La vampiresse secoua doucement la tête en souriant alors que le médecin lui avouait les limites de ses compétences. Elle ne se priva pas d’ajouter, mutine.
Il y a donc finalement un domaine de la médecine que vous ne sachiez maitriser ? J’en reste pantoise.
Une taquinerie parmi tant d’autres, mais qui passa rapidement à l’oublie pour la demoiselle, un sujet plus important ayant été amené au centre de l’attention. La santé de ce cher docteur ! A son assurance, la vampiresse lui adressa un regard parfaitement sceptique, à la limite du réprobateur. Un sourire en coin, elle répondit alors.
Victor, mon ami…. Me prendriez-vous pour une courge ? Il suffit de voir vos traits tirés et vos cernes pour entendre votre corps pousser le chant du cygne. Un oiseau m’a sifflé que votre sommeil avait poussé depuis longtemps son requiem…. Par ailleurs…. Il me semble bien peu probable qu’un homme de médecine aussi zélé et attentionné ne néglige pas sa propre santé au profit d’autrui.
Elle plissa les yeux, sondant son regard comme si elle l’analysait.
….. Non…. Résolument, cela ne sied pas avec votre profil. Je vous sens davantage homme à se tuer à la tâche, sacrifiant tout pour le soin et le bien-être de ses patients.
Et d’ailleurs la phrase qui suivit ne fit que confirmer les conclusions qu’elle avait pu tirer en observant le comportement qu’il avait eu avec elle. Elle ne répondit rien à sa réplique, mais son regard signifiait à lui seul un "vous voyez" qui n’aurait pas pu être plus éloquent. Mais l’expression n’était pas le fort de Victor, aussi bien à l’oral que dans le langage des fleurs. L’homme confirma les soupçons de la vampiresse, n’ayant absolument rien retenu de la symbolique florale. Elle réprima un petit rire, et pourtant…. Pourtant quelque part, tout au fond d’elle, cela la peinait un peu…. Une déception qui fut immédiatement reniée, et oubliée dans les tréfonds du déni. Mais il n’était plus question de se laisser aller à quelques pensées qui n’avaient pas lieu d’être ! Chacun partit accomplir sa tâche, les surnaturels se changer et les humains s’occuper du reste. Katyusha avait même eu le temps d’improviser la genèse d’un mauvais coup avant le retour de Victor !
Elle se tourna vers lui alors qu’elle l’entendit rentrer et se figea, surprise par son compliment. Elle observa sa robe verte fluide, curieuse de voir si elle méritait cet éloge. Elle était décontenancée mais son sacro-saint masque de bienséance ne laissa rien paraître. Elle n’eut guère le temps de répondre, à peine celui d’entrouvrir les lèvres pour le faire que Victor s’embrouilla. Des bafouilles qui commençaient à lui être typiques. Et qui contraint l’éternelle demoiselle à se pincer les lèvres pour ne pas rire de sa maladresse. Elle avait bien entendu remarquer sa joue qui rosissait mais…. Elle se surprit à trouver cette gêne charmante. Que lui prenait-il en ce moment ? Ravalant ses troubles, elle répliqua à Victor, qu’elle dévisageait à présent de la tête aux pieds.
Merci.... Vous êtes très élégants aussi…. J’imagine que Flavie s’est faite tout une joie de vous conseiller la tenue qui vous mettait de plus en valeur. Force est de constater qu’elle a réussi avec brio.
Elle espérait que ce retour de compliment l’aider à se détendre et à chasser son embarras. Elle afficha un sourire léger en fermant les yeux avant de répondre doucement.
L’occupante de ces quartiers ne l’est plus depuis bien longtemps Victor….
Elle rouvrit les yeux, la malice éclairant à présent son regard de cette lueur qu’il commençait à bien lui connaître à présent. Bêtise en approche….
Mais je vous l’accorde, c’est là le mausolée le plus cosy et décoré qu’il soit ! Et en un sens, n’est-ce pas le genre d’endroit qu’il convient de fleurir ?
L’auto-dérision avait toujours sa place, était aussi habile à trouver des calembours canins que des comparaisons morbides pour s’occuper de son propre cas. Elle l’invita à s’assoir.
Je ferais renvoyer vos effets chez vous, auriez-vous une adresse à me communiquer ?
Cela lui permettrait également de vérifier s’il résidait bien dans le manoir dont elle avait subtilisé les plans. Même si ce n’était pas son lieu de vie principal, l’endroit devait être suffisamment important pour qu’il en ait les plans. La curiosité était un vilain défaut qu’elle s’abstenait d’avoir en temps normal. Mais pour l’amour de la bravade, et surtout lorsqu’il s’agissait du lycan !
