Irina était arrivée sur place avec une rapidité littéralement surnaturelle. Le jeune homme n'avait pas encore totalement sombré, il l'entendit prononcer son nom. Sa présence lui procura un profond sentiment de soulagement et le bref contact de sa main glacée sur son front l'apaisa. Edson perçut des bourdonnements, mais il ne réussit pas à comprendre ce que la vampire disait. Il se sentait flotter, léger comme une plume. Lorsqu'Irina le souleva, il avait déjà perdu connaissance.
Dans un premier temps, Edson se trouva dans un état semi-comateux. Son organisme bien éprouvé par les blessures et la perte de sang faisait ce qu'il pouvait pour cicatriser, mais surtout il s'épuisait à combattre la propagation de la lycanthropie. C'était évidemment peine perdue, mais l'énergie dépensée à lutter contre le changement en train de s'opérer était de l'énergie gaspillée dont son organisme aurait bien eu besoin pour supporter cette épreuve. Il était sur le fil du rasoir et ne dût sa survie qu'à la chance, ou sa constitution solide. Sa nouvelle nature avait désormais le champ libre, sa guérison alla bien plus vite : ses plaies cicatrisaient, son fémur se ressoudait et son sang se régénérait.
Point négatif à l'amélioration de son état général : il n'était désormais plus plongé que dans un sommeil profond et il commença à être la proie de cauchemars. Un mélange de souvenirs et d'éléments réels piochés à gauche à droite par son cerveau, mais tout sonnait faux, était désaccordé, angoissant. Il était la proie de créatures monstrueuses qui jouaient et le pourchassaient sans relâche. Le jeune homme commença à s'agiter et à se débattre dans son lit tout en émettant des gémissements qui indiquaient à Irina qu'il ne passait pas un très bon moment. A nouveau, la vampire posa la main sur son front et la fraîcheur dégagée par sa peau le calma et l'apaisa.
Il lui fallut encore un peu de temps pour émerger totalement, portant son temps total de guérison à six jours.
L'odeur du sang séché lui parvint en premier, entêtante, lourde, poisseuse. Une centaine d'autres odeurs prirent son nez et il ouvrit les yeux d'un coup. Il était plongé dans une semi-obscurité et ne reconnaissait pas la pièce. Les odeurs continuaient d'affluer, les sons aussi. Il était assailli d'un nombre de stimuli qu'il ne pouvait gérer à la fois. Où était-il ? Il se redressa difficilement et sentit une gêne au niveau du torse ainsi qu'à sa cuisse. L'attaque lui revint dans un flash qui le laissa pantois, la respiration rapide et saccadée. Il prit alors conscience d'une présence à sa gauche et tourna la tête d'un coup.
- Irina ?
Il n'avait pas besoin de confirmation. Il se souvenait désormais qu'elle était venue le secourir et ses yeux avaient désormais une bien meilleure acuité qu'auparavant, même dans la pénombre. Il aurait reconnu ce regard entre mille. Edson se rallongea, son torse commençant à le faire souffrir. Il tenta de se la jouer nonchalant et lui dit avec un sourire :
- Je commence à croire que la Nouvelle-Orléans n'était pas une très bonne idée...
Mais sa blague sonnait creux et en l'observant un peu plus, il se rendit compte qu'elle avait les traits tirés et était recouverte de sang séché. Elle empestait le sang séché d'ailleurs. Et lui aussi. Il la regarda, un peu plus gravement.
- Combien de temps suis-je resté comme ça ?
Dernière édition par Edson Sorel le Mar 26 Mai - 19:21, édité 1 fois
Le temps fut particulièrement long pour Irina mais elle ne quitta pas son poste. Pas un seul instant. Elle resta assise sur cette chaise tout ce temps, sans bouger une seule fois. Elle se contentait de poser sa main sur le front d'Edson lorsqu'il remuait, semblant faire un cauchemar. Elle veillait sur lui, prenant soin du jeune homme avant même de penser à ses propres besoins. Ce n'était pas forcément une bonne chose mais elle restait même dormir sur sa chaise. A force, ses muscles étaient un peu ankylosés mais elle ne le laisserait pas seul. Ce qui l'ennuyait le plus ? Le sang qui séchait petit à petit et rendait ses vêtements raides, particulièrement désagréables à porter.
Finalement, au bout de six longues journées et plusieurs nuits, il émergea d'un coup et se redressa soudainement. Elle le fixa, intriguée.
- Oui, c'est bien moi. Tout va bien, vous êtes en sécurité ici, il ne vous arrivera rien.
Elle affichait un doux sourire, ayant un peu de peine pour ce pauvre homme que la vie n'avait pas gâtée en peu de temps. Elle l'observait, constamment qu'il n'était désormais plus du tout humain. En dehors du sang séché qui n'était pas vraiment attirant, il ne donnerait plus envie de le mordre. Elle sortit de ses pensées en entendant la tentative d'humour. Elle émit un léger soupir.
- Je suis sincèrement désolée Edson. Je ne pensais qu'il existait encore des créatures aussi...dénouées d'humanités surtout dans une grande ville. Et je n'aurais pas souhaité que vous en soyez la victime.
Elle ne savait peut-être pas ce qui s'était passé mais le lycan qui l'avait agressé n'avait pas du tout été tendre. Et Irina était malgré tout surprise qu'il ait survécu. Il lui posa alors une question tout à fait légitime.
- 6 jours...Vous en aviez bien besoin. Mais vous êtes une personne forte, je n'avais pas vraiment estimé que vous ayez de bonnes chances de survie...Néanmoins, vous êtes bel et bien vivants et...changé. Nous en parlerons plus tard, néanmoins, je répondrais à toutes vos questions car vous en aurez surement...Même si je ne suis pas aussi spécialiste de cette race. Mais d'abord, comment vous sentez-vous ? Avez-vous mal ? Peut-être avez vous faim ? Nous avons de la nourriture humaine ici...
Elle se leva alors, s'étira longuement puis grimaça en sentant du sang craqueler sur ses bras. - Bon, je vais commencer par changer vos draps et après j'irais prendre une douche, si vous le permettez.
Et surtout, elle devait se nourrir. Elle s'approcha de lui et le souleva délicatement, sans se soucier de son poids. Elle observa son visage, cherchant à s'assurer qu'il n'avait pas mal pendant la manipulation puis arracha d'une main les draps qu'elle envoya voler à travers la pièce. Maintenant les choses se compliquaient. Elle se dirigea vers la porte et écouta les sons dans la maison...reconnaissant sans mal les bruits de pas d'une membre de sa famille. La seule présente ou du moins, dans la maison.
- Alyssa ? J'ai besoin de votre aide. Récupérez des draps propres, s'il vous plait.
Elle laissa l'adolescente s'activer, tout en restant dans un coin de la chambre, gardant l'homme plus si humain dans les bras. Une fois le lit fait, elle le posa délicatement dessus puis se tourna vers Alyssa qu'elle entraina à l'extérieur de la chambre.
- Je dois prendre une douche. En attendant, veillez sur lui. Et ne le mordez surtout pas, je ne sais pas si vous le...ressentez. Il n'est plus humain et son sang ne serait que poison pour vous. Essayez de le faire boire. Appelez si besoin.
Si l'envie de mordre se faisait pressante ou si la santé du convalescent s'aggravait. Elle récupéra les draps déchirés puis vérifia une dernière fois la chambre. En sortant, il ne resterait plus rien de vraiment tentant. Tout devrait bien se passer. Elle n'avait pas le choix de toute façon.
- Edson, mon ami, je reviens dès que j'ai terminé. Alyssa prendra soin de vous en attendant.
Elle fila de la chambre, espérant qu'il n'avait pas vu son regard rouge, preuve de sa faim plutôt lancinante et se dirigea directement vers la salle de bain de sa chambre. Elle retira ses vêtements et passa un certain à se récurer, retirant le sang de chaque centimètre de sa peau. Une fois propre, elle enfila une tenue propre, une robe lui arrivant aux chevilles. Elle descendit ensuite à la cuisine et ouvrit un frigo. Elle attrapa une première bouteille de sang animal et l'entama aussitôt, la vidant en quelques gorgées. Une deuxième passa aussi vite. La troisième fut plus lente, plus appréciée alors qu'elle fermait les yeux.
Comment suis-je censée réussir ce putain de DS d'histoire, alors que ça sent le sang dans toute la maison?! Et encore plus dans ma chambre, puisque le blessé d'Irina est juste dans celle d'à côté! Seulement l'école est claire, je dois faire mon DS ici, parce que c'est la pièce enregistrée, sous surveillance de ma webcam et après avoir fait le tour de la pièce avec la caméra pour démontrer qu'il n'y a pas d'antisèches sur le mur. Je peine à me concentrer sur mon questionnaire, surtout que le surveillant m'a interdit ma sucette au motif que j'y aurais pas droit le jour du bac! J'envie les autres qui sont partis dormir à l'annexe de la ferme (après que Diego et Julia se soient battus, parait-il), j'étais bien, moi "exilée" chez Lucio.
Bon, finalement, je rends une copie quasiment blanche, signalant au surveillant qui vérifie justement par la web cam que j'ai terminé, avant de scanner et envoyer le document.
"Vous savez qu'il vous reste une heure?"
"Je sais, mais là je peux pas me concentrer."
Je coupe la conversation aussitôt pour éviter d'éventuels commentaires et soupire. Par la fenêtre je peux voir qu'il fait grand jour, ce qui veut dire que je ne peux pas ouvrir la fenêtre pour aérer. Galère. Saleté de devoirs de maths, saleté de mec blessé et saleté de cheffe qui ramène des gens qui sentent super bon et qu'on a pas le droit d'y goûter! Je suis à la cuisine, en train de boire un grand verre de sang quand j'entends Irina m'appeler.
Des draps propres hein? Je prends soin de respirer par la bouche, mais mes yeux ne trompent pas. Même si le sang à séché, C'est vraiment du gâchis l'avoir laissé sécher comme ça!, ça reste une odeur forte et qui persiste, me donnant une sensation de faim qui teinte mes pupilles. J'aurais peut-être du montrer mes yeux un peu mieux à l'examinateur pour qu'il comprenne que j'avais des circonstances atténuantes... J'hoche la tête et repart. Je reviens quelques minutes plus tard avec une sucette dans le bec, des draps propres, une alèse... Ainsi qu'une bassine d'eau, un pain de savon et une chemise d’hôpital. J'ai du fouiller un peu pour la trouver celle là. Une chemise de tissus avec sur la poitrine un nounours dans un lit médicalisé et un docteur lapin brodés. Et mon nom. En soit il faudrait carrément changer le matelas... Mais bon, faute d'en avoir un... Je fais le lit, soyons francs sans beaucoup de délicatesse. On m'embaucherait pas dans un hôtel avec les draps mis comme ça à la va vite et l'oreiller qui sort à moitié de la taie (l'oreiller aussi est à changer d'ailleurs... Pas sur qu'on le rattrape.) C'est bon, j'peux repartir? Ah. Non.
"Y a du bouillon dans le chauffe bibi. Ch'ai chuste lanché."
Oui, bon, d'habitude on y met des bouteilles de sang, là j'ai préféré y mettre une bouteille pleine du bouillon qui me restait. C'est meilleur le sang... Tu crois que si je demande poliment...?Non. En plus elle a dit que c'était plus un humain. Mais il sent pas comme Alcide! Il sent juste le sang humain plus frais! Je mordille le bâton de ma sucette avant d'hocher la tête. J'évite cependant le regard du blessé, sachant bien que mes pupilles, si elles ne sont pas écarlates, sont quand même loin de leur lueur noisette habituelle.
