Le jour fatidique était arrivé, Grenat allait devoir affronter plus fort qu'elle pour se renforcer elle-même. Après discussion avec Dante, le lieu de rendez-vous se trouvait dans une partie du parc Jean Lafitte avec ses bois et son bayou infesté de crocodiles. Rien de rassurant en somme mais c'était trop facile sinon ! La vampire avait garé sa voiture sur un parking improvisé et elle en sortit un sac à dos contenant deux poches de sang, son téléphone, un paquet de mouchoirs, une lampe torche et un couteau suisse. Cette fois pas de robe ni d'escarpins, elle portait un pantalon kaki en toile renforcée, un t-shirt noir moulant recouvert d'une protection au niveau de la poitrine et du ventre comme une sorte de gilet par balles, une veste par-dessus en toile kaki qui n'empêchait pas de se mouvoir, des gants en cuir noir, et des rangers. On aurait dit qu'elle s'apprêtait à camper et à rejoindre un bataillon de commando mais non, elle allait juste se battre contre un lycan, rien que ça ! Elle avait acheté tout l'équipement dans une boutique spécialisée car elle savait d'emblée que ses vêtements allaient sûrement être déchirés ou être recouvert de boue. Ses longs cheveux bleus étaient attachés en chignon pour ne pas être gênée non plus, ça lui faisait d'ailleurs bizarre d'être habillée ainsi.
La jeune femme commença à marcher dans la pénombre et même si sa vue vampirique lui permettait de voir à plusieurs mètres, elle préférait avoir sa lampe torche pour repérer les animaux. Son coeur battait rapidement à chaque pas et elle espérait ne pas trop souffrir. Elle voulait surtout que Dante lui apprenne ce qu'il savait sur le combat rapproché et comment se protéger en cas d'attaque. Les cours d'auto-défense étaient trop légers, il lui en fallait plus comme être dans une vraie situation de danger et non parer des coups appris à l'avance. Il fallait qu'elle passe par là si elle voulait aider les surnaturels et les humains qui voulaient la paix. Grenat s'approchait du lycan et elle se demandait à quelle sauce il allait la manger, elle s'attendait à tout en fait. D'ailleurs, elle avait augmenté les heures de sport pour avoir une meilleure endurance. La DJ se posta devant lui, l'air sérieux puis posa son sac à terre.
"Bonsoir Dante, je suis prête."
Pas de conversation amicale ni de chichis, elle se préparait mentalement à mordre la poussière.
Codage par Libella sur Graphiorum
Dernière édition par Grenat Hawthorne le Mar 8 Déc - 15:39, édité 1 fois
Le lycan attendait sa proie. Malgré sa forme humaine, il adoptait tous les codes de la prédation; tapi dans l'ombre, sans faire le moindre mouvement, à l'affût de la moindre manifestation sonore, olfactive ou visuelle. Simplement vêtu d'un short de boxe fendu et d'un t-shirt moulant mais visiblement ample, il semblait avoir opté pour des tissu très élastiques ou permissifs pour de multiples anatomies, indiquant de fait qu'il allait se transformer durant l'exercice.
"Bonsoir Grenat." Eructa t-il très sobrement de sa voix d'outre tombe avant d'enfin amorcer un mouvement lorsqu'il fût repéré. Il quitta son appui dorsal , un chêne centenaire, pour avancer vers elle et lui offrir un simple salut de la tête. Pas de chichi, pas de familiarité avant entraînement. Il tenait à la garder tendue et anxieuse pour maximiser ses performances.
"2 exercices pour ce soir. Afin de mimer au maximum la simulation en conditions réelles, les règles te seront édictées sur l'instant. Aucune préparation, aucune information, juste ta spontanéité. Nous verrons bien quelle endurance tu as."
Son attitude froide, sa franchise, sa diction très tranchée, sa gestuelle stricte ... Tout était fait pour introduire à un climat de tension quasi insoutenable visant à saper son moral, sa capacité respiratoire et saturer son rythme cardiaque avant même le premier danger. Une forme d'échauffement pernicieux mais salvateur.
"Seule forme de prévention que je suis contraint d'annoncer à l'avance : Lorsque je serai transformé et donc dénué de toute parole, sache que je deviendrais ton seul et unique ennemi. Rien d'autre ne devra t'en détourner. Tu as déjà pu observer que j'étais capable de contrôler ma sauvagerie lupine donc ne te retiens pas. Tu ne devras arrêter que lorsque je me transformerai en retour. Compris?"
Son visage était fermé, très sérieux, trop sérieux ... La belle Grenat, toute attirante qu'elle était pour le lycan malgré son appartenance vampirique, n'allait pouvoir user d'aucun charme pour invoquer la clémence de son instructeur. Il ne savait que trop bien scinder l'émotionnel du rationnel. Gagner sa confiance et sa dévotion sans faille était largement plus important que gagner ses grâces ou son admiration.
Sans même lui laisser le temps de stabiliser son souffle ni de poser des questions, le lycan sous sa forme humaine lui tourna le dos et commença à s'enfoncer dans le bayou. Chevauchant les racines des cyprès chauve et les cailloux qui jonchaient un sol devenu impalpable, Dante semblait ignorer tout danger. Ses pieds s'enfonçaient à des profondeurs aléatoires et son short fendu révélait une puissance musculaire des jambes exacerbée. Nul doute qu'il s'était lui même échauffé avant de venir. Une force inconnue semblait le guider tandis que la visibilité était assez faible. Seule la lune dardait ses rayons à travers les conifères géants.
"Commence d'ores et déjà à t'orienter. Analyse ton environnement. Chaque détail qui peut être à ton avantage doit être utilisé. Utilise tout ce qui est invariable comme une valeur sûre sur laquelle tu peux t'appuyer. Limite les impondérables en réfléchissant un maximum. Tu as une bien meilleure vue que moi dans cet environnement par exemple, mais mon odorat me permet d'anticiper ce que tu ne peux voir. Comprend donc que, dans un cas où l'hostilité prime, tu dois être en mesure d'anticiper mes avantages raciaux avant de capitaliser sur les tiens. Néanmoins, l'invariable est que nous avons tous les 2 une réduction de notre amplitude de mouvement à cet endroit."
Tout en distillant précieusement ses conseils, le mentor poursuivait sa route. il semblait suivre une sorte de piste qui, comme il venait de le révéler, était invisible pour sa disciple.
Le lycan était sorti de l'ombre pour aller à la rencontre de Grenat qui était toute aussi déterminée que lui. Ce dernier lui prodigua aussitôt les premières directives et elle n'en attendait pas moins du policier. L'appréhension montait peu à peu parce qu'elle plongeait dans l'inconnu. Lui dire ce qui l'attendait aurait été trop facile mais le fait de ne pas pouvoir anticiper l'effrayait. Son visage restait impassible malgré tout car elle ne voulait pas montrer à Dante une once de doute. Elle se contenta alors de hocher la tête au fur et à mesure des explications du lycan. Si lui avait l'habitude, ce n'était pas le cas de la DJ pour qui tout semblait irréel. C'était peut-être le début d'une nouvelle vie, d'une nouvelle Grenat. L'homme s'enfonça ensuite dans la pénombre et la belle le suivit aussitôt après avoir remis son sac sur le dos.
