Edson tenta péniblement de se relever mais n'y parvint pas, ce qui ne fit qu'ajouter à sa frustration et sa colère. Son esprit était focalisé sur son désir de tirer cette histoire de Kaia au clair et pour cela il devait se rendre dans la chambre d'Alyssa. La porte de sa chambre s'ouvrit brutalement et il leva la tête pour voir Irina débouler à toute vitesse, l'air inquiet. Le jeune homme suivit son regard et poussa un cri d'effroi en voyant ses mains pourvues de griffes acérées. Ses ongles habituellement coupés courts s'étaient épaissis et rallongés, leur donnant une allure menaçante. Les lacérations qu'il venait de faire dans le parquet en témoignaient. Il comprit qu'il était en train de se transformer et la peur s'empara de lui pour créer un cocktail explosif avec sa rage.
Ses yeux prirent une couleur fauve et il sentit que ses dents étaient en bonne voie pour lui permettre de déchirer n'importe quel morceau de viande comme si de rien n'était. Le lycan sentit son coeur tambouriner et son corps se couvrir de sueur. Irina l'enjoignit à se calmer et tenta de le rassurer comme elle pouvait. Il essaya de lui dire de s'enfuir, voulant à tout prix éviter de la blesser, mais lorsqu'il ouvrit la bouche seuls des grognements de souffrance en sortirent. Son corps entier irradiait désormais d'une douleur qui faisait passer celle de sa jambe cassée pour une broutille. Des larmes de douleur, de rage et de peur perlèrent sur ses joues, sa masse musculaire commençait à tendre les vêtements qui lui avaient été prêtés. Son corps entier était en feu et il commençait à peine à se transformer. Il pensa alors qu'il ne survivrait pas à cette épreuve.
Edson vit la vampire s'approcher doucement de lui et mobilisa toutes ses forces pour s'empêcher de lui mordre sauvagement la main. Comment une telle pulsion pouvait lui venir à l'esprit ? Le contact de la main glacée d'Irina sur son épaule amena une brève accalmie dans le maelström de ses pensées et émotions. Le jeune loup posa sa tête sur le dos de la main de la noctambule, la fraîcheur de sa peau apaisait sa fièvre. Lorsqu'elle prononça pour la seconde fois son prénom, ce dernier sonna étrangement à ses oreilles. Edson avait l'impression d'avoir gagné en clarté. Il ne savait pas dire pourquoi, mais il commençait à reprendre pied en entendant la voix d'Irina. Il se mit alors à respirer profondément pour tenter de se calmer.
C'est le moment que choisit le docteur Rosenbach pour entrer à son tour dans la pièce. Edson n'y prêta pas attention, préférant se focaliser sur sa respiration. Il lui semblait qu'il se stabilisait mais l'alpha jugea opportun de demander à Irina de reculer pour prendre sa place, ce qu'elle fit. La colère du louveteau reprit de plus belle et il adressa involontairement un grognement menaçant au médecin. Ce dernier n'en savait rien, mais en demandant à la vampire de se mettre en retrait il venait de priver Edson de son phare de la tempête. L'alpha commença à lui parler, mais Edson peinait à se concentrer sur ses mots : la torture de la transformation reprit son cours. Son esprit était embrumé et le médecin continuait de parler mais rien n'y faisait. En entrouvrant les yeux, il vit que ses avant bras avaient considérablement gagné en masse et se couvraient d'un épais poil noir. Le toucher de la main du chef de meute électrisa Edson, visiblement ce geste passait mieux quand il venait d'Irina.
Le docteur Rosenbach essayait de l'aider comme il pouvait, mais en entendant son t-shirt se déchirer, le jeune lycan douta de l'efficacité des méthodes du médecin. Edson pensa tout de même aux plages de la Martinique, à la mer, à ses amis pour s'apaiser, mais lorsqu'il entendit le mot "tranquillisants", sa phobie des aiguilles fit déborder le vase. Il saisit violemment le poignet du médecin et s'appuya sur son autre bras pour approcher sa bouche pleine de crocs à moitié formés de la gorge de l'alpha, une lueur folle et bestiale dans les yeux.
