- Il l’a encore torturé. Me souffla Erik alors qu’il vérifiait une fois encore les points de sutures qu’il avait dû m’administrer pour la quatrième et dernière fois. Ça fait deux semaines, Amy. Elle pourrait ne pas tenir et j’ai interdiction d’aller la voir. Il fronça les sourcils. Je sais qu’elle est responsable et crois bien que je suis persuadé qu’elle mérite ce traitement. Mais…
Je soupirai. Je comprenais ce que voulait dire par là notre soigneur. Elle était coupable, il allait sans dire, mais elle n’était pas la seule coupable et si les hurlements de Dimitri m’était tout à fait agréable à l’oreille, ceux d’Erika, bien que mérités et agréables, il allait sans dire, me faisaient réfléchir.
- Elle n’aurait pas agi seule. Reprit-il. J’en reste persuadé. Et même si ta colère est justifiée, et j’ai été le premier alarmé sur ton état quand Aedan t’a ramené… Je ne suis pas certain que tu veuilles malgré tout la tuer.
Doucement, je secouai la tête de droite à gauche. Il était évident que je ne désirais pas la voir morte. Malgré tout mon ressenti contre elle, et notamment après les derniers événements, je restai persuadé qu’elle pouvait être un élément moteur de cette famille. Elle avait simplement été… Grippée par une poussière. Fronçant les sourcils, je relevai mon visage vers le médecin alors que je me réinstallai, avec son aide, au fond du lit.
- Tu sais très bien que ni Aedan ni moi de voulons de mort. Et je sais ce que tu penses. J’esquissai un sourire amusé. Inutile de tourner autour du pot. « Elle est coupable mais ce n’est pas la pire. » Je soupirai. Aedan refuse qu’on lui adresse la parole. - Mais… - Mais je doute qu’il m’enferme avec eux si j’enfreint cette règle. Quoique... Peut être verrouillera-t-il cette chambre si je venais à la quitter.
Le médecin leva les yeux au ciel, arborant un léger sourire amusé
- Je repasse ce soir. En attendant ne t’amuse pas à courir un marathon. Un aller-retour à la cave sera amplement suffisant. - Moi qui pensais pouvoir aller danser au Masquerade. Je suis déçue. Répondis-je alors qu’il quittait déjà les lieux.
La tête dans les oreillers, je fixais de longue minute le plafond, en proie à mes réflexions. Erika… Je soupirai profondément. Je connaissais son aversion pour ma personne. Et, il était vrai que, jusque-là, je ne m’étais pas réellement penchée sur ses causes. Pour être honnête, cela ne m’intéressait pas le moins du monde. Mais force m’était de constaté que j’avais fait une erreur de jugement, et une lourde. Voire même plusieurs erreurs, en fin de compte. Ma première erreur avait été de baisser ma garde devant elle, que je croyais assez loyale à Aedan pour ne pas le trahir. La seconde avait été plus grave encore, à mon sens. Dès la réapparition de Dimitri, j’aurais dû sortir de mon silence quant à lui. En parler au moins à Aedan, tout du moins. Cela aurait pu éviter ce qu’il s’était produit. Dimitri… Je connaissais cet homme bien plus que la plupart des gens. Enfin. A défaut de le connaitre, je savais ce dont il était capable pour obtenir ce qu’il désirait. Et je savais aussi qu’il était fin manipulateur. Après tout m’avait-il appris bien des astuces pour cela. A nouveau je soupirai. Manipulée. Je savais qu’Erika l’avait été. Elle n’aurait jamais fait cela sans que son cerveau d’oiseau ne soit manipulé par un vautour comme Dimitri. Et si j’avais parlé… Je fronçai les sourcils. Non. Il était inutile de me mettre martel en tête par rapport à cela. Le passé ne pouvait être, de toutes les manières réécrits. L’avenir lui… Dans un très léger grondement de douleur, je me remis debout. J’étais parfaitement capable de me déplacer. Seuls les points me faisaient encore légèrement souffrir, ma peau, elle s’étant tout à fait remises de ses brûlures, hormis quelques zones encore sensibles. Rapidement, autant que je le pus, je me changeai alors, enfilant une simple robe et une paire de ballerine avant de remettre mes cheveux correctement, les attachant au plus rapidement d’un simple queue de cheval sur le côté de mon visage. Les yeux perdus dans le miroir, rivés sur mon visage aux traits tirés par ces derniers jours, je tentais de m’imaginer ce que je pourrais réellement faire. Que dire ? Comment réagir face à celle qui avait tenté de me tuer, car c’était bien cela qu’elle avait fait. Me vendre à Dimitri était signer mon arrêt de mort. Ni plus. Ni moins.
Sans réellement avoir de réponses à mes questions, je quittai alors la chambre, m’arrêtant seulement pour rassurer Donovan quant à mon état, alors que ce dernier me rappelait l’interdiction que j’avais d’Aedan de quitter la chambre jusqu’à mon rétablissement. Nul doute que mon cher fiancé risquait de râler. Mais quand bien même. Voilà une chose que j’étais sûre de devoir faire.
Descendue dans la cave, je m’arrêtai devant les cages de nos deux prisonniers, sans un regard pour Dimitri. Son temps viendrait. Je n’allais certainement pas laisser Aedan s’amuser seul sur lui. Il en était hors de question. Je n’attendais qu’une rémission presque totale pour lui faire payer chaque heure de ma vie. En attendant…
- Erika ? Soufflai-je en m’approchant des barreaux. Est-ce que tu m’entends ?