Tous ses sens étaient à l'affût du moindre danger et de toute éventualité. Elle ignorait à ce moment là ce qu'avait prévu Dante et ce qu'il disait alors qu'ils avançaient ne la rassurait pas mais elle prenait en compte ses précieux conseils. Il est vrai que chacune des deux races avaient ses propres avantages mais aussi ses inconvénients et la première chose était de les connaître. Si Grenat avait appris à accepter sa condition vampirique, elle n'utilisait pas pour autant sa force et ses ressources par crainte de faire des bêtises mais Dante était là pour lui apprendre justement à le faire.
"Où est-ce qu'on va ?" Demanda-t-elle en marchant.
Elle regardait partout autour d'elle en vérifiant qu'il n'y avait pas de branches ou d'animaux qui pouvaient lui sauter dessus. Elle voyait mieux en effet mais pour le moment il n'y avait qu'une jungle d'arbres devant elle. Le sol en revanche était jonché d’obstacles dont il fallait faire particulièrement attention pour ne pas tomber et ses chaussures étaient maintenant pleines de boue. Grenat se demandait maintenant ce qu'il pouvait se passer si Dante venait à devenir un loup à cet endroit. Ses pieds étant entravés, impossible de fuir aussi facilement que sur sol plat, même avec la bonne vitesse. La possibilité de se cacher était également nulle puisque le lycan pouvait la repérer à l'odeur. Son cerveau commençait donc déjà à échafauder des plans.
"Très bien, analyser son environnement et son ennemi... Utiliser les ressources à disposition." Dit-elle en chuchotant. Elle se remémorait les paroles du capitaine comme une bonne élève apprenant un cours.
Malgré sa forme humaine, le lycanthrope adoptait toute l'aisance du déplacement du prédateur. Agile dans ses foulées, enjambant les troncs pourris sans aucun bruit à l'atterrissage, frôlant chaque surface comme autant de prise pour se stabiliser et réduire sa présence tout en augmentant sa vitesse. Il était terriblement bien adapté à son environnement sans même user de ses griffes ni de sa musculature que lui offrait son autre forme. Sa dangerosité, aussi probante que celle d'un militaire surentraîné en territoire hostile, ne semblait qu'être un avant goût de sa létalité sous forme lupine hybride. Grenat ne pouvait que l'avoir remarqué et en avoir peur pour la suite des évènements.
Soudain il se stoppa, net. Levant son poing droit comme l'autorise le langage militaire lors de progression dans le silence. Ce dernier était d'ailleurs pesant. L'intense moiteur du lieu et l'épaisse brume qui constellait l'air était immobile : même le vent n'osait s'aventurer ici. De longues secondes, il huma l'air tel l'animal sauvage qu'il était. Ses naseaux dilatés semblaient recueillir de précieuses informations tant sa tâte faisait preuve de mobilité pour capter toutes les molécules odorantes. Peu à peu il se remit en mouvement mais avec une discrétion exacerbée. Il ne produisait déjà aucun son jusqu'ici. Cette fois, c'était la nature qui le déplaçait tant il était fondu dans le décor. La belle devait surement peiner à se mouvoir aussi prestement que son mentor qui semblait décrire un arc de cercle autour d'une assez large fosse d'une bonne dizaine de mètres de rayon. Le brouillard dense occultait toute la vue de cette marmite de géant semblant former une écume inquiétante. impossible d'en évaluer la profondeur. Lorsque la jeune femme rejoint son entraineur, il glissa prestement sa bouche près de son oreille et lui murmura quelques mots.
"N'oublie pas. Jauge ton environnement, tire parti de ses avantages pour ne pas perdre de temps et réagir au plus vite. Tu es une vampire, tu as donc un arsenal que tu dois pouvoir utiliser à bon escient. Dernier rappel de consigne. Tu ne dois pas tuer ton ou tes ennemis mais seulement les maîtriser, le faire fuir où le mettre hors combat pour sortir d'une situation épineuse pour ensuite évaluer la meilleure des conclusions. Le cas présent. Je vais incarner l'ennemi une fois transformé. J'ose espérer que tu ne me tuera point ... mais pour l'heure ..."
sans crier gare, d'un bond magistral, il s'élança dans le creuset. Il disparu dans le nuage bouillonnant et sa chute d'une seconde indiquait que le sol se situait à environ 2 mètres de la hauteur initiale. Ce dernier exprima un "splash" caractéristique d'une boue terreuse surmontée d'une épaisseur d'eau très caractéristique des marais du bayou ... grouillant d'alligators. 2 claquements de machoîres reptiliennes retentirent tandis que les quelques troncs de palétuviers qui perçaient la canopée s'agitaient de soubresauts.
" ... Pour l'heure je suis celui que tu dois protéger ! Mes agresseurs sont multiples et quasi invisibles! Mon espérance de vie est de 10 secondes!" lui hurla t-il en déchaînant les foudres de ce microcosme grouillant.
Grenat continuait de marcher derrière son instructeur tout en restant concentrée pour ne pas tomber. La progression était plutôt difficile, il faut dire que les lieux ne se prêtaient pas à une randonnée mais la vampire tenait bon. Soudain, l’homme s’arrêta et ce fut le silence total. Le fait d’être dans un environnement totalement inconnu et sans bruit générait une pression supplémentaire car la jeune femme ne savait pas à quoi s’attendre, ses sens étaient donc en alerte. Si lui pouvait prévoir les obstacles, ce n’était pas le cas de Grenat qui reprit la marche à tâtons. Elle rejoignit avec peine le lycan qui s’était arrêté de nouveau et elle se demandait à quelle sauce il allait la manger. Avant d’agir, il lui rappela les consignes et elle comprit aussitôt que les choses sérieuses allaient commencer. Le hic c’est qu’elle ne voyait rien à cause du brouillard mais une odeur caractéristique vint chatouiller son nez, s’étaient-ils rapprochés du bayou ? Là où vivaient les alligators ? Ça ne présageait rien de bon...
“Tu n’es pas sér…” Elle n’eut pas le temps de terminer sa phrase que le policier avait sauté. “Dante !” Cria-t-elle dans la pénombre.