Irina regrettait de ne pouvoir s'occuper plus longtemps d'Alyssa mais il y avait plus urgent dans la pièce d'à côté. Certes, permettre de respirer à l'adolescente, ce n'était pas rien, mais avoir un lycan en furie dans une vieille ferme, ce n'était pas du tout une bonne idée non plus. Elle s'était rendue au chevet d'Edson et avait tenté de le calmer. Le jeune homme avait déjà de belles griffes, des yeux jaunes et ne parlait plus, il grognait. Voila qui s'annonçait très mal pour la suite. Malgré tout, elle resta à ses côtés, refusant de l'abandonner dans cet état.
Hésitante sur l'utilisation de l'hypnose, Irina tâtonnait pour voir ce qui fonctionnait avec le lycan mais il semblait s'apaiser. Sa respiration était moins précipitée. Seulement, le médecin intervint en cet instant, lui demandant de s'écarter. Elle n'eut qu'un bref froncement de sourcil mais il ne s'agissait pas d'un vampire à apaiser, il s'agissait d'un lycan. Surement avait-il des techniques qu'elle ignorait. Elle s'écarta alors pour lui laisser la place mais resta à proximité. Prête à agir au cas où. Prête à se battre s'il le fallait. Il y avait ici des enfants humains, des orphelins, mais aussi sa famille, les végétariens. Elle ne laisserait personne leur faire du mal alors si Edson venait à se transformer...Elle se battrait, pour les siens.
Elle écouta les paroles de Victor tout en fixant le jeune lycan. Ce dernier repartait dans l'autre sens, il grognait et la transformation continuait, inéluctablement. Finalement, en voulant bien faire, le médecin avait brisé le peu qu'elle avait réussi à gagner. Elle ne lui en voulait pas, il avait de bonnes intentions mais cela ne fonctionnait pas. - Non, nous n'avons pas de tranquillisants ici.
Pourquoi en auraient-ils l'utilité ? Ils se soignaient très bien et si les enfants avaient un soucis, ils appelaient un médecin. Le t-shirt d'Edson avait craqué sous la pression, mais surtout, il saisit le poignet du médecin. Il allait mordre. Irina se précipita et repoussa Victor avant qu'il ne soit trop tard. Elle saisit le bras du jeune loup d'une main pour capter son attention.
- Edson !
Sa voix restait posée, sans aucune trace d'inquiétude malgré sa crainte d'agir trop tard. Elle allait utiliser l'hypnose, tant pis, elle ne pouvait pas reculer. Il le fallait, pour le bien de tous. Même celui du concerné. - Edson, écoutez-moi attentivement ! Il n'y a plus que vous et moi dans cette pièce. Regardez-moi ! Voila, très bien. Tout va très bien se passer.
Aucune question, que des certitudes alors qu'elle laissait ce don des vampires s'écouler droit sur le pauvre lycan. Un don qu'elle avait énormément entraîné pendant sa folle jeunesse et qui pourrait bien lui servir à sauver des vies cette nuit-là. Elle continua de lui parler, calmement, lentement, lui enjoignant de se calmer, tout en espérant que Victor ne ferait pas de bruit. Au bout d'un moment, sans aucune inquiétude visible, elle approcha doucement sa main de l'épaule d'Edson et la posa dessus, ayant bien compris que cela lui avait fait du bien au départ. Elle ne quittait pas son regard des yeux, focalisée sur lui, comme s'il n'y avait plus que eux deux au monde et c'était exactement ce qu'elle voulait qu'il croit. Le temps de se calmer et d'éviter le pire.
Maintenant, il ne restait plus qu'à souhaiter qu'il ne soit pas trop tard, mais elle insistait et irait jusqu'au bout de sa manœuvre.
