Est-ce que c’était suffisant ? Ou peut être était-ce trop d’ailleurs ? Je devrais peut être me changer… Ou enlever ces talons. Je secouai la tête. Je n’étais peut être juste pas fait pour aller dans des soirées chic d’ailleurs. Je n’avais jamais mis les pieds là dedans, préférant me faire porter pâle pour les événements du boulot ou même seulement ne pas y aller sans prévenir. Mais là. J’avais accepté. Et j’avais dû m’habiller. Cela m’avait pris de très longues heures en boutique pour cela puisque je n’avais absolument rien à me mettre chez moi. D’ailleurs, je devais avouer que c’était la vendeuse qui avait fini par choisir ma robe tant mon indécision était visible et sûrement difficile à vivre pour elle. J’avais du essayer pas moins de vingt robes différentes avant d’en trouver une qui m’allait et me plaisait. Non. Décidément. Je n’étais pas faite pour cela. Mais j’avais dit oui, et encore une fois, je me le rappelai. D’ailleurs, je remerciai intérieurement Samael de ne pas avoir oublié la règle des trente minutes. Bon. J’étais prête avant cela, ne manquait plus qu’une retouche coiffure et mettre mes chaussures. En parlant de chaussures, d’ailleurs, je me posai rapidement la question sur le bienfondé de leur existence. Je portais bien trop rarement des chaussures aussi hautes et si la hauteur, du fait de la taille de Samael, ne me dérangeait absolument pas, je doutais réussir à passer une soirée entière debout sur ses échasses. Pour autant, je ne pouvais décemment pas me rendre à une soirée que l’on m’avait décrite comme chic en converse. Non, non. Et la vendeuse avait d’ailleurs était claire : ces chaussures sont parfaites avec la robe. Alors… Je n’avais plus qu’à supporter tout ça !

Et le SMS tant attendu arriva. Enfilant chaussure et sac sur l’épaule, acheté avec la tenue et préparé d’ailleurs depuis la veille avec mes effet journalistiques, je fermai ma porte avant de soupirer fortement derrière celle-ci. Allez Jen ! M’intimai-je Rendez-vous professionnel. D’ailleurs mon patron avait été ravi de cette nouvelle, me félicitant pour mon professionnalisme avec les interviewés qui allait jusqu’au point de me faire inviter là où il n’avait pas réussi à avoir de places. S’il savait…

Rapidement, tentant de ne pas me casser la figure, je descendis les deux seuls étages du petit immeuble dans lequel je vivais. Au moins ne fut-il pas difficile à voir dans la rue. D’ailleurs, c’est à grand pas que j’avançai vers lui, ne m’arrêtant qu’une fois à sa hauteur pour l’observer, un peu perplexe quant à sa dégaine.

- Euh… Dis-je en l’observant de bas en haut. Tu… Je secouai la tête. Tu as toujours l’air d’un Zombie. Même comme ça. Soufflai-je en haussant les épaules.

Bon. D’accord. Il était beau. Malgré ses cernes, malgré sa tête de déterrée, Samael était un très bel homme, ou tout du moins à mon goût mais je n’allais certainement pas lui faire la remarque. D’ailleurs on devait rester professionnels. Il l’avait dit lui-même. Et dire ce genre de choses… Ce n’était absolument pas professionnel. Contournant la voiture, je m’installai à côté de lui le regard fixé sur mes genoux.
Qu’est ce que je devais dire ? Ou ne pas dire ? Ou faire ? Notre dernière « balade » en voiture était facile, après tout. Il me guidait, je conduisais. Là… Il allait conduire et je n’allais pas le guider. Silence gênant en perspective. Je me raclai alors la gorge tandis que la voiture démarrait.

- J’espère que je ne me suis pas trop trompée avec ma tenue. Dis-je, tentant de trouver un sujet, n’importe lequel. J’ai pas trop l’habitude de ce genre de soirée… En fait. Et… Enfin la vendeuse me l’a trouvé alors j’ai acheté ce qu’on me proposait.

Je grognai intérieurement contre moi-même. Et voilà comment passer pour une cruche. Outre le fait que parler chiffon avec un homme n'était, d'après les habituées de la gente masculine, pas franchement intelligent ; encore une fois, je venais de prouver que j’étais une fille loin d’être bonne à sortir puisque je n’en avais pas l’habitude. La parfaite ermite, en fait. Super Jenny. Super. T’es la meilleure pour mettre l’ambiance. Grimaçant, je réprimai un long soupir d’agacement contre moi.

- Ah et. Du coup de vive voix. Merci. Pour l’invitation. Mon patron était super content. Je me ferais discrète de toutes façons alors… J’haussai les épaules sans quitter le tableau de bord des yeux. T’as pas à t’en faire. T’auras qu’à faire comme si j’étais pas là hein.

Discrète. Ça oui. Plus il y avait de monde, moins j’étais à l’aise de toutes façons et si je savais jouer des apparences et être professionnel, il allait pouvoir voir que je pouvais être professionnelle et surtout réellement invisible dans ces moments-là. Je ne poserais que les quelques questions nécessaires sur la soirée voire sur quelques chefs et je me ferais oublier. N’était-ce pas là le rôle de tout bon journaliste ? Et puis si mon chef n’avait pas de scoop, ce n’était pas mon problème car même si je savais pertinemment que c’était là ce qu’il voulait, je n’étais pas une paparazzi. Je me contenterais donc de couvrir l’événement. Point barre. De toutes façons je ne serais certainement pas assez à l’aise pour faire autre chose alors…

Je portais une robe… Oui alors oui. C’était… Un fait. Logique. Et qu’on ne pouvait pas nier. Arquant malgré tout un sourcil à cette remarque beaucoup moins acerbe – et beaucoup plus étrange – que ce à quoi je m’attendais du fait de ma pique, je m’installai alors dans la voiture. C’était bizarre. C’était réellement bizarre. Mettez deux personnes qui ne s’apprécient pas dans une voiture mais qui essaient d’être agréables l’une envers l’autre et vous aurez exactement ce que nous étions en train de vivre actuellement.
D’ailleurs, j’arquai un sourcil à sa remarque. Il venait de me faire un compliment ou j’avais rêvé là ? Secouant doucement la tête, je la tournai vers lui, l’air réellement surpris.

- Euh… J’hésitai clairement. Merci ?

Alors s’il voulait accentuer le malaise, il avait gagné. Déjà parce que je n’avais aucune habitude de ce genre de compliments, de base. Ensuite parce que venant de lui, c’était encore plus bizarre, et enfin parce que de toutes façons il semblait que « malaise » serait le thème de la soirée. Ou au moins du trajet, ce que j’espérai franchement. Une soirée sous ce signe… Cela risquait d’être particulièrement désagréable.
Je repris vue sur le pare-brise alors qu’il répondait à mes quelques mots. Fronçant les sourcils, je secouai alors la tête tandis qu’il allumait la radio. Bonne idée, ça. La radio. On se sentirait moins idiot dans le silence le plus total.
Voiture garée, je secouai la tête. Non. Si j’avais décidé d’y aller, acceptant son invitation, je n’étais certainement pas du genre à changer d’avis une fois sur place. Cela aurait été très mal venu de ma part, déjà, et ensuite je n’avais aucune envie de causer de tort à qui que ce soit. Même à lui. Même si je n’étais réellement pas souvent agréable depuis notre première rencontre, je n’étais pas réellement du genre à poser problème à mon entourage, quel qu’il soit. C’est pourquoi je descendis de voiture pour le suivre jusqu’à la file d’invités. Une queue… Ô joie. Et le silence. Encore. Nous n’étions visiblement pas fait, l’un comme l’autre, pour faire la conversation. Malheureusement. Mais enfin, nous pûmes monter sur le bateau. Un soulagement. Les quelques mots du capitaine prononcés, les moteurs allumés et je me tournai vers lui en réfléchissant. Deux choix s’offraient à moi. Le quitter pour explorer moi-même, ce qui était certainement le choix logique vu le malaise qui s’était installé par nos silences à répétition. Ou lui demander de me faire faire le tour afin d’être certaine de ne pas me perdre, même si le bateau n’était pas grand, et donc risquer de déranger d’autres personnes pour me retrouver. Je secouai la tête. Je ne voulais pas déranger. C’était un fait. Alors…

- Si tu as le temps on peut faire le tour ensemble ? Soufflai-je. Mais si tu as des gens à aller voir… Je ne te retiens pas, je peux me débrouiller.