Grenat se retrouvait toute seule en plein milieu de nul-part et elle commençait vraiment à baliser. Les paroles de Dante résonnèrent mais elle ne savait pas où il était, ce qui était sûr c’est qu’il était en danger. Sans perdre une minute, elle se rapprocha du bord et braqua sa lampe sur l’endroit où l’homme pouvait être et elle le retrouva dans la boue entouré d’alligators. Un cri perça le bayou, là c’était vraiment la panique. Consciente tout de même de ce qu’elle devait faire, elle ne perdit pas de vue son objectif malgré la peur. Ces animaux craignaient les humains contrairement à ce qu’on pouvait croire mais il fallait quand même éviter de les défier. Sauter dans l’eau boueuse, c’était risquer d’être blessée également, la vampire opta donc de faire fuir les prédateurs. Pour cela, elle regarda rapidement autour d’elle et trouva un gros bout de bois qu’elle balança dans le marais, ce qui lui laissait quelques secondes de plus pour agir. L’autre étape était de sortir Dante de là et elle utilisa un branchage pour qu’il s’y accroche avant de tirer dessus pour le remonter grâce à sa force vampirique, tout en plantant ses pieds dans le sol au fur et à mesure qu’elle reculait. La respiration haletante, la jeune femme prit un instant pour se remettre de ses émotions et surtout vérifier que le lycan allait bien. Néanmoins, son corps était toujours en état d’alerte car elle savait bien que sa peine était loin d’être terminée.
"Ça.. C'était mesquin..." Dit-elle en posant ses yeux sur lui alors qu'elle avait un genou à terre.
Enlisé jusqu'aux chevilles, sans aucune arme, le capitaine faisait face à un énorme alligator court sur pattes mais à la gueule béante remplie de dents acérées. RDante se tenait arquebouté tel la bête qu'il avait intérieurement. Son épiderme n'était pas encore couvert de poils et son poitrail n'avait pas encore triplé de volume mais il avait déjà cette attitude lupine monstreuse. Ses yeux humains envoyaient des éclairs et tous ses muscles striés étaient bandés. Un long râle guttural annonçait sa dangerosité. Aussi, le reptile, sensible à ce langage corporel animalier, ne s'y trompait pas et préférait rester immobile et menaçant. Les 2 animaux se toisaient tandis qu'un autre congénère à sang froid s'annonçait en renfort.
Le chaudron était en ébullition mais aucun des ingrédients ne voulait cuire le premier. Grenat, à son poste de cuisinière, ne savait comment touiller cette soupe à la grimace sans se brûler. Après avoir prît quelques secondes de considération en suivant les conseils avisés de son mentor, elle utilisa à bon escient le terrain et s'équipa d'une branche qu'elle lança dans la préparation. La gravité et l'eau faisant le reste, un clapoti supplémentaire dérangea la ménagerie qui dû se résoudre à esquisser un mouvement de retrait et remobiliser leur champ de vision. Ce fût ce moment de grâce que la vampire choisît pour offrir une planche de salut au policier situé en contrebas. Par un habilement prolongement végétal de son bras et sa force exacerbée, elle offrit une perche à son compagnon mammifère qui était bien moins armé que ses cousins à sang froid. Le Capitaine Vindish, une fois hissé en lieu sûr, ne tarit pas d'éloge sur le comportement de sa protégée qui, malgré tout, ne semblait pas sereine.
"Gain de temps par détournement de l'attention, fine analyse des contraintes et avantages du terrain. Utilisation d'outils à disponibilité immédiate et de ses propres atouts naturels pour réduire le danger et désamorcer la situation. c'est de l'excellent travail chère élève !"
Le sourire sur son visage trahissait une réelle fierté tout en laissant apparaître une pointe de sadisme dissimulée. Elle avait beau avoir mis un genou à terre, non pour une demande en mariage mais pour marquer la mesquinerie de son accompagnant, elle ne présentait aucune blessure.
"Tu as su réagir dans l'urgence sans te précipiter. Tu as d'abord détaillé les options instinctives avant d'en choisir une en gagnant un peu de temps. C'est parfait. A de nombreuses reprises tu seras en proie à des situations extrêmement peu normées et chacune nécessitera une adaptation mu d'une réflexion préalable."
Il se plaisait à dénoter les bonnes actions de sa protégée sans pour autant que ses lèvres ne perdent ce rictus inquiétant.
"Je me doute que tu as du avoir une belle frayeur mais ... tu dois aussi te douter que ce n'était que le début..."
Enfin ses dents se dévoilèrent tel un clown maléfique.
"... Dans la plupart des cas, les combats que tu auras à mener n'impliqueront pas de gentils cobayes qui accepteront de se séparer. Tu devras te mouiller, au sens littéral dans le cas présent, pour contrer l'action des agresseurs mais aussi de la victime"
Dès lors le boxeur se redressa. Le dos droit, la stature fière, le menton haut mais le regard perdu dans la marmite.
"Vous avez compris les connards à écailles ! Je reviens vous mettre le compte !"
Pour la seconde fois, sans attendre l'aval de la vampire, il se jeta dans la fosse aux crocos. pas même un regard pour elle, juste ces quelques mots avant de disparaître.
Si Dante était serein, comme s’il venait d’effectuer une promenade de santé, ce n’était pas le cas de Grenat qui était encore chamboulée. Le seul point positif qui pouvait lui apporter du baume au coeur était l'éloge de son mentor à son encontre et elle pouvait en être fière. Grenat se releva, la respiration encore haletante puis elle observa l’homme dont l’expression était plus qu’effrayante. Qu’était-il encore en train d’imaginer… Un coup tordu sûrement. Une chose était sûre, il avait tout à fait raison sur le fait que la vampire n’allait pas toujours avoir de la chance et que dans la réalité, ses agresseurs pouvaient trouver un moyen de la neutraliser. Il n’y avait donc qu’en étant confrontée à une situation réelle que son cerveau pouvait imprimer les bonnes démarches à suivre plutôt que d’abandonner dès le début.
Justement, Dante comptait bien lui laisser ce plaisir… Etait-il suicidaire ou en confiance ? En effet, voilà qu’il se jeta de nouveau dans la fosse aux alligators sous le regard interloqué de la jeune femme. Cette fois, Grenat ne pouvait pas réutiliser la même méthode et elle allait devoir se mouiller, littéralement. Non seulement elle avait peu de temps pour réfléchir mais elle était complètement terrifiée à l’idée de se retrouver avec un bras en moins voir pire. Elle avait beau être une vampire, ça ne repoussait pas ! Dante lui, n’avait pas l’air effrayé plus que cela mais il était quand même temps d’aller le chercher. Grenat se plaça au bord, souffla un bon coup et sauta dans la boue. Les alligators qui s’étaient enfuis avaient refait surface, intrigués par le bruit et ils commençaient à être agacés par ceux qui les dérangeaient.
