Le programme du jour ? Glander.

Voilà un peu plus d'un mois qu'Edson avait débarqué à la Nouvelle-Orléans et il n'avait pas vraiment eu une minute à lui. Entre le boulot, les différentes démarches administratives, l'aménagement de son appartement et les derniers week-ends passés cloîtré chez lui suite à sa rencontre désagréable avec un vampire un peu "taquin", il n'avait pas encore pris le temps de profiter de la ville. Mais aujourd'hui, même la météo semblait de mise pour le pousser à sortir de son antre et profiter de son jour de repos : grand ciel bleu, soleil éclatant et une légère bise bienvenue. C'était décidé, un peu de farniente au parc lui ferait le plus grand bien. Un bon brunch et une douche plus tard, Ed' s'habilla, remplit son sac à dos de ce qu'il jugeait nécessaire et se mit en route.

Il n'était visiblement pas le seul à avoir eu l'envie de profiter de ce premier week-end de Mai bien clément, les rues grouillaient de monde et les terrasses étaient blindées. Chacun vaquait à ses occupations, ici des gens qui faisaient du shopping, là d'autres qui buvaient des coups ou encore certains qui squattaient en groupe devant des porches de maison à discuter et se marrer. L'ambiance semblait au beau fixe et Ed' ne put s'empêcher de remercier le soleil et sa chaleur pour les demoiselles qui parcouraient les rues en tenues estivales.

Le jeune homme traversa Bywater, passa par le faubourg Marigny et remonta Esplanade Avenue pour finir par arriver à destination. Il passa à côté du musée d'art de la ville ainsi que du jardin botanique sans s'arrêter, peut être un autre jour. Là il voulait simplement s'allonger dans l'herbe. Pour ça, il allait visiblement devoir s'enfoncer plus au Nord dans le parc, à la recherche d'un petit spot tranquille. Le parc l'impressionna de par sa taille, il était sans commune mesure avec ceux qu'il avait fréquentés à Londres ou Berlin. Il n'avait pas grand chose à voir esthétiquement non plus, la végétation était entourée de plans d'eau et le tout constituait un paysage de bayou typique pour autant qu'il pouvait en juger.

Il finit par trouver son bonheur, une zone couverte de gazon avec quelques arbres clairsemés par-ci par-là, assez éloignés de l'eau pour qu'il n'ait pas à s'inquiéter de savoir si elle contenait des alligators. Il n'avait pas les reptiles en odeur de sainteté, encore moins lorsqu'ils pesaient plusieurs centaines de kilos et pouvaient le couper en deux d'un claquement de mâchoire. Des familles et des groupes d'amis traînaient autour de tables qui leur avaient servi à pique-niquer, des gamins couraient en piaillant joyeusement, des gens se lançaient des frisbees, des balles de baseball ou de foot américain. Parfait.

Ed' s'installa confortablement dans l'herbe, sortit un bouquin de son sac à dos, sa gourde remplie d'eau fraîche puis s'allongea en se servant de son sac comme d'un oreiller. Il poussa un léger soupir de contentement, enfila son casque, lança sa playlist et ouvrit le livre à la page à laquelle il s'était arrêté, profitant des rayons du soleil qui caressaient sa peau.





Quand il rouvrit les yeux, la nuit était tombée sur le parc. Il se redressa d'un coup avant de se passer la main dans le visage. Le parc était désert et silencieux. Combien de temps avait-il dormi ? Il voulut regarder l'heure sur son téléphone, mais ce dernier n'avait plus de batterie. Putain, ça voulait dire pas de lampe torche ni d'internet pour retrouver son chemin ! Il se releva, un poil inquiet. Bon ça ne devrait pas être si compliqué de faire marche arrière... Il n'était pas optimiste que cela, avec l'obscurité ambiante et malgré la pleine lune, il n'y voyait pas à dix mètres. Ed' n'avait aucune idée de la direction à prendre. Non pas que la perspective d'une nuit à la belle étoile ne le tentait pas, mais l'image des deux yeux rouge vif du vampire le hantait à nouveau. Il n'avait pas envie de faire une mauvaise rencontre de plus, cette fois-ci il n'aurait sans doute pas la même chance que la dernière fois. De souvenir, le parc avait la forme d'un rectangle, il avait une chance sur deux d'arriver assez rapidement en bordure de l'espace naturel. Une fois retourné dans une rue, il choperait le premier taxi venu. Il se lança un peu au pif.