J’arquai néanmoins en observant son pied taper au rythme de la musique, esquissant un très léger sourire amusé.

- Tu aimes ce genre de son ? Demandai-je en tournant la tête vers l’orchestre, la penchant légèrement avant de la hocher. Je trouve ces rythmes toujours entraînant. Continuai-je à mi-voix.

C’était peut-être l’une des rares choses qui me permettait, d’ailleurs, d’avoir quelques discussions avec le commun des mortels sans qu’il ne soit question de mon don et de mes visions. La musique. J’avais d’ailleurs toujours aimé cette ville pour cette raison, et pas pour autre chose.

- Tu joues d’un instrument ? Demandai-je alors pour tenter d’amorcer une discussion.

Après tout touchai-je au piano, alors si j’y arrivais, pourquoi pas lui. Peut-être jouait-il du triangle… A cette idée, j’esquissai un sourire un peu moqueur. A vrai dire, je l’imaginai très peu jouer d’un quelconque instrument. Je ne savais pas pourquoi, mais je n’arrivais pas à me l’imaginer en jazzman ou autre musicien.

Toussotant, je repris alors parole pour un tout autre sujet, sujet qui me taraudait depuis le trajet en voiture.

- Dis-moi. Je fronçai les sourcils en me tournant de nouveau vers lui. Pourquoi viens-tu dans ce genre de soirée si tu n’aimes pas ça ? J’haussai les épaules, tentant d’avoir l’air aussi nonchalante qu’habituellement. Peine perdu, ou presque, je semblais malgré tout plus tendue. Je passe mon temps à ne pas y aller ou à me faire porter pâle, alors pourquoi, toi, tu te forces à y aller si c’est pour ne pas apprécier ?

Hé bien voilà un autre sujet de discussion… On allait peut être pouvoir passer plus de deux minutes sans silence après tout…

J’esquissai un léger sourire à son acceptation. Bien. Au moins je n’aurais pas l’impression de m’imposer. Ou j’aurais cette impression mais il l’aura aussi, et du coup je ne serais pas seule. Cette idée me rassurait quelque peu. Je ne serais pas seule dans le bateau. Et c’était d’ailleurs le cas de le dire. J’arquai néanmoins un sourcil à sa réponse. Voilà un point commun, donc. Même si ce sujet n’allait pas nous tenir toute la nuit… cela nous permettrait peut-être d’en débattre un peu si nous manquions de conversation. Et d’ailleurs, la suite de sa réponse me surpris d’autant plus. A tel point que je restai quelque peu muette à l’observer. Lui. Musicien ? Sérieusement ? Je me demandai un instant s’il ne se moquait pas de moi. Mais pourquoi s’inventer deux instruments aussi « rares » si c’était pour se moquer. Il me fallut quelques longues, très très longues secondes pour refaire surface, secouant la tête.

- Euh… Oui. Enfin. Je joue du piano. Mais je ne suis pas virtuose. Loin de là. Je me débrouille. C’est déjà bien.

Et puis je n’avais pas vraiment de place pour m’installer un beau piano, alors je m’entraînais uniquement au conservatoire sur le piano du fond de scène, comme depuis des années, d’ailleurs. Impossible, donc, de m’exercer comme je le voulais. Mais bon. Je n’avais pas le choix alors…

- Tu en joues depuis combien de temps ? Et… Pourquoi ces instruments ? Enfin… C’est quand même pas courant. J’adore hein ! Surtout le saxo. Je suis toujours impressionnée mais enfin…

Je secouai vivement la tête. J’étais bavarde. Beaucoup trop par rapport à mon habitude. Et surtout trop curieuse par rapport à lui. Professionnelle il avait dit. On avait dit. Alors… Autant passer à un sujet qui concernait cette soirée. Et c’est d’ailleurs ce que je fis, m’interrogeant sur le pourquoi de sa venue ici s’il n’appréciait pas ça.
Je dus avouer que la réponse, à défaut de me surprendre, me fit sourire, alors que j’hochai la tête respectueusement pour ne pas paraître impolie face à ce que je pensais être son collègue. L’on pouvait lire la passion qui l’animait rien qu’en le regardant. Et s’il n’était pas l’homme le plus agréable du monde, cette passion là était toujours agréable. J’avais toujours aimé parler à des passionnés comme lui, là où je me trouvais fade sur tous les rapports, je les trouvais resplendissants dans leur domaine et dans leur paroles. Et Zombiboy ne faisait pas exception à la règle. Je l’observais quelques instants. A vrai dire… Ce sourire éclairait réellement son visage.

- Tu devrais sourire plus souvent. Soufflai-je avant de détourner le regard.

Hééé… Apprendre à réfléchir avant de parler. Voilà une chose que je devrais noter dans mon agenda. Une formation que je devrais vite trouver plutôt que de dire des âneries de ce genre. Enfin. Il reprenait au moins parole. Et c’était vrai ça. Pourquoi j’étais venue ? Pourquoi j’avais pas fait appel à un collègue ? La raison « j’y ai pas pensé » était pas forcément la plus valable d’ailleurs. Parce que d’un même si c’était vrai c’était un peu ridicule à admettre. Et de deux… Il n’y avait que moi pour supporter une nuit avec un Zombie, il allait sans dire. Je me raclai alors la gorge.

- J’aurais pu… Commençai-je, hésitante. Mais… Enfin… Je soufflai. Bon à vrai dire, je n’y ai même pas pensé et vu que tu me l’as proposé à moi, j’allais de toutes les manières pas te répondre « ok, je t’envoie quelqu’un ». Je suis peut-être pas la compagnie la plus agréable, au moins je ne me leurrais pas, mais crois moi, il y a pire.

Mensonge 0 - Vérité 1. Putain de vérité que je ne savais pas cacher. Et mes collègues ? Je ne supportais pas la plupart. Certains du fait de leur ricanement quant à ma rubrique de « Madame Irma du passé », d’autres parce que je n’étais qu’une femme, et un troisième groupe parce qu’ils n’appréciaient visiblement pas mon franc parler. Ce que je pouvais comprendre, cela dit. Je n’étais pas franchement la plus douce dans mes paroles et je le savais.

- Et puis… Je sais très bien faire illusion. Repris-je. Là par exemple j’ai l’air tout à faiit à l’aise alors que pas du tout. Rapidement, je me mis à rire, plus sincèrement que ce que j’avais pu faire jusqu’à présent. Un peu comme dans ton restaurant. Je déteste ce genre d’interview. Je me sens toujours idiote à poser des questions avec des réponses que je connais déjà. J’esquissai un léger sourire en lui lançant un regard amusé. Bon j’avoue. Quand t’es arrivé, c’est devenu plus amusant. En fait.

Et à nouveau, je grondai légèrement contre moi-même en détournant les yeux. Je parlais BEAUCOUP trop. Suffisait ! D’ailleurs, je me rendais compte qu’accaparée par les paroles de Zombiboy… Je n’avais même pas réellement regardé les différentes parties du bateau… Idiote, idiote, idiote ! Je soufflai profondément. Je n’allais tout de même pas lui demander un nouveau tour…

- Désolée. Soufflai-je. J’ai pas l’habitude de parler autant. Secouant la tête, j’osai un regard vers lui. Je suis plus du genre à me taire et observer. Enfin… A me faire oublier. Ou à être désagréable.