La vampire poussa de toutes ses forces son entraîneur pour l’éloigner des bêtes féroces dont l’une s’accrocha à la veste de Grenat avec les dents. Celle-ci se mit à crier et donna un gros coup de poing dans son museau, la même technique utilisée pour les requins, ce qui déstabilisa l’animal. Il relâcha sa prise et s’éloigna mais ses autres copains étaient toujours là. Impossible de tous les affronter sans se faire tuer. Prise de panique, la jeune femme utilisa sa vitesse pour rejoindre le lycan mais la boue ne lui permettait pas de faire des miracles et elle n’était pas assez puissante pour le porter non plus dans ces conditions alors elle le ramena tant bien que mal sur la rive en le tirant comme s'il était un gros sac de pommes de terre. Elle jeta ensuite une pierre vers les alligators pour les faire fuir, ce qui lui laissait le temps de trouver un échappatoire. La solution était juste au dessus, en effet des branches d’arbres dépassaient, ce qui permettait d’y grimper pour ensuite se mettre à l’abri, encore fallait-il que Dante la suive.
“Sortons d’ici, c’est trop dangereux !” Cria-t-elle avant de grimper à l’arbre pour revenir à leur position initiale.
Encore tremblante, elle devait se retenir de ne pas aboyer sur le policier pour avoir pris des risques inconscients. Encore un faux pas et c'est elle qui s'occupait personnellement de son cas...
Une nouvelle fois, Grenat fût contrainte à l'action dans un délai très réduit. Les reptiles, déjà échaudés par la première embardée du capitaine de police, montrait toute leur belle dentition. La chair fraîche du mammifère suicidaire semblait leur plaire et l'un d'entre eux passa à l'offensive alors que la vampire s'interposa. Elle manqua de perdre un membre suite à un claquement de mâchoire des plus impressionnant qui refroidirait n'importe quel humain ... mais pas Dante qui, tel un alcoolique ignorant totalement la réalité de sa faiblesse, se plaisait à invectiver son agresseur.
"C'est tout ce que tu sais faire le sac à main? j'ai même pas besoin de me transformer pour te battre."
En réalité, il mimait bien une rixe entre imbéciles durant laquelle aucun ne veut lâcher le morceau. Lui incarnait l'humain présomptueux et l'alligator était la créature vampirique ou lycane potentiellement meurtrière. La jeune élève le comprenait très bien et tentait une nouvelle fois de sauver l'irréductible provocateur qui n'avait de cesse de lui mettre des bâtons dans les roues.
"Lâche moi donc vile peureuse ! Tu vois pas que j'ai de la maroquineries à faire!?" Lachâ t-il avec une impressionnante décontraction et une absence totale de peur.
Engluée mais téméraire, la prédatrice aux yeux rouges s'évertuait à déplacer son mentor et s'illustra d'un coup de poing dans les naseaux d'un croco qui ne manqua pas de décrocher un rire au sieur Vindish. Ce dernier, ramené sur la rive à grands renfort de brasse coulée s'autorisa à sortir de son personnage de bourrin décérébré ... qui pourtant lui collait bien à la peau ... pour s'adresser directement à la demoiselle.
"Tu t'en sors de mieux en mieux. Tu mouilles la chemise et n'hésite pas à risquer ton intégrité physique. Peut être trop d'ailleurs. Manquer de te faire croquer pour sauver un idiot qui n'en a pas envie ne te servira à rien. Pense à des solutions plus perennes. Pense au biais phychologiques ou physiques qui pourraient faire cesser le combat."
Décidément trop calme par rapport à la situation, le professeur appuyait son discours par des gestes. Aucun tremblement de peur ne venait interrompre le mouvement de ses doigts agiles. Cet homme était un roc et il savait de quoi il parlait. A défaut de transpiration, l'expérience suintait par toutes les pores de sa peau.
"Indice subtil : Le fait que me positionne en victime ne dois pas te berner. Si je suis le plus facile à combattre, tu ne dois pas seulement m'écarter du danger mais me contraindre physiquement. Psychologiquement, ce sont les reptiles qui y sont plus sensibles. Tu peux les contraindre par la simple menace."
On comprenait alors aisément qu'il ne craignait que peu de se faire dévorer car, sans tourner le dos aux bêtes et avec son attitude menaçante, il neutralisait leur pouvoir d'action. La seule morsure était dû à l'empressement de Grenat qui, pour sauver la "victime", avait tourné le dos à ses adversaires. D'où le rappel de l'enseignant.
"Je tiens simplement à te préciser que je ne fais que théoriser ce que tu as commencé à mettre en pratique sans trop savoir pourquoi. Cela me rassure sur la nature de tes intentions et tes capacités de réaction en urgence."
En guise de conclusions avant de retourner dans la fosse, il se fendit d'un nouveau compliment visant à aider la vampire à comprendre que ses prises de décisions étaient bonnes mais qu'elle devait travailler leur mise en oeuvre par plus "d'agressivité" et moins "d'empathie".
Si Grenat ne comprenait pas où Dante voulait en venir en se frottant aux crocodiles, tout devint plus clair après son explication. Elle crut alors qu’elle avait raté quelque chose mais l’homme avait tenu à la rassurer. Ce n’était pas trop mal mais ce n’était encore tout à fait ça non plus. L’envie de se venger sur Dante était moindre présente désormais… Et il faisait même bien de lui apprendre les choses de cette manière. Ses propos étaient cohérents et permettaient à Grenat de comprendre comment séparer un groupe agressif sans se blesser. Il restait un problème, en effet, la jeune femme était toujours angoissée et elle n’y pouvait rien. Il faut dire que la situation était dangereuse et même si le policier semblait contrôler la situation, un accident pouvait vite arriver. Est-ce qu’il l’écouta et remonta pour se protéger ? Non, la leçon n’était pas terminée. Grenat hoqueta de surprise et elle hésita à redescendre, non pas qu’elle voulait laisser son mentor là mais elle ne voulait pas prendre des risques inutiles et puis elle se mit à réfléchir rapidement. Est-ce qu’elle fuirait et laisserait un innocent être blessé dans un autre contexte ? Non, alors elle sauta. L’homme lui avait donné de nouveaux conseils qu’elle devait mettre en pratique.
Faire face à ses adversaires ou leur tourner le dos ? Mais comment faire quand la victime ne voulait pas être sauvée mais se battre ? Dante arrivait à éloigner les animaux et Grenat devait le sortir de là tout en leur faisant peur également. Elle se mit donc devant le lycan avec les bras déployés, face aux alligators et elle se mit à reculer, ce qui obligeait Dante à faire de même puisqu’elle le repoussait mais il n’allait pas se laisser faire aussi facilement. Elle se rappela alors qu’il ne fallait pas "être berné par la victime" et en venir aux mains… Sa position n’était donc pas la bonne même si ça avait suffi à laisser de la distance entre eux et les bêtes sauvages. Une pirouette plus tard et elle se retrouva derrière le policier qu’elle contraint de reculer par la force en lui tenant fermement le bras et en mettant toute la force possible, peu importe s'il en souffrait. Les deux surnaturels firent quelques pas en arrière sans quitter des yeux les crocodiles et ils arrivèrent sur la terre ferme. Grenat relâcha alors sa prise et souffla un bon coup, la pression redescendant.