Avais-je raté ? Oui. Je le sentis au moment même où Irina s’éloigna. Mais je n’avais pas le choix. Le risque était trop grand pour lui permettre de le prendre de la sorte. Ainsi avais-je du choisir entre un risque et une fatalité. Les faits étant que je pouvais gérer une fatalité, aussi dure soit elle pour ce jeune homme, mais je ne pouvais gérer un risque aussi élevé sans me trouver entre eux. Peut-être la décision avait-elle été trop hâtive. Sûrement. Mais j’allais l’assumer. J’allais. Oui. Car je n’eus le temps de réagir qu’Irina me repoussa plus ou moins violemment pour tenter… Je fronçai les sourcils. N’avait-elle donc rien écouté ?! Me redressant, je fronçai les sourcils sans quitter le jeune loup des yeux.
- Miss Kataïev. L’hypnose des vampires ne fonctionne pas sur un loup en pleine transformation. Répétai-je à mi-voix.
Mais elle semblait décidée. Sans aucun bruit, je quittai la chambre pour me dépêcher auprès de la jeune fille. De toutes les manières, elle ne semblait pas vouloir de ma méthode. Que pouvais-je donc faire pour contrer cela ? Me repositionnant devant Alyssa, je l’observai alors pour reprendre de manière très calme, particulièrement douce.
- Comment te sens-tu ? Demandai-je alors tout en restant à l’affût du moindre bruit dans la chambre d’à côté. As-tu besoin de quelque chose ?
Sa réponse donnée, je réfléchis quelques secondes seulement.
- Est-ce que tu te sens capable de m’expliquer ce qu’il s’est passé en détail ?
Pourquoi cette crise ? Les raisons exactes de la jeune femme étaient importantes, afin d’éviter que celle-ci ne se reproduise, certes, mais aussi pour des raisons plus globales : cela touchait visiblement à Edson. Edson. Toujours dans cette chambre adjacente à laquelle je faisais attention, près à me transformer au moindre bruit trop important, signe de la fin de sa transformation. La chambre, peut-être, ne survivrait pas à cela, mais une chose était sûre : il ne sortirait pas de cette chambre sans être calme, et cela pour éviter tout débordement et tout risque pour les autres vampires.
J'écoute peu ce qui se passe dans la chambre d'à côté. Ça parle de tranquillisants... J'aime pas les sédatifs... Ça assome et le réveil est toujours difficile... Concentre toi sur la séquence. La voix de la femme est toujours en cours, lente, distincte, et je m'y raccroche pour essayer d'empêcher mes pensées de se disperser en tous sens. Inspirer. Souffler. Me concentrer sur le battement lent de mon cœur. Sur la musique. J'ai soif. Irina avait pas promis du sang ? Oui mais la c'est pas le moment je crois. Les adultes sont occupés. Comme le conseille l'exercice, et dans un état second, je suis en train de souffler doucement, tout doucement, en me concentrant sur le contact de la fourrure synthétique du pichu sous mon souffle, quand Victor entre. Hein?! Quoi ?! J'ouvre les yeux soudainement. Rouges. Me redresse d'un coup. Le peu de bénéfice que je tirais de ce début de méditation est envolé. Comment ça va ? Mes yeux se remplissent à nouveau de larmes et je serre ma peluche contre moi, retenant un sanglot. Calme. Respire. Un léger gémissement m' échappe. Besoin de quelque chose ?
"Du sang ?"