C’était un peu ma spécialité, à vrai dire. Me faire oublier. Parce que je n’aimais pas être le centre de l’attention, ensuite parce que je trouvais bien trop souvent les discussions inutiles et sans aucun intérêt, ou les gens idiots, et… Aussi sans intérêt. Et enfin parce que je n’appréciais pas faire semblant. Je préférais dire les choses et lorsque cela ne me plaisait pas, je le disais. Et lorsque je parlais… Oui d’ailleurs, pourquoi je lui parlais à lui ? Ça avait été tout à fait naturel. Mmh. Pas normal. Pas bien du tout. Zombiboy qui me détraquait un peu. A moins que ça soit le stress de la soirée. Sûrement, tient.

- Du coup… Euh… Et maintenant j’hésitais. J’avais des questions à lui poser, oui, mais lesquelles ? Comment ? Rah. Non pas comment. Je savais parler quand même. Tu… ça fait combien de temps que tu cuisines toi ? Enfin… Oui voilà. Pourquoi t’es devenu cuisinier ? Et puis t’as quel âge déjà ? J’arrive pas à te donner un âge exact.

Sans dire que j’étais nulle pour cela, évidemment. Et d’ailleurs je me trouvais soudain beaucoup trop curieuse. Et j’avais encore trop parlé. Les joues légèrement rosies par la gêne occasionnée par mon comportement naturel et pourtant éloigné de ce que je pensais faire ce soir, je fixai alors l’eau, tandis que je m’étais accoudée à la rambarde. Voilà une chose qui me calmait. L’eau. Le bateau. Le chant des grenouilles… Bref. Tout ça. Et cela se voyait. En quelques instants, mon visage c’était apaisé. J’étais bien. Près de l’eau.

J’arquai un sourcils alors qu’il répondait à ma question sur les instruments joués. Outre le fait que cela faisait longtemps, avec des instruments qui n’étaient certainement pas des plus appréciés des enfants ou des adolescents, une chose ne m’avait pas échappé.

- Tu es orphelin ? Et je suppose que tu viens pas d'ici. Tu parles toujours aussi bizarrement.

Une question très intime que je posais alors sans la moindre gêne. Peut être était-ce du fait de mon habitude à fouiller le passé des personnes que je pouvais être amenée à côtoyer. Quoiqu’en général, cela soit fait par vision et non par questions. D’ailleurs, je n’avais que très peu l’habitude de demander les choses sur le passé, c’était un fait. Cela me faisait presque bizarre de devoir demander confirmation d’une chose au lieu de le voir. Je m’en rendis néanmoins compte, secouant légèrement la tête en levant les yeux vers lui.

- T’oblige pas à répondre. J’ai compris que t’aimais pas trop qu’on fouille ton passé. Dis-je en haussant les épaules.

Et puis un compliment. Un compliment qui fut visiblement mal reçu. En soit, je pouvais aisément deviner le pourquoi du comment. J’étais ni du genre super compliment, ni du genre gentil avec lui. Je secouai alors de nouveau la tête.

- Non mais. C’est pas ce que je voulais dire. Enfin. Vu l’intelligence des corbeaux, tu aurais surtout dû choisir un autre animal. C’est pas ta tête qui effraiera quoique ce soit. Ou peut être les vivants tout court vu ton air zombifié.

Voilà qui était mieux. Ça me ressemblait plus ça. D’autant que j’avais parlé d’un air particulièrement détaché, comme à mon habitude. Au moins, je n’étais pas détraquée. Pas trop. C’était déjà ça.
J’haussai alors les épaules. Avec le recul, j’avais fini par trouver ça amusant. Parce que c’était rare un abruti pareil qui répondait pique à pique comme ça. Et qui se vexait peu de ce que je pouvais lui dire, même si le tact n’était certainement pas mon meilleur ami. En fait, je trouvais cela presque « agréable », de pouvoir parler sans détour à une personne, même pour lui dire des vacheries, sans chercher à être plus ou même moins que ce que l’on est. J’arquai néanmoins un sourire à ses cinq mots. Du mal à m’oublier ? Hé ? Et la suite alors ? « Parce qu’une tête de méduse comme toi on peut pas l’oublier » ou je ne sais quelle pique désagréable. Mais rien ne vint. Juste un sourire et une gêne palpable.

L’observant attentivement, je plissai quelque peu les yeux. Il était malgré tout assez énigmatique. Le cuisto super doué pénible, à la femme décédée dont il ne voulait absolument pas parler, au pouvoir encore plus chiant que l’homme qui avait fait le tour du monde. C’était assez spécial, je devais en convenir. D’ailleurs soufflai-je légèrement.

- T’as eu de la chance de pouvoir faire le tour du monde. Je viens d’une famille juive et restrictive. On laisse pas les filles faire « n’importe quoi ». Dis-je en riant légèrement, amusée de ma propre famille. J’ai jamais quitté la Nouvelle-Orléans… Ah si ! Une fois. J’ai été jusqu’à Bâton-Rouge pour une Bar-Mitsvah. La plus chiante de mon existence en plus. Je souris alors en observant l’eau. Au moins on voit que t’as la passion, toi. Même à côté de moi t’arrive à être enthousiaste à discuter d’un truc de manière joyeuse. C’est pour dire !

Je plissai néanmoins quelque peu les yeux à sa question sur l’âge. Ainsi avait-il deux ans de plus ? A moins qu’il ne vienne d’avoir ses vingt huit ans. Auquel cas… Il ne serait plus âgé qu’un an. Bah. Pas assez pour m’inspirer le respect, mais assez pour ça.

- Donc un papy Zombiboy. Dis-je sans quitter le Mississippi des yeux avant de les lever vers lui, un sourire narquois aux lèvres. Ah parce que je suis une femme ? Je croyais juste être une Méduse. Lui dis-je avant d’hausser les épaules. Sinon j’ai vingt-six ans. Enfin je vais en avoir vingt-sept d’ici quatre mois.

Surprise de l’interruption de l’homme, presque légèrement agacée quoique rien dans mon attitude ne le montre, j’esquissai un sourire chaleureux, de rigueur, à l’espèce de bellâtre qui venât d’arriver. Bon. Je ne pouvais pas nier. Il était réellement séduisant. Et toute personne se respectant ne pouvait que l’admettre. Il avait un charme tout à fait certain.

- Bonjour. Saluai-je d’un hochement de tête respectueux alors que Zombiboy me présentait.

L’homme, alors me fit arquer un sourcil. Lui et moi… Ensemble ? Vivement, je secouai la tête. Oh que non. Non, non, non ! Nous n’étions absolument pas ensemble. Il n’y avait qu’à lui demander sa façon de me voir pour en être certain d’ailleurs ! Et puis vint le clin d’œil, qui me fit très légèrement grimacer. Ça y est. Sa tête me revenait. Et je détestai réellement ce genre d’hommes, qui n’aimait les femmes que pour leur physique et non le reste. Non pas que je n’étais pas amatrice de ce genre de relation… Enfin si, non, je ne l’étais absolument pas, mais je trouvais cela affreusement réducteur. D’ailleurs… J’observai un instant Samael qui m’indiquait que je pouvais le suivre pour emboiter le pas du Don Juan, l’air bien décidée, arrêtant le chef non loin de mon « compagnon de soirée », ou du moins assez près pour qu’il puisse entendre mes quelques mots.

- Excusez-moi, Monsieur Russo ? J’esquissai un sourire professionnel. Avant que je ne fasse d’impair, êtes-vous bien le Chef Russo photographié il y a quelques semaines entouré de femmes visiblement payées pour cela dans une belle maison au sud de l’Italie ?