Irina partie, je pose ma bassine d'eau sur la table de chevet, et regarde l'homme. Toujours pas dans les yeux et au passage, je note que sa jambe est bizarre.
"Vous voulez boire, ou que che vous aide à vous décrasser? Quand Irina reviendra ch'pourrais aller vous chercher du bouillon, mais che vous laiche pas seul."
Ca, c'était du bon sens. Il était blessé, transpirant, fiévreux... J'allais pas le laisser seul. Et si je le quitte des yeux pour aller lui remplir un verre, ça dure moins de 5 secondes avant que je ne revienne. Comme l'ont souvent fait mes mères ou moi je lui laisse prendre le verre mais accompagne son mouvement. Il sent boooooooon!Ca a surtout l'air douloureux tout ça... Très. Assez pour que sitôt le verre bu ou repoussé, je m'écarte précipitemment, respirant doucement par la bouche, pour reprendre un semblant de calme. Avant de fouiller le frigo de la chambre. C'est pas la mienne. Mais dans tous les frigos des chambres j'ai mis des sucettes. C'est pas comme si ça se périmait, et là moi la mienne je viens de la pulvériser... Non... Le frigo est vide... Tout va bien, tu peux le faire.Mais il sent bon!On a dit qu'il fallait pas le mordre!Inspire... Non, pas par le nez! Trop tard. Je n'ai pas conscience de m'être rapprochée du blessé. Il a une vieille trace de sang sur la poitrine, sous un des bandages. Un pansement teinté de sang, lui aussi. Je suis hésitante, mes yeux incarnat fixés sur cette tâche brune, ferreuse qui bouge quand il respire. Et sur laquelle je passe un coup de langue. et une grimace.
"T'es même pas bon..."
Oui, j'ai le ton geignard d'une enfant. Mais au moins le gout du sang séché et de transpiration, crasse, bref "pas bon" à eu le mérite de me faire regagner en contrôle... Et de rougir fortement...
La brève agitation du réveil passée, Edson se rendit compte d'à quel point il se sentait faible. Irina se répandit en excuses mais il lui répondit doucement, se rendant compte que parler l'épuisait.
- Vous n'avez à être désolée de rien Irina. Vous n'avez pas lâché cette folle furieuse sur moi. Et sans vous je serais très certainement mort.
La vampire répondit à sa question et Edson eut l'impression de se prendre un train en pleine face. Six jours ?! Il en avait le tournis. S'il comptait bien, on était donc le vendredi de la semaine suivante. Il eût une pensée paniquée à l'idée de tous ces rendez-vous professionnels pris auxquels il n'avait pas pu se présenter. Il venait sans doute de se constituer une sale réputation et l'image de sa boîte en serait ternie. Son téléphone devait être blindé d'appels en absence de clients et de ses employeurs. Il pria le ciel pour ne pas être viré. Son cerveau fusait mais fut stoppé net quand il entendit le mot "changé".
Changé.
Il avait instinctivement compris ce qu'il en était quand il s'était retrouvé à ramper pour appeler Irina à l'aide. Mais six jours d'un état quasi-comateux avaient occulté la chose. Sa gorge se noua, il eut l'impression que son coeur plongeait dans sa poitrine. Le jeune homme accusa le coup. Il comprenait désormais d'où venaient tous ces sons, toutes ces odeurs qui se bousculaient dans sa tête et que son cerveau ne parvenait à gérer, trier, identifier. L'autre tarée avait fait de lui un lycan. Même pas par dessin ou envie sadique, par simple négligence : elle l'avait mâchouillé comme un jouet qui fait "pouic-pouic" et avait arrêté de jouer avec lui quand elle avait trouvé plus intéressant à faire. Edson sentit la colère monter en lui et il commença à se crisper, mais la douleur le calma rapidement. Il n'était pas en état de s'emporter.
Il n'était d'ailleurs pas en état de faire grand chose. Il voulut répondre à Irina que son corps était faible, amoindri. Ses membres ne réagissaient que faiblement et péniblement aux injonctions que son cerveau leur dictait. Son torse faisait plus que le gêner, il le lançait et sa jambe irradiait encore d'une douleur aigüe. Des parties blessées par la louve, seules ses hanches semblaient s'être remises. Mais Ed' comprit à quel point il était encore mal en point et pourquoi la vampire n'avait pas pensé qu'il survivrait. Pour couronner le tout, il se sentait encore fiévreux, mourrait de soif et de faim. Mais, trop épuisé, il ne dit rien de cela à sa sauveuse.
Le jeune homme regarda la vampire se lever et s'étirer longuement avant d'ouvrir les rideaux. L'espace d'une seconde il pensa qu'elle se suicidait sous ses yeux, mais le soleil inonda les murs blancs de la pièce et elle était intacte. Il ne savait pas par quel miracle, mais il n'avait pas la force d'y accorder sa réflexion. A la lumière, il put constater qu'elle était entièrement recouverte de sang désormais coagulé. Son sang. Il se demanda si elle l'avait veillé pendant les six jours, si elle s'était au moins accordé du repos. Il en douta en la voyant au grand jour.
- Bon, je vais commencer par changer vos draps et après j'irai prendre une douche, si vous le permettez.
Il hocha silencieusement de la tête, de toute façons il n'avait rien à permettre, mais il savait que ce genre de tournures de phrases faisaient partie du bagage de la vampire qu'il estimait pluri-centenaire. Ed' tenta de se déplacer hors du lit mais la douleur l'en rendait incapable. C'est alors qu'Irina le souleva comme s'il ne pesait rien, et le porta comme l'on portait une mariée. C'était un peu humiliant d'être tenu ainsi en tant qu'homme adulte, mais Edson se dit que le moment n'était pas à l'ego macho mal placé. La vampire appela quelqu'un pour changer les draps et entra alors une jeune femme, qui ne semblait pas encore tout à fait sortie de l'adolescence. Elle avait l'air d'être d'origine polynésienne et avait de magnifiques cheveux noirs. Cette dernière s'occupa de refaire le lit à la va-vite, visiblement pressée de partir mais Irina avait d'autres projets pour elle et la briefa en dehors de la chambre, le jeune homme entendit tout.
Il fût choqué de comprendre qu'elle était une vampire, si jeune ? Il fallait certes se montrer prudent dans les estimations d'âge des vampires, mais cette fois-ci son comportement semblait corroborer avec son physique. Elle ne devait même pas être majeure... Quel genre de monstre pouvait infliger ça à une gosse ?! Il fut interrompu dans ses pensées par Irina qui lui signifia une courte absence. Il hocha une fois de plus de la tête.
La dénommée Alyssa s'approcha du lit et posa sur la table de chevet une bassine d'eau chaude ainsi qu'un savon avant de lui demander par quoi il préférait commencer, la toilette ou un verre d'eau. Elle n'avait pas l'air très à l'aise en sa compagnie, fuyant son regard. Ed' n'insista pas, son but n'était pas de tourmenter une ado.
- De l'eau s'il-vous-plaît.
Il avait la gorge terriblement sèche. Edson grimaça en tendant le bras vers le verre qu'elle lui apportait et la vampirette accompagna son geste, voyant qu'il n'était pas très assuré. Il but l'eau d'une traite et se sentit revivre.
- Merci.
Le jeune homme se renfonça alors dans son oreiller pour fermer les yeux quelques secondes. Quand il les rouvrit, la petite était sur lui, arborant un regard rouge qu'il commençait à connaître. Avant qu'il ne puisse réagir elle lécha le bandage de son torse, qui avait été imbibé de sang mais était sec désormais. Elle recula aussitôt, grimaçant et lui lâchant un "T'es même pas bon..." sur un ton déroutant. Puis elle recula en rougissant.
Edson resta silencieux une fraction de seconde, puis il commença à rire. D'abord nerveusement, de soulagement, puis de bon coeur. Elle avait peut-être raison après tout. Comment expliquer autrement qu'un vampire et une lycane l'ayant tour à tour eu à leur merci aient décidé de ne pas le bouffer ? Peut-être qu'il sentait trop l'alcool pour eux.
Il s'arrêta de rire quand les blessures de son torse commencèrent à le faire souffrir à nouveau. Il considéra Alyssa une seconde, se rappelant de ce qu'Irina lui avait dit à propos de son institution. La gamine devait sans doute apprendre à se passer de sang humain et ça avait l'air extrêmement difficile. Ed' se rendit compte qu'en dehors d'eux trois, il n'y avait personne d'autre dans la bâtisse. Irina lui avait pourtant parlé de jeunes et d'autres vampires. Il comprit qu'ils avaient sans doute bougé pour échapper à l'odeur entêtante de son sang qui avait envahi les murs. Irina elle même en avait été couverte, il se dit qu'elle avait fait preuve d'une maîtrise et d'une volonté hors du commun. Il regarda Alyssa avec gentillesse et lui dit doucement :
- C'est vraiment dur, hein ? Je suis sincèrement désolé pour ce que je vous fais endurer à tous...
Edson n'était pas vraiment très bavard mais Irina ne pouvait pas l'en blâmer. Il venait de passer 6 longues journées sur ce lit à tenter de se remettre d'une violente agression...et surtout, permettre à son corps d'accepter sa nouvelle condition. Elle avait tenté de le faire boire à plusieurs reprises histoire qu'il ne se déshydrate pas, mais il n'était pas capable de plus.
Maintenant, elle ne désirait plus que prendre soin d'elle-même, tout en espérant que ça irait avec Alyssa. C'était risqué de confier une telle tâche à une adolescente mais elle lui faisait confiante. L'enfant était motivée à réussir dans cette voie imposée par un monstre, bien plus que d'autres vampires pourtant plus âgés...qui eux auraient surement croqués sans trop d'hésitation.
Après une bonne douche, elle était allée se nourrir. Son âge lui permettait de moins boire mais tout de même, 6 jours avec uniquement des sucettes, c'était long. Bref, elle finissait tranquillement sa troisième bouteille lorsqu'elle avisa le bouillon qui avait fini de chauffer dans le chauffe-biberon. Cette petite était vraiment intelligente et avait de très bonnes qualités. A une époque, on aurait dit d'elle qu'elle était bonne à marier...Désormais, Irina la qualifiait d'apte à vivre en société.
Elle saisit la nourriture humaine et soupira en l'observant. Parfois, elle regrettait de ne pouvoir en manger. Elle secoua la tête, vérifiant dans une fenêtre que son visage avait repris une allure normale. Crocs disparu, yeux rouge également...Parfait ! Elle remonta à l'étage et entendit alors un rire en provenance de la chambre du blessé. Elle toqua pour signaler sa présence et ouvrit alors la porte.
- Allons bon, votre charme ravageur fait déjà effet ? Séduire une adolescente dans votre état, quelle idée !
Irina blaguait, ça se voyait à son regard légèrement pétillant et un sourire bien visible.
- Je suis contente de constater que vous allez mieux de minutes en minutes ! J'espère que vous pourrez vite être de nouveau sur pieds, néanmoins...Nous avons beaucoup à parler. Je veux que vous le sachiez, je ne vous laisserai pas partir d'ici tant que je ne suis pas sure de votre...contrôle. Et surtout, tant que la première transformation n'aura pas lieu.
Par mesure de sécurité. Aussi bien pour les autres humains que pour lui-même.
- Alyssa ? Tout s'est bien passé pendant mon absence ? Pouvez-vous m'aider avec ce bouillon ? Il a bien besoin de manger et...après, je vous aiderai à vous redresser, du moins si vous pensez en avoir la force.