Il marcha pendant environ une demie-heure. Le temps s'était rafraîchi et il n'aurait pas dit non à un pull. Il commençait à avoir faim également et sa gourde était vide. La totale ! Ed' commençait à se résoudre à grimper dans un de ces arbres aux larges branches horizontales pour y passer le reste de la nuit quand il entendit des éclats de voix. Il se dirigea dans la direction d'où ils provenaient, prudemment. Il ne savait pas sur quoi il allait encore tomber avec sa chance. En se rapprochant, il entendit de la musique puis des rires, avant de voir une source lumineuse qui semblait provenir d'un téléphone. Il continua se s'approcher à pas de loups ne se doutant pas qu'un vampire l'aurait entendu arriver depuis un moment. Deux mecs, des jeunes qui buvaient des bières, fumaient un bédo et... piochaient dans un paquet de chips. Feu vert ! Ed' arriva tranquillement, en leur montrant qu'il n'était pas hostile.

- Salut les gars ! Désolé de vous déranger mais je suis nouveau dans le coin et je me suis paumé...

Ils levèrent la tête vers lui et il comprit qu'ils n'en étaient pas à leur première de la soirée ni à leur premier joint. Ils devaient avoir une petite vingtaine.

- Yo ! Ecoute c'est par là...

L'un des deux, un brun avec une barbe de trois jours tendit le bras dans un sens, puis le bougea dans une autre direction.

- Ou là... en fait je sais pas trop, mais j'ai pas envie de regarder sur mon phone de suite, ça couperait le son... Mais si t'es pas pressé on part d'ici une demi heure max !

Ed' hésita, plus vite il serait chez lui, mieux ce serait. Mais d'un autre côté, il valait peut être mieux se balader à trois, et avec leurs téléphones il ne risquait pas de se paumer en cours de chemin. Le deuxième, un blond assez mince lui tendit leur joint.

- Allez pose toi et tire une taffe mec ! Par contre on n'a plus de bière...

Comment refuser une proposition si intéressante ? Ed' fouilla dans son sac et sortit le joint qu'il avait roulé pour le parc, avant de s'être ravisé en ayant vu le nombre de familles présentes. Il s'installa à leurs côtés et alluma son spliff, tira dessus et le fit tourner, en gage de remerciement.

- Une demie-heure hein ? Moi c'est Ed'.

Le brun répondit.

- Une demie-heure, juré. Moi c'est Mark et lui c'est Eric dit-il en désignant son pote.

La pleine lune approchait à grands pas ! L'excitation gagnait la meute, Kaia le sentait, aussi surement qu'elle la sentait monter en elle. Les fourmillements remontaient le long de ses bras, elle était sur le qui-vive, bien plus à fleur de peau que d'habitude. Des petites bagarres éclataient à l'usine, preuve que la tension était à son paroxysme et qu'il était temps qu'ils aillent tous chasser. Mais ils devaient attendre la nuit, par mesure de sécurité. Ce qui incitait Kaia à réfléchir sérieusement à son envie d'acheter un grand terrain où ils pourraient courir dès le matin...

En attendant, elle tournait en rond à l'usine, annonçant subitement une heure de rendez-vous puis l'avançait...ou la reculait avant de se fixer pour de bon. La meute ne lui en tenait pas rigueur, tout le monde était aussi nerveux qu'elle, tous le sentaient.
Et puis, l'heure approcha. Elle laissa ses loups partirent en premier, vérifiant que tout était bon à l'usine, que tout était en sécurité. C'était bien le seul moment où ils partaient tous en même temps et qu'il n'y aurait personne pour garder le QG. Elle n'aimait pas ça mais elle ne pouvait pas laisser un loup en arrière, ce serait de la torture.