L’homme fronça les sourcils en secouant la tête.

- Vous… Vous faites erreur ! Souffla-t-il rapidement. C’est une histoire que je ne connais pas.

Sans attendre, il tourna les talons pour s’éloigner de moi, sous mon regard légèrement dubitative. Quelques instants plus tard, je me retrouvais près de Zombiboy, l’air légèrement gêné au visage.

- Désolée. Soufflai-je. C’était le clin d’œil. Je déteste ça. Ça me met mal à l’aise. Et… Je secouai la tête. Je déteste aussi ce genre de personnage. J’ai pas pu m’en empêcher. Je me tournai vers l’eau. Désolée. C’était pas pour te mettre dans l’embarras. Et puis une interview avec lui… Je suis en discussion avec un autre chef, j’allais pas le suivre. Soufflai-je.

Voilà bien une chose à laquelle je me tenais : la stricte politesse. J’étais avec Samael, je restais avec lui jusqu’à ce qu’il le décide. C’était moi l’invitée et donc à lui de faire. Et puis… En fin de compte… Je devais avouer que ça n’était pas si mal de discuter avec un Zombie.

Que si quoi ? J’aimais pas quand on finissait pas les phrases. J’imaginais rarement le pire, mais venant de lui, y avait de grandes chance pour que ça soit clairement pas le truc le plus agréable du monde. D’ailleurs plissai-je les yeux en l’observant. « Si quoi » ? Allez ! Continue ! Mais il ne continua pas, reprenant sur autre chose alors que j’haussai légèrement les épaules.

- J’adore écrire. En fait. Je fais que ça de mes journées presque. Quand je suis pas en rendez-vous j’veux dire. J’esquissai un sourire. J’essaie même d’écrire un roman. Mais je suis peut être pas assez douée pour ça.

Je me mis à rire à sa réponse, hochant largement la tête. Ah ça, plus que les rides et on lui donnerait soixante dix ans. Au moins ! Mais le pire était que sa tignasse blanche lui allait… En fin de compte. Alors… Je fronçai les sourcils, reprenant mon sérieux. Oui bon. Il était mignon, ça me gênait de le penser, mais j’allais pas non plus tourner en boucle !

- Au moins, moi je le suis qu’à moitié. Soufflai-je néanmoins l’air amusé au visage.

L’interruption du chef Russo fut bien rapidement expédiée. Bien décidée à rester près du Zombie, il était vrai que j’étais malgré tout particulièrement gênée d’avoir assez violemment rembarrer un homme qui ne voulait peut-être réellement qu’une interview… Enfin… Je n’étais pas assez naïve pour penser cela, malheureusement, et les dires de Samael me confirmèrent que je ne pensais pas faux. D’ailleurs grimaçai-je légèrement.

- Je plains sa femme. Soufflai-je. Les hommes volage… Je secouai la tête. Je comprend pas en fait. Si tu trouves quelqu’un de bien, ou si tu veux trouver quelqu’un de bien… Pourquoi enchaîner des femmes comme ça ? J’observai, distraite, le passage de l’italien. On dirait qu’il les prend pour des objets. J’haussai les épaules. Enfin. Je comprend pas non plus pourquoi essayer de trouver une personne. Je dois juste avoir un problème.

Rapidement, je ris, nerveusement. Il valait mieux que j’arrête de parler. En plus de prouver que j’étais tout à fait à contre-courant, ne comprenant ni les couples ni les enchainements d’hommes ou de femmes, je m’enfonçais dans des explications sur ma propre façon de penser.
D’ailleurs, en parlant de femme, ce fut une en chaire et en os qui me sortit de mes pensées. Rapidement, je l’observait de haut en bas. Hé bien. En voilà une qui savait ce qu’elle voulait : plaire. Une française, sans nul doute. J’adorais cet accent. Tout comme celui de Zombiboy, il était amusant. Fronçant les sourcils à cette pensée, je me concentrai de nouveau sur l’inconnue, lui affichant ce même sourire professionnel que j’avais pu offrir à l’italien. Soit bien loin que ce qu’avait pu voir Samael ce soir.
A vrai dire, je sentis particulièrement bien la sorte de mépris qui émanait du regard de la française alors qu’elle enroulait son bras autour de celui du cuisinier. Son sourire non plus, ne m’échappa pas, et je l’observai quelque peu perplexe. Pourquoi cette attitude ? Je n’arrivais pas à comprendre. Je ne comprenais pas la plupart des attitudes à vrai dire, du moins quand elle n’était pas tout à fait directes alors… Aujourd’hui n’allait certainement pas faire exception. Enfin. C’était peut être là que le « fais ce que tu veux » rentrait en ligne de compte. Hochant la tête pour masquer ma gêne face à l’attitude de cette femme que je n’arrivais réellement pas à saisir, j’esquissai un léger sourire sans même jeter un coup d’œil à Samael, me contentant d’observer la blonde.

- Euh. Je… Oui. Bien sûr. Cette fois, je me tournai vers Zombiboy. A tout à l’heure… Alors. Enfin. Amuse-toi bien avec ta collègue. Du coup.

Tournant les talons, je me dirigeais droit vers un coin du bateau, fixant de nouveau l’eau. Amuse-toi bien avec ta collègue. Mais à quoi je pensais moi ? Et puis j’avais été hésitante. Ridicule.
Pourquoi est-ce que je me sentais agacée de l’avoir vu être « kidnappé » par une femme ? Bon oui, elle était magnifique, et je faisais réellement pâle figure à côté. Ma robe était simple, je n’étais pas grande même perchée sur des talons et mes jambes… Ressemblaient à des boudins quand on y pensait. Je grondai contre moi. Et depuis quand je me comparais à quelqu’un moi ? Non mais… Je secouai la tête. Bon. Du coup… Voilà que je me retrouvais seule. J’observai rapidement autour de moi. Je détestai ça. Je n’étais pas à l’aise. Il y avait beaucoup trop de monde, trop bien habillé, déjà en groupe et je savais aussi que si je touchai la moindre chose je pouvais avoir une vision ce qui risquait de paraitre étrange et me mettrait encore plus mal à l’aise. Rapidement, je fermai les yeux en tentant de reprendre mon calme. Ne pas paniquer. Ne jamais paniquer. J’allais faire mon travail puis me poser dans un coin et attendre. Voilà. Ce qui était prévu. Trois chefs interviewés et ce serait parfait. Rapidement, je me retournai pour faire face à l’eau, les yeux toujours fermés. Et surtout, il allait falloir que je me calme. Plus j’étais nerveuse, plus la moindre vision risquait de se voir et d’apparaître.
Pourquoi j’avais accepté ça moi ?

Bon. Ok. J’avais dit à mon patron que j’allais interviewer du monde. Ça faisait quand même un certain temps que j’étais là et j’avais rien. Il allait sérieusement falloir que je me mette au travail. Et pourtant, je restais là, les yeux fermés, concentrée sur la musique pour ne pas entendre les babillement des autres invités, ces mêmes invités que j’étais censée interviewer et qui m’angoissait du fait de leur rassemblement. Voilà pourquoi je préférais mon travail habituel : j’étais seule face à une ou deux personnes et ils m’attendaient. Ça c’était facile. Demander des interview et jouer les paparazzi… ça… Je secouai la tête. Je n’étais réellement pas faite pour ça.
Au moins la musique semblait-elle m’apaiser. Ne pas ouvrir les yeux. Tant que j’avais les yeux fermés, je pouvais m’enfermer dans ma bulle, celle que j’avais lorsque j’écrivais. Celle que je me créais habituellement.