Le mouvement de tête de la vampire m’indiqua que c’était le cas alors que j’ouvrais la porte. Je n’étais certainement pas en mesure de me défendre, mais au moins étais-je en voie de guérison alors qu’elle ne devait être que plus faible encore chaque jour. Oh. Nous n’allions pas aller loin de la sorte. Avec mon aide, ainsi que celle du mur, je nous enfermai alors dans une petite salle, utilisée habituellement pour les tortures, non loin de sa cage, la laissant tomber au sol. Le regard froid posé sur elle, je ne bougeai pas, me contenant de l’observer, elle, son état, et ses yeux rougeoyants qui me fixés à leur tour. Je ne savais pas quoi dire. J’avais eu beau penser que les mots me viendraient naturellement face à elle, ce n’était pas le cas. Rien ne venait. Qu’une sourde colère que je tentais de faire taire.
- Pourquoi ?
Ce fut le seul mot qui me vint en bouche. Pourquoi avoir fait cela ? Pourquoi me détestait-elle à ce point ? Pourquoi avoir préféré un inconnu à sa famille ? Pourquoi avoir trahit celui qu’elle clamait haut et fort comme étant son seul chef ? Doucement, je vins m’asseoir sur une chaise, observant la jeune femme. Je ne m’attendais pas à des réponses claires, mais cette situation n’était plus tenable, quoiqu’il arrive. Et si je ne pouvais désormais voir son visage sans ressentir une colère profonde, en tant que chef de clan, je me devais de comprendre cette haine car à défaut de la supprimer, je pourrais au moins la combattre.
Dernière édition par Amelia Black le Jeu 23 Avr - 15:49, édité 4 fois
S’il était vrai que je ne regrettai pas le geste que j’avais eu pour sauver ma famille, je devais avouer que le traitement qui m’avait attendu après ce dernier n’était pas vraiment des plus plaisants. Bien loin de là, même. Je ne savais d’ailleurs même plus l’heure ou le jour auquel nous nous trouvions. Je savais seulement que le temps commencé à me paraître excessivement long, là, dans cette cage. J’avais soif. J’avais mal. Mon corps peiné, en vain, à se regénérer. J’avais l’impression d’être un sac de sable utilisé seulement pour se passer les nerfs. Je pensais savoir ce que tous attendaient : que je regrette mon geste, que je le « comprenne », mais c’était eux qui ne comprenaient pas le pourquoi de mes actes. Dimitri savait. Il avait raison sur toute la ligne. Et aujourd’hui encore, je l’écoutais. Parce que je savais, tout autant que lui.
Recroquevillée au fond de la cage, je tentai de bouger le moins possible. J’avais soif. Très soif. Trop soif. Était-ce là ce que l’on ressentait lorsque notre corps était en manque de sang ? A vrai dire, j’aurais presque tout donné pour espérer une gourde de sang, même animal ! Juste… Du sang. Mais il avait été clair qu’Aedan voulait nous assoiffer, aussi bien lui que moi. Il voulait nous faire subir ce qu’Elle avait subi. Mais si son sort avait été mérité, le nôtre ne l’était pas réellement. Ce n’était là qu’une image. Et je me devais de le supporter. Je devais lui prouver que je n’étais pas seulement une « traîtresse » comme il me voyait, que j’étais sûre de moi et de ce que j’avais entrepris, comme il devait me faire confiance. Y arrivai-je ? Non. Pas vraiment. Je n’avais jamais vraiment connu tel traitement et je peinais à l’accepter et le supporter, tant physiquement que moralement. Dimitri, lui, continuait à essayer de me motiver, de nous soutenir tous deux dans cette épreuve.
- Erika ?
Je fronçai les sourcils. Pas elle. Tout le monde, sauf elle. Je tentai de lui jeter un regard noir, mais rien n’y fit. Je ne réussis qu’à bouger ma tête que de quelques centimètres. Et la porte s’ouvrit. Un instant, je craignis qu’elle ne s’en prenne à moi. Après tout avait-elle des raisons de le faire. Peut-être même allait-elle faire pire qu’Aedan. Mais rien ne vint. Seulement son bras qui m’aidait à me remettre sur pied. Elle ne semblait pas complètement remise, ses appuis n’étaient pas francs, et sa main sur le mur m’indiqua qu’elle souffrait visiblement de devoir me soutenir. Tant mieux. Ce n’était pas cela de perdu, au moins. Je fronçai néanmoins les sourcils alors que nous allions dans la pièce de torture. Pourquoi ? Que comptait-elle faire ? Me torturer ? Réellement ? Dans son état ? Non. Je sentis rapidement le sol froid sous moi alors que la vampire fermait la porte. Le regard fixé sur elle, mes iris plus rougeoyants de peur et de haine mêlée, je tentais de rester neutre et fière du moins malgré mon état face à celle qui était responsable de celui-ci.
- Pourquoi ?
Il me fallut quelques minutes pour me rendre compte de la question. Était-elle sérieuse ?
- Tu ne vas pas… Me torturer ? Soufflai-je en l’observant, légèrement perplexe.