Mais tu pense qu'à ça ? Réflexe! J'ai pas eu le temps de réfléchir avant de répondre, c'est sorti du tac au tac, en interrogatif. Un silence. Mais au lieu du verre au liquide rubis, c'est une question qui m'est envoyée. Mais ça sert à quoi de demander du coup ?! Expliquer ce qui se passe... Ce n'est peut-être pas le meilleur moment... Je sais pas mais c'est un adulte. Un doc. Faut répondre. Alors je réponds. Doucement d'abord, puis de plus en plus précipitamment à mesure que la panique reprend. Et que je serre ma peluche plus fort, comme si ma vie en dependait
"Il dit que c'est une louve blanche qui l'a attaque. Il a mal.Mais Kaia elle m'a sauvé la vie. Deux fois ! Evelyn dit je la connaît pas mais... Et au cimetière elle les a tué, et y avait du sang et... Ils voulaient me faire du mal, juste parce que j'étais une proie facile !
Heureusement, Irina avait été prompte à réagir. Elle repoussa le docteur et saisit le bras d'Edson limitant ainsi son mouvement, ses crocs claquèrent dans le vide. Il se retourna en un clin d'oeil pour mordre aveuglément ce qui le tenait mais une voix sonna dans ce qu'il restait de son esprit. Il n'avait pas compris ce que cette voix disait, mais elle lui semblait familière. Le jeune homme reprit un faible appui sur la réalité. Assez pour entendre distinctement ce que la voix lui disait. Elle était douce, chaude, apaisante, il avait l'impression d'être dans un cocon.
La voix lui enjoignit de la regarder. Il tourna la tête et se retrouva face à Irina. Elle était à ses côtés et semblait rayonner de bonté et de sérénité. Edson eût l'impression qu'elle éteignait petit à petit le feu destructeur et vorace qui s'était emparé de lui. Il plongea ses yeux fauve dans le regard gris de la vampire et sombra dans un état d'apaisement encore plus profond, la tendance s'était inversée et l'évolution de son corps en témoignait. Sa masse musculaire réduisait considérablement, ses crocs retournaient à un stade de dents quasi inoffensives et le peu de modifications physiques plus importantes qui avaient démarré avaient été tuées dans l'oeuf. Cela avait été presque aussi douloureux dans un sens que dans l'autre, mais les paroles d'Irina l'avaient bercé et avaient rendu tout ce bordel un peu plus supportable.
La main de la vampire se posa une fois de plus sur son épaule, et Edson l'accueillit avec gratitude. Il ferma les yeux fermés, profitant à chaque seconde de la sensation d'apaisement qui l'avait envahi. Quand il les rouvrit, ses pupilles avaient retrouvé leur noir obsidienne habituel. Irina avait réussi à protéger les résidents d'Edson et Edson d'une nuit plus que douloureuse. Il voulut lui sourire et la remercier, lui dire que tout allait bien. Mais son regard fût attiré par les entailles profondes que ses griffes avaient laissées dans le parquet. Son coeur se serra en repensant à la douleur, à la rage aveugle qu'il avait ressentie. S'il avait été jusqu'au bout de sa tranformation il aurait pu tuer, il le savait. Il ne serait pas devenu mieux que celle qui l'avait attaqué.
Il releva les yeux vers Irina et se blottit maladroitement contre elle.
Irina prenait beaucoup de risque pour Edson, mais après tout, il l'avait appelé à l'aide et elle ne pouvait pas sciemment l'abandonner à son sort. Elle avait l’impression de devoir à tout prix l'aider...mais de l'autre côté, il y avait aussi Alyssa, jeune vampire dans le besoin. Deux urgences...mais elle n'avait pas le choix de les gérer une par une. Par chance, Victor choisit d'aller aider l'adolescente, elle put ainsi se concentrer sur le jeune homme. Il répondait favorablement à son appel. C'était parfait !
Petit à petit, il revint à l'instant présent, revenant sur terre et inversant un processus encore trop douloureux pour lui qui se remettait à peine de son agression. Elle put se rapprocher lentement, poser sa main sur son épaule pour entamer un contact, tout en douceur. Finalement, il vint se blottir contre elle, visiblement en quête de réconfort. Elle le serra contre elle, délicatement. - Tout va bien Edson. Tout va bien. Tu ne seras jamais seul. Je serais toujours là si tu en as besoin. Mais pour ce soir, tout va bien. Détends-toi et oublies tout le reste.