- Hey…

Je sursautai alors, ouvrant les yeux pour me tourner vers l’origine de la voix, manquant même de lui asséner un coup, de surprise. D’accord. J’étais peut-être un peu trop stressée. Il fallait réellement que je me détende. Et puis, je soupirai. Ça n’était que lui. Enfin que. Tout était relatif, c’était un fait, il était le seul que je connaissais sur ce bateau. Quoique connaître était un bien grand mot.
Il s’excusait ? J’arquai un sourcil. Pourquoi est-ce qu’il s’excusait ? Il était avec ses collègues, je pouvais tout à fait comprendre qu’il puisse avoir envie de les voir. Cela ne devait pas arriver tous les quatre matins. D’autant que l’italien avait bien dit « cette année ». Comme quoi. Ça arrivait rarement. Ainsi secouai-je la tête, surprise malgré tout.

- Non. Enfin t’inquiète. On avait prévu que j’étais là pour le boulot, je veux pas t’empêcher d’être avec tes collègues. Puis traîner avec une journaliste c’est peut-être pas dans tes priorités de Zombie. Faut bien que t’aille contaminer du monde. Dis-je en haussant les épaules de la manière la plus nonchalante possible.

Ce n’était pas tout à fait convaincant, certes, mais ça suffisait. Et puis en un sens, je devais admettre que ne plus être seule à risquer de me faire remarquer, ça m’allait aussi très bien. J’étais moins stressée. Et il pourrait me couvrir si je touchais quelque chose qui me donnait une vision. Du moins je l’espérais.
Rapidement, j’avisai alors la main tendue tandis que la musique s’élevait jusqu’à nous. Clignant des yeux, je secouai un peu la tête, l’air légèrement perdu.

- Euh… Je ne sais pas danser. Dis-je en grimaçant un peu. J’ai jamais pratiqué.

Levant les yeux vers lui, je fronçai néanmoins les sourcils. Bon. Je savais pas danser. Mais je pouvais peut-être faire semblant ? Je savais très bien faire illusion sur bien des choses alors pourquoi pas ça ? Jetant un coup d’œil à la piste de danse, je fis une légère moue. Ça n’avait pas l’air trop compliqué. Au pire… Je lui marcherais sur les pieds. On était plus à ça près. En plus vu mon poids, c’est pas ça qui allait lui faire mal. Enfin vu sa maigreur, j’en étais pas trop sûre en fait. Et puis il avait l’air d’avoir envie. Sinon pourquoi il l’aurait demandé ? Surtout à moi. Je suis sûre que la française aurait fait meilleure cavalière. D’ailleurs il allait peut-être la rejoindre en voyant la calamité que j’étais. Possibilité non négligeable. Je soupirai avant d’hocher la tête.

- Bon. D’accord. On peut essayer. Mais on va tomber par-dessus bord à cause de moi, je te préviens.

C’était absolument pas une bonne idée, je le savais très bien. J’étais maladroite. Dans tous les sens du terme. Arrivés parmi les danseurs, je soufflai un coup et tentai alors de le suivre, du mieux que je pouvais, tout du moins. Le pire, c’est qu’il était très bon danseur. Enfin de mon point de vue. Ce qui était peut-être pas le meilleur point de vue, j’en convenais. Enfin. Au moins. Il connaissait autre chose que Thriller de Michael Jackson quoi. Pour un Zombie. C’était bien. Très bien. Les yeux rivés vers son torse, petite que j’étais, je devais avouer que sentir une main sur ma taille me faisait vraiment bizarre. Sentir une main dans la mienne aussi d’ailleurs. Et ça commençait à me donner chaud. Enfin. Pas exactement. Mais lorsque la musique s’arrêta, je toussotai sans lever la tête.

- Tu danses bien. En fait. Soufflai-je. Euh. Ça te dit. Un verre de quelque chose de frais ?

La nuit n’était pas forcément fraîche dans la région, m’enfin là, je devais réellement ne pas être sportive si une simple danse douce comme ça me donnait chaud. Il allait falloir que j’aille courir un peu moi.
Sans trop attendre sa réponse, peut être de peur qu’il me demande une autre danse, je le trainai derrière moi sans lâcher sa main jusqu’à l’endroit où se dressaient les boissons pour y prendre ce qui me semblait être un jus de fruit. Sans alcool, c’était encore mieux. Gardons les esprits clairs. Enfin… J’espérais bien que ça soit sans alcool. C’était tellement sucré et fruité que j’avais soudainement un doute. Enfin. Ne passons pas pour une cruche, je n’allais rien demander.

- Oh d’ailleurs. Dis-je. Tu n’as pas envie d’aller trouver ta patronne ? Je levai les yeux vers lui. Tu m’as dit qu’elle venait non ? Je secouai doucement la tête. Et merci d’être revenu. Enfin. Je veux pas te garder avec moi hein ! Mais...

Attend je pouvais pas lui dire ça quand même. « Ca me rassure d’avoir une tête connue avec moi ». Hors de question. Pas à lui. C’était un Zombiboy. Pas un ami.

- Enfin voilà.

Malaise. Que dire ? Que faire ? J’étais à court d’idée. Vraiment à court d’idée. Et ces silences, c’était sérieusement pas pour détendre l’atmosphère. Saleté de française. On avait réussit à amorcer une discussion plus courtoise qu’habituellement et voilà que le silence allait se réinstaller !

Je grimaçai légèrement en l’embarquant vers le bar sans même faire attention à ce que je tenais dans ma main pour cela. Bien débrouillée. Non là il se moquait ouvertement de moi. J’étais une nouille absolue en danse, pas foutue de mettre deux pieds devant l’autre alors me dire que je me débrouillais bien… Non. C’était un faux compliment. Intérieurement, il devait jubiler sur le fait que j’étais vraiment nulle comparé à lui. C’était obligatoire.
Enfin. Au moins, je pouvais maintenant me désaltérer et sentir la chaleur me quitter petit à petit. Ça faisait du bien. Beaucoup de bien. Et pourtant je n’étais pas habillée chaudement. Non, vraiment, il allait falloir que je me remette au sport. D’ailleurs peut être bien que je devrais m’inscrire à des cours de danse. Ainsi, la prochaine fois que je sortirais avec lui, je serais beaucoup moins n-… Qu’est-ce que je racontais ? Cette sortie, professionnelle somme toute, n’allait certainement pas se reproduire avant très longtemps. Voire jamais. Il l’avait fait pour… Oui… Pourquoi il m’avait invité ? Je jetai un coup d’œil à mon cavalier. C’était cool de sa part, il allait sans dire. Mais pourquoi avoir pensé que c’était bien pour moi ? Je veux dire… On s’aimait pas. C’était un fait établi entre nous. Mais lorsque l’on n’aime pas une personne. On ne cherche pas ce qui est bien pour elle. Au contraire. Il aurait dû me narguer en me disant que moi je ne pourrais pas y aller. Là ! J’aurais compris. Mais pourquoi m’avait-il invité ?

Embrayant sur l’âge, je tentais de ne pas penser à ce fait absolument étrange. Peine perdue, quoique je fusillai l’espèce de Zombie du regard. Genre j’allais pétrifier quelqu’un. Bah tient ! C’est lui que j’allais pétrifier oui !

- Je veux pas te retenir hein. Soufflai-je malgré moi. Enfin. Oui non je veux pas. Je suis contente de pas être toute seule. Parce que ça me rassure un peu mais j’allais pas le dire non plus. Mais je veux pas t’obliger à me supporter une soirée entière. Donc… T’inquiète pas pour moi. Je promets. A part toi je pétrifierais personne. Ou pas beaucoup.