Si j’avais pu imaginer bien des choses, bien des vengeances qui pouvaient m’attendre je devais avouer que je n’avais pas réellement pensé au fait qu’Amelia viendrait ainsi pour… Discuter ? Grondant de douleur, je me redressai pour m’asseoir correctement contre le mur sans la lâcher du regard. Je ne pourrais esquiver aucun de ses coups mais il était toujours de bon ton d’imaginer que je le pourrais.
- J’ai besoin de te faire un dessin ? Soufflai-je. T’as rien à faire dans cette famille.
Attrapant le bord de la table à côté de moi, je me hissai jusqu’à tenir debout pour lui faire face. Je refusais de paraître faible face à cette cagole.
- Dimitri a raison sur toute la ligne. Tu ne vois que ta personne, tu ne veux que le pouvoir et tu nous utilises pour arriver à tes fins. Je grondai de nouveau de douleur. Tu n’es qu’une putain. Mes yeux fixés dans les siens, je n’en démordais pas. Et si les autres n’ont pas compris ce que tu voulais, je ne suis pas dupe, Amelia. Pardon. Dois-je plutôt t’appeler Elizabeth, puisque tu ne fais que te cacher derrière le pseudonyme d’Amelia Black, sans aucun respect pour notre ancien chef. Tu te sers de cette famille. Et encore plus d’Aedan. Et ça. Il est hors de question que je te laisse faire.
Je ne pus m’empêcher d’esquisser un léger sourire alors qu’Erika semblait effrayée et surprise par le fait que je ne la torture pas malgré notre présence dans cette pièce. Mais doucement, je secouai négativement la tête. Je n’avais pas envie de la torturer. Pas maintenant, tout du moins. Peut-être un peu plus tard, cela dépendrait de son comportement. Mais en tout cas, pas maintenant.
- Comme tu le vois je n’ai aucun instrument avec moi. Répondis-je calmement. Et j’ai malheureusement promis à Erik que je ne ferais rien de trop physique. Deux raisons qui me poussent à te répondre non. Je ne compte pas te torturer.
Au moins aurait-elle pu être reconnaissante de cela. Malheureusement, il me semblait qu’elle n’avait pas réellement compris le pourquoi de sa présence dans cette cave. Petite sotte. Je restai néanmoins de marbre, alors que ses mots m’arrivaient aux oreilles. Ce qu’elle disait, je l’avais déjà entendu. Je savais ce qu’elle pensait de moi. Je n’avais pas besoin qu’elle me répète ce qu’elle disait sans cesse à tue-tête et à tout va. Je sifflai néanmoins seulement au nom de Dimitri. Elle ne connaissait visiblement rien à l’histoire, sûrement lui avait-il caché tout cela, bien heureux de se trouver une petite marionnette docile.
- Dimitri a donc raison sur toute la ligne… Répondis-je, l'air pensif. Ainsi, sûrement, avait-il raison de s’en prendre à Mia. Cette Mia même que tu connais depuis des années, celle que tu côtoies, avec qui tu vies, que tu aimes comme une sœur, ta sœur, même ? Je fronçai les sourcils en m’avançant d’un pas. Est-ce que toute la haine que tu as envers moi valait la vie de ta sœur ?!
Les dents serrées, je reculai à nouveau en soufflant profondément pour me calmer. Bien. Il était inutile de s’emporter. Pas maintenant. Pas de la sorte. Je n’étais pas venue ici pour cela. Je voulais comprendre. Savoir comment régler la chose. Et ce n’était certainement pas par la colère que j’allais résoudre ces problèmes.
- J’ai toujours eu du respect pour Damian, et je regrette sa mort, comme beaucoup ici. Continuai-je le plus calmement du monde. Mais effectivement, je me suis cachée derrière ce pseudonyme pour éviter d’être tuée. Je te l’accorde. Peut-être était-ce une faiblesse, mais je l’assume, dans ce cas. Néanmoins. Penses-tu réellement que je me serve d’Aedan et de cette famille ? Pour la seconde, ne penses-tu pas que je serais bien plus active dans mes autres activités sans elle ? Et pour le premier, ne penses-tu pas que je serais plus libre sans un mari ? Je fronçai doucement les sourcils. Tu vis ici Erika. Tu es donc en première ligne pour voir ce qu’il se passe dans ce clan, notre famille. Alors pourquoi avoir fait confiance à un inconnu ? Pourquoi imaginer que je me sers de cette famille alors même que je donnerais tout pour elle ? Pourquoi ne pas accepter la vérité lorsque même Aedan te la clame ?
Je soupirai, bras croisés en l’observant. Cette entrevue allait visiblement être plus compliquée que prévue…
J’eus un léger soupir lorsqu’elle m’annonça ne pas être là pour continuer je ne sais quelle torture tordue qu’ils pourraient encore inventer. Mais alors… Pourquoi ? Une simple question ? C’était pour cela qu’elle était descendue jusqu’à moi ? Pour me poser une question ? Dans son état encore peu glorieux ? Au moins avais-je la preuve que Dimitri ne l’avait pas raté. Je serrai néanmoins les dents lorsqu’elle me répondit, reprenant les mots mêmes que je venais d’utiliser.
