Thé, tisane, c’était un peu pareil non ? Fin pour moi ça restait un truc sympa à boire, mais j’avais surtout pas réfléchi avant d’ouvrir la bouche, ça m’étonnerait pas qu’elle accorde de l’importance à beaucoup de choses, y compris et surtout aux détails. Merdouille. Sofia allait quand même pas m’en vouloir pour ça si ? Elle serait peut-être horrifiée de savoir que je prenais sans regarder le ketchup ou la sauce barbecue...Ca aussi, c’était du pareil au même. Quoiqu’il en soit, théine ou pas, je ne risquais pas de dormir cette nuit.

J’ai hoché la tête en guise de réponse. Je me suis mise à décortiquer brièvement ce qu’elle venait de dire. Elle avait bien choisi ses mots, mit juste ce qui fallait de distance, mais elle avait aussi dit qu’elle serait là. J’avais la chance d’avoir deux foyers. Un par le sang, un par le don. Je m'estimai heureuse, un peu plus de la seconde famille depuis quelques minutes.
J’ai baissé les yeux pour regarder l’absence de marques, sur ma main.

C’est marrant, parce qu’ici je n’étais pas tout à fait moi, je me sentais un peu en position de faiblesse, faible, même si ce qu’avait dit Sofia sur mon don et son potentiel remettait en perspective tout ce que je pensais de lui et un peu de moi.

En général, je ne déballais pas autant de choses, je me mettais encore moins assez à l’aise pour gigoter comme un asticot dans une clairière devant quelqu’un que je connaissais à peine. C’était plus les autres qui semblaient se détendre en ma compagnie. Quand je disais que c’était la journée la plus étrange que j’avais vécu depuis bien longtemps...

J’ai presque sursauté quand la voix de Sofia à de nouveau emplit la pièce. Ca par contre, ça m’arrivait de temps en temps, avec n’importe quel membre de ma famille et de mes amis. Sauf quand je jouais, pas question de se déconcentrer. Gaia, faillir ? Jamais.

Ce que j’avais retenu ?

- Et bien…

Par quoi commencer ?

- Être un peu moins têtue, pour changer ?

Je me suis fait rire toute seule, l’andouille. J’ai piqué un fard, mais là, je pouvais pas trop me planquer cette fois…

- Arrêter de m’obstiner, juste pour me prouver que je peux réussir, mais plutôt chercher à adapter ma pratique et l’utilisation de mon don à ma personnalité, ou en tout cas à mes capacités actuelle...

Ce serait un bon début déjà.

- À défaut de me pardonner, accepter ce qui s’est passé cette nuit-là. Ne plus m’en servir d'excuse pour justifier mes échecs.

Même si c’était le cas…
Peut être que j'avais peur, aussi, mais ça je me l'avouerai pas.

- Il faut que j’en fasse une force, tu vois !

J’ai failli m’asseoir en tailleur, ohlàlà. Je m’étais reprise juste à temps. C’est que j’étais assez contente de ce petit raisonnement-là, j’allais me laisser aller un peu trop. C’était basique en soit mais le dire ça le rendait tangible, accessible.

- Pour ne plus jamais que quelque chose comme ça se produise, il faut que je m’améliore, que je progresse, mais à mon rythme, que ça soit mon moteur mais pas quelque chose de pesant.

Sam ne sera pas mort pour rien.
Je ne pouvais pas encore l’affirmer, je pouvais pas le dire au présent.

- Mais le vrai problème, je crois, c’est que je ne voulais pas m’en servir pour moi, uniquement pour les autres. C’est peut-être un truc psy débile, genre justifier mon passage sur cette terre. Alors, je pense que je vais commencer par faire ami ami avec cette petite chaleur qui m’appartient.

Se centrer sur soi-même.

- On ne peut pas venir en aide aux autres quand on n'est pas capable de se secourir soi-même.

J’ai repris une gorgée de mon th...de ma tisane. J’avais quand même du mal avec le concept.

- Ce qui m’étonne, c’est qu’en général, les autres, c’pas quelque chose qui me préoccupe vraiment. Pas que je sois égoïste, mais je suis pas la reine de l’altruisme.

Je me sentais obligée d’être honnête et sincère avec elle et ça ne risquait pas de changer.

 

Un problème de synchronisation

 

Feat. Keelin

Je regardai discrètement l'heure sur l'horloge du salon. Le temps avait bien défilé et il était déjà presque l'heure pour moi de retourner à la Villa. Evelyn n'allait pas tarder à venir pour passer la nuit avec moi, - et quelle nuit... - je voulais me faire belle et présentable pour ma compagne. Je devais bien lui faire envie après tout, non ? Mais non, je n'allais pas chasser Hébé comme une malpropre non plus. D'autant plus que c'était moi qui rallongeait la conversation en lui demandant ce qu'elle avait retenue de cette journée. Je terminai mon infusion et déposai la tasse vide sur la table, prenant évidemment soin de la mettre sur le sous-verre.  