Elle lui parlait d'une voix douce, qu'elle espérait apaisante, tout en lui frottant avec douceur le dos. Elle cherchait à lui permettre de s'ancrer pour de bon dans le présent et éviter ainsi une nouvelle transformation. Néanmoins, elle ne pouvait pas non plus prendre le risque de l'interroger sur ce qui venait de se passer...Cela attendrait qu'il aille mieux et qu'il ait digéré une potentielle mauvaise nouvelle. - Accroches-toi à moi, je vais te soulever. Je vais te reposer sur le lit, tu seras plus à l'aise.
Elle glissa lentement ses mains sous Edson, cherchant à s'assurer une prise impeccable sans lui faire mal. Enfin au maximum. Elle le souleva ensuite puis le recoucha dans le lit, le bordant avec douceur, tout en lui adressant un sourire chaleureux. Une fois qu'il fut confortablement installé, elle lui prit la main, comme pour attirer son attention, mais aussi lui promettre qu'elle était réellement là pour lui.
- Est-ce que tu as mal quelque part ? J'imagine...Je vais voir Alyssa, je serais juste à côté, n'hésites pas à m'appeler au besoin, je t'entendrais. Victor va venir te voir, il faut qu'il t'ausculte. Tu me diras si tu préfères que je sois présente.
Elle posa alors sa main glacée sur le front d'Edson, cherchant à s'assurer que la fièvre n'était pas de retour. Bon, entre sa température corporelle extrêmement basse et celle du jeune homme plus élevée qu'un humain, il n'était pas évident d'avoir une réponse fiable. Elle préféra alors laisser le médecin voir cela. Elle se leva alors, s'éloigna de lui, puis sortit de la chambre. Elle fila directement dans la cuisine, récupérant une bouteille de sang, la saveur préférée d'Alyssa qu'elle mit à réchauffer. Une fois le sang prêt, elle remonta à l'étage et toqua à la porte avant d'entrer.
- Alyssa ? Je t'ai apporté du sang, ça te fera du bien. Est-ce que ça va mieux ?
Elle observa la jeune vampire tout en lui tendant la bouteille puis se tourna vers le médecin.
- Edson vous attends, je l'ai prévenu qu'il était préférable que vous l'auscultiez. Et nous devrions toujours réfléchir à son avenir désormais mais lorsqu'il ira mieux. Même s'il est un tout jeune lycan, je considère qu'il a son mot à dire.
Elle s'installa auprès de l'adolescente, prête à rester auprès de son chevet pour la veiller, tout en laissant Victor faire son travail auprès de l'autre blessé. La nuit risquait d'être longue s'ils devaient sans cesse passer de l'un à l'autre mais Irina le ferait sans broncher, pour le bien des deux dans le besoin...et elle avait l'impression que le lycan en ferait de même si nécessaire.
Du sang. Bien sûr. Elle avait besoin de sang, c’était normal, c’était un vampire, mais je ne savais décemment pas où trouver du sang ici. Je n’étais alors jamais venu en ses lieux, comment donc en trouver… Au moins la jeune fille sembla-t-elle capable de répondre à ma question, me permettant de comprendre un peu mieux ce qu’il s’était passé. Arquant un sourcil, je notais néanmoins un nom « Evelyn ». Parlions-nous là de la même Evelyn que je connaissais ? La louve faisant partie de la meute Mahiingan ? Mmm. Doucement, je repris la séquence de respiration, demandant à la jeune vampire de se fixer de nouveau sur moi et sur ma propre respiration.
- Inspire… Expire… Murmurai-je durant les trois premières fois avant de ne faire que respirer.
Mais bientôt, nous fûmes arrêtés par l’arrivée inespérée d’Irina et surtout du sang. Esquissant un sourire rassuré, je me relevai, non sans m’assurer que la jeune fille se sentait légèrement mieux, avant d’hocher la tête.