Rapidement, je me mis à rire de sa taquinerie, secouant joyeusement la tête de gauche à droite, le sourire fixé aux lèvres.
- Je ne suis malheureusement pas un génie, Miss. Dis-je amusé. Je ne peux décemment pas maîtriser tous les aspects de la médecine, ou il me faudrait plus de mille ans de vie pour cela ! Les choses évoluent si vite…
Mais déjà, un sujet plus sérieux et bien plus embêtant, à mon sens, arrivait sur le tapis. Le regard un peu plus grave quoique m’efforçant à garder un sourire aux lèvres, j’observai la vampire. Ma fatigue était-elle si visible que cela ? Oui, bien sûr, étais-je cerné, mais il était aussi vrai, comme elle pouvait le dire, que mes nuits n’étaient pas des plus reposantes. Bien au contraire. Peuplées de cauchemars et de réveils nocturnes plus difficiles et brusques les uns que les autres, mon sommeil était bien loin d’être serein. Gardant malgré tout mon air calme et apaisé, je secouai de nouveau la tête.
- Allons, ne vous souciez pas de ma santé, celle-ci est parfaite. Quant à mon sommeil, il me suffit, c’est bien là le plus important, ne trouvez-vous pas ?
Esquissant un sourire, j’avais l’air tout à fait convaincu de cela. Extérieurement, du moins. Car intérieurement… Je savais que cela était tout à fait faux. J’avais besoin de sommeil et de repos, chose que je me refusai entièrement. Que je me refusais et dont je ne pouvais jouir. Deux choses qui, sûrement, me tueraient avant même ma fin en tant que lycan.
Lorsque je revins, j’esquissai un sourire amusé à sa remarque. Flavie s’était effectivement donné une joie de me conseiller et m’habiller, chose dont je n’avais pas l’habitude, pour sûr.
- Je crois qu’elle était même ravie d’avoir une poupée à habiller. M’amusai-je en riant doucement. Mais je vous remercie pour votre compliment…
Prochaine bêtise, prochain rire. Sûrement avait-elle de la chance que je puisse si facilement rire de telle chose, beaucoup d’être avaient encore bien du mal avec la pensée de la mort pour en rire.
- Il est vrai, mais je dois avouer que je préfère un mausolée comme celui-ci, où ses occupants sont bien vivants, plutôt que froids et sans vie.
Les affaires… Les affaires. Ah bien sûr ! Les affaires mouillées. Esquissant un sourire, j’hochai la tête.
- Je vis avec ma meute, ce sera donc l’adresse de notre maison. C’est donc le Manoir Forestier, Parc national Jean Lafitte. Je sais, c’est une adresse spéciale mais nous habitons au centre même du Parc national. Une fleur que nous avait fait le gouvernement, en son temps, en échange d’accepter de nous occuper des louveteaux attrapés et seuls, sûrement.
Soupirant alors que je me rassis doucement sur le canapé, j’esquissai un léger sourire à la vampire. Etrangement, j’appréciai cette soirée comme j’avais, et depuis longtemps, apprécié une soirée. Katyusha était une hôte des plus agréables, une femme magnifique et une personne réellement intéressante. Une part de moi, d’ailleurs, que je tentais de raisonner, semblait vouloir revoir cette personne, dans d’autres circonstances qu’une blessure. Mais… Intérieurement, je me grondai. Non. Il s’agissait là d’une patience. Et mon code déontologique me l’interdisait formellement. D’ailleurs… Me relevant, je fis face à la jeune femme en secouant la tête. Il fallait que je cesse ces bêtises. Je ne devais pas voir mes patientes en dehors de leurs rendez-vous. Toussotant afin d’éclaircir ma voix, je m’inclinai alors respectueusement face à elle.
- Miss. Je m’excuse. Dis-je soudain. Je… Je dois y aller. Malheureusement… Le travail rattrape toujours.
Un mensonge, je l’admettais, mais ces pensées tendaient à me faire oublier ma place, chose que je ne devais pas laisser se produire. Mieux valait, ainsi, fuir plutôt que faire face à cela. En fuyant, rien de tout cela ne se serait produit. N’est-ce pas ?... J’oublierais ces pensées et reviendrais à ma vie d’avant, sans aucune soirée aussi agréable de ce genre. Toussant à nouveau, j’attrapai alors ma sacoche, puis la main de la vampire que je vins baisser particulièrement tendrement. Ce furent mes derniers gestes avant de partir, rapidement. Direction l’hôpital. Je n’y étais pas attendu, certes, mais cela m’éviterait bien de penser…
"Don't you dare ?!" "Of course I dare." [PV Victor]