“C’est bon, on peut y aller ?” Demanda-t-elle presque avec un regard de chien battu, signe qu’elle avait donné beaucoup de sa personne. Cela signifiait pas pour autant qu’elle était à plat mais elle n’en pouvait plus de ce bayou.
La vampire comprît particulièrement bien la leçon et brilla lors de sa mise en application. Menaçante envers les croco et contraignante envers le policier, elle stoppa le combat avant même qu'il ne commence. Les reptiles ne pouvaient se résoudre à faire claquer leurs mâchoires tandis que sieur Vindish n'avait pas d'autre choix que de quitter la piste, ne pouvant pas rivaliser avec la force de Grenat.
Aie ... tu me fais mal et ça me fait plaisir. Ce n'est pas du masochisme, c'est de la satisfaction de voir que tu t'adaptes à la situation.
Très vite ils s'extirpèrent du bourbier et la jeune femme marqua son ras le bol. Dante, magnanime et voulant rétribuer sa réussite, lui autorisa une pause. Il consentit à s'assoir et à lui faire face avec son sourire charmeur et sa voix grave.
"Je sens que tu n'es pas très à l'aise dans ce milieu et ton état de fatigue me le confirme. Je t'autorise donc à reprendre ton souffle et revenir à du théorique."
Son regard appuyé traduisait son sérieux et sa capacité d'analyse toujours aussi pointue malgré son implication physique. Tel un enseignant rodé par les années d'expérience, il ne souffrait d'aucune difficulté à alterner entre la démonstration et l'explication.
"Tu remarqueras que, malgré la contrainte que tu m'as imposé, malgré ce mal que tu m'as fait, malgré que tu aies potentiellement effrayé des crocos innocents, tu a largement permis une résolution pacifique à l'histoire. Ceci était la première leçon, la plus importante peut-être. Tu trouveras toujours des détracteurs pour critiquer ta manière de faire. Parfois les victimes en premier lieu. Pour autant, lorsque tu as estimé un degré de dangerosité et que, dans un temps imparti très court, tu penses avoir pris une bonne décision pour limiter les dégats, tu ne dois jamais en démordre. Aucun humain, journaliste planqué ou idiot utile n'a ta connaissance du monde de la nuit et de notre force. Ne laisse jamais le doute s'installer et accepte de contraindre et faire mal pour éviter le pire. Accepte également que tout le monde te le reproche car, ils ne savent jamais à quoi ils échappent. A l'image de ces crocodiles d'ailleurs qui peuvent me massacrer sous forme humaine mais que ravage sous forme lupine. Sache qu'ils doivent t'en vouloir de leur avoir oté un frugal repas."
Les termes étaient clairs et le capitaine sentait qu'il pouvait terminer par une pointe humoristique pour illustrer sa conclusion. Ce faisant, il se leva et commença à s'étirer.
"On passe à la seconde leçon ou tu en a marre?"
Son regard avait changé, non mais en intensité, toujours décuplée, mais en intention. Il cachait quelque chose qu'il semblait avoir préparé. Ainsi, sans attendre la réponse de la pauvre Grenat, il profita de sa surprise et du relâchement provoqué par sa fausse proposition d'arrêt pour venir la bousculer une première fois.
"Espèce de cruche! t'as pas vu que tu m'as fais mal en me tordant le bras?! Tu vas voir si moi je te fais pareil!"
D'un geste volontairement maladroit, il mima agripper l'un des bras de Grenat avant de finalement le relacher puis la poussa une seconde fois.
"Tu t'es cru dans un comic supergirl? t'as cru que t'allais agir en toute impunité avec tes grands airs menaçants. Mais tu sais pas qui je suis moi ! J'vais t'apprendre à jouer les héroïnes de mes couilles."
Son visage fermé arborait tous les signes extérieur de la colère. Ses lèvres étaient retroussées dans un rictus des plus malaisant et il n'avait de cesse de vouloir les lui mettre sous le nez en collant son front au sien.
"Va y! ouvre une nouvelle fois la bouche ou fais un geste contre moi et je te pète en 2 !"
Si Dante n’était pas d’accord pour quitter l’endroit, il laissait au moins à Grenat un peu de répit et elle en profita pour boire une poche de sang pendant qu’il parlait. Le déchet vide, elle le remit dans son sac pour ne pas salir le bayou. Moins fatiguée désormais, elle sourit à son mentor, contente d’avoir réussi la première leçon et surtout d’avoir appris de précieux conseils. Elle aurait toujours ses mots en tête lorsque l’occasion se présenterait. C’était une petite fierté pour celle qui n’avait pas toujours su comment se comporter lors des situations dangereuses et heureusement que Dante était là pour elle. Ce dernier lui demanda si elle était prête pour la suite et elle hocha la tête avant de se lever. La boue sur son corps avait séché et ce n’était vraiment agréable mais il ne fallait pas rêver, le policier n’allait pas la relâcher de si tôt.
D’ailleurs, il eut un comportement étrange d’un seul coup et elle comprit rapidement que ça faisait partie de l’exercice mais ça restait impressionnant. Même si la prestation n’était pas réelle, Dante l’intimidait un peu par ses gestes. Grenat recula de quelques pas après s’être faite bousculer, l’air ahuri. Il cherchait vraiment la bagarre sauf qu’elle n’avait pas aucune chance. Elle resta alors hébétée, comme si son cerveau n’avait encore compris qu’il fallait prendre une décision et le lycan en profita pour la pousser encore tout en lui aboyant dessus. Bon, ça commençait à bien faire et on pouvait à son visage qu’elle était agacée. Le problème c’est qu’elle ignorait s’il fallait le contraindre une nouvelle fois d’abandonner, fuir face à un adversaire plus fort ou lui rentrer dans le lard tout en risquant de se faire massacrer.
La jeune femme se mit à réfléchir rapidement alors son front était collé contre celui de son entraîneur. Ses crocs furent révélés alors que ses yeux étaient plantés dans les siens. La meilleure chose à faire était d’abord de montrer qu’elle n’avait pas peur même si ce n’était pas tout à fait le cas puis d’évaluer environnement. Les alligators étaient juste derrière... La vampire en colère recula pour prendre un peu d’élan puis elle poussa Dante de toutes ses forces non pas avec les mains en mettant une de ses épaules en avant. Ce dernier finit dans la boue, il avait déjà prouvé par deux fois qu’il ne craignait pas les crocodiles donc il pouvait largement se débrouiller pour sortir de là.
Grenat ne cacha pas sa surprise de se faire ainsi vilipender alors qu'elle était félicitée quelques secondes auparavant. Son mentor était décidément un maître dans l'art du théâtre. Capable de se montrer tour à tour sérieux, pédagogue, minutieux puis violent, impétueux et hargneux, montrait qu'il n'en était pas à son coup d'essai. Bien qu'il n'ai jamais eu d'élève de cette trempe, ses talents de formateur s'étaient construit à force d'expériences au cours des années.