Elle donna la bouteille chaude à l'adolescente alors qu'Irina réfléchissait à la situation. - Profitons-en, vous devez avoir des questions, Edson, n'est-ce pas ? Je ne suis pas une...experte de la race lycane mais je vous aiderai au mieux. Ah, si vous ressentez beaucoup de colère ou de rage en ce moment, c'est normal. Pas seulement à cause de ce qui vous est arrivé mais...les lycans ont tendance à ressentir ce genre d'émotions de manière plus...puissante. Alors si c'est le cas, prévenez-moi, d'accord ?
Elle lui adressa un doux sourire. Elle se montrait compatissante mais en vérité, elle était plutôt perdue. Un jeune vampire, elle aurait su gérer car c'était sa propre espèce, elle était passée par là...Mais un jeune lycan, un louveteau...Qu'était-elle sensée en faire ? Edson comprenait-il ce qui lui arrivait et ce qui allait lui arriver à l'avenir ? Dans quoi s'était-elle lancée en allant le sauver ? Mais elle ne pouvait pas décemment le laisser mourir sur place, elle n'était plus comme ça. Alors oui, elle allait l'aider autant que possible mais l'idéal serait de trouver un lycan plus âgé qui accepterait cette charge...tout en étant pas de cette meute violente qui guerroyait contre les humains. Au fond, Irina ne voyait pas beaucoup de solutions à cette situation...A part l'enfermer au sous-sol quand il serait l'heure.
Je me sens particulièrement mortifiée. Et encore plus quand il commence à rire. Y a pas un trou de souris ou je peux me planquer ? Évidemment non... C'est pas juste ça sent encore tout bon partout en plus ! Est-ce que c'est dur ? Est-ce qu'il est aveugle ? Ou il sait pas que les yeux rouges, chez un vampire, trahissent des difficultés de contrôle, comme dirait Kaia. Je respire doucement après un grognement encore un peu enfantin.
"J'espère que j'ai pas raté mon contrôle !"
Je ne dit pas "a cause de toi." J'essaie de ne pas lui faire peser sur la tête un truc auquel il ne peut rien. Le retour d'Irina et son commentaire moqueur amplifient la rougeur de mes joues. Mais c'est un vieux ! Elle parle à Edson et je me demande si je peux en profiter pour m'éclipser et prendre une sucette. Oh oui, ce sera meilleur que ce mec ! Elle lui parle de contrôle. De transformation. Est ce qu'avant d'être une vampire, d'avoir un cœur au ralenti et une température glacée, j'avais moi aussi autant de fièvre ? Mais il goûte pas comme Lucio ou Irina.. M'occuper de lui faire boire le bouillon. Non mais à quel moment j'ai été promue infirmière, moi ? Finalement Irina me demande si tout c'est bien passé... Et je réponds, avec une voix qui ressemble à nouveau à celle d'une adolescente et le choc de ce que j'ai fait...
"J'la déteste... J'ai... Leché un vieux de 30 ans !"
Oui, je suis en état de choc. C'est que 30 ans ça commence à faire vieux. Et en plus il était même pas bon ! Ta gueule! Je déteste cette partie de moi, primitive, qui n'arrête pas de vouloir du sang, comme une gosse réclame des bonbons... Je m'éclipse vers ma chambre, chercher un bol nesquick et une cuillère... Et des sucettes ! J'en fourre une dans mon bec Du sang ! , en machonnant le baton et une seconde dans la poche de ma jupe, bien emballée dans son papier ciré.
Pendant ce temps ils sont passé à autre chose. Lycan ? Alors c'est ça qu'il est ? Mais alors pourquoi il est là ? Je verse le bouillon dans le bol, et je m'assied sur le lit pour aider l'homme comme Mama ou Maman ont souvent pu le faire pour moi. J'hésite un peu avant de lui tendre la cuillère. Je lui tiens le bol sous le menton de manière à ce qu'il évite de se brûler. Bon, la soupe est à 37°, ca va. Comme du lait pour bébé ou du sang tout chaud ! Ta gueule et concentre toi sur ta sucette. La même sucette que je fais rouler avec ma langue d'un côté a l'autre de mes dents, avant de la caler contre ma joue pour parler sans être trop gênée.
"Faudrait peut-être appeler le docteur Rosenbach ou Kaia ? C'est des loups garou eux aussi. Mais Kaia est pas la plus patiente du monde... "
C'est même un euphémisme. Kaia n'aime pas attendre, Kaia à oublié ce que c'est de débuter et d'être faible et malhabile. En témoignent de longues et difficiles leçons sur le fonctionnement d'un téléphone...
"J'sais juste qu'elle dit qu'un loup garou bien nourri est plus dur à perdre le contrôle. Si la soupe passe sans nausées, j'te ferai des pâtes avec du jambon de la ferme. Mais pas trop non plus sinon tu seras malade, il vaut mieux manger petit à petit."
Je parle d' experience. Après une semaine sans manger son estomac (et le reste) doivent tourner un peu au ralenti...
La gosse affichait une expression qui oscillait entre le dégoût du sang qu'elle venait de lécher (et probablement aussi de son odeur, Ed' se sentait lui-même et devait avouer qu'on n'était pas sur un registre floral et printanier) et la honte de ce qu'elle venait de faire. Elle maugréa à propos d'un contrôle raté, mais il ne comprit pas ce à quoi elle faisait référence. Il ne chercha pas plus loin, mais cela n'empêcha pas Irina d'en remettre une couche en revenant dans la chambre, les joues de la petite s'empourprèrent d'avantage. Il avait l'impression d'être dans un vaudeville loufoque.
La suite fût moins plaisante, Irina lui annonçant qu'elle mettait un point d'honneur à ce qu'il reste parmi eux jusqu'à sa première transformation. Donc prochaine pleine lune ? Il ne pouvait pas se permettre de passer encore trois semaines sans rien faire, il fallait qu'il retourne au travail ! Il se doutait cependant qu'il ne serait pas facile de partir sans l'accord de la vampire, vu la facilité avec laquelle elle l'avait soulevé juste avant. Et ce ne serait ni responsable, il ignorait tout de sa nouvelle nature, ni respectueux envers Irina.
Il décida de ne rien dire quant au léchage de bandage lorsqu'elle demanda à Alyssa si tout s'était bien passé, il ne voulait pas la mettre dans l'embarras, mais cette dernière n'en avait visiblement rien à faire. Ou en tous cas, ça la gênait moins que la perspective d'avoir posé sa langue sur "un vieux de trente ans". Un vieux de trente ans... celle-là faisait mal. Elle s'absenta le temps de chercher de quoi lui donner du bouillon (bouillon qui sentait délicieusement bon, même la bouteille fermée, Ed' commençait à saliver) et Irina commença à discuter avec lui. Elle n'avait pas l'air d'être très au point sur les lycans, mais c'était mieux que rien.
- Au risque de vous paraître très trivial Irina, mon problème principal concerne mon emploi. Je viens de louper une semaine entière de rendez-vous et vu que je ne suis pas allé à l'hôpital pour éviter d'attirer l'attention de la Fédération, je n'ai rien qui puisse me dédouaner... Je risque d'être renvoyé, et sans emploi je ne pourrai pas rester longtemps aux Etats-Unis en toute légalité.
Il était dans une véritable impasse. Il ne voulait pas cumuler le fait d'être non-pucé et d'être en situation non réglementaire par rapport à ses papiers. Mais de ce qu'il avait pu voir l'autre nuit au parc et de ce qu'Irina lui disait, les lycans semblaient tout aussi sujets à l'instabilité que les vampires récemment transformés. Ed' ne pouvait pas se permettre de rentrer chez lui, il mettrait énormément de gens en péril... Il était coincé.
Alyssa revint alors avec un bol et y versa du bouillon. Ed' en sentit les effluves et son ventre se mit à gargouiller instantanément. Elle s'assit sur le bord du lit et lui tendit une cuillère, visiblement elle comptait le nourrir elle-même. Le jeune homme lui fit comprendre qu'il pourrait se débrouiller seul et saisit précautionneusement le bol ainsi que la cuillère, qu'il porta à sa bouche. Le bouillon était gras, riche, savoureux, lui remplissait le ventre et le réchauffait. Une véritable bénédiction.
Ed' leva cependant la tête de son bol déjà presque vide quand il entendit la jeune vampire évoquer un docteur Rosenbach et une dénommée Kaia, lycans tous deux. Alyssa mentionna le peu de patience de cette dernière, aussi tira-t-il immédiatement sur elle. Mais le docteur lui inspirait plus confiance, sans doutre à cause de son titre. Peut-être serait-il plus à même d'instruire Edson sur sa nouvelle condition, et même de lui établir un certificat médical justifiant de son incapacité à travailler sans en donner la véritable raison. Ce qui lui donna un peu d'espoir. Il s'adressa à "ses deux infirmières" :
- Serait-il possible de rencontrer le docteur Rosenbach ? Avez-vous un moyen de le contacter ?
Puis il se tourna vers Alyssa.
- Le bouillon était délicieux, merci beaucoup. Pourrais-je en avoir un deuxième bol ? Je meurs de faim...
En effet, si la petite s'inquiétait de sa capacité à s'alimenter sans que son corps ne réagisse mal, son organisme envoyait des signaux contraires. Il avait l'impression que la nourriture lui faisait un bien fou, il se sentait dans un meilleur état qu'à son réveil.
- Irina, si cela vous semble raisonnable, j'aimerais voir où en sont mes plaies et éventuellement prendre une douche... Je pense que vous pouvez me sentir comme je peux me sentir, et une bonne douche me ferait le plus grand bien.
Face à Alyssa rouge comme tomate et Edson toujours au fond du lit, Irina choisissait de détourner l'attention, de parler d'autre chose comme s'il s'était passé quelque chose d'étrange. Et d'ailleurs l'adolescente lâcha la bombe, comme ça, directement. Surprise, Irina se figea, cligna des yeux puis les regarda tour à tour. Elle finit par soupirer.
- Désolée, Alyssa, j'aurais du m'en douter...Mais si tu n'as fais que lécher, ça irait. Aussi gênant soit ton geste, tu n'as pas bu beaucoup de sang qui en plus était encore humain, donc tu peux te rassurer, rien de grave. Et au final, j'en suis la seule fautive, je n'aurais pas du te laisser seule avec lui.
Et voila, comment traumatiser une jeune vampire en sevrage et surtout, en apprentissage, en quelques secondes... Elle l'observa puis Edson attira son attention à propos de son travail. Ah oui. Autre problème.
- Alyssa, allez donc vous rincer la bouche, ça vous fera du bien. Edson, donnez moi le numéro de votre patron, je m'occupe de tout et je saurais vous trouver une excellente excuse.
Ou user de l'hypnose...mais cela, elle ne l'avouerait pas à haute voix. En tout cas, il ne perdrait pas son emploi, c'était hors de question. Finalement, l'adolescente revint avec un bol contenant le bouillon et une cuillère, puis entreprit de s'assurer qu'il mange. Elle s'en sortait très bien, une preuve supplémentaire de sa maladie passée...ça se voyait, elle savait s'occuper d'un malade. Elle laissa le louveteau finir son premier repas depuis six jours pendant qu'elle s'occupait d'éliminer toutes les traces de sang restant dans cette chambre...Au final, il ne restait que Edson lui-même.
Jusqu'à ce qu'Alyssa parle de deux lycans...et pas n'importe lesquels. Elle haussa un sourcil, intriguée.
- Eh bien, mademoiselle, vous connaissez du bon monde dans cette ville, à se demander si le bal vous sera vraiment profitable au final.