- Il aura son mot à dire, mais nous pourrons difficilement le laisser ici, entouré de jeunes vampires. Dis-je. Enfin… J’observai rapidement Alyssa. Nous en parlerons un peu plus tard, si cela ne vous dérange pas. Je vais ausculter ce jeune homme avant toute chose. Mais… Je pense que nous devrions discuter des différentes possibilités ensemble avant de lui donner un choix.
Rapidement, je quittai alors les lieux pour entrer prudemment dans la chambre, observant le jeune loup quelques instants. Voilà une chose bien fâcheuse. Transformé par erreur. Pauvre gamin. Secouant la tête, je m’installai près de lui sans le toucher.
- Bonjour Edson. Nous allons recommencer les présentations. Je sais que tu ne me fais pas confiance, mais il va falloir que nous fassions tout deux des efforts. Je suis Victor Rosenbach. Je suis médecin à l’hôpital et l’alpha de la Meute Mahiingan. Je sais exactement ce que tu vis actuellement, et je sais que tu dois être perdu autant que tu dois souffrir. C’est pourquoi je vais t’examiner. Rapidement, je te le promets.
Et ce qui avait été dit fut chose faite, rapidement. Les blessures de l’homme étaient visibles, mais elles allaient cicatriser, je ne me faisais pas de soucis pour cela. Les plaies plus internes, elles, mettraient plus de temps à guérir, bien sûr, mais cela irait. Sa température était élevée, mais loin d’être choquante pour un jeune loup. Bien. Tout était « en règle ». Ou presque.
- Edson. Soufflai-je. Tu n’es pas obligé de répondre, tu peux simplement me dire non si tu ne veux penser à rien. Je peux aussi aller te chercher des tranquilisants, seulement pour te détendre, non pour t’assommer. C’est toi qui décideras. Mais j’aimerais savoir ce qu’il s’est passé. C’est important. Et n’oublie pas que tu peux refuser de me parler.
HRP:
Désolé ! J'étais persuadé avoir répondu ! Du coup je suis en retard paaaaartout !
« Y avait du sang partout... » Les vannes sont lâchées et je continue de bredouiller « J’voulais pas me souvenir moi... », la tête cachée dans mon doudou pichu. « J’ai fait du mal... » C’est une main ferme sur mon menton qui m’oblige à relever les yeux et à croiser le regard du médecin. Hein ? Quoi? Inspirer. Je comprends plus, là. Je fais l’exercice, faut que j’arrête, puis que je recommence... Dans le doute, j’obéis laborieusement. Il faut dire qu’inspirer par le nez quand on y a la… bref, c’est pas ragoutant. Je peux oublier à nouveau? C’est plus facile quand même.
L’odeur du sang chaud me fait tourner la tête, mes yeux rubis sur la bouteille. Saaaaaaang! J’attrape la bouteille avec voracité et m’enfile 3 gorgées en une seconde. Doucement ! Lucio a dit doucement. Je ralentis, laissant la douce texture du sang de porc rouler sur ma langue, avant d’avaler. Et au passage ça me calme plutôt bien. Assez pour que, pendant que je biberonne ma bouteille, les adultes discutent, et le médecin repars voir Edson. Je l’entend lui parler, tandis que j’évite le regard de ma matriarche, honteuse. Autant pour la fierté qu’elle affichait à la fédération. Je sais qu’elle se félicitait que j’aie pas eu de perte de contrôle ou autre et là… Je crois que j’ai tué un homme… Il criait il saignait et moi j’étais accroché à lui, la bouche dans sa blessure… Et il bougeait plus… Il serait mort de toutes façons. Je l’ai pas tué, j’ai évité de le gâcher! Oh toi la ferme ! Tu sais que je veux pas boire de sang humain ! Je lui ai fait MAL ! Non. KAIA lui a fait mal. Mais Kaia m’a sauvé ! Elle est gentille ! Pourquoi aurait elle attaqué Edson ? Ca peut pas être elle, pas vrai ? Malheureusement, ça il n’y a qu’un moyen de le savoir.