Cette fois, il la bousculait et l'accusait de tous les maux. Son attitude imposait une réaction violente car nulle explication ne pouvait calmer ce simulacre de violence verbale. La vampire ne s'y trompa pas et ne tarda pas, après un fugace recul nécessaire à l'analyse de la situation, à montrer les dents à son tour. Ses canines pointues au milieu de son visage angélique ne laissaient strictement aucun doute quant à leur rôle. Pourtant, elle ne les utilisa que pour se montrer impressionnante et non pour renverser la situation. Le lycan marqua pourtant un temps d'arrêt durant ses accusations et matérialisa une forme de provocation plus que codifiée.
"Tu vas faire quoi avec ton ratelier pourri. Tu penses que tes 2 chicots en mousse vont m'arrêter? Je savais que t'étais morte à l'interieur."
Toute la gestuelle se voulait exubérante et volubile. Tout bon policier savait que les individus singeant ce genre de comportement n'avait aucune assurance et tentait uniquement d'impressionner pour éviter au maximum un combat qu'ils savaient perdu d'avance. Un véritable lion dans la jungle n'ayant strictement aucun besoin d'étaler sa force, sa puissance ou sa majesté, ne fait aucun étalage et se contente de combattre au moment venu. Tout ce paraitre appartenait bien aux singes incapables de mieux que fuir. Mais la lionne en devenir n'avait pas assez questionné ce rapport entre elle et un lycan sous forme humaine. En usant, à son tour de surprise, elle pouvait largement contraindre le peu de muscles, toute proportion gardé, de l'homme pour le contraindre tout en conservant l'option de fuite en cas de transformation qui prenait moins d'une minute. Sauf qu'elle se laissa berner par le faux transfert d'agressivité pour le remettre entre les mains des crocos, non sans un certain panache.
Dante dégringola le long de la pente et termina sa course tête la première dans la gadoue de la fosse. Les reptiles, échaudés, ne se fîrent pas prier pour foncer prendre leur repas attendrit par la vampire. Leur vitesse de déplacement se faisait terriblement dangereuse car eux aussi avaient compris, tout animaux qu'ils étaient, qu'il fallait profiter de leur avantage. Dante n'eût que le temps de sortir la tête de la pataugeoire et de voir, à travers le rideau d'eau s'écoulant de ses mèches de cheveux détrempées l'attaque des bestioles. Il ne pouvait cette fois rien faire pour y couper. A 4 pattes, attendant patiemment son heure, il se contenta d'hurler à la mort et la faucheuse qui la provoquait.
"Grossière erreur ! Tu m'envoies à la mort assurée !"
Alors qu'il lui avait expliqué devoir s'assurer d'annihiler tout combat en contraignant les parties selon leur faiblesse, elle succomba à la provocation du faible et amplifia son point faible en le mettant en mauvaise posture. Pire, elle inhibait sa seule force qu'était l'aspect psycholoqique qui était le seul espoir de maintenir un statut quo entre les forces. Elle avait laissé son émotivité parler pour se débarrasser du problème et avait commis le pire : briser l'équilibre. Le combat, seul élément qu'elle devait éviter, était imminent.
Le premier alligator se jeta gueule ouverte sur le capitaine qui, dans sa position visiblement attentiste, usait en fait de stratégie combative. Son absence de mouvement indiquait au bestiau qu'il allait pouvoir croquer sans mal sur un adversaire blessé et démuni mais, au dernier moment, Dante retira son bras visé et usa de toute sa force pour se jeter sur la gueule de l'animal pour espérer la refermer en se laissant choir dessus. Leur force de fermeture est impressionnante mais l'ouverture leur est plus complexe. En tant qu'humain, il pouvait à minima maintenir ce premier adversaire quelques secondes. Juste le temps de finir son hurlement.
"La sanction sera du coup imminente ! Oublie pas que je deviens ton adversaire si je me ..."
Il n'eût pas le temps de clôre sa gueulante que le second sac à main se jeta sur l'une des jambes que l'humain devait utiliser pour maintenir sa prise. Le bruit du péroné qui claqua était à glacer le sang et couvra toute autre manifestation de la douleur dans ce biome infernal. Toute la nature se tut. Comprenant que les prédateurs avaient gagnés. Sauf que le super prédateur n'était pas forcément celui que l'on pensait. L'homme n'était que trop habitué aux claquements osseux et ce dernier en déclencha de nombreux autres en cascade. Ces derniers sans qu'ils ne semblent entraîner plus de contorsions que celles que l'alligator le contraignait à prendre. Très vite, les mains se transformèrent en pattes griffus et la longue plainte en grognement. Après un ballottage des plus sauvage dans un trio qui ne semblait plus avoir ni queue ni tête, le claquement suivant n'appartenait pas à l'ossature du loup mais bien à celle du reptile à la gueule enserrée qui se vît percer le plancher prémaxillaire par une longue griffe du doigts opposable gauche du mammifère qui se redressa alors et jeta son opposant comme s'il s'agissait d'un vulgaire insecte. Sa patte postérieure gauche était repliée et en mauvais état mais il leur faisait face toute gueule ouverte. Les rangées de dents se faisaient face et d'aucun n'avait l'intention de reculer.
Hors d’atteinte de son adversaire, la DJ s’approcha du gouffre pour observer le combat face à d’autres ennemis plus gros. Si Grenat pensait que Dante pouvait s’en sortir, il fut finalement blessé et dû se transformer pour apporter accroître sa puissance. En effet, c’était la mort assurée mais n’était-ce pas l’effet escompté ? Encore jeune et inexpérimentée, la vampire frappait avec le coeur plutôt que la raison mais c’est en faisant des erreurs qu’elle pouvait apprendre. Encore traumatisée par le fait d’avoir été confrontée à une autre semblable qui était prête à la tuer quelques mois plus tôt, elle avait préféré mettre hors d’état de nuire Dante plutôt que de le contraindre à abandonner. Évidemment, ne souhaitant pas qu’il meurt ni finir en prison, elle lui donna un coup de main en créant de nouveau une diversion. Elle sauta ensuite dans la boue et aida le loup à sortir du bayou en essayant de ne pas tourner le dos aux alligators.
Éloignés de ces bestiaux, Grenat put s’occuper de son mentor qui était blessé, à cause d’elle d’ailleurs. Peut-être qu’il allait attaquer puisqu’il avait avancé l’idée qu’il pouvait devenir un adversaire mais était-ce raisonnable dans son état ? La vampire fit le signe “temps mort” pour pouvoir regarder la blessure. C’était… Erk. Elle eut un haut-de-cœur en voyant la chaire à vif et encore, l’eau boueuse cachait en partie les dégâts.
