de ma colère franche quoique contenue.
- Ai-je besoin de te dire ce que je pense ? Dis-je alors dans un léger grondement avant de secouer la tête et m’approcher d’elle pour me stopper à quelques centimètres. Soyons clairs Evelyn. A la prochaine incartade, la plus légère qu’il soit, ce sera le bannissement.
A nouveau, je grondai. J’avais, à vrai dire, très rarement été dans une colère aussi noire et bien que je tente de la contenir, nul doute n’était admis : je ne laisserais plus rien passer. Le regard fixé sur elle, je me reculai enfin.
- J’espère que tu te rends compte de ton comportement indigne d’une Mahiingan. Tu as failli mettre toute ta meute dans cette affaire et si jamais ta meute ou moi-même ne t’abandonnerons, je te conseille de revoir tes priorités. Me retournant vers la sortie, je fronçai les sourcils. Rentre immédiatement au manoir. Ce sera ici ta dernière erreur possible. Mais puisque tu te doutes certainement que je ne laisserais pas passer cela… Voici ma décision. Je te laisse ton rôle d’infirmière. Mais tant que tu ne m’auras pas… Pardon. Que tu ne NOUS auras pas prouvé que tu es réellement une louve Mahiingan, que cela soit par tes services ou par le temps, tu n’auras pas plus de poids que le dernier omega arrivé chez nous. Est-ce clair ?
Sans réellement attendre de réponse, ma décision prise, je me transformai alors, jetant un dernier regard à Evelyn avant de me ruer dehors, en direction de la ruelle dans laquelle j’avais laissé mes affaires, toujours présentes, revenant alors jusqu’au manoir.
- Make no mistake, the beast inside is sleeping, not dead.-
Cette chère Kaia assura qu’elle allait être patiente. …Patiente, oui, jusqu’au jour où elle allait pouvoir tuer Evelyn. Ineptie. Ce jour-là, ce sera plutôt Kaia qui perdra la vie. Evelyn préféra ne rien ajouter, au risque d’envenimer la situation, et uniquement à cause de la présence de Victor.
Un lourd silence s’installa après le départ de la louve blanche. Un silence qu’il n’appartenait pas à Evelyn de briser. Elle patienta, eut le temps de calmer sa colère, eut le temps de réfléchir sur les conséquences de ses actes, d’appréhender la réaction de son alpha. Elle n’avait aucun regret, si ce n’était de ne pas avoir tué sa rivale aujourd'hui.
Victor se tourna finalement vers Evelyn. La colère de l’homme était flagrante. Evelyn avait franchi une ligne; une ligne visible, une ligne claire, elle avait brisé un règlement important, et sans aucun doute bafoué les fondements de sa meute. …À sa décharge, la louve avait toujours eu de la difficulté avec les règles; elle était trop impulsive.
- Ai-je besoin de te dire ce que je pense ? Evelyn fit non de la tête. Non, ce n’était pas nécessaire, car elle se doutait bien. L’Apha s’approcha; peut-être souhaitait-il ainsi donner davantage de poids à ses prochains mots, mais le mot bannissement pesait à lui seul assez lourd dans la balance : Soyons clairs Evelyn. A la prochaine incartade, la plus légère qu’il soit, ce sera le bannissement.
Evelyn n’était pas une louve pacifique; elle avait toujours aimé régler ses problèmes dans la confrontation et le sang, bien que parfois elle se contentait de simples mais efficaces menaces. La paix et la tranquillité, c’était ce qu’elle souhaitait; la raison pour laquelle elle avait intégré la meute Mahiingan. Un mensonge. …Peut-être avait-ce été la vérité, il y a cinq ans. ...Ou Evelyn était une adepte de si tu veux la paix, prépare la guerre. Cela étant, elle aimait la vie de meute et elle s’était prise d’affection pour certains membres des Mahiingan. Elle ne désirait pas les quitter et ne souhaitait pas en être chassée. Elle hocha la tête pour seule réponse; elle comprenait et acceptait que le bannissement soit une conséquence adéquate à son mauvais comportement.
À la prochaine incartade, avait-il dit. Ce qui attristait Evelyn, car malgré toutes ses bonnes intentions, malgré son envie de faire partie de la meute, elle savait que ce n’était qu’une question de temps. Pas une possibilité mais une certitude. Un mois, six mois, un an. Chassez le naturel, il revient au galop. Une simple étincelle, c’était tout ce qu’il fallait à Evelyn pour commettre ce que Victor considérait comme une incartade.
Elle était blessée que sa place dans la meute soit remise en question à cause d’un simple combat avec sa rivale, et insultée que Victor la rabaisse; mais il était l’Alpha et c’était sa décision. Elle devait respecter cela, ou partir maintenant. Partir maintenant d’elle-même ou être chassée dans un mois, six moi, un an...?
Victor quitta l’entrepôt après cette belle conversation. Evelyn resta un moment immobile.
- Prouvé que je suis réellement une louve Mahiingan? Son mari aurait ri, amusé; mais si son mari avait été vivant, Evelyn n’aurait ni quitté l’Angleterre ni intégré la meute Mahiingan. Son jeune fils rirait franchement, car il connaissait la nature profonde de sa mère. Mais Evelyn avait envie de prouver à Victor qu’il se trompait sur elle, de lui prouver qu’elle était réellement une louve Mahiingan. Elle avait envie de se bercer d'illusions.
Elle quitta les lieux sous sa forme de loup, écoutant sagement la consigne de son Alpha : rejoindre immédiatement le manoir. Pile ou face, aurait-elle préféré comme solution : pile le bannissement, face le pardon royal. Oui, cela aurait été une belle façon de régler la situation.