La nuit était tombée lorsqu'elle atteignit le plus grand parc de la ville. Elle avait rendez-vous avec les siens en plein milieu, là où il y avait peu de chances de croiser des humains. Là où le changement pourrait se faire tranquillement. Là où la chasse pourrait s'exercer en toute tranquillité.
Elle marchait d'un pas rapide, pressée, la lune agissant fortement sur son organisme. Elle était magnifique, resplendissante même. Son cœur battait la chamade, sa peau la démangeait. Elle devait accélérer.

Sa route croisa alors celle de trois jeunes en train de fumer autour d'un paquet de chips déjà bien entamé. Elle huma l'air et fronça les sourcils en comprenant que ce n'était pas de la cigarette classique. L'un d'eux l’aperçut et prit la parole :

- Eh poupée, toi aussi tu es perdue ? Viens t'assoir à côté de nous, on va prendre soin de toi !

Kaia se figea alors et se tourna vers l'effronté qui avait osé lui adresser la parole et l'appeler "poupée". Elle sentit tout son corps trembler, sous la colère qui montait et l'envie pressante de se transformer.

- Bah alors, tu as froid, poupée ? Allez viens, on va te réchauffer !

Et il se mit à ricaner. Elle lui envoya un regard furieux.

- Je n'ai pas froid, crétin !

Elle remarqua que ses mains avaient déjà pris l'apparence de pattes, arborant de magnifiques griffes. Le plus atteint par leur fumette se leva alors et s'approcha, ne semblant rien remarquer de sa transformation en cours. Il passa son bras autour de ses épaules, cherchant à l'attirer vers le groupe.

- Allez viens, ma mignonne, on va bien s'occuper de toi ! Mon pote a raison. Et puis, t'es sacrément mignonne ! Regardez moi ce petit cul !

Kaia perdit tout contrôle au moment où elle sentit qu'il lui pinçait les fesses. Un grondement s'échappa de sa gorge plus tout à fait humaine. Ses griffes s'enfoncèrent profondément dans le ventre du type qui émit quelques gargouillis et une légère plainte avant de s'écrouler. Kaia sentit ses jambes se transformer et grandir. Elle tomba à quatre pattes, le temps de finir le processus et de retrouver son équilibre. Ses os grandissaient, se raccourcissaient selon l'endroit, changeait même de forme et elle hurla de douleur. Elle lacéra le type déjà à terre, poussée par sa rage mais aussi par sa souffrance, comme si agir lui faisait un bien fou.

Elle avait à peine terminée qu'elle se jeta sur le premier qui avait osé l'aborder et la traiter de poupée. Ses crocs se refermèrent sur sa gorge faisant gicler son sang dans tous les sens. Elle secoua sa tête, déchiquetant sa proie dans un grondement furieux. C'était un véritable carnage et le sang se répandait un peu partout, volant dans tous les sens sans même qu'elle s'en rende compte. Elle avait répondu à l'appel de la lune, céder à l'appel de sa rage et ressentait un immense soulagement en cet instant alors qu'elle déchiquetait le pauvre gars de ses crocs et de ses griffes.

S'il devait être honnête avec lui-même, Ed' n'aurait jamais fréquenté ces deux mecs s'il n'avait pas eu besoin d'eux pour retrouver son chemin. A part le fait qu'ils tiraient sur le même joint désormais, ils n'avaient rien en commun. Dix minutes étaient passées depuis qu'il s'était posé avec eux, mais Ed' avait l'impression que ça faisait une éternité. Il n'avait rien à leur dire, et leurs sujets de conversation le laissaient de marbre ou le faisaient tiquer : quelle actrice était la plus bonne, comment convaincre une nana de ne pas utiliser de préservatifs, leurs histoires de cul sans intérêt... Bon, la fin de la nuit promettait d'être longue et pénible. De temps en temps ils lui demandaient ce qu'il en pensait, mais il se contentait de hocher de la tête ou de dire oui pour donner le change, ne voulant pas les vexer et risquer de devoir retrouver son chemin seul.