“J’imagine que j’ai échoué…” Dit-elle avec une mine boudeuse.
Sous cette forme, Dante ne pouvait pas lui répondre mais il n’avait rien à faire pour être compris, la situation se suffisait à elle-même. La culpabilité était allégée du fait que la blessure allait guérir en peu de temps mais la jeune femme était tout de même déçue d’avoir mal agi. Elle essaya donc de se refaire la scène pour essayer de comprendre où ça avait capoté mais elle ne comprenait pas comment elle pouvait se défendre autrement. Seuls les mots sages de son entraîneur pouvaient donc la réconforter.
Sans tarder, la vampire chercha à intervenir dans le feu de l'action. Dans un bain bouillonnant de claquements osseux et chitineux, les écailles et les poils se mélangeaient en une toile impressionniste où le rouge prédominait. Pourtant, nul parti ne semblait se résoudre à abandonner la moindre once du terrain. Grenat s'interposa de la même manière qu'elle le fît après avoir appris la première leçon. Elle tâcha de reprendre l'ascendant psychologique sur les bestiaux et ne se faisait que peu de souci pour sa supériorité physique par rapport à un lycan boiteux. Elle profita de sa force pour se frayer un passage dans un no man's land dangereux et acter de sa présence et de son potentiel. Ce furent les alligator qui, les premiers, amorçèrent un recul en gardant leur gueules béantes. Dante en profita également pour reprendre son souffle et un certain équilibre. Malgré sa colère et sa hargne, la blessure et sa maîtrise de sa forme bestiale lui hurlait de ne pas toucher à la vampire qui avait prouvé sa valeur une première fois. Ses pattes avants maculées de sang restèrent donc le long de son flanc sans bouger, jusqu'à ce que la DJ ne lui impose un déplacement pour sortir de la fosse. Cette extraction était terriblement douloureuse et il était contraint d'adopter une marche quadrupède pour parvenir à suivre la direction. abandonnant de fait sa posture de combat. Par chance, la samaritaine ne daigna pas poursuivre le combat et manifesta, par un signe universellement connu et facilement compréhensible par un lycan transformé blessé maîtrisant sa forme, son désir de faire une pause. Elle se pencha pour observer son oeuvre, à savoir la vilaine blessure sur la patte arrière. Si le péroné cassé ne s'était pas ressoudé lors de la transformation, le tibia quand à lui n'avait pas pu se positionner correctement et avait pris un angle plus que dérangeant. Si cette anormalité allait se résorber à la prochaine transformation, elle n'en demeurait pas moins particulièrement hideuse dans l'instant.
Avait-elle échoué? Évidemment. Allait-il la laisser sur un échec? Surement pas. Amplifié par sa nature sauvage exacerbée sous cette forme, il ne comptait pas la laisser s'apitoyer sur son sort telle l'humaine qu'elle était. Dans la nature, elle était bien la seule espèce à accepter de renacler le passé et se complaire dans son inutilité. Toutes les autres espèces, dites moins évoluées, ne s'encombraient pas d'échecs à ressasser pour se ralentir. Aussi, alors qu'elle eut terminé de regarder la blessure, le lycan la fixa droit dans les yeux. Sa gueule ouverte, ses babines retroussées, ses dents acérées, ses muscles tendus. Tout son arsenal était déployé à l'exception d'une patte qu'il pouvait compenser par 3 autres. Ses yeux de braise scrutaient la plaintive vampire qui attendait à être consolée. Mais aucun loup n'allait venir lui lecher le visage en guise de papouille et les mots ne pouvaient sortir sous cette forme. Seule primait la bestialité.
Cruel et impitoyable, il lui rappela cette règle édictée : Une fois transformé, il est son ennemi. Il se jeta sur elle mais, à défaut de la mordre, se contenta de la pousser violemment du bout de son museau. certes moins létal et dangereux que si les crocs avaient été sortis, la percussion de ce museau effilé sur son torse ne devait être que très désagréable. puis il s'engouffra une nouvelle fois dans la fosse, grognant plus que de raison et, d'un bond réduit à cause de sa blessure, atterrit sur le dos d'un des alligators qui, ainsi piégé par le poids du mammifère et ne pouvant se mouvoir ni se retourner, se retrouvait à sa merci. Ses longues griffes avaient déjà élues domicile sous les épaisses écailles du reptile, attestant que le prochain coup allait être fatal. Dante leva l'une des pattes vers le ciel et ouvra béante sa gueule. Le sort du croco était jeté si aucun deus ex machina ne venait le sauver. Et ainsi, Grenat pourra à raison parler d'échec total.
Si Grenat pensait que la partie était terminée, elle allait bientôt devoir se relever et faire face à ses responsabilités plutôt que de les fuir. Le regard fixé sur le loup, ce dernier ne montra aucun signe de faiblesse, c’était même le contraire. Le coeur battant, la jeune femme se prépara à l’attaque et ses jambes en tremblaient nerveusement à cause de la fatigue. Cette dernière fut bel et bien bousculée et elle retomba sur ses fesses, penaude. Le message était clair, non seulement le combat n’était pas terminé mais en plus Grenat devait se bouger et recommencer. Elle se releva donc rapidement sur ses jambes endolories puis ses yeux furent attirés par la scène qui se jouait devant elle, une scène terrible où elle craignait pour la vie de Dante. Lui faisait-il tant confiance pour espérer qu’elle mette fin à l’épreuve de la bonne manière ? Ce n’était plus une question de choix mais de vie ou de mort. La vampire préférait que ce soit l’alligator qui trépasse plutôt que son mentor même s’il n’avait rien demandé.
Il n’avait rien demandé… Son cerveau tilta, c’était Dante qui attaquait l’animal, pas l’inverse et elle devait l’arrêter au plus vite. Sa mâchoire encore ouverte, elle se rapprocha du bord en usant de sa vitesse et lui balança à force équivalente un bout de bois. La puissance du lancer n’était pas assez importante pour le faire chuter mais au moins le déséquilibrer. Elle profita de ce moment de flottement pour attraper plusieurs petites pierres qu’elle lançait sur lui au fur et à mesure qu’elle avançait dans la boue. Arrivée à bonne distance, elle se positionna au niveau des flancs de l’alligator et surveilla qu’il ne donne pas de coup de queue. Profitant du flou artistique de la situation, elle délogea Dante de sa place en lui attrapant deux pattes valides puis elle l’enfonça dans la boue pour le contraindre, octroyant du temps pour s’occuper de l’alligator. Tout se joua très vite et le doute n'avait pas sa place actuellement, au point que les mouvements de la DJ étaient presque mécaniques. Ce dernier se débattait la gueule ouverte et à aucun moment Grenat ne lui tourna le dos. Effrayé, il préféra prendre de la distance, laissant un peu de répit aux deux surnaturels mais le problème était toujours là, le loup pouvait très bien répliquer. Elle n’eut donc d’autres choix que de lui donner un coup sur le flanc et elle s’en excusa presque mais elle voulait en finir avec cette épreuve.