Pourtant, et assez étrangement alors que je le libérais de ce qui devait être un fardeau pour lui, puisque c’était professionnel et qu’on s’aimait pas, je rappelle, Samael semblait être décidé à rester avec moi. Sirotant mon jus, je l’observai légèrement distraitement, sans même me rendre compte que je le fixai plus ou moins. Il était réellement intriguant et je ne comprenais vraiment pas ce qu’il me faisait. D’un côté, j’avais envie de lui crier de partir. Parce que c’était la chose la plus logique à faire et Dieu savait que j’aimais la logique. Cet illogisme… Non. Non je détestais ça. Je n’appréciais réellement pas ne pas comprendre les choses de façon claire et net et là… Je ne comprenais pas ni son comportement ni même le mien ou du moins mes bavardages. Mais d’un autre côté, je devais aussi me rendre à l’évidence. J’étais contente qu’il reste. J’avais quelqu’un avec qui discuter et passer la soirée… Quoique cela m’éloignait malgré tout du but professionnel de la manœuvre. Enfin. J’avais encore un peu de temps pour cela… Non ?

Je fronçai les sourcils à sa première question. Croyante ? De quoi me parlait-il comme ça d’un coup ? A vrai dire je ne tardai pas trop à comprendre, l’observant avant de détourner le regard, réfléchissant sérieusement à la question.

- En fait… Je fronçai les sourcils, concentrée. J’ai été élevée dans la religion juive. J’ai eu ma Zeved Habat. Je secouai la tête. Mon baptême où ils m’ont donné un prénom hébreux. Mazal, si tu veux tout savoir. Ca veut dire « chance ». Enfin. Je m’appelle pas comme ça. Sauf au temple. Bref. J’ai fait ma bat Misvah à 12 ans… Fronçant les sourcils je secouai de nouveau la tête, tentant de traduire cela pour une personne connaissant surement mieux la religion catholique, du moins comme je pouvais l’imaginer. Ma communion juive. Mais je doute aujourd'hui que le rabbin apprécie une personne comme moi enfin des personnes comme nous… enfin tu comprends.

Le sous entendu était clair. Le rabbin n’apprécierait certainement pas de se retrouver avec une fille à pouvoir. Ils n’y croyaient pas. Ou s’en cachait. C’était là, bien sûr, une supposition. Je n’avais jamais essayé d’en parler et ma famille connaissait ce qu’il en était alors… C’était différent pour eux, certainement.

- Et puis… J’haussai les épaules. Ma sœur a très bien accepté tout ça, elle est pratiquante et très croyante. Moi j’en sais rien. Je pense que j’y crois un peu au moins. Je peux aller au Temple, je crois certaines choses, mais je suis perplexe sur d’autre. Je secouai doucement la tête. Du coup, ça te dérange pas de parler à une juive alors ?

Non mais qu’est ce que j’étais con moi. Je partais tout de suite dans le racisme comme ça. Il allait penser que je l’imaginais raciste d’ailleurs alors que non… Je secouai la tête.

- Enfin je plaisante hein… Mais du coup… Toi. T’as dit que tu étais avec des nonnes. T’es croyant ? Enfin catholique ?

Quitte à continuer une conversation branlante, autant bien s’y enfoncer, n’est-ce pas ?

- T'oblige pas à répondre surtout !

J'étais donc bavarde sur moi et en plus prévenante en sachant qu'il n'aimait pas parler de son passé... Non vraiment je me détraquais là. Observant mon verre, un instant, je me demandai s'il n'y avait pas là un détourneur de personnalité. Ce n'était pas rationnel, oui, mais au moins, j'aurais pu tout expliquer facilement.

- Si je te pétrifie, je peux plus t’emmerder. Ça serait dommage. Répondis-je simplement en plissant les yeux.

Les prochaines fois ? Il n’avait pas tort en ce qui concernait le « destin ». Il avait l’air de pas trop nous aimer celui-là. Quoique cette fois, on ne pouvait réellement pas parler de destin, ou alors il avait grandement forcé de destin. J’allais d’ailleurs lui faire la remarque lorsqu’une petite voix dans la tête me somma de me taire. « Ne recommence pas à vouloir que la situation soit malaisante » me souffla-t-elle. Conscience idiote. On devrait pouvoir trouver un bouton off pour la mettre en sourdine celle-là. Parce que force m’était de constater que je me tus. Bonnement et simplement, ne reprenant parole que pour lui compter encore une partie de ma vie. Bavardages inutiles. Il allait s’emmerder. Et pourtant, il ne semblait pas s’emmerder. Au contraire, il hochait la tête. Il m’écoutait ? Apparemment. Mmh. Ne rien lui donner qui pourrait être utilisé contre moi, c’était là mon maître mot. Maître mot bien vite oublié, d’ailleurs, alors que je lui parlais de mon prénom hébreux. Oh je m’en moquais un peu, en fait. Seul Papa m’appelait comme ça. Et encore, pas tout le temps. Enfin. J’avais continué à lui parler de ma vie, de ma religion, lui indiquant même avoir une sœur. Trop d’informations. Je lui donnais beaucoup trop d’informations. Et ça ne semblait pas le choquer plus que cela. D’ailleurs se mettait-il, à son tour, à répondre à mes interrogations.

- Y a pas besoin de justification. Dis-je en haussant les épaules. Comme moi je sais pas me justifier pourquoi je crois à certaines choses et pas à d’autres.

Au moins respectait-il cela. Il n’était peut-être pas aussi con que je pouvais le penser. Peut-être, seulement.

- De toutes façons, soufflai-je, c’est pas nous qui allons jeter la pierre sur des croyances. Je croyais pas du tout aux visions avant de voir cette voiture me foncer dessus.

Je grimaçai alors à ce souvenir. Cette première vision, à l’enterrement de l’ami de mes parents, mort d’un accident de la route. Une vision assez traumatisante si ce n’était que j’étais assez malléable pour y faire face. D’autant que cela n’avait certainement pas été la pire des visions. Alors…
Imitant le voleur de pouvoir en reposant mon verre sur le plateau, j’arquai un sourcil à sa remarque. Bosser… Oh oui ! Bosser ! Je secouai la tête. J’allais passer pour une fainéante, une femme qui ne voulait que se faire inviter et profiter. Idiote que j’étais, j’allais oublier de faire mon travail. Précipitamment, je sortis alors de mon sac mon calepin et mon stylo, hochant vivement la tête. Pour qui allais-je donc passer ?

- Je… Heu oui. Donc. Je réfléchis quelque peu. Mon patron veut absolument que… Je regardai ma liste de tâche envoyée sur mon portable par mon rédacteur en chef. Que je sache si le Chef Mikhaïl Mazeltaff va ouvrir un nouveau restaurant, si la Chef Ellen Horson va accepter la proposition de travailler dans le nouveau restaurant étoilé de New York et si… Je fronçai les sourcils. Je vais pas lui demander ça quand même. Soufflai-je. Si la Chef Louise Beaufort va enfin aller en cure de désintoxication… Je sais même pas qui c’est…

Je grimaçai sérieusement. J’aurais dû vérifier mes mails avant de partir et accepter. Non mais… Il était vraiment sérieux ? Combien de fois allais-je devoir lui dire que je n’étais pas une foutue paparazzo ?

- Désolée, on va peut-être oublier cette dernière question, il risque de râler mais… Non. Je me vois mal demander ça à quelqu’un. Je soufflai alors. C’est les questions les plus importantes. Le reste, je ferais un article sur comment était la soirée, qui étaient les invités et le pourquoi du comment. D’ailleurs… Pourquoi est-ce qu’il y a ça chaque année ? Enfin cette soirée, je veux dire. Et qui l’organise ? Comment sont sélectionnés les invités aussi ? Je toussai, légèrement gênée. Désolée. Ça fait peut être beaucoup de questions d’un coup. Je voulais pas te charger. Je réalisai soudain une chose, secouant la tête négativement. Et tu m’accapares pas. Enfin. Ça me va dans ce cas. Enfin. Je fronçai les sourcils. C’est pas ça. Mais… Enfin. J’aime bien discuter. C’est facile.