- Bien sûr que non ! Criai-je en avançant d’un pas. Elle n’aurait jamais dû prendre part à ça ! Mia était…
Mia était une victime collatérale, ni plus, ni moins. Pour autant, je ne pouvais décemment l’admettre, jurant tous les grands dieux que jamais je n’aurais pu souhaiter du mal à ma sœur. Bien sûr pouvait-elle être pénible, infernale même des fois, mais j’aimais cette sœur. Tout le monde l’aimait, il ne pouvait en être autrement. Alors pourquoi aurais-je voulu lui faire le moindre mal ?! Dimitri s’était fourvoyé en s’en prenant à elle. Je n’arrivais pas à expliquer son geste alors même que j’étais certaine de savoir ce qu’il désirait : elle.
- C’est à cause de toi qu’elle a été torturée ! Grondai-je. Tu es la SEULE responsable.
Une fois encore, c’était sûrement bien plus facile de rejeter la faute sur elle. Enfin. Bien sûr. J’étais responsable, en partie, de ce qu’il s’était passé, de ce qu’elle avait vécu. J’avais organisé le rapt de cette cagole en connaissant parfaitement les sentiments de ma sœur pour elle. Je savais qu’elle, comme certains autres, feraient tout pour la retrouver. Cependant… Si Elle n’était jamais venue, si Elle ne s’était jamais servie de notre famille, rien de tout cela ne serait arrivé, pour sûr. La grande responsabilité de ce qu’il s’était passé lui revenait donc à elle.
- Ne mens pas. Soufflai-je alors même que son calme m’étonnait.
Elle s’énervait, parler de ce que Mia avait vécu l’avait mise en colère, il n’avait pas été difficile de le remarquer, alors pourquoi diable ne s’emportait-elle pas d’avantage ? L’Amelia que je connaissais n’hésitais pas à s’emporter. Je l’avais déjà vu torturer et tuer des esclaves sous le coup de la colère alors pourquoi n’y passai-je pas à mon tour ? Peut-être que… Peut-être qu’Aedan lui avait fait promettre de ne pas s’en prendre à moi, auquel cas… Peut-être allais-je réellement bientôt sortir de là ! Un instant, je réfléchis. Elle n’était là que pour elle, pourquoi alors écouter notre chef… Je fronçai les sourcils. Je n’arrivais réellement pas à comprendre son comportement et sa présence en ces lieux. Tout semblait trop… Etrange. C’était le mot. Tout était étrange, et cela m’agaçait réellement de plus en plus.
- Tu connais la réponse, Elizabeth. Grondai-je. Tu connais toutes les réponses mais tu les nies.
J’usais de son prénom réel de façon consciente. Elle n’était pas Amelia, elle devait arrêter de se cacher derrière un masque, un pseudo. Bien sûr savais-je qu’elle n’utilisait pas ce prénom en dehors des murs de ce manoir, l’ayant déjà entendu utiliser son patronyme au téléphone pour sa maudite boite. Et d’ailleurs, pourquoi avait-elle besoin d’une entreprise si elle tenait tant que cela à la famille ? Ne pouvait-elle pas se concentrer sur cette dernière ? Oh bien sûr avait-elle du temps libre puisque jamais elle ne partait en mission avec nous, il fallait, après tout, bien occuper tout ce temps !
- Il est le seul à m’écouter, à savoir que je dis la vérité. Les autres se voilent la face. Je ricanai un coup. Et toi tu en profites. Aedan… Tu l’as juste… J’en sais rien en fait, j’ai tenté de comprendre ce qu’il s’était passé mais j’y comprend en fait pas grand-chose, comment il peut être tellement aveugle face à toi.
- Était quoi ? Grondai-je. Une victime innocente de cet enfoiré ! Je grondai une nouvelle fois furieusement, usant d’une vulgarité bien peu commune, avant de réussir à me calmer. Tu te rends compte de ce que tu as failli faire, Erika ? Comment peux-tu penser que j’ai été seule responsable. Je ne cache pas ma part de responsabilité dans cela. Il y a bien des choses que j’aurais pu faire pour éviter toute cette histoire mais cesse de te cacher derrière moi. Tu es une grande fille, assez pour prendre tes responsabilités.
Mon ton était doux, calme et posé, et pourtant, je ne pouvais nier que la colère m’étreignait particulièrement. La voir parler de ce qu’il s’était passé avec tant de frivolité, ou tout du moins… La voir ignorer sa propre responsabilité… Cela me dépassait. Était-ce par peur des conséquences ou seulement par lâcheté, je l’ignorais, et, à vrai dire, je n’en avais cure. Je voulais seulement comprendre pourquoi elle avait agi de la sorte.
- Peut-être est-ce le cas. Continuai-je en croisant les bras. Peut-être je connais effectivement les réponses, mais j’aimerais entendre tes théories, si cela ne te dérange pas. Je suis curieuse. J’ai un goût très prononcé pour les théories du complot.
Je secouai néanmoins la tête à ses mots. Sûrement sa théorie devait être particulièrement gratinée pour qu’elle puisse imaginer que Dimitri fût le seul à l’écouter. Pire qu’imaginait-elle à propos de son propre chef ? Je fronçai doucement les sourcils.