Ils en étaient à parler de techniques sexuelles assez dégueulasses lorsqu'une jeune femme arriva à leur hauteur. Ed' pria pour que les deux n'aient été que des grandes gueules et la laissent passer sans lui adresser la parole.

- Eh poupée, toi aussi tu es perdue ? Viens t'assoir à côté de nous, on va prendre soin de toi !

Edson ne fut pas franchement surpris, mais il était terriblement gêné. Comment faire plus beauf que ça ? Il jeta un coup d'oeil à la nouvelle arrivante : une épaisse crinière de cheveux clairs, moins d'un mètre soixante, toute menue. Il la vit trembler et eut mal au coeur en se disant que ce crétin devait lui avoir fait peur. Eric ouvrit à nouveau sa gueule de con et prouva à Ed' qu'il pouvait faire encore plus beauf :

- Bah alors, tu as froid, poupée ? Allez viens, on va te réchauffer !

Elle lui rétorqua quelque chose, mais Ed' ne l'entendit pas, il était déjà assez remonté comme ça.

- Tu veux pas fermer ta gueule et lui foutre la paix ? Tu crois que c'est en te comportant comme un gros porc que tu vas arriver à quelque chose ?

Il s'apprêta à se lever pour empêcher le deuxième d'aller emmerder la jeune femme quand il entendit Eric lui répondre :

- T'as un problème négro ?

Il s'était lui aussi redressé, prêt à en découdre. Ed' sentit son sang se mettre à bouillir, il allait lui bousiller sa petite gueule de con et se ferait un collier avec ses dents. Les deux adversaires s'apprêtaient à se jeter l'un sur l'autre quand ils entendirent un gémissement et quelques gargouillis assez répugnants. Ils se tournèrent de concert vers la provenance du bruit et virent que la jeune femme avait enfoncé sa main dans le ventre du dénommé Marc. Ce dernier cracha du sang avant de s'effondrer.

- Bordel de merde...

Toute envie de se cogner avait disparu. Ils restèrent plantés là, incapables de comprendre ce qui était en train de se passer sous leurs yeux. La jeune femme fût prise de convulsions plus puissantes et tomba à quatre pattes tout en hurlant de douleur. Son corps devenait difforme, ses vêtements de déchiraient et sa peau pâle se couvrit d'une épaisse fourrure. Le processus n'avait duré que très peu de temps durant lequel la créature s'était acharné sur le corps sans vie sous ses pattes, le transformant en steak tartare comme si de rien n'était.

Un lycan ! Un putain de lycan se tenait là, à moins de dix mètres d'eux, son pelage clair assombri par le sang du crétin numéro deux. Ed' aurait voulu bouger mais il était tétanisé et incrédule. Comment faisait-il pour se fourrer dans des merdes pareilles à chaque fois ? Déjà la dernière fois avec le vampire vendeur de weed. C'était peut-être la weed le problème ?

Ils n'eurent pas le temps de réagir que la bête fonça sur eux, pour se jeter sur le crétin numéro un. Sa puissante mâchoire se referma sur le cou du gros beauf et elle le secoua comme s'il était une poupée de chiffon. Il entendit distinctement les os de la nuque du type se briser, même s'il émettait des cris épouvantables. Edson ne reprit ses esprits que lorsqu'il reçut une giclée de sang chaud sur le visage. Il se mit alors à courir aussi vite qu'il le pouvait, encore plus vite que lorsqu'il avait sprinté pour échapper au vampire.

Il se doutait qu'il n'avait aucune chance face à cette bête, aussi bien à la course qu'en force physique. Il vit alors qu'il s'approchait d'un arbre assez grand, sa seule chance résidait dans le pari que cette saloperie ne savait peut-être pas grimper. Il arriva à portée de la première branche qu'il jugeait assez solide et s'y accrocha, commençant à se hisser pour tenter de se mettre hors de portée.