C'était un compliment et avec le sourire qui allait avec. Après tout, connaître les deux Alpha dont suffisamment la femelle pour l'appeler par son prénom, c'était étonnant. Edson reprit la parole, réclamant alors le médecin.
- Il serait en effet préférable de contacter le docteur Rosenbach, de plus, étant Alpha d'une meute pacifiste, il serait plus avisé pour s'occuper de vos premiers pas dans ce nouveau monde. Je vais voir pour essayer de le joindre et je le ferais venir au plus vite. En attendant, reprenez des forces, la pleine lune n'est pas pour tout de suite !
Elle adressa un sourire réconfortant au jeune homme surtout en l'entendant réclamer plus de nourriture. Ah ces lycans !
- Eh bien, je constate que vous allez vraiment de mieux en mieux. Mais il va falloir vous y habituer, il parait que les lycans ont constamment une faim de...loups !
Oui, elle venait de faire une blague. Mais bon, elle revint vite à l'instant présent au moment où Edson réclama de voir ses plaies et de prendre une douche. Elle s'approcha de lui et baissa le drap jusqu'à son caleçon après l'avoir prévenu. Elle passa délicatement ses doigts sur les bandages avant de dégager la cuisse. - Mmh. Ce sera l'occasion de changer les bandages et ainsi, ne plus indisposé nos trois nez sensibles ! Alyssa, pouvez-vous lui préparer un repas supplémentaire le temps qu'il prenne sa douche ? Oh et si vous trouvez des vêtements masculins à sa taille, surtout un sous-vêtement...Edson, je vais vous aider.
Elle s'approcha d'un peu plus près, passa doucement ses mains sous le corps du jeune homme puis le souleva. Tout en le gardant contre elle, elle se dirigea vers la salle de bain, demandant à l'adolescente de placer une chaise dans la douche. Elle installa ensuite l'homme dessus, s'assurant qu'il n'avait pas trop mal. Elle le maintenant d'une main, se déchaussant rapidement pour entrer pleinement dans la douche. Elle récupéra de sa main libre le pommeau et l'alluma mais d'un jet très faible.
- Pensez-vous réussir à le tenir et ainsi vous mouillez ? J'aimerais en profiter pour retirer les bandages...
Elle attendit patiemment de voir s'il y arriverait, sinon elle trouverait une solution pour le caler sous son bras ou par terre, le temps d'en finir avec les bandages...même si les humidifier aidait à les décoller. Après tout, le sang séché ce n'était vraiment pas pratique. En position du chevalier servant pour maintenir la jambe blessée bien droite, elle fit de son mieux pour défaire les pansements sans lui arracher de peau ou de potentielles croutes. Une fois le torse à l'air libre, elle passa ensuite à la cuisse et grimaça. Voila qui serait surement le plus long à guérir.
- Comment vous sentez-vous ? N'hésitez pas à le dire franchement, je suis là pour vous aider.
Et se tremper accessoirement mais ce n'était pas important. L'essentiel était qu'il puisse se laver sans trop souffrir.
Je m'attendais à une engueulade, à un éclat de rire, pas à de l'inquiétude. Je hausse les épaules, encore rouge. Et je profite d'aller chercher le bol pour me rincer la bouche. Par chance, le blessé se débrouille à peu près seul. Et semble apprécier mon bouillon. Et on s'étonne que j'aime cuisiner? Par contre, j'ai pas bien compris en quoi je connais du "beau monde". A moins qu'elle ne parle de Kaia? C'est vrai que ça étonne pas mal de monde que je la connaisse, moi la jeune vampire effarouchée. Par contre, je savais pas que le docteur était aussi chef de meute? Je sais qu'il est de la meute mahiingan (ça je me souviens d'Evelyn me reprenant), mais j'en savais pas plus. Ou alors j'ai pas fait attention.
Mon attention est déviée par mon patient me réclamant un autre bol de bouillon et le complimentant, ce qui me tire un sourire fier. Oui, bon, je sais que sans l'aide de Tina et de Mike (laquelle c'est résumée à "tu devrais mettre un peu plus d’échalotes!"), j'aurais pas fait toute seule, mais bon. Prends les compliments quand ils viennent! Et mon sourire s'élargit devant la blague, certes nulle, d'Irina. Prendre un douche et changer les bandages. Bonne idée, tiens, et faudrait aérer aussi pour virer l'odeur de sang. Surtout qu'elle est menteuse! Ca sent bon et ça l'est pas! Préparer un repas... Il faudrait que je vois ce qu'on a dans la cuisine... Et trouver des vêtements... Dont un caleçon?!
"Vous aimez pas les nounours?"
En parlant je brandis la blouse, ce qui me permet de cacher Irina découvrant le mec, de me cacher un poil derrière, et si le ton est moqueur, elle me permet de cacher un brin de gêne. Je pose la chaise dans la douche, à la demande d'Irina et file en vitesse en dégainant mon téléphone. Premièrement, le docteur. Je ne l'appelle pas. Il est peut-être de garde, pire de repos de garde, et l'importance est moindre, alors je me contente d'un SMS.
Bonjour Dr. On a un loup tt juste mordu à la ferme. Il est réveillé, mais encore blessé. Pouvez appeler ma cheffe qd dispo? Merci. Alyssa Snow
Bon, ensuite, la bouffe. Une fouille dans le frigo, et je sors des coquillettes d'un placard. J'hésite à combien en mettre, avant de me dire que de toutes façons, s'il mange pas tout, on pourra les garder pour plus tard. Donc autant en faire 2portions. Je lance la cuisson, envoie un SMS à Evelyn. Je me dit qu'elle répondra plus vite que Kaia. Puis je cherche encore un peu dans les placard et fini par sortir une belle tranche de jambon, que je découpe en petits bouts, et une tranche de terrine de foies de lapins, a qui je fais subir le même sort. Beaucoup de protéines et peu de légumes, tout ça, mais je crois me souvenir que les lycans ont besoin surtout de viande pour récupérer. Enfin, j'appelle Mike, qui ne m'accueille pas très bien, puisque je le sors du lit. Et qui se fout de ma gueule quand je lui demande, super gênée, pour des vêtements à lui... Quand je remonte il s'est écoulé un bon moment, mine de rien. Et je suis chargée: un T-shirt et un caleçon appartenant à Mike, un plateau avec l'assiette de pâtes et de jambon, sans fromage par contre, juste un peu de bouillon pour humidifier les pates, et une plus petite avec la terrine. Des couverts, même si j'ai tout coupé pour rendre plus facile à manger, une compote de pomme et un verre de jus du même fruit pour Edson.
"J'ai tout je crois. J'ai envoyé un SMS au docteur, mais je préfère pas l'appeler, s'il est de garde."
Et d'installer mon plateau sur la table de chevet, et d'aller, yeux fermés, tendre les vêtement aux deux adultes dans la salle de bain. Pourquoi les yeux fermés?! A votre avis?
Au soulagement d'Edson, la petite ne se fit pas réprimander pour sa légère incartade au régime végétarien. Irina fit preuve de compassion, ce qui augmenta encore plus tout le bien qu'Ed pouvait penser de cette femme. Il ne put s'empêcher de se dire que l'impulsivité dont Alyssa avait fait preuve semblait être la marque de fabrique de la majorité des surnaturels qu'il avait croisés, vampires ou lycans, et se demanda si lui aussi allait devenir (ou était déjà devenu) une bombe à retardement vivante. Cette perspective le terrifiait et il se jura de tout faire pour ne jamais perdre le contrôle. Il ne se rendait pas compte d'à quel point il se montrait naïf.
Pour ajouter à son inquiétude, la matriarche prenait un trop peu la situation professionnelle d'Edson à la légère au goût de ce dernier. Pas d'ingratitude ici, il était infiniment reconnaissant envers Irina et envers Alyssa, mais il ne comprenait pas trop comment un simple coup de fil allait le tirer proprement du tas de boue dans lequel il s'était enfoncé. Il tenta d'en savoir un peu quant aux intentions d'Irina, avec diplomatie.
- Ne prenez pas cela comme un manque de confiance en vous, je suis sincèrement reconnaissant de tout ce que vous faites pour moi. Mais pouvez-vous illuminer ma lanterne sur votre plan ? Même si mon entreprise n'est pas énorme, j'ai trois responsables hiérarchiques entre le grand patron et moi, et il serait judicieux de contacter les ressources humaines également. Un certificat médical ou un document officiel serait l'idéal...
Il s'inquiétait sans doute pour rien, Irina était loin d'être née de la dernière pluie et pouvait assurément gérer un tel problème aisément, mais sa carrière était quasiment tout pour Edson. Elle lui avait permis de s'extirper de son milieu d'origine et de mener une vie telle qu'il l'avait désirée. Il ne pouvait se résoudre à voir tout ça disparaître sous ses yeux, ce qui le menait à une nervosité qu'il tentait tant bien que mal de réprimer. Sa faim prit le dessus lorsqu'il eût le bol de bouillon entre les mains et il se força à se maîtriser et à ne pas gober le tout trop rapidement, il ne voulait pas passer pour un porc. Il n'en laissait pas moins traîner une oreille dans la conversation et entendit Irina confirmer son choix. En plus d'être médecin, le docteur Rosenbach semblait être à la tête d'un groupe paisible et jouir d'une aura d'homme respecté. Parfait, tout pour ne pas devenir comme la tarée qui l'avait attaqué ce soir-là.
Lorsqu'il demanda un deuxième bol de bouillon, Irina se fendit d'une blague qui fit sourire la gosse et Ed' se força à faire de même mais il ne parvint qu'à soulever légèrement l'un des coins de sa bouche. La blague était certes nulle mais il y aurait ri d'habitude. Là, il se demandait surtout à quel point il avait déjà changé. Etait-il déjà un lycan à part entière ? Cet estomac sans fonds était-il une indication supplémentaire de ce qu'il était désormais ? Il avait beau avoir compris et assimilé tout ce qu'il s'était passé, il ne se sentait pas lycan pour un sou. Ou peut-être ne le voulait-il pas ?
Irina accéda à ses requêtes et retira le drap qui le couvrait avant de le soulever une fois de plus comme si'l était un nouveau né. Ed' n'aurait su dire qui était le plus gêné, entre lui qui se faisait promener comme un nourrisson ou Alyssa qui redoublait d'ingéniosité pour voir le moins de peau découverte de ce dernier. Ce qui ne faisait que rajouter à l'embarras du jeune homme. Il aurait bien enfilé la blouse nounours pour un peu plus de protection. Heureusement la petite fila en vitesse vers la cuisine une fois qu'elle eût installé une chaise dans la douche. Chaise sur laquelle Irina installa le jeune loup le plus délicatement possible avant d'ôter ses chaussures et de le joindre, habillée. Il fût reconnaissant de ce dernier détail, un caleçon mouillé n'aurait pas pu camoufler sa réaction face à une Irina dénudée.
Edson saisit le pommeau de douche que la vampire lui tendait et commença à se doucher. Il fit couler l'eau sur son crâne, rinçant ses cheveux et décrassant son visage. Le ruissellement commença doucement à imbiber les bandages, facilitant la tâche d'Irina. Le pansement qu'il portait au torse ne résista pas longtemps à son soulagement. Il écarta un moment le pommeau, le temps de baisser la tête et de tenter de constater l'étendue des dégâts. Ce qu'il vit semblait rassurant d'un point de vue médical, la cicatrisation étant en bonne voie, mais ne l'enchanta absolument pas. Quatre longues balafres croisaient quatre autres longues balafres, formant un "X" sur son torse. La bête l'avait marqué à vie. Ed' sentit de la rage monter en lui, assez pour oublier d'arroser comme il fallait le pansement de sa cuisse et quand Irina tenta de le retirer, la douleur fût atroce.