- Je ne comprends pas, Erika. Soufflai-je profondément. Aedan avait toute sa confiance en toi. Tu étais l’une de ses meilleures recrues, de ses proches. Alors pourquoi n’arrives-tu simplement pas à lui faire confiance. Je plantai mes émeraudes dans ses yeux rouges. Que tu ne m’aimes pas est une chose. Une chose que je ne comprends pas, une chose que j’aimerais comprendre, mais pourquoi préfères-tu croire le premier venu que ton propre chef ? Ne va pas me dire que c’est parce que je lui ai jeté un mauvais sort, sorcière que je suis. Ce serait me donner bien trop d’importance. Alors pourquoi ?
Me pinçant l’arête du nez, je m’asseyais enfin sur une chaise, à portée. Une chance que la pièce fût nettoyée entre chaque utilisation. Je l’observai alors, silencieusement après sa réponse. Je ne comprenais pas. Réellement pas. Mais je ne pouvais non plus m’éparpiller de la sorte. Me reconcentrer, voilà ce qu’il me fallait. Je devais me reconcentrer sur une seule question pour espérer démêler le sac de nœud qui se trouvait en face de moi. Cette situation nous avait amené à de trop gros extrêmes, de toutes les manières. Cela ne pouvait plus continuer de la sorte et durait depuis bien trop longtemps.
- Bien. Recommençons depuis le début, je te prie. Je soupirai longuement. Répond sincèrement à ses questions. Pourquoi penses-tu que je ne fais pas attention à cette famille ? Ne vois-tu pas mon implication au manoir ? Et surtout… Explique moi, Erika. Pourquoi me portes-tu autant de haine ?
C’était là la question principale, à vrai dire, la question dont je voulais connaître la réponse pour la combattre. Je ne portais certes, et évidemment, pas cette vampire dans mon cœur. Pour autant, j’étais tout à fait capable de faire abstraction de cela pour le bien de la famille, alors pourquoi ne le pouvait-elle pas ? Était-elle aussi haineuse qu’elle ne pouvait le cacher ou, tout du moins, l’oublier lorsque nous nous trouvions dans la même pièce ?
Sa vulgarité me fit hausser un sourcil. Il était, et je le savais, rare de l’entendre jurer, même du simple mot « d’enfoiré », qui était pourtant arrivé dans le langage courant et de la part de bien des vampires de ce manoir, à croire, d’ailleurs, qu’elle était la seule usant de ce langage toujours châtié. A part peut être Erik… Oui. Peut-être était-il le seul à parler comme elle. Enfin. Toujours était-il que cela était très rare à entendre, ne faisant alors que me rendre plus nerveuse encore.
- Je ne me cache pas derrière toi, grondais-je furieusement. J’aurais dû protéger Mia plutôt que de chercher à couvrir mes arrières, je le sais très bien !
Peut-être, effectivement, cela ne se serait-il pas passé si j’avais été plus intelligente et moins regardante sur ma petite personne. J’étais tellement accès sur le fait de faire semblant de la rechercher que j’en avais oublié le retour de ma sœur d’Angleterre, provoquant, sans nul doute, sa disparition puisque personne n’avait été au manoir lorsqu’elle était revenue. Oui. Bien sûr, m’en voulais-je pour cela, mais je n’oubliais pas la responsable de toute cette mascarade. Elle.
- Il n’y a aucune théorie du complot. Soufflai-je en m’appuyant contre le mur derrière moi afin de tenter de soulager au mieux mes jambes. Tu n’es qu’une traînée, Dimitri a tout à fait raison sur ce point, tu ne fais les choses et ne couche que pour avoir ce que TOI tu désires, jamais pour les autres. Est-ce que tu as pensé à cette famille que tu détruiras ? Est-ce que tu as pensé à Aedan que tu prives de liberté ?
Elle n’y avait jamais pensé, je n’avais pas besoin de réponse pour le savoir. Pourquoi y aurait-elle pensé, après tout ? Elle n’était qu’une traînée égoïste et sans aucune attache. Je grondai néanmoins à ses questions. Je faisais confiance à Aedan, aussi aveugle soit-il. Mais il ne pouvait décemment tout savoir et tout voir, la preuve en était aujourd’hui. Ainsi, et parce que justement je me sentais proche de lui, devais-je couvrir ses arrières, voir ce qu’il n’était pas en capacité de voir, pour une raison ou pour une autre. Aujourd’hui c’était la véritable nature de celle qui s’apprêtait à devenir sa femme, demain, cela serait très certainement autre chose. Mais Aedan, bien que je l’admire sous bien des rapports, n’était pas surpuissant. Il avait ses faiblesses, et les femmes visiblement blondes, étaient l’une des sienne.
- Tu as trouvé sa corde sensible, tu lui fais du chantage, je n’en sais rien, mais il n’est plus lui-même. Répondis-je alors très simplement. Aedan n’est pas Aedan en ce moment. Il était un homme libre, qui nous ramenait des nanas aussi inutiles les unes que les autres, d’accord, mais libre, il faisait ce qu’il voulait. Et voilà que tu arrives pour prendre la tête de notre famille. Tu n’es pas une tueuse, tu n’es même pas une voleuse, à peine une meneuse, bon peut être exagérai-je au vu de ce que pensait le reste de ma famille, mais c’était là mon avis, alors qu’est-ce que tu faisais là ? On a dit que tu avais intéressé Damian en son temps. Lui aussi, tu l’avais charmé ? Avoue-le après tout, nous sommes entre nous, tu utilises les hommes pour arriver à tes fins et les jeter. Un instant même, j’aurais pu croire que tu avais tué notre chef toi-même. C’est ce que tu comptes faire avec Aedan ? Et mettre la main sur tout ce qui va avec lui ?