“Tu vas te calmer tout de suite, ou je te casse une autre patte !” Cria-t-elle en ayant l’air en colère.
C’était du bluff, tout comme l’avait fait son entraîneur plus tôt mais elle espérait qu’en prenant cette position cela suffirait à faire peur celui qu’il fallait arrêter. Mais si ce n’était pas suffisant ? En situation réelle, Grenat aurait pu se servir de sa blessure contre lui mais elle ne pouvait pas s’y résoudre présentement. Dans une dernière tentative désespérée, elle attrapa la peau du cou recouverte de boue pour balancer plus loin son corps, vers la rive mais étant jeune, elle ne pouvait pas faire de miracle non plus. Cependant, c’était peut-être assez convaincant pour ne pas essayer de goûter à la vraie colère de la vampire.
Avant que le coup de grâce ne soit porté, un premier projectile heurta le lycan qui stoppa son mouvement. puis un second, un troisième, ainsi de suite le temps que la vampire, visiblement enfin sûre d'elle, ne parvienne à l'approcher. Le lycan n'était pas doué de parole sous cette forme mais son esprit de loup restait extrêmement alerte sur les expressions faciales. Celle de Grenat se composait de détermination et de force. Nulle colère ne l'animait, pas même une réminiscence de remontrance envers l'action du loup. Juste une franche et courageuse direction qu'elle sentait devoir prendre.
Profitant de sa vitesse surnaturelle et de sa force accrue, elle délogea le lycan de son destrier improvisé et l'emporta dans une flaque de boue. les reptiles, ayant déjà déféqué sur eux face à la puissance du capitaine, ne se firent pas prier pour rester en dehors du combat de titans. Les rangées de dents étaient toujours visibles et l'attitude menaçante pour honorer leur nature sauvage mais le simple regard de la chasseuse était de loin suffisant pour dissuader une quelconque initiative. Ils tentèrent bien une petite embardée lorsque celui entravé se retrouva libre de ses mouvements, mais seul le recul apparaissait comme sa meilleure chance de survie. Très vite la demoiselle retourna auprès de son mentor dont la jambe arrière prenait un pli des plus inconfortable et qui lui interdisait de se relever. Un bon coup de grolle dans le flanc acheva de lui tirer un nouveau hurlement de douleur mais, une fois encore, sa posture ne lui permettait ni d'esquiver, ni de contrer comme à ses habitudes de combat contre les vampires. Finalement, elle l'empoigna et le projeta contre une butte, à l'abri des alligators mais au sol plus dur. Sa jambe mal en point ne manqua pas de se rappeler à lui lorsqu'elle percuta l'inconfortable roche dont la fine couche de mousse ne parvenait pas à amoindrir l'impact. Un dernier hurlement interminable s'arracha de sa gueule qui peu à peu se commua en cri humain. Blessé et exténué, incapable de combattre plus, Dante n'avait d'autre choix que de revenir à l'état humain afin que ses os meurtris se remettent en place. Il en profita d'ailleurs pour donner la conclusion de l'exercice.
"Tu l'as fais. Tu es parvenu à t'extirper de l'équation..."
Son phrasé était très haletant, les transformations successives et sa blessure à la jambe gauche semblait lui avoir drainé toute son énergie. Bien plus que les quelques secousses infligées par une jeune vampire en proie à la fatigue elle aussi.
"Tu as atteins ce moment où tu comprends que tes actions n'ont plus de valeurs bonnes ou mauvaises a partir du moment où elles permettent la survie d'un autre individu."
Ses yeux étaient à demi clos, son souffle s'entrecoupait de quelques râles plaintifs. Pourtant, son discours restait très précis, très pédagogue. A son tour il prouvait que l'épuisement où l'état de santé ne devait pas être un facteur de modulation de son action. Par l'exemple, il démontrait sa dévotion à cet entrainement et le sérieux et l'implication totale dont il faisait preuve.
"Quelles que soit mes blessures, mon état de fatigue ou la stupidité des protagonistes, tu ne dois pas dévier de ton intention première que tu sais juste. Tu n'auras jamais que très peu de temps pour évaluer et analyser les situations face à des lycans et vampires, tu dois donc être certaine de devoir préserver la vie pour que rien ne te perturbe. Peu importe mes blessures qui guériront vite. Peu importe que tu dusses faire reculer des victimes par la peur, peu importe qui est l'auteur de l’agression. Tu peux et dois faire cesser le combat. Ce n'est qu'ensuite que tu pourra rendre justice."
Allongé au sol, l'humain a moitié dénudé et mal en point affichait un sourire malgré tout. Fier que son élève ai su, avec brio, s'adapter aussi rapidement. Il chercha à se relever mais n'y parvînt pas. A défaut de pouvoir lui adresser une poignée de main rétributrice, il se contenta de quelques mots supplémentaires.
"Il n'y à qu'à cette condition là que nous pourrons remplacer les organes de loi humaines. Agir sans discernement aucun pour ramener la paix, puis juger et punir les coupables.Je te félicite. Tu viens de réussir la première étape contrairement à ce que tu pensais au début. Les blessures et erreurs n'étant que de piètres batailles perdues par rapport à la conclusion."
Est-ce que le combat acharné était enfin terminé ? Grenat attendait une réaction du lycan en tentant de reprendre son souffle. Tout son corps la faisait souffrir, enfin c’était dérisoire face à blessure de Dante mais la jeune femme avait dépassé ses limites. Elle n’était pas la seule à être épuisée et le fait que le loup reprenne forme humaine signifiait bien que cette épreuve arrivait à sa fin. Ce dernier, de nouveau libre de parole, lui annonça qu’elle avait réussi, ce qui fit sourire la belle aux cheveux bleus. Elle avait peiné à comprendre au début mais son mentor était finalement satisfait d’elle.
D’ailleurs, il tenait à aller plus loin dans ses explications bien que ça lui en coûtait et Grenat qui avait posé ses fesses à terre près de l’homme, n’en perdait pas une miette. Elle allait devoir garder en tête ses précieux conseils, surtout si elle comptait aller “au front”. Son apprentissage n’était pas terminé, loin de là mais c’était bien parti. Il fallait encore qu’elle maîtrise ses émotions et transcende sa force pour la concentrer sur un objectif précis. C’était tout pour aujourd’hui. Son attention était désormais portée sur Dante qu’il fallait aider à relever pour le ramener à sa voiture.
“Merci pour tout Dante, je n’oublierai pas. Je te dois un bon restaurant maintenant...” Dit-elle avant de rire.
Grenat le laissa encore se reposer un peu avant d’essayer de le remettre sur pied. Il était temps de rentrer. Il y en aura d’autres de toute façon...
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