Sa rage se décupla et il sentit grandir en lui l'impétueuse envie d'attraper la tête d'Irina pour l'exploser contre un mur. Il se calma instantanément, effrayé de se rendre compte à quel point cette pensée et cette colère n'étaient pas naturelles chez lui. Cela tempéra assez ses ardeurs pour qu'il parvienne à diriger le jet vers sa cuisse blessée, sa main libre empoignant le bord de la chaise en bois. Ce deuxième bandage ne constitua pas une partie de plaisir et si le grognement de douleur qu'il émit quand Irina l'ôta petit à petit était du registre de l'humain, il ne se rendit pas compte que ses ongles s'étaient aisément enfoncés dans le bois ni que ses yeux avaient brièvement changé de couleur. A nouveau, il ne put que constater l'étendue des dégâts. Sa cuisse semblait droite, peut-être que l'os se ressoudait correctement, aucun moyen de le savoir de prime abord. En revanche, les crocs de la louve avaient labouré sa chair comme un motoculteur. Sa cuisse était parcourue de lacérations oblongues qui étaient profondes et bien loin d'avoir cicatrisé. Il ne savait pas trop quoi répondre à la vampire.
- Honnêtement j'ai l'impression d'avoir été percuté par un trente-six tonnes...
Il aurait voulu lui dire sa détresse, la crainte qu'il avait de ce qu'il était devenu, la haine qu'il ressentait à l'égard de la louve blanche et son envie rageuse de se venger, mais il n'en fît rien. Irina n'approuverait sans doute pas ces bas instincts et se plaindre alors qu'il venait de rencontrer une ado mordue trop tôt était indécent. Ed' tenta plutôt de détourner pitoyablement la conversation le temps qu'ils parviennent à le laver tout en ménageant ses plaies.
- Je n'aurais jamais imaginé devoir passer par tout ça pour pouvoir me retrouver en caleçon devant vous...
Blague d'une nullité absolue et le tout n'alla pas en s'arrangeant car le moment où il devait laver ses parties les plus intimes arriva. Irina se redressa et l'aida à se lever de sa chaise tout en faisant attention à sa jambe. La vampire lui tourna le dos et Ed' se débarrassa maladroitement de son caleçon avant de se laver tout en se tenant d'une main à l'épaule gauche d'Irina. Il se rinça et son infirmière lui passa un drap de bain qu'elle avait saisi à l'extérieur de la douche. Le jeune homme enroula rapidement sa taille avec et se fit porter jusqu'à une autre chaise dans la salle de bains avant de commencer à se sécher avec l'aide de la vampire, tamponnant précautionneusement ses plaies. Ils avaient terminé et Irina lui reposait des bandages propres quand Alyssa leur indiqua que tout était prêt et le docteur prévenu. Elle avait même trouvé un caleçon et un t-shirt à la taille d'Ed, lui évitant de se promener les fesses à l'air avec la blouse nounours. La vampire se détourna à nouveau le temps qu'il mette le caleçon puis l'aida à enfiler le haut.
Ed' demanda à Irina s'il pouvait tenter de marcher jusqu'à la chambre ce coup-ci, en s'appuyant sur elle. Une victoire, si petite soit-elle, ne lui ferait pas de mal aujourd'hui. La douche l'avait un peu revigoré, il avança sur les premiers mètres sans trop de difficulté. Mais elle avait aussi réveillé son corps perclus de douleur, de fatigue et de contusions. Il s'arrêta rapidement, trop rapidement à son goût. Les grandes balades à l'air libre n'étaient pas à l'ordre des prochains jours, il fallait se rendre à l'évidence. Irina le souleva avant de le déposer sur son lit, à côté duquel avait été posé un plateau plein de nourriture. Une compote et un verre de jus de pomme agrémentaient une énorme plâtrée de pâtes avec du jambon et ce qui semblait être de la terrine. Il prit le temps de remercier la jeune vampire avant d'attaquer à nouveau, plus lentement cette fois-ci, se donnant le temps de parler entre deux bouchées.
- Vous avez parlé d'un bal tout à l'heure. S'il s'agit de l'événement que vous aviez évoqué la dernière fois, sachez que j'ai commencé à travailler sur quelques cocktails. Et je ferai tout ce que je peux pour pouvoir officier derrière le bar ce soir là.
Il lui devait bien ça. Et il avait envie de remercier la gosse également, même s'il ne savait pas encore comment. La nourriture qu'elle avait préparée était un véritable régal.
- Encore merci pour ce magnifique repas Alyssa, après six jours de jeûne, j'aurais difficilement pu rêver mieux..
Et il le pensait sincèrement, les plats étaient copieux et savoureux, ça sentait le fait maison avec amour. C'est pourquoi il avait mis un point d'honneur à tout terminer, mais il se rendit compte qu'il n'avait même pas besoin de forcer pour ça. S'il n'avait jamais été timide fourchette en main, il faisait preuve là d'un appétit gargantuesque. Il posa ses couverts sur le plateau et regarda Irina.
- Je crois que le moment est venu de vous demander de me dire ce que vous savez sur les lycans, vu que j'ignore tout d'eux en dehors du fait qu'il faut se méfier des petites teignes aux cheveux blancs...
Il serra à nouveau les dents après avoir évoqué son agresseuse, la haine qu'il ressentait en repensant à elle n'augurait rien de bon en cas d'une éventuelle rencontre.
Évidemment, Edson ne semblait pas comprendre comment un appel allait régler sa situation avec son patron. Irina laissa Alyssa sortir de la chambre puis se tourna vers le jeune loup, cherchant quoi lui répondre. Elle ne pouvait pas honnêtement avouer qu'elle était prête à user de l'hypnose pour lui permettre de garder son emploi.
- Le docteur Rosenbach pourra surement vous produire ce fameux certificat médical mais je suis en capacités de vous aider aussi. Et ne vous inquiétez pas, vous garderez votre travail. Contentez-vous de me faire confiance, d'accord ?
Bon d'accord, c'était surement encore plus louche que d'être honnête mais il n'allait surement pas penser qu'elle agresserait ses patrons. Ce n'était pas son genre. Pas quand ses protégés n'étaient pas en danger. Une fois sous la douche, Irina se montrait délicate dans ses gestes mais surveillait en même temps Edson. Elle ne tenait pas à ce qu'il s'évanouisse...ce serait un peu compliqué pour le rattraper. Mais il lui sembla voir autre chose dans son regard. Bah, ce ne serait pas étonnant vu sa nouvelle race mais malgré tout, il restait assez calme dans ses gestes. Il finit d'ailleurs par répondre à sa question, ce qui la fit soupirer. - J'imagine très bien votre souffrance. Même si je n'ai jamais été mordue par un lycan, mon...créateur ne fut pas vraiment tendre avec moi.
C'était bien la première fois qu'elle faisait mention de son passé mais elle espérait ainsi le rassurer. On pouvait naitre dans la douleur mais s'en remettre pleinement ! En attendant qu'il puisse le réaliser, elle l'aidait du mieux qu'elle le pouvait dans cette situation alors que sa robe prenait lentement l'eau. Et voila qu'il faisait de l'humour ! Elle lui adressa un sourire amusé.
- Eh bien, on fait de l'humour maintenant ? Je vous ferais bien une pichenette mais j'aurais trop peur de vous faire mal. Mais dites-vous, qu'à défaut d'être à nouveau en caleçon devant moi à l'avenir, vous allez plaire encore plus désormais aux jeunes femmes. Peut-être que la prochaine fois, je vous reverrai en bonne compagnie ? Ce qui serait franchement bien mieux qu'en train de barboter dans une mare de sang.
C'était de l'humour un peu douteux mais elle cherchait à dédramatiser la situation et ce qu'il venait de vivre. Finalement, ils arrivèrent à la fin de la douche. Elle l'aida à se relever, le laissant se déshabiller entièrement tout en regardant ailleurs.
- Vous ne me posez pas beaucoup de questions sur votre situation...Je suis quelque peu inquiète, je dois bien l'avouer. N'avez-vous pas d'inquiétudes quant à votre avenir ?
C'était un peu direct mais elle espérait ainsi le détourner de sa douleur potentielle et surtout de sa nudité alors qu'elle était juste à côté. Lorsqu'il fut rincé, elle lui tendit une serviette, le laissant s'enrouler dedans. Elle le souleva avec précaution pour l'amener à l'extérieur, sur une chaise sèche. Elle entreprit de lui essuyer les zones sensibles, comme ses blessures ou le dos qu'il ne pouvait pas vraiment atteindre. Alyssa arriva alors à cet instant, avec des vêtements à sa taille.
- Merci, Alyssa, ton aide est vraiment précieuse.
A ce moment là, leur patient demanda à marcher jusqu'à la chambre. Visiblement, il n'avait pas envie d'être porté de nouveau. Elle accepta, se positionnant à ses côtés pour faire béquille, avançant lentement vers la chambre.
- Alyssa, est-ce que les draps nécessitent d'être changés à nouveau ? Ou est-ce que tout est bon ? J'aimerais qu'il y ait le moins possible l'odeur de sang...
Et on comprendra aisément pourquoi. Si elle devait le laisser seul désormais, elle ne tenait pas à ce que n'importe qui entre dans sa chambre et soit attiré par son odeur. Ils devaient comprendre rien qu'à l'odeur qu'il était un danger. Mais elle ajouterait également une affiche sur la porte, dans le style "attention, lycan en repos". Cela ne pourrait être plus claire. Ils arrivèrent enfin au lit où Edson put s'allonger à nouveau. Irina l'aida à remonter ses jambes et cala celle qui était blessée du mieux possible avant de le laisser manger. Jusqu'à ce qu'il parle du fameux bal, preuve qu'il était tout de même moins affamé s'il pouvait manger.
- Oui, c'est bien de cet événement dont il s'agit. Un endroit où tous les enfants des grandes familles pourront rencontrer des personnes influentes et se créer des relations pour l'avenir. En tant que nouveau lycan, cela pourrait finalement vous être utile aussi...mais vous serez peut-être le seul, malheureusement.
Après tout, cet événement était un peu un bal à l'ancienne avec les bonnes manières et les danses. Un endroit où la noblesse évoluait en général. Et les lycans étaient rarement invités, surtout quand un vampire organisait...car après tout, les chiens ne savaient pas se tenir en société. Voila l'adage à leur propos. Elle observa alors Edson qui engloutissait littéralement son assiette après avoir remercié la jeune cuisinière.
- Alyssa est un peu notre cuisinière en chef, un bon espoir en ce domaine. Je suis très fière de ses idées et de ses créations.
Et elle le pensait réellement. Elle adressa alors un doux sourire à l'adolescente, même si elle n'avait pas cherché à l’embarrasser, c'était sorti tout seul. Finalement, Edson posa enfin des questions sur les lycans. Elle réfléchit quelques secondes.
- Les lycans sont des êtres puissants en général, très proches de la nature. Ils ont un puissant instinct animal donc ne vous étonnez pas si vous sentez comme un animal en vous. Ils ont un odorat et une ouïe bien plus développés que la moyenne. Leur première transformation a lieu lors de la pleine lune suivant leur morsure...C'est pour cela que je souhaite vous garder ici jusque là. La première transformation est...compliqué. Vous allez avoir mal, très mal. Mais vous serez un animal puissant une fois transformé.
Elle l'observa, pour s'assurer qu'il ne prenait pas trop mal ses révélations.