Je grondai un coup alors qu’elle se taisait. Pourquoi se taisait-elle ? Pourquoi ne me répondait-elle pas du tac au tac ? Avais-je donc réellement raison alors que je commençai à douter de tout ? Oui. Sûrement était-ce cela. J’avais raison. Et elle savait qu’elle était coincée. Peut-être, même essayait-elle de trouver un moyen de s’en sortir. Mais enfin elle reprit la parole. Recommencer depuis le début ? Qu’est-ce qu’elle voulait encore dire par là ? Je grondai à ses questions. Elle le faisait donc exprès. Elle tentait de tout nier, putain de… Je n’avais même pas de mots à la hauteur de ce qu’elle était.
- Sincèrement hein ? Tentais-je de ricaner malgré la douleur qui me prenait à chaque geste. Je suis sûre que tu ne fais attention qu’à ta petite personne. Ton implication au manoir se résume à quoi après tout ? Jouer les gouvernante, et alors ? T’as pas été là pendant deux semaines et on s’est très bien débrouillés. Si tu partais en mission avec nous, tu aurais au moins une utilité, là, tu ne fais rien. Même pas le ménage comme les autres esclaves.
A sa dernière question, j’affichai un sourire amusé. De la haine. Oui c’était ça. Je la haïssais, profondément, même. La raison… En fait… A part ce que je venais de lui dire, je n’avais pas réellement de réponse. Je la détestais. C’était bien suffisant pour savoir que quelque chose n’allait pas avec elle. Ajoutez à cela tout ce qu’elle ne faisait pas, et elle ne faisait, à mon sens, rien, et vous aviez là le meilleur explosif.
- Je viens de tout te dire, Elizabeth. Me fait pas répéter, ça me ferait perdre mon temps.
Je restai quelque peu interdite à ses mots. Était-elle réellement sérieuse ou se jouait-elle de mes nerfs ? La question était tout à fait permise car je doutai, à cet instant qu’elle se rende réellement compte de la réalité des choses. Je préférai néanmoins ne pas réagir à cela, c’était, de toutes les manières, bien inutile en cet instant. Elle qui n’entendait rien à ce que je pouvais lui dire, à ce que tout le monde pouvait lui dire, il était inutile de lui demander quelques réflexions supplémentaires. Mieux valait revoir la base que construire quelque chose sur un terrain croulant. Je sifflai néanmoins quelques peu au mot « traînée », c’était bien là un mot utilisé par mon cher ex-fiancé. Au moins l’avait-il parfaitement mise sur ses propres rails, elle était une belle marionnette utilisable sans le moindre défaut. Je tentai de nouveau de reprendre une respiration des plus calmes, ne désirant pas perdre mon sang-froid pour si peu, quoique cela commençât à faire beaucoup pour mes nerfs.
- N’as-tu jamais pensé, Erika, que je ne détruirais jamais cette famille ? N’as-tu jamais pensé que j’étais justement là pour la garder entière, soudée et unie face au même but ? Je fronçai les sourcils concernant mon futur mari avant de me pencher doucement en avant, l’observant intensivement. Je ne priverais jamais Aedan de sa liberté, Erika. Je ne sais pas ce que tu attends de moi, mais c’est là sa décision propre. Personne n’a à revenir dessus si ce n’est lui. Je te serais donc gré de rester à la place qui est la tienne.
Parler en le nom d’Aedan ne me plaisait pas, d’autant qu’il me semblait qu’elle revenait bien trop souvent à la charge sur ce point sans que je puisse comprendre pourquoi. Il semblait que cette union ne lui déplaise même un peu trop. Mais pourquoi ? Pourquoi tant de haine à ce propos ? Je n’arrivais réellement pas à mettre le doigt dessus. D’ailleurs continuait-elle sur le même sujet, ajoutant des choses que je n’avais alors jamais entendu. Je soupirai d’agacement. Voilà qu’elle affabulait sur d’autres sujets maintenant et tournait en rond sur les autres. Nous n’allions jamais pouvoir nous en sortir à ce rythme et je devais avouer que cela commençait à me taper sur le système très franchement.
- Mettons les choses au clair. Dis-je dans un dernier espoir de communication. Je ne suis pas une tueuse, ni une voleuse, et je suis encore moins un succube. Oh bien sûr, comme tout le monde, je sais utiliser mes charmes pour obtenir quelques petits avantages. Mais sache une chose, ma très chère Erika, grondai-je. Jamais je n’ai « charmé » ton ancien chef. Cela ne m’intéressait pas. Néanmoins je suis arrivée dans ce clan, avec pour seul objectif de le maintenir uni. Ai-je réussi ? Je levai la main pour lui ordonner de se taire. Nous nous trouvons tous ici, alors je suppose que oui, j’ai réussi à vous maintenir uni. Bien sûr, je ne pars pas en mission. Mais ce n’est pas faute de le vouloir. Savais-tu seulement que ton très cher Aedan refuse tout bonnement que j’y aille ? Sais-tu qu’il est le seul responsable de ma non venue en mission et du fait que je n’apprenne pas à tuer, comme tu le dis ?