C’est facile de discuter. Oui. C’était un fait. Mais là où je ne voulais que le rassurer sur le fait qu’il ne m’accarait pas, ou en tout cas pas sans mon consentement, je venais de faire un compliment. Meh. Idiote. Idiote. Idiote.

J’arquai un sourcil en l’écoutant. Il m’avait touché ?... Quand… L’on aurait été dans un vieux dessin animé qu’une ampoule se serait alors allumé au-dessus de ma tête. La danse. Bien sûr. Ah. Quelques courts instants, mon visage s’orna d’une moue songeuse.

- En fait… Dis-je hésitante.

En fait, ça m’arrangeait bien. S’il m’avait touché je n’aurais pas peur de toucher les objets m’entourant et donc je n’aurais pas peur d’avoir une vision en plein milieu d’une foule ce qui me rendrait automatiquement visée par les regards curieux. Et donc cela me détendrait pour aller parler aux chefs présents sur le bateau. A vrai dire j’avais l’habitude du « contre coup » de mon pouvoir. Dans ces moments-là, je ne touchais rien, pas même un verre pour être certaine de ne rien voir et de ne pas avoir quelques regards braqués sur moi. Mais force était de m’avouer que savoir que cela ne serait pas possible m’arrangeait. Enormément. Mais pour combien de temps…

- J’avais pas forcément envie d’avoir de visions ce soir alors. Ça m’arrange. Mais vu que je sais pas combien de temps ça dure, je suppose que je risque quand même, hein ? Continuai-je en grimaçant légèrement.

Pas la peine de lui expliquer le pourquoi du comment de toutes les manières. Déjà parce que je n’allais certainement pas dire que j’étais mal à l’aise, ensuite parce que c’était ne pas assumer mon don alors que, jusque-là, c’était le cas et enfin parce que je n’en avais aucune envie, ce qui était, peut-être, la raison la plus valable, en fin de compte.
Je du sembler un peu surprise d’apprendre que la femme était celle précédemment croisée. Celle qui semblait avoir un petit air de mépris au visage sans que je puisse en déterminer la raison. Puis rapidement, cette moue de surprise se changea en légère gêne. Vu la tête qu’il avait tirée… J’avais peut-être fait une petite boulette.

- Oh euh. Désolée. Si je t’apprends qu’elle touche à ça. Enfin. T’as pas l’air d’être un accro des magazines à ragot pour le savoir. Enfin moi non plus mais vu qu’ils adorent ça chez moi… Je soupirai. Bref. Je suis sûre qu’elle va s’en sortir hein. Repris-je avec un sourire sincère au visage, histoire de « faire genre ».

Je pris pour autant en note chacune de ses réponses, dans un style bien à moi, d’abréviation et de petits dessins, mais cela me suffirait pour me relire et taper tout cela au propre dès le lendemain, lorsque ce serait encore frais dans ma tête.

- Pourquoi avoir décliné ? M’enquis-je, sincèrement surprise. Enfin… T’as l’air tellement passionné je comprends pas… Ça aurait pu être un moyen de te faire encore plus connaître, non ?

Reprenant en note tout cela, j’esquissai un léger sourire que j’espérai masqué par ma tête baissée vers mon calepin lorsqu’il admit à son tour apprécier discuter avec moi. Oh ce n’était pas parce que c’était lui que ça me faisait plaisir, mais il fallait avouer que ce genre de choses étaient toujours prompt à faire plaisir. Non ? C’est que je n’étais pas aussi « pire » que je le pensais, après tout. Je toussotai alors hochant la tête. Oui. Au boulot.
Sans aucune autre remarque j’en vins à la suivre de près, pour ne pas le perdre dans la foule d’invités. Au moins, lui, semblait tout à fait l’aise avec tout le monde. Tant mieux. Enfin pour lui. Moi je m’en moquais un peu. Et enfin. Ellen Horson. Les présentations faites, je lui offris un large sourire, le professionnel, quoiqu’il fût évident que la chef aimait mettre à l’aise et me semblait légèrement moins « impressionnante » que d’autres. Me raclant légèrement la gorge j’attrapai fermement mon calepin et mon stylo.

- Désolée de vous déranger. Soufflai-je. Je n’en aurais que pour quelques minutes tout au plus.

Et mon patron allait me le payer. Je détestais réellement faire ce genre de chose. Enfin… Cela dit… C’est moi qui avais accepté de venir, je ne pouvais en vouloir qu’à moi-même. Mais sûrement, pour quelqu’un qui m’avait vu dans mon état normal, cela devait-il être légèrement visible : j’étais tendue. Une tension qui se voulait masquée, oui, mais bien présente malgré tout.

- Il n’y a aucun problème ! S’amusa la jeune femme en nous souriant.
- Donc… Je travaille pour NO News et j’aurais seulement une question à vous poser. C'esr…
- Si je vais accepter le poste de New York je suppose ? La femme se mit à rire en se tournant vers mon accompagnateur. C’est fou ce que les journalistes sont prévisibles. Depuis le temps qu’on m’en parle.

Je grimaçai imperceptiblement, maudissant intérieurement mon patron pour ce genre de question et me maudissant pour avoir accepté. Vivement que je retrouve mes visions, en fin de compte, et mon emploi habituel.

- Le contrat ayant été signé hier, je peux enfin dire que oui, Miss Reed. J’ai accepté le poste. Et le restaurant ouvrira d’ailleurs ses portes à Manhattan dans trois mois !

J’esquissai un sourire de rigueur, marmonnant rapidement quelques félicitations en notant les quelques informations sur le papier.

- Avez-vous une carte de visite ? Je vous ferais parvenir le menu une fois ce dernier crée et affiché, si vous le désirez, dit-elle alors chaleureusement.

J’hochai la tête rapidement, attrapant l’une de mes cartes dans mon sac pour la lui tendre. Voilà une chose qui ferait plaisir à Monsieur le patron. Du moins j’espérais. Au pire, je n’avais aucun risque à accepter, de toutes les manières.

- Je vous enverrais donc ça sans faute, Miss Reed. Sur ce. Elle nous observa l’un et l’autre. Si vous n’avez plus de question… Je secouai négativement la tête. Profitez bien de la soirée. Samael. Ravie de te revoir accompagné, tu as l'air mieux comme ça ! Ajouta-t-elle dans un large sourire en direction de Zombiboy.

J’arquai un sourcil en observant, sans comprendre, l’un, puis l’autre alors qu’elle s’éloignait discuter avec je ne savais qui. Quelques instants de silence, et je plissai les yeux.

- Entre elle et Don Juan… J’ai l’impression qu’ils ont pas l’habitude de te voir avec quelqu’un. Je toussai, m’étouffant légèrement de mes mots. Enfin… Professionnellement hein, là, du coup. Mais en général je parle. T’es du genre solitaire ?

Je fronçai les sourcils, pestant contre moi-même, idiote que j’étais. Dans le « feu de l’action », j’en avais carrément oublié ce que je savais déjà pour l’avoir vu. Alana. Sa femme. Elle était morte. Ce qui pouvait expliquer leur réaction. Mais depuis combien de temps ?... Et puis… Je n’allais tout de même pas rattraper ce coup en lui parlant de son épouse. S’il voulait m’en parler, il en parlerait de lui-même et en attendant... J’esquissai un léger sourire désolée. Peut-être qu’il comprendrait que je comprenais, en fin de compte, peut être que ça le pousserait à parler ou pas d’ailleurs. Enfin… Je posai ma main sur son bras, serrant doucement mes doigts autour de celui-ci, comme pour m’excuser de mon impolitesse. Je savais, pour avoir vu un nombre de deuil incroyable, que ce n’était jamais plaisant d’en parler ou de s’en rappeler alors… Pour une fois, je pouvais essayer de faire preuve d’un peu de gentillesse et de compassion envers lui. N’est-ce pas ?