- Mise à part ces quelques avantages, il y a tout de même des désavantages, comme à chaque espèce. En dehors de la souffrance à chaque transformation...Il parait qu'un lycan s'habitue au fil des années ? Enfin bref...vos émotions risquent d'être plus...fortes. Et j'ai l'impression que ce sont la colère et la rage qui prédomine. Il est important de savoir, qu'un total manque de contrôle de ses émotions peut entrainer des transformations...bien plus douloureuses car involontaires. Enfin, voila, c'est à peu près tout ce que je sais...Ah si, une dernière chose, votre sang est désormais un poison pour les vampires. Et on le sent, on sait ce que vous êtes...Personne n'ira vous mordre mais la plupart des vampires ne vous aimera pas. Les lycans ne sont que...Des chiens à leurs yeux. Autre chose extrêmement importante, l'aconit est votre poison. Méfiez-vous de cette plante.
Elle se tut alors, réfléchissant et lui laissant le temps d'assimiler tout ce qu'elle venait de dire. Elle se tourna ensuite vers Alyssa.
- Toi qui côtoie des Alphas, vois-tu autre chose à rajouter ?
L'adolescente semblait mieux connaître cette espèce ou alors elle connaissait que ces individus sans savoir les spécificités de leurs espèces. En attendant, elle avait donné les informations apprises au fil du temps...et pas toujours de manière pacifique. Elle aussi avait fait partie des dénigreurs de lycans, se moquant d'eux et jouant de leur impulsivité. Non, elle n'avait pas toujours été aussi aimable et ouverte d'esprit.
Poser le plateau. Jeter l'oreiller qui sent encore le sang. Faudra en trouver un autre, d'ailleurs. Et aider l'homme à marcher de l'autre côté d'Irina pour qu'il puisse être bien tenu.
"Ben le matelas, y en a encore, mais je crois que c'est assez léger pour pas donner soif. Et qu'il sera pas récupérable, d'façon..."
Pendant qu'Irina aide l'homme, qui a présumé de ses forces, à regagner son lit, je prends le plateau et lui pose sur les genoux. Et je suis ravie de le voir apprécier la nourriture à sa juste valeur. Même si je le restreins un peu, et je trouve bien qu'il s'interrompe pour parler, même si j'apprécie pas trop le sujet de discussion, peut-être parce qu'on a commencé les leçons de danse. Je sais pas ce qui est le pire. Danser avec Diego, et Irina qui nous dit de nous détendre et de nous rapprocher l'un de l'autre alors qu'on est aussi gênés l'un que l'autre, ou avec Lucio...
"Doucement. Vous allez vous rendre malade."
Enfin, ça c'est avant d'entendre Irina qui commente sur mes talents culinaires et de rougir comme une brique. "C'est Tina qui m'a montré."
Juste que ça l'intéresse moins de cuisiner que de s'occuper des animaux... Bon, c'est pas tout ça, mais j'vais ptet essayer de laver l'oreiller, pour voir s'il est rattrapable? Est-ce que le faire bouillir suffira à enlever le sang? Je suis en train de sortir quand les mots d'Edson me stoppent net. Petite teigne aux cheveux blancs... Kaia? Non, c'est pas possible. Elle ferait pas ça. C'est ma copine! Qu'est-ce que vous attendez de vos amis ? Kat m'a demandé si je pouvais rester amie avec Mia même si elle tue des humains. Mais Kaia? Elle est pas comme ça, non! Est-ce qu'elle ne peut pas être les 2?
Comme si les mots d'Edson fissuraient un voile, je commence à entendre des cris. Ce n'est plus le plancher de la ferme qui est sous mes pieds, mais du gravier caillouteux. Ce ne sont plus les voix d'Edson et d'Irina qui parviennent à mes oreilles, mais des hurlements de douleur et des supplications. Et ce que j'ai sous les yeux c'est la louve blanche, au pelage rougi, plongeant ses crocs dans le ventre d'un homme et en arrachant des pans de chair, en projetant jusque sur moi.
Je n'ai pas entendu Irina s'adresser à moi. Je suis juste figée, mes yeux écarlates fixant le vide. D'autres images se superposent. Kaia au parc, qui m’ébouriffe les cheveux. L'homme qui hurle, son bras entre les crocs de la lycane. Sa promesse de me protéger. Le hurlement dans la nuit, implacable. Le dessin d'une femme aux cheveux blancs, courant dans le vide, libre. Le hurlement qui s'éteint en un gargouillis. Je n'ai même pas pris conscience que je respire à peine. Ni de la litanie qui se forme doucement sur mes lèvres. "Mais elle m'a sauvé la vie... Mais elle m'a sauvé la vie..."
Irina restait évasive quant à sa stratégie pour qu'Ed garde son job, ce qui n'était pas très rassurant, malgré l'appel à la confiance de la vampire. Il espérait que le docteur pourrait lui tirer cette épine du pied, l'option médicale lui paraissant être le meilleur pari. Mais il n'en dit rien à Irina pour ne pas la vexer après tout ce qu'elle avait fait pour lui et Edson se contenta de hocher la tête.
Lorsqu'elle évoqua son "créateur" sous la douche, Ed' fût tenté d'en savoir plus l'espace d'un moment puis il se ravisa. Si elle ne s'étendait pas sur le sujet c'est qu'elle ne voulait sans doute pas aller plus loin dans les détails. Il aurait mis sa main au feu que s'il demandait à n'importe quel surnaturel de lui raconter les circonstances de sa création, neuf fois sur dix il en ressortirait une histoire de violence, d'agression ou pire encore. Si l'on ajoutait à ces circonstances traumatisantes le bouleversement du changement de nature et l'instabilité dont les surnaturels faisaient preuve, on obtenait un cocktail explosif. La candeur dont il avait fait preuve lors de sa rencontre avec la vampire s'était évanouie, il comprenait désormais que les gens comme Glenn ou Irina étaient rares. Edson espérait du fond du coeur qu'il parviendrait à se maîtriser et reprendre le cours de sa vie sans risquer d'éventrer qui que ce soit. La vampire lui dit sur le ton de la plaisanterie qu'il allait plaire aux filles, mais une relation sentimentale lui semblait inenvisageable dans l'état actuel des choses.
- Honnêtement, les relations ça n'a jamais vraiment marché pour moi, je ne pense pas que les choses vont s'améliorer maintenant.
Il ne se plaignait pas, il faisait simplement un constat un peu amer. Irina sembla s'inquiéter du fait qu'il n'avait aucune question. A vrai dire, rien ne lui passait par l'esprit. Il essayait d'assimiler ce qu'il lui était arrivé, ce qu'il était devenu. Enlever ses bandages avaient aussi servi à ça : voir les blessures, ancrer tout ça dans le réel.
- Une étape après l'autre. Je vais déjà essayer de sortir de la douche sans me vautrer au sol, ce sera un bon début.
Une fois de retour dans la chambre, ils évoquèrent le bal et il se dit qu'elle n'avait pas tort, ce serait l'occasion de faire du réseautage, aussi bien pour lui que pour son entreprise. S'il n'était pas viré d'ici là. Et même, cela le mettait face à une échéance proche qui le motivait à être rétabli et opérationnel pour l'événement. Il devait encore finaliser la carte des cocktails de la soirée, ça lui occuperait l'esprit.
- J'ai simplement hâte de passer une soirée derrière le bar, ça me manque et ça me fera du bien je pense.
Il ne put retenir un sourire quand Alyssa lui conseilla de manger plus doucement. Elle était vraiment d'une bienveillance et d'une douceur extrêmes. Edson avait toujours pris en affection les gens comme elle, et il commençait vraiment à apprécier la jeune femme. Sans oublier qu'il avait l'estomac plein grâce à elle.
Irina commença à lui dire ce qu'elle savait des lycans et il grimaça lorsqu'il entendit que la transformation était douloureuse. Il n'y avait jamais pensé mais c'était parfaitement logique en soi, la morphologie ne pouvait pas changer à ce point et si rapidement sans provoquer une extrême souffrance. Il se passa une main dans le visage, désabusé et inquiet lorsqu'il apprit qu'il pouvait se transformer hors pleine lune. De mieux en mieux. Il repensa à son accès de colère de tout à l'heure et eut un frisson dans le dos, sa nouvelle nature le terrifiait. Ed' se considérait comme quelqu'un de plutôt posé, mais il pouvait être impulsif et sanguin. Couplé à sa nature bestiale, il était une menace permanente.
Il était sur le point de faire part de ses peurs à Irina et lui avouer qu'il avait eu l'envie de l'étriper dans la douche quand il s'arrêta pour observer Alyssa. La jeune vampire s'était stoppée net, comme si elle avait bugué et elle répétait une phrase en boucle.
Edson ne semblait pas enclin à vouloir une relation sentimentale, ou du moins, ne pensait pas en trouver une un jour. Et sa nouvelle condition ne lui permettait pas d'être convaincu de l'inverse. Ce qui fit sourire Irina.
- Oh vous seriez surpris du nombre d'humains qui seraient ravis d'avoir une histoire avec un non humain. Certains comme un défi lancé à la mort, d'autres parce que ça fait "cool". Et puis, de façon plus agréable, votre température corporelle va drastiquement augmenter. Dois-je vous rappeler qu'une femme est souvent décrite comme frileuse ? Elles vont vous aimer, cela j'en suis certaine. Il faudra juste s'assurer de la raison de leurs sentiments...
Et s'ils étaient vrais, surtout. Après, il pourrait toujours se trouver une compagne lycane. Rien n'était perdu dans tous les cas, même si ce n'était pas vraiment le sujet du jour. Dans un sens, cette conversation détendait légèrement l'atmosphère en abordant un thème moins complexe de ce qu'il était devenu. Une fois de retour au lit, propre et avec des bandages moins rougis, il entreprit de manger pendant qu'ils continuaient de discuter. - Ne dénigrez pas vos efforts, Alyssa. Tina a eu des années pour apprendre et est très douée dans son rôle, mais vous avez aussi un don.
Edson parla alors du bal et du rôle qu'il aurait à y jouer.
- Ce sera une excellente façon de vous relancer dans votre travail et votre passion sans crainte de causer du tort. Vous serez majoritairement entourés de créatures plus puissantes que vous, ainsi même si vous perdez le contrôle, il n'y aura pas de blessés. Et de toute façon, nous avons le temps de travailler, d'ici-là, le contrôle de vos émotions...histoire de vous évitez une transformation involontaire.
Ensuite, elle lui expliqua ce qu'elle savait des lycans, ce qu'elle avait appris lors de sa vie vampirique et parfois, ses apprentissages n'avaient pas été dans la douceur et la délicatesse...pour les loups. Irina avait interrogé Alyssa qui semblait connaître cette race mais elle n'obtint aucune réponse. A vrai dire, l'adolescente était étrangement silencieuse depuis le compliment sur sa cuisine. Elle tourna la tête vers la jeune femme et comprit aussitôt que quelque chose clochait. La voix d'Edson la tira de ses réflexions et elle croisa son regard. Inquiet. Autant que le sien surement. Elle s'approcha rapidement d'Alyssa et posa ses mains sur ses épaules.
- Alyssa ? Alyssa !
L'adolescente respirait à peine, répétant sans cesse la même phrase. En boucle. Comme un disque rayé. Quelque chose clochait. Et ce regard dans le vide !
- Alyssa ! Une crise de panique à ce moment-là ?