"Et bien…" Commença-t-elle.

Je patientai, les mains sur les cuisses et le dos bien droit. Elle pouvait prendre son temps pour répondre -mais pas trop - car c'était important, ce qu'elle allait dire.

"Être un peu moins têtue, pour changer ?"

Elle se mit à rire toute seule. C'était peut-être à cause du stresse... Surement oui... Je ne la connaissais pas assez en tout cas pour savoir qu'elle était du genre têtue.

"Arrêter de m’obstiner, juste pour me prouver que je peux réussir, mais plutôt chercher à adapter ma pratique et l’utilisation de mon don à ma personnalité, ou en tout cas à mes capacités actuelle..." Enchaîna-t-elle.

Ah, c'était déjà bien plus intéressant ça. S'adapter, plutôt que de vouloir simplement imiter les autres. J'étais contente de voir qu'elle avait retenue ce point important. C'était même vital si elle voulait poursuivre un apprentissage efficace. Chacun était différent, les méthodes pour apprendre étaient infinies, il fallait juste un peu d'imagination et accepter sa propre personnalité.

"À défaut de me pardonner, accepter ce qui s’est passé cette nuit-là. Ne plus m’en servir d'excuse pour justifier mes échecs."

Second point primordial. Et elle avait parfaitement raison : Se pardonner était très difficile. Alors accepter était un bon début. J'étais bien placée pour le savoir, ça. La mort de Roy... Je ne pourrais jamais me le pardonner. Mais il était bien mort et ça... Je n'avais pas le choix de l'accepter, même si c'était très douloureux et difficile.

"Il faut que j’en fasse une force, tu vois !" Lança-t-elle.

Ah, surement... Ou alors parlait-elle des échecs en général, d'en faire une force ? Dans ce cas oui, c'était mieux. Personnellement, je ne pourrais jamais faire de la mort de mon fiancé une force. Ce genre d'échec là, c'était presque impossible à surmonter. Je pouvais donc tout à fait comprendre que pour Keelin, c'était pareil. Une plaie à jamais ouverte, qui ne cicatrisera probablement jamais. Enfin, au moins elle semblait enthousiaste, j'en conclue donc que cette journée lui avait beaucoup plu. J'aurais fait ma petite B.A du jour, dira-t-on. Reste à voir si le karma allait se montrer juste. Amusée à cette pensée, je ne pu retenir un petit sourire. Elle enchaîna pour m'affirmer que le drame qu'elle avait vécue n'allait plus se reproduire. Je l'espérais vraiment pour elle, en tout cas. Et à son rythme, Hébé avait parfaitement raison. Si elle se mettait la pression, elle allait droit dans le mur. La mawu avait également compris ça, j'étais contente.

Alors comme ça, elle était du genre altruiste... ? Un don pour les autres plutôt qu'elle ? Je n'étais pas convaincue pour le coup. Non pais que c'était mal d'être altruiste non, mais dans notre cas à nous, les mawu, c'était... contradictoire. Quand bien même la jeune femme pouvait soigner les autres avec son don... Elle ne pourrait jamais s'en servir car ça serait révéler son secret et donc, par extension, l'existence de son peuple. De toute façon, pour le moment, elle était loin de cette étape. Pourra-t-elle seulement, un jour, être capable de soigner quelqu'un d'autre qu'elle-même ? Difficile à dire, Nous n'étions pas encore certain des limites de nos dons. Si quelqu'un arrivait, un jour, à l'éveiller totalement....

"Ce qui m’étonne, c’est qu’en général, les autres, c’pas quelque chose qui me préoccupe vraiment. Pas que je sois égoïste, mais je suis pas la reine de l’altruisme." Avoua-t-elle.

Je ne l'étais pas non plus, comment pouvais-je la juger, dans ce cas ? C'était pas plus mal, de penser à sois en premier. Les gens rendaient très rarement la pareille

"Tu as un très joli don et c'est mieux si tu ne peux pas l'utiliser sur les autres, tu seras moins frustrée comme ça. Tu ne pourrais même pas sauver quelqu'un par risque de révéler notre existence."

Mon téléphone vibra un instant, suivi d'une notification de nouveau message. Je regardai rapidement, c'était Evelyn qui me prévenait qu'elle était en route. Je revins rapidement vers la jeune femme.

"En tout cas, je suis vraiment ravie pour toi si cette journée t'a aidée. J'ai hâte de voir tes progrès."

Codage by Littleelda from     Never Utopia