Kaia venait de céder à la fureur et à la pleine lune et elle ne le réalisait pas du tout. En cet instant, il n'y avait plus rien qui comptait, à part se venger de ces crétins finis. Le premier, elle venait déjà de le déchiqueter, sans même écouter ce que les deux autres racontaient. Se transformer était toujours une véritable souffrance, encore plus en période de pleine lune et lorsqu'on perdait le contrôle. Un foutu combo qui la rendait encore plus folle de rage !

Rapidement, elle avait foncé sur sa seconde proie qu'elle secouait dans tous les sens, faisant gicler du sang partout. Un délicieux crac bien sonore retentit alors. La nuque venait de céder. Une façon pour lui de voir ses souffrances se réduire nettement, il n'agoniserait plus. Sa vie s'était arrêtée brutalement. Pourtant, elle ne s'arrêta pas là. Ses griffes continuaient de lui lacérer le corps, jusqu'à atteindre le ventre qu'elle entailla profondément, laissant les viscères se répandre hors de son abdomen...puis de répandre leur contenu, dévoilant une belle déchirure. Ses griffes acérées ne laissaient aucune chance.

Soudainement, ses oreilles captèrent un bruit soudain. Des bruits de pas. Un souffle accéléré. Un cœur qui palpitait. Un humain en train de fuir ! Une proie effrayée !
Elle desserra les crocs, laissant tomber le corps à ses pattes, relevant alors les yeux pour l'apercevoir. Là ! Il courrait droit devant !
Un hurlement de loup lui échappa alors, une invitation à la chasse. Ses instincts avaient clairement pris le dessus en cet instant.

Elle s'élança à la poursuite de sa proie, courant à toute vitesse. Elle le rattrapa alors qu'il commençait à se hisser à la première branche. Elle planta aussitôt ses crocs dans la cuisse de sa victime, le tirant en arrière, aidée de ses griffes cherchant une prise dans ses hanches. Elle réussit à le tirer vers elle, ses crocs s'enfonçant profondément dans sa chaire. Elle secoua à nouveau la tête, le silence se brisant à nouveau sur un "crac" magistrale. Elle profita qu'il soit probablement distrait par sa douleur pour le faire tomber au sol. Elle avait eu sa proie. Son regard brillait d'une lueur démente alors qu'elle envisageait de se nourrir maintenant. Après tout, c'était ainsi quand le prédateur gagnait ce type de combat...

Elle libéra la cuisse de l'inconnu, son museau venant fouiller son corps à la recherche d'un bon point d'impact. Ses griffes ne restaient pas en reste, lacérant tout le torse, déchirant le haut pour lui donner un total accès à sa chaire tendre et juteuse. Elle se lécha les babines, avalant par la même occasion un peu de sang.

A ce moment-là, résonna dans la nuit de nombreux hurlements de loups. La meute. Ils étaient là. Et ils l'appelaient. Elle se redressa, la patte sur le torse de sa proie, huma l'air puis hurla à son tour. Elle s'élança soudainement abandonnant l'humain pour une promesse de chaire plus agréable en bouche. Elle ne réalisait pas le massacre qu'elle venait de causer, trop prise par ses instincts et son besoin de chasse. Cette nuit là, plus d'un être vivant allait céder sous les crocs affamés des loups.

Il comprit que dérater comme un lapin n'était pas la meilleure idée quand il l'entendit pousser un hurlement et commencer à le courser. Il avait déclenché son instinct de prédateur. Mais rester béatement sur place n'aurait pas été d'un grand secours non plus. Au moins là, il avait peut être une chance. Les pattes de la bête martelaient lourdement le sol et se rapprochaient bien plus vite qu'il ne l'aurait désiré, à tel point qu'il pouvait désormais entendre son souffle rauque. Elle était sur ses talons. Il bondit comme un beau diable pour s'agripper à une branche ! Encore un petit effort...

Il poussa un cri de douleur mêlé à de la peur lorsqu'elle planta ses crocs dans sa cuisse droite. Il ne lâcha pas l'affaire pour autant poussa sur ses bras pour tenter de monter sur la branche. Mais la technique de Kaia était parfaite, léthale. Ses griffes se plantèrent dans ses poignées d'amour et il ne put retenir un grognement, manquant de perdre l'équilibre, ne se raccrochant à la branche qu'avec ses avant-bras. Pas que cela change grand chose, la louve s'assura une meilleure prise sur sa cuisse, les lames d'ivoire s'enfonçant encore plus profondément dans sa chair, sa mâchoire exerçait une pression terrible. Pression qu'elle accentua encore en le secouant pour le faire tomber de son perchoir.