Elle reconnaissait les symptômes pour en avoir assez vu tout au long de son existence...pour en avoir causé aussi. Mais elle ne s'en était jamais préoccupé, pas de cette façon-là en tout cas. Et elle ne pouvait décemment lui mettre une gifle pour la ramener à l'instant présent. Elle la secoua légèrement puis chercha à la soulever, mais alors que ses mains cherchaient une bonne prise, elles tombèrent sur son téléphone. Le lycan médecin ! Elle saisit l'appareil et découvrit qu'il avait envoyé un message, lui permettant ainsi d'avoir accès à son numéro sans même avoir besoin de déverrouiller l'écran. Elle récupéra son portable dans sa poche et pianota rapidement sans quitter des yeux Alyssa.
- Victor Rosenbach ? Ici Irina Kataïev. Pourriez-vous venir immédiatement ? Le jeune lycan se remet mais il s'agit d'Alyssa. Crise de panique. Elle respire à peine.
S'il avait des conseils sur l'instant, elle les appliquerait mais finit par raccrocher quand il annonça qu'il arrivait. Elle était soulagée. Mais elle avait du inciter très fortement un lycan à se déplacer rapidement...elle n'aimait pas du tout agir ainsi. Mais pour ses protégés, elle était prête à tout.
Au bout d'un certain temps qui lui parut une éternité, on frappa à la porte. Elle se dépêcha, ne réalisant même pas qu'elle utilisait sa vitesse surhumaine pour aller ouvrir la porte.
- Docteur Rosenbach. Je suis Irina Kataïev. Merci d'avoir fait aussi vite ! Ils sont là-haut ! Peut-être souhaitez-vous commencer par voir Alyssa ?
Elle l'amena à l'étage, prête à le guider vers la chambre correspondant, espérant que tout le monde irait bien. En même temps, elle continuait de réfléchir...Qu'est-ce qui avait pu causer une telle réaction ? Qu'est-ce qui dans leur conversation avait déclenché cette crise ? Elle l'ignorait et n'osait pas interroger l'enfant mais l'arrivée du médecin, lycan de surcroit, serait d'une grande aide, elle en était certaine.
J’avais reçu un message quelques minutes avant de la part de la jeune Alyssa, vampire rencontrée quelques temps auparavant lors d’une mission de sauvetage de l’extrême. A vrai dire, elle m’avait assez impressionnée par sa capacité à écouter et rester plus ou moins calme malgré la situation, il m’avait donc semblé normal, du fait de son envie de bien faire et sa motivation de lui donner mon numéro de téléphone. Au cas où elle en aurait besoin. Et bien nous en avait pris du fait de ce que je venais de recevoir. Un lycan nouvellement transformé et blessé se trouvait à la Foodies Farm. J’étais malheureusement de garde cette nuit-là. Une nuit particulièrement agitée à l’hôpital. Comme bien trop souvent, cela dit. Enfin… J’avais promis de venir dès le lendemain, me laissant uniquement le temps de me changer à la meute, de prendre une douche et d’aller à la ferme. Mais enfin. J’avais le droit à une pause. Je m’étais rendu dans la chambre réservée aux gardes pour espérer y dormir vingt ou trente minutes avant le prochain appel. Mon téléphone près de l’oreille pour être certain d’entendre la moindre sonnerie et je me couchai au-dessus des draps, sombrant rapidement dans un sommeil profond quoique toujours aussi agité du fait des cauchemars qui hantaient chaque nuit mes songes.
Bip-Bip-Bip Bip-Bip-Bip
Je fronçai les sourcils en émergeant doucement. Ce bruit…
Bip-Bip-Bip Bip-Bip-Bip
Me redressant instantanément, j’attrapai ma blouse dans un geste mécanique, habituel pour décrocher mon portable.
- Docteur Rosenbach, j’écoute. Dis-je rapidement en quittant la chambre prenant la direction des Urgences, persuadé qu’il s’agissait là d’un appel pour une arrivée imminente. - Victor Rosenbach ? Ici Irina Kataïev. Pourriez-vous venir immédiatement ? Le jeune lycan se remet mais il s'agit d'Alyssa. Crise de panique. Elle respire à peine.
Je fronçai immédiatement les sourcils.
- Asseyez la et faites-la respirer dans un sac en papier. Si vous pouviez aussi préparer un litre de sang… J’arrive immédiatement.
Ce n’était là qu’une crise de panique. Bien sûr. La jeune fille n’allait certainement pas en mourir mais si cela pouvait paraître impressionnant, d’autant qu’Irina n’avait pas fait état de contractions musculaires. Il s’agissait néanmoins là d’une jeune vampire. Le risque de la voir perdre pied une fois rétablie de sa crise devenait alors réel.
- Docteur ! Entendis-je derrière moi. Vous avez fini votre service ?
Je regardai l’heure rapidement, secouant la tête. Il me restait encore cinq heures. Je reviendrais, ce n’était pas grave. Enfin peut être un peu…
- Le Dr Jones va me remplacer, j’ai une urgence extérieure.
Dr Jones ou le collègue qui me devait le plus de service. Nous étions en plein milieu de la nuit, mais je ne doutais pas qu’il arriverait rapidement pour me remplacer le temps d’une heure ou deux. D’ailleurs l’appelai-je rapidement. Il arriverait d’ici dix minutes. C’était parfait. Je n’aurais plus qu’à expliquer le lendemain ce changement de poste à mes supérieurs. En espérant qu’ils le comprennent. Enfin. Je n’avais plus vraiment le temps de réfléchir.
Il ne me fallut que peu de temps pour traverser la ville sur le dos de ma moto, lancée à grande vitesse, et c’est donc dix minutes plus tard que j’arrivai devant la porte de la ferme sur laquelle je tapai fortement. Une femme m’ouvrit. Une femme que je n’avais encore jamais vue. Irina Kataïev. La responsable de cette ferme, si je ne me trompais pas.
- Bonjour. Dis-je précipitamment en m’introduisant dans leur demeure. J’ai fait aussi vite que prévu. Excusez mon accoutrement, je sors de l’hôpital. Et je pense qu’il serait effectivement juste d’aller d’abord voir Alyssa. Mais pourriez-vous m’expliquer ce qu’il se passait avant sa crise ? Et, si je peux me permettre... Que fait un lycan blessé dans un clan de vampires ?
Rapidement, je suivie la vampire jusqu’à la chambre de la plus jeune. M’accroupissant près d’elle pour qu’elle n’ait pas à lever la tête, en m’assurant que le sac restait bien autour de son nez et de sa bouche, je lui souris, chaleureusement. Comme j’avais pu le prévoir, la crise de panique ne durait qu’un temps
- Bonjour Alyssa. Dis-je doucement. Est-ce que tu arrives à respirer ? Si oui, tu peux enlever le sac. Je levai les yeux vers Irina. Auriez-vous, donc, du sang ? Je pense que ça lui fera du bien, au moins pour ses nerfs. Et je me retournai vers la jeune vampire. Bien. Repris-je posément. Comment vas-tu ?
La réponse pouvait paraître facile, certes, mais derrière cette question, j’espérai qu’elle puisse m’expliquer le commencement de la crise, à défaut du pourquoi.
Je ne sais pas comment je me retrouve dans ma chambre, sur mon lit avec un sac sur le nez et la bouche. Et une femme qui me dit de respirer. Tu devrais l'écouter. J'ai du mal. Les supplications. L'odeur de sang. J'ai l'impression que les images se répètent en boucles toutes en même temps. Les lambeaux de chair qui volent en tout sens. Les hurlement de douleurs. Respire. Le sac qu'on m'a d'office plaqué sur le visage fait son office. "Parle-moi! Dis-moi que tout va bien, Alyssa!" J'ai pas le choix de respirer plus lentement. La terreur dans les yeux du garçon, alors que je l'approche. Je m'excuserait pas! Il serait mort quand même de touts façons! La main qui maintient le sachet bouge tandis que la femme Irina. Réagit à un stimulis externe. Le bras quasiment arraché. Replace le. J'agis par réflexe, ma main remplaçant celle de la vampire. Agir ainsi dissipe un peu le voile qui brouille mes pensées. Le hurlement de douleur qui s'achève en un gargouillis Les images ne cessent pas. Crise de panique. Mais je sais quoi faire. Respirer doucement dans le masque. Même si j'ai l'impression que ça m'arrache les poumons. La musique. C'est pas la première fois que je fais une crise de panique, loin de là. Et quand on a déjà du mal à respirer il vaut mieux apaiser au plus vite la peur. Les cailloux qui me rentrent dans la chair, et mes jambes attachées. C'est à ça que sert l'une des application de mon téléphone. Méditation d'urgence. La foururre blanche rougie La lancer fait débuter les premières notes d'une musique au piano que j'aime beaucoup. Et par dessus, sur un parlé accompagnant la musique, des instructions dictées par la sophrologue. Le hurlement du loup
Inspirez profondément par le nez, et soufflez encore plus doucement par la bouche. A chaque inspiration, concentrez vous sur le trajet de l'air.
Honnêtement, je peine à suivre les instructions. Une seule session ne suffira pas. D'autant que les larmes ont commencé à couler. Le regard mort du garçon Une nouvelle voix me fait lever la tête, et je reconnais le docteur. Mais comment il est là? J'lui ai même pas dit? Est-ce que je peux respirer? Concentre toi. Comme d'habitude. Comment je vais? Les mots sortent seul, en vrac.
C'est Kaia qu'est blanche! Je souvenais pas je sais qu'elle m'a sauvé mais j'ai oublié et là... Elle les a tué et et j'crois moi aussi, et Lucio il criait... Mais elle m'a sauvée la vie! D... Deux fois!
Je sais pas trop ce qu'il comprend. Mais c'est surtout la dernière phrase. Elle m'a sauvée la vie. Elle peut pas être mauvaise pas vrai? Les deux a la fois c'est pas possible? Comment la Kaia qui m'a sauvé, moi la gamine faiblarde, qui m'a soutenue et remonté le moral bien mieux qu'une psy pendant presque 6 mois peut tuer des gens? Est-ce que Edson est un méchant, lui aussi? Comme les chasseurs?
Irina fut plus prompte à réagir que le jeune homme qui, à sa décharge, n'aurait de toutes façons pas été en état de faire grand chose pour Alyssa. La matriarche posa ses mains sur les épaules de sa protégée et tenta de la ramener parmi eux, avant de diagnostiquer une crise de panique. Edson n'était pas familier de ce genre de réactions et ne savait pas trop si la petite courait un danger, son inquiétude s'alourdit. Heureusement pour Alyssa, sa chef de clan se montra réactive et elle appela le docteur Rosenbach pour lui décrire la situation et lui demander de se déplacer en urgence. Une fois l'appel passé elle souleva délicatement la jeune vampire et prit congé du loup pour la mener dans la chambre adjacente.
Une fois la chambre vide, Edson se renfonça dans son lit. Il était exténué mais la situation d'Alyssa l'empêchait de fermer les yeux. Ses nouveaux sens n'aidaient pas, il pouvait l'entendre respirer péniblement et de façon saccadée dans ce qui semblait être un sachet tandis qu'Irina tentait de l'apaiser avec ses mots. Une musique douce se fit entendre, accompagnée d'instructions visiblement censées apaiser la petite. Une poignée de minutes plus tard, il entendit une moto s'approcher bruyamment avant que son propriétaire ne coupe le contact et vienne sonner à la porte. Irina lui ouvrit immédiatement et le docteur Rosenbach se présenta en quelque sorte tout en demandant à juste titre, ce qui avait pu déclencher cette crise de panique.