Le regard fuyant, je me lève, ma bouteille de sang au trois quart vide à la main, titubant un peu quand je sors de la chambre. Je rejoins celle d’Edson, cherchant à croiser son regard, une lueur implorante dans le mien. S’il te plait dis moi que c’est pas Kaia. Pas mon amie...
La vampire l'accueillit dans ses bras avec tendresse, lui caressant doucement le dos tout en ayant des paroles réconfortantes à son égard. Il eût l'impression d'avoir fait un bond en arrière d'une vingtaine d'années, lorsqu'il avait des "gros chagrins" comme sa mère les appelait et que cette dernière le consolait. Ce n'était pas vraiment l'image qu'il souhaitait donner de lui ni le genre de relation qu'il voulait entretenir avec Irina, mais force était de constater que les derniers événements avaient été trop violents pour qu'il s'en sorte sans sourciller.
Le jeune loup maintint son étreinte maladroite encore quelques secondes, le temps d'essuyer discrètement ses yeux embués de larmes, puis il relâcha Irina, honteux de tout le drama qu'il causait. Le fait de se faire porter une fois de plus et border en ajouta une couche mais il n'en montra rien, la matriarche des végétariens ne pensait qu'à son confort et il ne voulait pas être ingrat en plus du reste. Elle lui prit la main pour lui annoncer la suite des événements et Edson acquiesça.
- Pas la peine d'être présente pour l'auscultation, ça va mieux. Prenez soin d'Alyssa.
A vrai dire il n'en savait strictement rien de si ça allait vraiment mieux ou s'il n'allait pas péter une nouvelle durite dans deux minutes, mais il ne voulait surtout pas être un fardeau. Il se contenta donc d'adresser un sourire à Irina lorsqu'elle sortit de la pièce puis commença à faire le point.
Il avait failli se transformer, c'était indéniable. Ses cicatrices étaient déjà là pour attester de ce qu'il lui était arrivé et témoigner de sa nouvelle nature, mais ce début de transformation avait rendu le tout vraiment concret pour lui. Il était désormais un lycan et ne pouvait rien faire contre ça. Il allait se transformer à chaque pleine lune et même plus souvent s'il ne prenait pas garde à contrôler ses émotions. Il ne savait rien et allait devoir tout apprendre, mais c'était le prix à payer pour ne pas être à l'origine d'autres faits divers dans les journaux.
Perdu dans ses pensées, il n'entendit pas le docteur Rosenbach entrer dans la pièce mais leva la tête quand il sentit un regard posé sur lui. Le médecin approcha pour s'installer près de lui et Edson l'écouta.
- Je suis effectivement totalement perdu et j'ai connu mieux niveau forme physique. Mais vous avez faux sur un point : je vous fais confiance. Si Irina a confiance en vous, j'ai confiance en vous. Je suis en train de me noyer et vous me lancez une bouée de sauvetage, je serais bien idiot de la repousser.
L'alpha commença à l'ausculter et Edson continua de parler pour se distraire de la douleur.
- Je suis sincèrement désolé pour tout à l'heure, mais j'ai perdu le contrôle, n'y voyez rien de personnel...
Il grimaça et serra les dents lorsque Victor inspecta sa cuisse, mais le médecin était expérimenté et l'affaire fût rondement menée. Edson pensa en avoir terminé, mais l'alpha resta assis à côté du lit et lui demanda de lui raconter ce qu'il lui était arrivé tout en prenant soin de lui laisser une porte de sortie pour ne pas l'acculer. Ce qu'Edson apprécia. Il n'avait rien contre le fait de relater son histoire, mais il avait peur que cela déclenche un nouvel épisode.