Je repris calmement ma respiration, mes mots s’étant échappés bien rapidement d’entre mes lèvres, comme si je voulais mettre un terme à toutes ces inepties, toutes ces paroles idiotes qu’elle me sortait encore et encore sans discontinuer.
- Quant au fait de mettre la main sur tout ce qui va avec Aedan après l’avoir jeté. Je me tus à nouveau. Je n’aimais pas parler de cela. Non pas que parler du mariage ne me dérangeât, et heureusement, je plaignais déjà l’organisatrice, si en plus elle se trouvait face à un mur, qui était déjà de glace, autant ne pas lui ajouter du béton, j’aurais donné bien peu cher de ses propres nerfs. Ecoute moi bien. Dis-je plus doucement. Outre le contrat de mariage qui, rassure-toi, protégera les biens de ton chef comme les miens, je n’ai aucune envie de « le jeter ».
Je soupirai profondément. A quoi bon lui dire tout cela si elle ne m’écoutait pas, après tout ? Mais peut-être que parler à cœur ouvert devant-elle me permettrait de la rendre plus à même de m’écouter pour le rester ? Que risquai-je ? Passer pour une faible femme ? Je l’étais, depuis que j’avais accepté de me marier, alors quel était le risque supplémentaire ? A part la voir rire ? Rien. Au pire la clouerai-je sur place après tout.
- Je ne sais pas ce que tu sembles croire, Erika, dis-je plus sincère que je ne l’avais jamais été. Je ne comprends pas ton obstination à vouloir arrêter Aedan. Mais sache et comprend bien une chose. Je n’ai pas cherché à le faire tomber dans mes filets. Je soufflai légèrement avant de gronder plus sourdement, n'appréciant ni m'étendre à ce sujet, ni même en discuter avec qui que ce soit. Je l’aime. Je ne sais pas ce que tu vas croire autrement, mais il n’y a que cela à comprendre. J’aime Aedan plus que n’importe qui et je donnerais ma vie entière pour lui, pour le rendre heureux. Je ne sais pas ce que Dimitri a pu te dire me concernant. Enfin. Je l’imaginerais presque. Je suis une traînée n’est-ce pas ? Mais serais-tu resté avec l’homme qui avait immolé ton propre père ? L’homme qui n’en voulait qu’après une fortune inexistante et un rang social, une position ? Ne prend même pas la peine de me répondre. Soufflai-je. Je connais déjà ta réponse.
Je crois que jamais, face à elle, je n’avais fait preuve de tant de douceur dans ma voix, et de sincérité. Je ne pouvais, à vrai dire, pas faire plus. J’étais bien arrivée au bout de mes cartes.
Bien sûr que j’avais pensé à tout ça, j’avais pensé à tout, qu’allait-elle croire ? Que je n’y avais jamais réfléchis sérieusement ? Un moment, même, j’avais tenté de l’apprécier, de lui trouver des qualités. Qualités que je n’avais, évidemment, jamais trouvé. Par contre des défauts… Elle n’avait que ça. Je grondai néanmoins à sa remarque. Je savais que ça ne lui aurait pas non plus plu que je parle en son nom. Il me l’avait assez répété, qu’il savait ce qu’il faisait. Mais je peinais à le croire. C’était juste… Impossible. Je serrai les dents, ne répondant rien. De toutes les manières, je n’avais rien à dire. Et elle continua de parler, m’arrêtant alors même que je voulais lui souffler qu’il ne servît à rien de me mentir continuellement. Et peut-être heureusement car la suite de sa phrase me fit quelque peu arrêter sur le fait. Aedan refusait de l’envoyer en mission ? Était-elle aussi inutile que cela ? A moins que… Un instant, j’eus souvenir des mots que lui-même m’avait tenu, dans son bureau. Non… Il voulait qu’elle reste au manoir. C’était son souhait à lui, pas parce qu’elle ne savait rien faire d’autre mais parce qu’il le voulait, lui. Et elle, elle l’écoutait ? Je fronçai les sourcils. Pourquoi lui obéissait-elle alors ? Ce n’était pas logique. Elle ne faisait que ce qu’elle avait envie, et elle semblait regretter, réellement, de ne pas partir en mission, alors pourquoi l’écoutait-elle ? Et… Si elle se moquait à nouveau de moi, comme des autres ? Si elle me mentait ? Mais son regard. Je grondai. Son regard semblait sincère, et cela m’agaçait réellement car je ne savais pas quoi penser sur ce point. Je l’avais occulté déjà une fois avec mon chef, il semblait pourtant revenir à la charge. Pourquoi ? Devais-je réellement le croire ? Et elle reprit parole. Un contrat de mariage. Ça ne m’étonnait pas réellement, quoique ce ne fut pas vraiment romantique, enfin, le romantisme et moi, ça faisait pas mal quand même alors… Et elle continuait de nouveau, sans que j’intervienne. En fait, pour la première fois, je ne savais pas quoi répondre, et le reste n’arrangea rien à mon mutisme. Je n’avais jamais entendu pareille douceur de sa part, mais il semblait, lorsqu’elle parlait de son mariage à venir, que quelque chose d’autre entrait en jeu. Quelque chose que je n’arrivai pas à voir, ou du moins que je refusais peut-être de voir. Pourquoi ? C’était une bonne question et je m’en foutais réellement. Je voulais juste trouver quelque chose à dire, à répondre à ça. Un truc, n’importe quoi pour qu’elle se taise. Mais je ne trouvais rien du tout. Était-ce son regard qui se voulait si sincère qui me bloquait ? Ou seulement ses mots. « J’aime Aedan plus que n’importe qui ». Est-ce qu’elle était sérieuse ou est-ce qu’elle mentait, encore ? Espèce de… Je n’en savais rien en fait. Je n’arrivais pas à me décider et ça me tapait réellement sur le système. Et plus elle déblatérait ses belles paroles d’amoureuse transi, plus elle m’énervait, en fin de compte, et je n’arrivais réellement plus à réfléchir. « La ferme », c’était tout ce qu’il me venait en tête. Rien d’autre, comme si elle avait court-circuiter mon cerveau. Bien sûr qu’elle était une traînée mais… J’arquais un sourcil à ses dernières questions. Dimitri ? Il avait réellement fait cela ? Jamais je n’en avais entendu parler alors… Était-ce encore un mensonge ? Je serrai les dents, répondant malgré tout.