Edson entendit un craquement sinistre et ressentit une douleur d'une telle intensité qu'elle électrisa son corps entier, le faisant lâcher la branche et hurlant de douleur cette fois. Mais il s'arrêta aussitôt, le souffle coupé par sa chute sur le dos. Il n'eut pas le temps de reprendre ses esprits que la bête était déjà sur lui, le dominant entièrement de sa rage et sa férocité. Le prédateur ultime. Il l'entendit grogner, son haleine chargée de l'odeur métallique du sang chaud l'écoeurait. Elle dirigea ses pattes vers son torse et déchira son t-shirt, labourant sa peau par la même occasion. Il n'avait même plus la force de crier, à quoi bon ? Dans une seconde il aurait le ventre ouvert ou la cage thoracique enfoncée, son coeur ou son foie gobés goulûment par la bête. Il espérait qu'elle l'abrège rapidement.

Des hurlements de loups se firent alors entendre et elle s'arrêta pour lever la tête et hurler derechef. Edson se dit qu'elle venait de signaler sa position et qu'il allait servir d'amuse-bouche à une meute entière. Mais, à son étonnement, elle se redressa et partit à toute vitesse. Sans doute pour rejoindre les siens.

Le jeune homme resta vautré au sol comme un jouet qu'un enfant capricieux avait laissé tomber. Chaque respiration lui faisait un mal de chien, les entailles dûes aux griffures s'étiraient légèrement dès que sa poitrine se soulevait. Il avait l'impression qu'un ouragan lui était passé dessus, comment pouvait-il encore être en vie ? Sa cuisse se rappela à son bon souvenir et il se dit qu'il n'était peut être pas tiré d'affaire. Elle avait planté ses dents tellement profondément qu'elle lui avait peut être sectionné l'artère fémorale. Si c'était le cas, il était foutu.

Il décida d'attendre. Foutu pour foutu, autant ne pas se débattre et souffrir inutilement. Au bout de dix minutes, il estima que si l'artère avait été touché, il serait mort à l'heure qu'il était. Son état ne s'était pas amélioré pour autant, les différentes plaies provenant des griffes et des crocs de la lycane le brûlaient désormais terriblement et il se sentait fiévreux. Il décida qu'il était hors de question de tenter d'aller à l'hôpital. Edson comprenait qu'il n'était plus humain et s'il survivait, il préférait éviter de se faire soigner dans un lieu public pour ne pas attirer les yeux indiscrets et la Fédération. Hors de question qu'on le puce !

Le visage d'Irina lui vint à l'esprit. Elle saurait peut-être quoi faire. Et elle ne le dénoncerait pas. Mais son téléphone était mort... Cependant celui d'un des deux autres idiots se trouvait peut être encore à la place qu'il occupait quand la lycane était arrivée. Il se résolut alors à ramper, péniblement, laborieusement, poussant de sa seule jambe valide. Il n'était pas si loin. Chaque mètre était cependant un véritable chemin de croix et les choses ne s'arrangèrent pas quand il commença à traîner dans les viscères de ce qui semblait être Eric. Le bruit et l'odeur lui retournèrement l'estomac, mais c'est la texture de ce qu'il sentait au sol qui faillit le faire vomir.

Il parvint enfin à retrouver l'engin de malheur et l'écran s'alluma. Les choses lui sourirent enfin quand il débloqua le téléphone avec un cryptogramme en forme de "M", loués soient Mark et son corps démembré. Edson alluma la lampe torche du smartphone et vit son sac à dos non loin de là qu'il saisit en grognant. Il le fouilla fébrilement à la recherche de son portefeuille, le morceau de papier avec le numéro de portable d'Irina devait encore y être. Il ressentit un soulagement profond quand il le trouva et composa le numéro. Non sans devoir s'y prendre à deux reprises, son corps entier était désormais en feu et il n'arrivait plus à réfléchir correctement. Une sonnerie, deux sonneries, la vampire décrocha au milieu de la troisième et Edson entendit sa voix, il reprit espoir. Il respirait difficilement et sa voix était rauque, presque enrouée d'avoir tant crié.