Il avait cependant dit au docteur qu'il lui faisait confiance, il décida donc de se montrer de bonne foi et coopératif. Mais pas sans précautions. D'autant plus qu'Alyssa venait d'entrer timidement dans sa chambre. Edson ne voulait mettre personne en danger.
- Je vais vous raconter du mieux que je le peux, mais je pense que des tranquillisants ne seront pas de trop...
Après avoir pris soin d'Edson et s'être assurée qu'il allait mieux, et surtout qu'elle pouvait le laisser seul, Irina avait rejoint les deux autres, apportant du sang à Alyssa. Ce répit permettrait surement au jeune lycan de se reposer un minimum. Et de l'autre côté, la jeune femme continuait de baragouiner quelques mots incompréhensibles pour quelqu'un n'ayant pas le contexte. Et Irina se demandait si Victor l'avait ce fameux contexte.
- Bien sur, cela me conviens et me parait tout à fait acceptable. Edson est encore troublé par ce qu'il vient de lui arriver...Ce n'était pas un choix et il désirait rester humain...
Elle se tut, ne tenant pas à aller plus loin, sachant que ce ne serait pas utile. Victor comprendrait le message. Pour un humain appréciant son humanité et ne désirant pas en changer, ce genre de transformation brutale risquait de laisser un traumatisme supplémentaire qu'il aurait à gérer en tant qu'Alpha. Elle le savait, c'était aussi son cas avec les jeunes vampires que la Fédération lui confiait. Son regard se posa un instant sur Alyssa, l'un de ces jeunes, changée contre son propre avis dans un monde où tous connaissaient l'existence des créatures surnaturelles.
Alors que Victor allait au chevet du blessé, Irina s'approcha de celui d'Alyssa, s'accroupissant à ses côtés. Elle lui adressa un doux sourire.
- Alyssa, comment te sens-tu ?
Elle posa une main sur celle de l'adolescente, histoire de capter son attention.
- Je veux que tu saches que ce genre de perte de contrôle est tout à fait normal dans ce genre de situation. J'ai ma part de responsabilités en ayant apporté, ici, un humain blessé et en pleine transformation. Pour cela, je te présente mes excuses. Mais sache que je trouve ton comportement, malgré tout, admirable. Tu ne l'as pas mordu alors que tu aurais pu, tu as résisté malgré la tentation, malgré tes instincts. Et cela me prouve que tu es une vampire aux grandes capacités, tu seras un membre puissant de notre société, n'en doutes jamais. Grandis, continue sur cette voie et tu seras quelqu'un de bien, Alyssa. Et sache que n'importe qui peut craquer, qu'importe l'âge. Le sang ne me fait plus autant d'effets qu'à l'époque, mais sait-on jamais, la vie est pleine de surprise, n'est-ce pas ?
Les effets du sang, elle les maîtrisait avec le temps. Mais elle savait que certaines choses la privaient de son calme et de son contrôle...résultat elle les esquivait au maximum. Elle la laissa terminer puis se relever puisqu'elle semblait se sentir mieux. Elle la suivit alors, à ses côtés, prête à la retenir si elle tombait...mais elle la laissait marcher à son rythme et seule. Elles arrivèrent alors à la chambre d'Edson et comprit rapidement qu'elle voulait aussi entendre son histoire. Eh bien, ils étaient trois à vouloir savoir. Sachant qu'Irina avait vu le massacre sur place, une scène extrêmement glauque et preuve de la violence qui s'y était déroulé. Elle ne savait pas quel loup en était responsable, mais qu'importe qui il était, il représentait un danger, surtout dans cette paix toute relative avec les humains.
Elle proposa une chaise à Alyssa puis, appuyée contre le mur, elle attendit silencieusement, mais le regard doux, voulant se montrer encourageante et en même temps...elle voulait qu'il soit sur qu'elle ne jugerait pas quoiqu'il puisse raconter.
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