Voilà qui piqua la curiosité d'Ed et il se mit à repenser à leur discussion avant que la jeune ne soit submergée par sa crise. A bien y réfléchir, il n'y avait pas fait attention, mais elle s'était stoppée net avant qu'Irina ne lui parle des lycans, au moment où Ed' avait posé la question en fait. Et elle s'était mise à répéter "mais elle m'a sauvé la vie" en boucle. Il ne voyait pas spécialement de lien, mais il était loin d'être un expert à ce sujet, le docteur saurait sans doute mieux décrypter le puzzle que lui. Il l'entendit d'ailleurs parler à Alyssa, d'une voix douce et rassurante, ce médecin semblait savoir faire preuve d'empathie envers ses patients. Il lui demanda alors comment elle allait, et Alyssa, mutique depuis un quart d'heure se mit à parler d'un coup.
Ed' se redressa d'un coup, avait-il bien entendu ?
"C'est Kaia qu'est blanche !"
Les mots s'imprimèrent dans son esprit et il se rappela avoir mentionné "les petites teignes aux cheveux blancs" juste avant qu'Alyssa ne s'arrête net. Y avait-il un lien ? Kaia, la lycane évoquée justement par l'adolescente un peu auparavant ? Elle avait le pelage blanc ? Ou même peut-être les cheveux blancs ? Pour toute personne en situation normale les indices étaient bien minces pour trouver cette théorie solide, mais la rage naîssante d'Ed' ne s'embarrassa pas de ces considérations. Sa respiration s'accéléra et il sentit ses dents se serrer. Il fallait qu'il en ait le coeur net, qu'il demande des précisions à Alyssa. Il avait peut-être identifié le monstre qui lui avait fait subir ça, il ne pouvait pas attendre.
Ed' sortit du lit comme il put et se mit à claudiquer sur une jambe pour avancer, se tenant aux murs. Il n'avait pas conscience que sa colère avait pris le dessus et qu'aller voir la gosse maintenant serait contreproductif, il voulait savoir. Il avait également oublié que sa dernière tentative d'avancer par lui-même s'était soldée par un cuisant échec, jusqu'à ce qu'il se vautre de tout son poids sur le sol de sa chambre. Sa jambe blessée irradia d'une douleur cruelle et ajouta à sa rage.
Le jeune loup émit un grondement profond et guttural, un son qu'un humain aurait été bien incapable de produire. Sa respiration était désormais chaotique, son esprit occulté par la douleur et la colère. Irina l'avait prévenu à ce sujet, mais Edson ne comprenait pas qu'il devait tout faire pour se calmer immédiatement. Ses ongles se muèrent en griffes et se plantèrent profondément dans le parquet.
Le docteur Rosenbach était à peine arrivé qu'il se mettait déjà en action. Alors qu'Irina l'amenait auprès d'Alyssa qu'elle avait emmené dans sa chambre et incité à respirer dans un sac pour se calmer, le lycan lui posait de nombreuses questions.
- Je pense que sa crise est liée au lycan. Nous étions en train de discuter, Edson me demandait des détails vis à vis de sa nouvelle condition...Et la raison de sa présence est très simple, nous devions travailler ensemble et il a préféré m'appeler lorsqu'il s'est fait mordre plutôt que d'appeler les urgences. Je n'allais tout de même pas le laisser mourir, seul, dans ce parc. Lycan ou vampire, là-dessus, il n'y aucune différence pour moi. Néanmoins, je sais parfaitement qu'il apprendra bien plus auprès d'autres lycans et c'est pour cela qu'avec Alyssa, nous avons pensé à vous.
Et de fil en aiguille, la situation avait totalement dégénéré. Auprès de l'adolescente, le médecin agit avec précision et Irina se plaça légèrement en retrait, surveillant sa protégée même si l'homme semblait être un véritable professionnel. Elle finit par vouloir aller chercher le sang, sauf que c'est ce moment-là que choisit Alyssa pour parler. D'une chose bien étrange. Kaia. Meurtre. Alyssa et Lucio étaient concernés ? Elle allait devoir mettre cette histoire au clair. Mais pas tout de suite, la jeune vampire devait d'abord se remettre.
Sauf qu'un grondement profond résonna à quelques mètres de là. Dans la chambre d'à côté. Un son qui n'avait absolument rien d'humain. Edson ! Irina se précipita dans la chambre d'à côté pour découvrir le jeune homme en pleine transformation. Il avait déjà des griffes à la place des ongles ! C'était beaucoup trop tôt ! Irina ignorait l'effet que cela aurait sur sa jambe mais elle savait qu'une telle perte de contrôle serait affreusement douloureuse.
- Edson ! Regardez-moi ! Vous devez vous calmer immédiatement ! Parlez-moi ! Tout va bien, je suis là.
Elle s'approcha alors de lui, lentement, lui laissant ainsi le temps de comprendre ce qu'elle faisait. Elle posa sa main sur l'épaule du jeune homme, cherchant à le distraire sans vraiment comprendre la raison de sa colère. Qu'est-ce qui se passait dans cette maison ? Elle continua ainsi de lui parler, longuement, vérifiant l'étendue de sa transformation. Si jamais, la méthode douce ne fonctionnait pas, elle passerait à l'étape au-dessus. Elle n'aurait aucune hésitation à utiliser l'hypnose pour s'assurer que le jeune lycan se calme...Déjà, elle cherchait à capter son regard dans cette optique là.
- Edson.
Sa voix était sure, presque autoritaire, prenant largement le chemin vers l'hypnose. C'était la solution la plus simple pour lui éviter la douleur d'une telle transformation. En attendant, elle n'avait absolument pas peur des potentielles réactions d'Edson, étant sur le qui-vive, tous les sens en alerte.
Ayant été particulièrement attentif aux mots de la cheffe de famille, j’acquiesçai à ses explications.
- Vous avez particulièrement bien fait, rassurez-vous, et je vous remercie d’avoir sauvé un lycan. Dis-je alors en avançant derrière la vampire. C’est tout à votre honneur, il va sans dire.
Quant à la jeune fille… C’était donc un choc qui avait provoqué cette crise. Rien de bien inhabituel, en fin de compte, d’autant qu’il me sembla rapidement que même difficilement et bien trop vite, Alyssa semblait reprendre contact avec la réalité. J’hochai la tête aux mots de la jeune vampire, difficilement compréhensible du fait de leur rapidité d’expression. Ce que je comprenais ? Kaia lui avait sauvé la vie par deux fois. Je plissai les yeux. Parlions-nous là de la même Kaia que je connaissais ? Blanche. Mmh. Les doutes n’étaient que trop peu présents dans mon esprit. Mais ce n’était pas le plus important, quoique sa violence ne m’étonne que trop peu.
- Alyssa. Soufflai-je en posant doucement mes mains sur ses avants bras. Ecoute moi. Respire. Compte jusque trois en inspirant et… Un grondement se fit entendre, me faisant froncer les sourcils. Deuxième problème en approche alors que je me concentrais de nouveau sur la jeune fille. Retiens ta respiration trois autres secondes et respire en cinq temps. D’accord. Essaie. Je lui montrai alors l’exemple.
Se concentrer sur autre chose pour la calmer, voilà ce qui était le plus judicieux dans son état. Alors, peut-être, pourrions-nous avoir quelques explications supplémentaires. Dans le même temps, j’avais aperçu Irina du coin de l’œil quitter la chambre, sûrement pour se rendre au chevet de ce que j’avais pu attendre, et à mon tour, ne suivant que sa voix, je me rendis dans la chambre adjacente. Voici donc le jeune et nouveau lycan. Sourcils froncés, je m’approchai du jeune homme.
- Miss, vous devriez vous reculer. Tout ce que vous pourrez utiliser ne fonctionnera pas sur lui.
Tout cela était clair : rien ne lui permettrait de se calmer si la transformation avait déjà débuté. Et je refusai tout à fait que la vampire, aussi expérimentée soit elle, prenne le moindre risque. Ainsi observai-je le jeune homme avant de prendre à mon tour parole.
- Vous vous appelez Edson, n’est-ce pas. Dis-je. Je suis le Docteur Rosenbach. Victor. Je suis alpha de la meute Mahiingan. Je sais que vous m’entendez malgré la douleur alors vous allez attentivement m’écouter. Si vous voulez discuter, il va falloir vous calmer.
Calmer un loup en colère n’était pas ce qu’il y avait de plus facile à faire. Outre le danger de la transformation, le jeune homme devait désormais faire face à des sentiments décuplés, des émotions bien plus fortes et plus difficile qu’auparavant.
- Je suis là pour vous aider. Irina est là pour vous aider. Je sais que vous ne devez pas comprendre exactement tout ce qu’il se passe. Je sais que vous avez mal. Je posai une main particulièrement ferme sur son épaule. Mais il va falloir supporter cela. Vous n’arriverez à rien dans cet état, Edson. Essayez de respirer. Pensez à une chose que vous aimez. Une chose qui vous apaise. C’est le meilleur moyen.
Et peut être le seul que je pouvais connaître pour calmer un lycan en pleine transformation. Cela… Et la médecine que l’on ne pouvait utiliser. A moins que… Je me retournai vers la vampire.
- Je doute que cela soit le cas mais auriez-vous, ici, des tranquillisants ?
Juste au cas où. Pour ne pas utiliser la violence…
Les larmes barbouillent mes joues et j'ai la morve au nez, que j'y ramène avec un bruit très disgracieux au demeurant. Les consignes que me donnent Victor, je les connais par coeur, c'est celles que me donnent l'infirmière ou mes mères quand je commençais à perdre le contrôle de ma respiration à cause d'une crise. La douleur m'empêchant de respirer ce qui augmentait ma panique qui amplifiait ma douleur qui... Bref. J'obéis donc par un réflexe ancré en moi par de nombreuses sessions du genre. Alors ok, d'habitude c'est par le nez qu'on inspire, mais vu comment il est plein... Ca fait un peu bruyant... Bloquer. Ca pas de problème, mes yeux rivés sur ceux du docteur. Et souffler toujours en fixant le lycan... Qui se barre. Mais! On doit le faire trois fois au moins! J'peux avoir du sang? C'est le moment, toi? Non, mais ça l'est jamais d'façons...
Recommence l'exercice. Seule, puisque c'est ainsi qu'on m'a laissée. Puisque de toutes façons elles ne sont plus là. Je me mouche brusquement et attrape mon pichu, pour cacher mon visage entre ses oreilles. Inspire. C'est plus facile sans avoir le nez bouché. Pour autant les larmes cherchent à revenir, et les empêcher de couler est dur. Bloque. Je ferme les yeux en même temps, assez fort pour voir des taches de couleurs. Trahie. Seule. Kaia est un lien "d'avant", et j'i l'impression de perdre ce lien. Tu crois la connaitre? Je la connais mieux que toi. Je ne suis plus sure de ma réponse à Evelyn. Eh, pense à souffler, à un moment. Je souffle doucement. Dans la chambre d'à côté j'entends des mots. Calmer. Respirer. Apaiser. Et puisque je suis toute seule, alors autant relancer la séquence. La musique reprend, et la voix, douce, calme, neutre, et en même temps familière. "Pour faire face à une situation de tension, une situation d'urgence, vous pouvez utiliser la crise de calme. Pour celà dans un premier temps, expirez l'air de vos poumons. Calmement. Comme un ballon qui se dégonfle." *
A nouveau, je me perds dans cet exercice, pensant juste à augmenter le son pour le cas où ça aiderait "à côté". Je sais absolument pas ce qu'il s'y passe, je m'en fiche, presque. Je sais juste que j'ai besoin de me calmer moi. Et que j'ai trois minutes à écouter cette petite voix et à obéir à ses consignes pour m'aider. Et après je pourrais avoir du sang?
* "Crise de calme", méditation d'urgence sur petit bambou.
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