- Irina ? C'est Edson... J'ai besoin de vous, je me suis fait attaquer... Je suis...Attendez.

Il écarta le téléphone de son oreille pour ouvrir une application de géolocalisation puis reprit.

- Je suis au dans la partie nord , nord est de City Park...

Il aurait aimé pouvoir y mettre les formes, être plus poli, mais c'était tout ce dont il était capable. Il l'entendit dire qu'elle arrivait et il lâcha le téléphone. Son front était brûlant, de la sueur commençait à perler, sa respiration était de plus en plus lente et profonde. Il luttait pour ne pas fermer les yeux.

Depuis qu'elle s'était réveillée, Irina s'était occupée de l'administratif lié à la ferme. Elle avait appelé beaucoup d'ouvriers récemment pour rénover la ferme et devait gérer les travaux. La majorité avait accepté de travailler de nuit alors, le plus important avait été rapide à faire. Par contre, tout ce qui touchait à la façade, ils avaient refusé...sous prétexte qu'on ne voyait rien la nuit. Toute la journée, elle les avait observé par sa fenêtre, ne pouvant même pas sortir pour vérifier ce qu'ils faisaient. Mais elle les surveillait malgré tout, refusant qu'ils n'entrent et ne troublent le sommeil des jeunes vampires.

La nuit venue, elle avait été vérifiée l'avancement des travaux. Les fissures disparaissaient petit à petit et la peinture paraissait plus fraiche, plus récente. Ce qui était le cas. Elle était amplement satisfaite.
Un verre de sang en main, elle se promenait sur le terrain, vérifiant aussi les rénovations de la partie où vivait les animaux. Avec la ferme pédagogique, les lieux avaient pu être vidés pour être entièrement rénovés et elle n'était pas peu fière du résultat. Mais alors qu'elle admirait l'intérieur et la machinerie malgré l'heure avancée de la nuit, son téléphone sonna. Numéro inconnu. Mmh.

Elle décrocha et reconnut aussitôt la voix d'Edson. Elle fronça les sourcils. Attaquer ? Qu'est-ce que c'était que ce bordel ? City Park.

- J'arrive, ne bougez pas.

Elle remarqua alors que son verre s'était fracassé au sol sans même avoir eu le temps de le terminer. Dernièrement, elle perdait un peu trop son contrôle mais n'avait pas le temps d'y penser. Elle se mit aussitôt en route, à pieds elle irait plus vite qu'avec une voiture. Elle vérifiait en même temps sa route pour arriver au plus vite au fameux parc. Il ne lui fallut que quelques minutes pour traverser la ville, courant aussi vite qu'elle le pouvait en cet instant. Et elle remercia le ciel de s'être entrainée sur sa vitesse...tout en sachant qu'avec du sang humain, elle aurait été encore plus rapide. Mais non, elle ne devait pas penser à ça.

Elle arriva enfin au parc, se dirigea vers le nord est puis à l'odeur. Le sang était partout, c'était une évidence. Elle ralentit à l'approche du carnage et frémit en constatant qu'elle marchait dans du sang. Dans des viscères. Inspire...Non, pas trop fort ! Elle ferma les yeux et secoua la tête. Elle n'allait pas céder pour si peu.
Elle regarda autour d'elle et fronça les sourcils. Quelle créature avait pu faire ça ? Car oui, au vu du résultat, le coupable ne pouvait être humain. Elle repéra enfin Edson, bougeant faiblement, étaler dans...Ouais bon, elle ne prendrait même pas le temps de détailler cette mixture affreusement dégoutante. Elle s'approcha en un clin d’œil et s'accroupit à ses côtés.

- Edson ?