- C’est une question idiote. Grondai-je. Personne ne ferait ça. Mais je n’ai pas non plus la preuve qu’il ait fait ça. Et je t’avoue que c’est un peu gros pour que j’arrive à le croire aussi facilement.
Au moins étais-je sincère dans mes paroles. Je n’allais pas mentir, de toutes les manières. Pourtant, je n’arrivai pas à ne pas la croire totalement. Il y avait quelque chose qui n’allait pas, quelque chose qui m’échappait, et cela avait bien rapport avec le pourquoi je la détestais autant sauf… Sauf que j’en avais aucune foutue idée. Juste qu’on ne devait pas lui faire confiance.
Je n’avais jamais été aussi sincère et peut être était-ce cela qui m’énervait. J’avais dû me retrouver sincère et sentimentalement nue face à la personne qui, sûrement, me haïssait le plus dans cette ville, Dimitri non compris, il allait sans dire. Et le pire ? Je n’étais même pas persuadée que cela puisse changer quelque chose. Enfin. J’aurais, au moins, tout tenté pour renouer le dialogue, personne ne pourrait dire le contraire. Ainsi, si elle désirait avoir la guerre, elle aurait la guerre, je ne me laisserais, bien sûr, jamais faire. Mais ce n’était plus une simple perche que je venais de lui tendre pour cesser les combats. Restait à espérer qu’elle ait la présence d’esprit de la saisir. Dans ce cas, peut-être, pourrais-je tenter de raisonner Aedan pour la faire libérer, ou, au moins, pour alléger sa peine. C’était bien là mon but. Si elle ne saisissait pas cette planche de salut, je ne pourrais décemment plus rien pour elle. J’acceptai de l’aider, certes, mais je refusais de le faire au péril de ma propre vie. J’avais eu la preuve qu’elle pouvait me poignarder dans le dos sans aucun remord, entraînant avec elle sa sœur, même sans le savoir. Sans qu’elle ne soit réellement lavée de tout soupçon et de l’emprise qu’avait Dimitri sur elle, il était évident que je refuserai qu’elle soit libérée de cette cave. Et enfin reprit-elle parole. C’est très longuement que je soupirai. La planche n’avait pas été saisie et je la vis d’ores et déjà couler bien profondément dans l’océan de sa haine. Je ne pouvais effectivement plus rien faire pour elle, et je le savais. J’avais joué tout mon jeu. Des questions à la compréhension en passant même par la sincérité. Je ne savais réellement plus quoi faire pour la libérer de cette emprise.
- Tu n’auras qu’à demander à Dimitri, après tout. Il est la cause de tout, même si tu sembles lui vouer un culte. Je me levai de ma chaise pour m’approcher d’elle. Et surtout, réfléchis bien à une chose, Erika. Quel homme sain d’esprit pourchasserait une femme pendant plus d’un centenaire ? Je fronçai les sourcils. Cela fait cent trente ans que nos fiançailles ont été rompues, si tant est qu’elles aient existées un jour. Ne penses-tu pas que cela est « un peu gros » pour faire confiance ?
Je tournai alors les talons pour me diriger droit vers la porte, ne m’arrêtant qu’à hauteur de celle-ci, main sur la poignée.
- Je demanderais à Aedan de te donner une poche de sang. Tu en as besoin. Soufflai-je. En attendant profite d’être dans un endroit plus grand que ta cage pour te dégourdir les jambes, bien que cela puisse être difficile. Tu en as tout autant besoin. A nouveau, je me retournai vers elle. Je ne suis certainement pas la cheffe que tu espérais, Erika, repris-je calmement. Mais je tiens tout autant que toi à chaque membre de cette famille. Alors réfléchis à ce qu’il aurait pu advenir si Mia, notamment, était tombée là-bas.
Et c’est sans un autre mot que je quittai la pièce, verrouillant la porte derrière moi pour apporter la clé à Aedan sans attendre, même si ce dernier allait râler de ma présence là-bas. Je n’en avais réellement cure. Ce n’était pas cela qui m’importait. Et j’espérai sincèrement avoir réussis à franchir la moindre de ses barrières. La plus petite goutte de doute ayant pu s’immiscer en elle étant une victoire pour moi.
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