- They say when you meet somebody
that looks just like you, you die. -

Halloween. Il y a plus d’une semaine, sa compagne lui avait proposé une soirée cinéma; des films d’horreur. En toute honnêteté, Evelyn avait acquiescé uniquement pour faire plaisir à l’humaine, parce que franchement ce n’était pas un film qui allait l’effrayer et il y avait même le risque qu’elle s’endorme. Mais il y aurait de l’alcool et Evelyn comptait bien transformer la soirée ciné en soirée olé olé. Elles ne s’étaient rien reconfirmé, mais comme la louve n’avait pas eu d’indication contraire, la voilà donc qui se dirigeait à la villa.

Fin d’après-midi, le portail de la villa était en vue, ainsi que deux silhouettes : celle de sa compagne, de dos, et une autre qu’Evelyn n’arrivait pas à voir avec précision. La louve se figea devant cette scène partiellement interceptée, devant la vision de ces deux êtres en train d’échanger un baiser passionné, et des grilles du portail se refermant derrières elles.

Elle avait donné son cœur et son corps à cette femme, et voilà que cette dernière invitait une troisième personne à la fête? Ah, c’était beau, l’amour! Ah, c’était merveilleux la vie, c’était remplit de surprises! De très mauvaises surprises. Le cœur de la louve palpita d’un mélange de colère et de trahison. Oh, cela ne se passerait pas ainsi. Oh, oui, elle allait surprendre le couple d’amants. Ils allaient le regretter. Elle réservait à la première une colère noire, et elle allait repeindre les murs de la villa avec le sang de la seconde.

La louve passa par-dessus le mur en béton entourant la villa, atterrissant dans la cour arrière, écrasant avec vengeance quelques plantes saisonnières – quoi que cela allait sûrement davantage contrarier le jardinier.

Se rapprochant, elle les vit alors dans le salon. Et bordel, elles ne perdaient pas de temps! Pas de soirée cinéma ennuyante, avec cette personne. Non, les films c’était juste Evelyn qui y avait droit. Merveilleux.

La louve s’approcha de la porte-patio. Sa compagne lui tournait le dos, mais l’autre s’approchait. L’autre; son parfait reflet. La louve se figea, interloquée. En majuscule, les lettres WTF flottaient dans son esprit. L’autre lui sourit alors, ce qu’Evelyn qualifia de sourire sournois, avant de fermer les rideaux. C’était… une imposture! Comment Sofia pouvait ne pas le réaliser?!

Elle pouvait les entendre; elle pouvait s’entendre! Même voix, même intonation, même façon de parler. Le doute assaillit alors la louve. Rêvait-elle? Allait-elle se réveiller hangover sur un banc de parc après une soirée arrosée? Perdait-elle l’esprit? …Ah, voilà une explication : son cerveau avait une date d’expiration, et c’était 174 ans. La voilà maintenant sénile. Quel triste constat.

Quelques secondes d’immobilité; une minute. Evelyn força la fenêtre du salon pour entrer. Elle tendit ses sens. Sa compagne était à l’étage, alors Evelyn emboita le pas dans l’intention de la rejoindre. Peut-être y verrait-elle plus clair? Son double l’intercepta, arrivant du sous-sol, une bonne bouteille de whisky en main. Cette saloperie de sosie osait boire SON alcool?! …Ok, c’était pas le plus important. Elle entendit l’eau de la douche à l’étage couler. Parfait. Le plan d’Evelyn : se débarrasser de l’autre et rejoindre sa compagne dans la douche. Ses yeux affichèrent leur couleur ambre et un grondement émana de sa poitrine. …Et son double fit de même.

- J’espère que t’as bien profité de l’instant, maintenant tu vas mourir, lui dit Evelyn.
- J’ai bien profité de la semaine, oui, se moqua son double. Et c’est toi qui va mourir.

Ces paroles enflammèrent la louve, qui bondit sur son double pour le plaquer violemment contre un mur.

- Je suis celle qui la rendra heureuse, dit l’autre sans se laisser impressionner, avant de lui asséner un puissant coup de poing dans l’abdomen, faisant ainsi reculer Evelyn. - Après tout, moi je lui ai dit à quel point je l’aime. Des mots que tu ne lui as jamais dits. Un second coup de poing au visage envoya Evelyn au sol. - Je suis la meilleure version de toi. C’était peut-être une vérité, mais cela ne changeait rien : Evelyn allait tuer l’usurpatrice ou mourir en essayant.

Son double avait le même collier autour du cou. Hallucinant; tout était parfait, dans le moindre détail. L’autre arracha le collier qu’elle portait. – Ce pendentif t’attache au passé. L’autre se débarrassa du collier en le lançant au hasard. – Moi, c’est le présent qui m’intéresse, et cette superbe femme à l’étage. Je vais lui proposer de devenir comme moi et j’espère qu’elle acceptera. Je veux passer les prochains siècles à ses côtés.

- Tu ne passeras pas la journée, répliqua Evelyn avant de se transformer. Et son double l’imita. Elles étaient semblables oui, sur tous les points. Elle se battait contre elle-même. Et elle se livra une joute féroce. Après avoir démolit une partie du salon, le combat se transporta à l’extérieur, en passant par la porte-patio qui vola en morceaux.

Les griffes de l’autre lui lacérèrent le flanc gauche, puis la jambe. Elle tituba, manquant de s’écrouler sous le coup. S’en était fini-- Non. Une occasion se présenta et Evelyn la saisit : elle mordit profondément dans le bras droit de son adversaire, arracha la chair et les muscles, exposant l’os. Une poussée, et elle fit tomber l’autre au sol. Elle ouvrit la gueule, enfichant ses crocs acérés, entoura la tête de son adversaire et fit pression.

Par sa mort, l’autre reprit forme humaine; arborant un visage difficile à identifier et un corps sanglant. Evelyn hurla aux étoiles, avant de péniblement reprendre forme humaine. Elle s’écroula, puis sentit la présence de sa compagne à ses côtés, qui avait assisté à cette scène, et à qui Evelyn décida de ne pas révéler les détails troublants des évènements.

Des morts lui avaient rendue visite l’Halloween dernier. Cette année son double avait essayé de prendre sa vie. Que lui réservait l’Halloween prochain?