Son ton froid, pardon, glacial, eut au moins le mérite de me désarçonner quelques instants alors que je le regardais sans réellement comprendre ce changement d’attitude. Fronçant les sourcils, je me renfermai alors. Mieux valait ne pas chercher. Après tout, nous n’étions là que professionnellement, et j’avais failli l’oublier. Une légère moue au visage, je le suivis néanmoins à la recherche de la cheffe. Une cheffe difficile à trouver, certes, mais qui pointa, finalement le bout de son nez. Et une chance, elle répondit visiblement avec plaisir à ma seule et unique question. Après tout, je n’allais certainement pas plus la déranger ce soir alors… Peut-être était-ce pour cela qu’elle était de si bonne humeur. A moins qu’elle ne le soit aussi habituellement… Enfin. Bref. J’avais eu ma réponse et l’avais chaleureusement remercié alors qu’elle s’éloignait. A vrai dire, je n’avais pas réellement remarqué le raidissement de Samael, trop concentrée dans mon travail, et je pris cela pour un coup de fatigue lorsque je me retournai vers lui.
Et je merdais. Il n’y avait pas réellement d’autre mot pour décrire ce que je venais de faire. J’avais tout simplement fait la plus grosse bourde de la soirée. Et j’en étais réellement désolée. Enfin. Je ne pouvais pas réellement savoir ce qu’il ressentait à ce moment, je n’avais jamais connu ça, autrement que par les deuils des gens à qui je rendais visite. Et je savais que ces deuils n’étaient jamais de tout repos. Bien au contraire. Sûrement, d’ailleurs, avait-il mal pris ma remarque. D’ailleurs je pouvais le comprendre, mais ce que je pouvais dire pour rattraper le coup… Je me sentis soudainement bien mal à l’aise face à son silence. Silence qui ne dura pas, et je ne sus pas réellement si ce qui suivit fut mieux ou pas. Les yeux écarquillés de surprise, je sentis Zombiboy m’attraper et m’attirer à lui. Oh… Hum… Bien… Hésitante, je posai mes mains dans son dos, le tapotant légèrement. Mal à l’aise vous avez dit ? Bien pire que ça, et cela pour plusieurs raisons. D’abord parce que je ne m’y attendais pas, et Dieu seul savait que j’aimais me préparer à toute éventualité. Or, cette éventualité n’avait absolument jamais été abordée dans mon esprit. Ensuite, parce qu’outre le geste, c’était un geste venant du Zombiboy, le Chef Zombie de mes plus terribles cauchemars, et j’exagérais à peine, le voleur de pouvoir, quoique j’en sois bienheureuse à cet instant, le lanceur de pique et d’aiguilles. Un geste que je peinais à expliquer. Enfin. C’était… Bizarre. Et enfin parce que malgré tout, une partie de moi, une infime petite minuscule partie de moi, n’était pas si mal à l’aise que ça. Et cela… Me rendait encore plus mal à l’aise, paradoxalement. Le temps sembla alors passer tandis que je resserrais doucement mon – son – étreinte, ma main venant jusqu’à attraper doucement sa chemise pour la froisser entre mes doigts. Il avait besoin de cela, visiblement, et tout était certainement de ma faute alors… Je pouvais au moins faire cela, malaise ou non. Et puis, force m’était de constater que son parfum me plaisait. Pain d’épice. S’il n’y avait pas eu cette arrière odeur de cigarette, cela aurait même été parfait. Enfin. Non. Pas parfait. Ce n’était pas ce que je voulais dire. Mais… Enfin je me comprenais, c’était là le plus important. Mais enfin – ou déjà – il s’éloigna de moi. Aussi perplexe que gênée, je ne l’observai pas, fuyant son regard autant que possible et secouant la tête à ses mots.

- N… Non. C’est rien. Soufflai-je en fronçant les sourcils.

J’étais adulte. Il fallait que j’agisse en adulte. Et même si je n’avais aucunement l’habitude des embrassades de ce genre, que je n’appréciais que rarement que l’on me touche sans m’avoir expressément demandé l’autorisation et que je peinais d’autant plus lorsqu’on le faisait en public (d’ailleurs peut être aurais-je du rajouter tout cela dans l’explication de mon malaise…), je devais d’assumer ce qu’il s’était passé. Mais assumer quoi ? Au mieux, nous n’étions que deux amis. Au mieux… Ou au pire ? Je me mordis la lèvre. D’ennemis je venais soudainement de l’imaginer en tant que plus. Enfin qu’amis. Ou potes. Non. Même potes. C’était juste… Je secouai imperceptiblement la tête. Pas normal. Et il fallait surtout que j’arrête de penser à ça. Ça allait finir par me donner des sueurs froides. Les relations humaines, ça n’avait jamais été mon fort, et je le savais. Mais j’espérais, malgré tout, savoir reconnaître un ennemi d’un ami, même si cet ennemi n’avait pas vraiment un visage inamical, et encore moins depuis que nous avions pris la peine de parler ici.
Et ce visage… J’avais enfin levé les yeux vers lui pour m’apercevoir qu’il semblait tout autant que moi fuir le mien et pire… Je fronçai les sourcils. Cet air malheureux… Une idée. Vite. J’avais lu énormément de livres, j’avais vu beaucoup de films, j’allais forcément trouver une idée là-dedans. Après tout, si je savais bien une chose c’est que je n’étais pas au travail, actuellement, et que je n’avais donc pas à être aussi froide que d’habitude, d’autant qu’il avait réellement été gentil jusque-là. Et plus… je n’avais jamais réellement apprécié de voir les autres malheureux autour de moi. Si je savais rester particulièrement éloignée de cela pour le bien de mon travail – et de ma santé mentale – lors de mes rendez-vous, je n’étais pas réellement la meilleure pour ignorer le reste, les autres, ceux qui pouvaient m’être « proche ». Du moins autant que Zombiboy puisse l’être. Soit… Un non-ennemi ? Enfin. Doucement, me souvenant de ce que racontait les livres de psychologie qui racontait qu’un contact physique aidait souvent, j’attrapai la main du cuisinier. Peut être un peu brusquement mais je tentais de faire de mon mieux, il ne fallait pas trop m’en demander non plus. La serrant entre mes deux mains, je l’observai, l’air le plus serein possible, et mon Dieu que je n’étais pas sereine en cet instant.

- Tu sais. Soufflai-je. D’expérience je sais qu’en parler ça aide, et puis, c’est moi qui suis désolée. Je suis pas vraiment douée dans mes… Je fronçai les sourcils, j’allais lui révéler un de mes points faibles, quoiqu’il l’avait peut être déjà remarqué. Dans mes relations avec les autres. Je me rends pas forcément compte de ce que je dis et de l’impact sur les autres. Je secouai la tête. Je sais, tu t’en fous mais c’est juste pour t’expliquer que je suis désolée. Je voulais pas te rendre… Malheureux ? Déprimé ? Triste ? L’air encore plus au fond de gouffre qu’avec ta tête de zombie habituelle ? Comme ça.

J’hochai néanmoins la tête. Il ne fallait pas rester comme ça. S’il voulait en parler, je resterais là. Sinon, il avait raison, il fallait bouger, faire quelque chose, lui faire penser à autre chose. Et c’est sans lui relâcher la main, que j’observai autour de moi.

- Tu sais à quoi il ressemble, toi ?

Parce que s’il fallait demander aux autres invités… Nous n’allions réellement pas avoir fini. Autant chercher d’abord la française désagréable avant lui. Au moins, nous savions qui elle était… Même si la question était des plus dérangeante à mon sens.