Elle posa la main sur son front et la retira aussitôt. Il était brulant et avec sa température corporelle, c'était un peu violent de le toucher. Mais elle n'aimit pas ce qu'elle voyait. Des entailles sur les hanches et le torse. Et surtout, une morsure à la cuisine. Elle sentit ses crocs apparaitre. Autant à cause de l'odeur du sang qui régnait partout que la colère qui montait en elle. Un loup était passé par là. Un loup avait massacré deux hommes et laissé un troisième mourant...mais pour quelle raison ? Et d'ailleurs, en y regardant de plus près, il n'était pas vraiment mourant.

- Oh Edson...je suis tellement désolée !

De n'avoir rien pu faire. De ne rien pouvoir faire alors qu'il avait voulu rester humain. Mais s'il l'avait appelé c'était qu'il ne voulait pas mourir, non ? Elle soupira, attrapa le téléphone avec lequel il l'avait appelé, passa un appel à la police puis transforma l'appareil en miette. Ainsi, ces types ne pourriraient pas ici jusqu'à ce que quelqu'un les découvre.
Ensuite, elle passa délicatement une main sous sa nuque, l'autre sous ses genoux et le souleva avec douceur. Une jambe bougeait étrangement. Une fracture très certainement. Mais ce n'était pas ce qui l'inquiétait le plus.
Elle se remit en mouvement, disparaissant aussi vite qu'elle était apparue. Elle n'avait pas le temps de faire attention à la souffrance qu'elle risquait de lui causer en allant si vite, elle devait rentrer et le soigner au plus vite.

Elle arriva rapidement à la ferme et tomba sur Célia dont le regard passa rapidement au rouge. Mais il y avait de quoi en même temps, elle était couverte de sang. Elle puait l'humain et le lycan, très clairement. Et le pauvre homme dans ses bras perdaient énormément de sang.

- Va chercher des compresses, des anti-douleurs, du désinfectant...Enfin, de quoi s'occuper de ses plaies. Fais en sorte qu'aucun jeune n'approche de la chambre. Ni aucun vampire en sevrage. En fait, personne ne devrait approcher. Eh Célia !

La jeune vampire fixait la cuisse grande ouverte mais cet appel sonna comme un rappel à l'ordre et elle se précipita jusqu'à la trousse de premiers soins. En attendant, Irina entra dans la chambre, ouvrant la porte du pieds...la faisant claquer violemment contre le mur. Pas le temps. Son odeur avait du se répandre dans toute la maison et elle devait avoir les mains libres pour le défendre. Il était blessé, saignait mais surtout se transformait. Son sang serait un poison pour chaque habitant de cette maison tout en restant enivrant tant qu'il n'était pas entièrement lycan. Un véritable casse-tête.
Elle l'allongea sur le lit puis déchira tout ses vêtements, le laissant en caleçon. Célia revint alors avec une bassine d'eau chaude, un linge et le nécessaire pour le soigner. Irina la renvoya aussitôt puis entreprit de nettoyer la majorité du sang, surtout pour espérer voir toutes les plaies. Elle commença par la cuisse et versa une bonne dose de désinfectant dans la plaie même si elle le savait...Il était trop tard. Elle posa deux épaisseurs de compresses puis enroula la cuisse. Elle essaya de maintenant au mieux la jambe bien droite, sans être vraiment une experte mais s'il survivait, le tout guérirait tout seul de toute façon.

Elle passa ensuite aux plaies sur le torse, nettoyant, désinfectant, recousant les plus profondes. Ainsi, ce serait plus rapide à guérir. Puis, elle banda le tout...Edson ressemblait à une momie. Elle termina de le nettoyer au mieux puis le recouvrit. Trop de sang partout jusque dans les draps et surement le matelas...Même sur elle. Elle ne pouvait pas le laisser seul pour aller faire un brin de toilette. Et puis, elle devait veiller sur lui. Elle s'installa alors sur une chaise, proche du lit et le fixa sans bouger, ressemblant presque à une statue en cet instant. Elle ne quitterait pas son chevet, elle s'en faisait un devoir.